Omniprésente dans les médias, l’écologie se veut aujourd’hui à la pointe de la modernité. Tout ce qui n’est pas vert n’est pas moderne et notre époque est à deux doigts de donner des leçons aux périodes passées.
Est-ce bien justifié ? En quoi d’ailleurs consiste exactement une attitude écologiquement correcte ?
A manger bio ? Mais c’est ce qu’a fait l’humanité jusqu’aux années 1950. Ce n’était peut-être pas toujours et partout d’excellente qualité, mais c’était incontestablement bio, d’origine locale, sans presque d’engrais chimique ni de préparation industrielle. Précisément ce que nous recommandent aujourd’hui les écologistes ! En un mot : mangner bio c’est manger comme on mangeait avant que l’on ne parle d’écologie !
A limiter l’usage de la voiture ? Mais ce fut par la force des choses le sort des hommes tout au long de leur histoire. Hélas, même depuis l’invention de l’automobile et son installation dans la vie quotidienne, nous ne cessons de parcourir de plus en plus de kilomètres (1). Etre éco-responsable consiste-il alors à transporter par train toutes les marchandises qui irriguent notre société de consommation ? Hélas encore, le fret ferroviaire ne cesse de s’effondrer (2). Soyons écolos : revenons 50 ans en arrière !
Etre écologiquement responsable c’est utiliser préférentiellement les énergies renouvelables : le vent, le bois, la force des rivières ? Mais c’est exactement ce que nous avons fait tout au long de l’histoire jusqu’à l’époque industrielle. Au 18ème siècle, tous les navires étaient à voile. Mieux encore, par leur composition même ils étaient écolos : bois, cordes et toiles était entièrement biodégradables. Oui, trois cent ans plus tôt notre comportement maritime était écologiquement irréprochable. Nous étions même en plein développement durable puisque Colbert fit planter les célèbres chênes de la forêt de Tronçais afin d’assurer l’avenir de la construction navale. Quel décideur politique se préoccupe-t-il aujourd’hui d’investissements, verts de surcroit, à plus d’un siècle d’échéance ? Bref il ne manquait à nos ancêtres que les mots pour entrer dans la modernité. Remplaçons « bateaux à voile » par « navire à énergie éolienne et « moulins à vent par éoliennes électro-génératrice » et le compte y est ! L’humanité était moderne et écolo sans le savoir tout comme M. Jourdain faisait de la prose. Quant à Eole, il ignorait ce que la modernité emprunterait à son patronyme.
Les exemples pourraient être multipliés : le transport aérien généralisé, et les déplacements permanents, l’omniprésence des plastiques, des emballages et des produits chimiques… sur tous ces sujets nous étions plus « éco-responsables » dans les temps passés. Ajoutons bien entendu le volet démographique. Cent ans plus tôt la Terre portait quatre fois moins d’habitants et la pression sur le milieu n’en était évidemment que beaucoup plus légère.
Il ne s’agit pas là d’être passéiste, mais la question ne relève pas d’un simple problème de vocabulaire. Elle ne constitue pas non plus la moquerie facile d’un snobisme par trop évident. Le fond est plus important.
Il faut cesser de croire que la solution passe par un accroissement permanent de nos moyens. En reconnaissant que les solutions de demain passent, partiellement et sur un certain nombre de points, par un retour à des comportements anciens, nous assumons ce renoncement à une croyance naïve en la toute-puissance de la croissance et de la technologie. Probablement irions-nous par-là vers un peu plus de sagesse…et d’efficacité.
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(1) En France et en 1970 les véhicules particuliers parcouraient environ 140 milliards de kilomètres, en 2010, cette même catégorie de véhicules a parcouru 440 milliards de kilomètres soit 3,4 fois plus pour une population qui a augmenté d’environ 30 % Source INRETS (voir le graphique noté figure 1 de cet article).
Pour être tout à fait honnête précisons toutefois que cette évolution vers toujours plus de voyages pourrait s’infléchir, voir cet article récemment paru sur le site Terra eco.
(2) Ne soyons toutefois pas trop sévères sur ce plan. beaucoup des critiques que font les écologistes au peu d’attrait que les industriels trouvent au transport par voie ferrée tient à la sous-estimation des coût liées aux ruptures de charges : les voies ferrées ne vont ni dans la plupart des usines ni dans les magasins. Le système implique toujours un transport final routier et de coûteuses opérations de transbordement. Dans un processus multimodal, les ruptures de charges sont coûteuses en terme de travail.