
Brillamment préfacé par François Ramade, « L’homme, cet animal raté » raconte l’histoire d’un échec, le nôtre ; celui d’une espèce à l’intelligence incomparable dont pourtant le comportement collectif conduit à une catastrophe pour elle-même comme pour presque tout ce qui vit sur la planète.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pierre Jouventin rappelle et développe cette analyse d’Adriaan Kortland
« C’est la combinaison de caractères typiques des primates et de quelques caractères typiques des carnivores qui a donné un résultat sans autre exemple que l’homme »
Plus précisément, par la coopération, nous nous comportons comme un animal de meute, mais tandis que le loup appuie ce comportement sur l’inné, nous l’appuyons sur la culture et la réflexion. Cette attitude, combinée au caractère plus individualiste des primates a fait notre spécificité, notre force et notre malheur.
Notre force, parce qu’incontestablement, dans un premier temps, notre espèce est une réussite, non seulement par ses réalisations mais tout simplement par sa démographie. Aucune espèce de prédateur de cette taille n’a jamais été présente sur la planète à plus de quelques millions d’exemplaires (moins encore sans doute). Si nous sommes aujourd'hui mille fois plus nombreux, c’est parce que notre « intelligence » (P. Jouventin développe évidemment ce concept ainsi que celui de supériorité) nous a provisoirement permis d’exploiter l’environnement selon des modes très différents de ceux que pratiquent les autres animaux.
Notre malheur et celui des autres, parce que cette spécificité présente une limite que nous sommes en train d’atteindre, limite par épuisement des ressources - nous consommons le « capital » de la planète - limite par ignorance ou par viol des lois de l’écologie bâties sur l’équilibre des forces. Nous déséquilibrons le monde alors même qu’il est aussi notre support.
Avec raison, Pierre Jouventin insiste largement sur le facteur démographique. Il se désole que des mouvements, pourtant aussi prometteurs que la décroissance, laissent le plus souvent la question de côté. Il rappelle notamment cette phrase de Guy Jacques dans Osez la décroissance ; « La démographie constitue le point aveugle de la philosophie politique de la décroissance, évoquer seulement la question démographique c’est déjà vouloir exterminer les pauvres ». Puissent quelques écologistes s’inspirer de cette réflexion et s’engager peu à peu à briser le tabou.
Cet échec doit-il nous laisser penser que c’est par nature l’intelligence (au sens où nous la concevons pour l’homme) qui est condamnée partout dans l’Univers ? Que toute suprématie d’une espèce sur une autre rompt les équilibres qui permettent à la vie de perdurer et donc se condamne elle-même. Peut-être est-ce là la porte ouverte vers un pessimisme plus large encore.
Dans cette vidéo, Pierre Jouventin présente lui-même son ouvrage et le fil de son raisonnement.
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Pierre Jouventin ; L’homme cet animal raté, Histoire naturelle de notre espèce, préface de François Ramade, 2016, 21 €, Éditions Libre et solidaire, ISBN 9782372630238