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19 août 2022 5 19 /08 /août /2022 10:04

Un article de Martin Rott

Le 3ème groupe de travail du GIEC a publié le 4 avril 2022 sa contribution au sixième rapport de l’IPC/GIEC. Ce rapport, écrit en anglais et intitulé  « mitigation report  » (*), propose une recension de la littérature scientifique récente sur le changement climatique et sur les tendances actuelles en termes d’émissions de gaz à effet de serre ainsi que sur les efforts pour les réduire. Dans son  rapport de synthèse des 3 groupes de travail, le GIEC fait des préconisations pour baisser  la demande en énergie  dans  le cadre du concept de développement durable - comme un mantra à la mode, l’acronyme SDG’s (Sustainable Development Goals) revient d’innombrables fois -, mais il  écarte l’hypothèse d’une vraie décroissance, qui entraînerait une baisse du PIB par  habitant, baisse apparemment jugée non acceptable politiquement.

Le grand absent de ce rapport de « mitigation » - et du rapport de synthèse - est la démographie. Cela n’apparaît pas à première vue, puisque le 3ème groupe de travail du GIEC ne conteste pas que la taille de la population a un effet direct sur la quantité des émissions de GES. Comme  les précédents   rapports, il s’appuie sur l’équation de Kaya qui relie les émissions anthropiques de CO2 à des paramètres économiques et énergétiques, mais aussi démographiques. Dans le paragraphe 2-4 du « mitigation report » les auteurs énoncent, en gros caractères, comme résultat de leurs recherches pour la période 2010-2019 :

« Sur un plan global, le PIB par tête et la croissance de la population sont restés les plus forts accélérateurs de la combustion de pétrole. »

Malheureusement, le rapport s’arrête à ce constat. On cherche en vain des préconisations pour maîtriser la croissance de la population. Comme dans ses travaux précédents, le GIEC traite les données démographiques comme des données exogènes dans les 5 scenarii d’évolution socio-économiques qu’il examine. Il n’évalue pas les possibilités de réduction des émissions qui résulteraient d’une croissance démographique plus réduite conséquences de mesures comme le contrôle des naissances, la suppression des incitations à la procréation, ou l’amélioration des régimes de pension. Cette attitude restrictive du  GIEC tranche avec la sienne concernant les autres facteurs de l’équation de Kaya, à savoir l’énergie et la consommation, pour lesquelles le rapport fait au contraire des préconisations très détaillées pour réduire leur impact sur les émissions.

Mais ce présent rapport du 3ème groupe de travail  va plus loin, sur la démographique ne vire-t-il pas à l’autocensure pure et simple ?

En effet, à côté du Rapport Complet de plus de 2707 pages (RC) le 3ème groupe  a édité  un «Résumé Technique» de 172 pages (RT) et un «Résumé à l’intention des décideurs» (Summary for Policy Makers, SPM) de 72 pages. Ce dernier document est toujours validé point par point par les scientifiques, qui eux-mêmes sont nommés et révocables par les gouvernements membres du GIEC, ce qui ouvre la voie pour une influence politique.

La phrase sus-citée du rapport complet concernant la croissance démographique, et reprise dans le Résumé Technique (p. TS-12), ne se retrouve plus dans le « Résumé pour les Décideurs ». Il est improbable qu’elle ait été omise faute de place ou parce que jugé secondaire puisque toutes les autres constations phares du chapitre 2-4 du RC, celles écrites en gros caractères, ont été reprises textuellement dans le SPM, sauf une justement, celle concernant la démographie.

Cette omission du facteur démographique n’est pas surprenante puisqu’elle s’inscrit dans la tradition des pratiques qui ont marqué les rapports finaux des différentes COP où, à la demande de certains États pro-natalistes, toute référence à la démographie a été éliminée. Comme elle a été couverte de silence  dans le débat politique sur l’écologie, en France et ailleurs en Europe. C’est le tabou démographique qui, en fin de compte, rend bancale  toute politique climatique.

On en arrive au paradoxe qu’un résumé à l’intention des décideurs politiques a été censuré par les politiciens eux-mêmes. Ils  se confortent ainsi eux-mêmes dans leurs préjugés. Plus grave, par ce procédé les citoyens sont tenus dans l’ignorance puisque ce n’est pas le Rapport Complet de 2707 pages, mais le SPM  qui sera retenu par le grand public, plus précisément les compte- rendus que les journalistes en font. Les premiers commentaires dans les journaux et sur la toile le confirment. 

L’emphase avec laquelle le rapport du GIEC a été accueilli, entre autres par le président Macron, est factice. Comment peut-on clamer haut et fort  l’urgence climatique et louer la  qualité du travail du GIEC, blâmer les gouvernements pour leur inaction, et en même temps mettre sous le boisseau  une cause essentielle de la souffrance de notre planète, la surpopulation ? En dépit de toutes les négations, autolimitations et censures le jugement de David Attenbourough est, à la lumière du dernier état des lieux climatique  du GIEC plus vrai que jamais : « Tous les problèmes environnementaux deviennent plus faciles à résoudre avec moins de gens, et plus difficiles – et en fin compte impossibles – à résoudre avec davantage de gens ».

Martin Rott, délégué régional de Démographie Responsable pour l’Occitanie.

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Note : Un article du professeur Philipp Cafaro m’a mis sur la piste de cette esquive.

 (*) En anglais « mitigation » signifie, adoucissement, atténuation.

 

 

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