De nombreuses tribunes signées de mouvements écologistes et décroissants mettent en cause nos sociétés : leur soif inextinguible de biens inutiles, leur désir de « toujours plus », l’urbanisation tentaculaire et l’artificialisation totale du monde vers lesquelles elles nous font aveuglément courir.
Souvent ces tribunes sont agrémentées d’un dessin en deux parties.
L’une, généralement en noir et blanc et par temps maussade, représente ce monde honni avec ses HLM géants, ses hypermarchés, ses usines crachant leur poison et des autoroutes surchargées occupant ce qui reste du territoire, ne laissant plus la moindre place à la nature.
L’autre nous présente un paysage bucolique, coloré de vert où paissent quelques animaux heureux. Une ou deux petites masures, entourées de jardins en lisière de forêt, marquent une présence humaine modeste et respectueuse, en harmonie avec le monde. Le message est évident.
On remarquera que le second monde est cent fois moins peuplé que le premier comme si la claire conscience du poids du nombre avait guidé la main du dessinateur. Mais la tribune elle-même n’y fait généralement pas allusion, se contentant de ressasser à longueur de lignes les dégâts du consumérisme.
Il y a là chez les décroissants une étrange dissociation : la partie inconsciente du cerveau qui guide la main se trouve censurée par la partie consciente qui refuse d’exprimer par les mots la même pensée.