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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 09:04

Un mal étrange semble frapper la plupart des écologistes et des gens de tous bords politiques par ailleurs tout à fait conscients des enjeux de la lutte pour la planète.

Il a la forme d’un déni de la réalité. Réalité pourtant vieille comme l’humanité et transparente à tout individu ayant dépassé les enthousiasmes de l’adolescence. Je viens d’en trouver une nouvelle illustration  dans une interview d’Isabelle Autissier, présidente du WWF.

Cette femme remarquable par son parcours et ses engagements, tient pourtant un discours sidérant de naïveté : quand on la questionne sur les solutions à trouver à ce qu’elle qualifie d'état d’urgence de la terre, elle entonne, elle aussi, l’« air du partage ».

Partager son bateau entre plaisanciers, sa machine à laver entre locataires d’un même immeuble, son taille-haies entre habitants d’une même rue…

Partager est une solution récurrente et comme magique dans le discours de ceux qui, refusant d’être affolés par le défi de nourrir toujours plus d’humains, dépensent des trésors d’imagination pour établir  des listes de solutions. Bien sûr, ces solutions sont toutes intéressantes. Il est vrai qu’il faudra améliorer les cultures par l’agroécologie, privilégier la production et la consommation locales, réduire le gaspillage, réduire la consommation de viande, la consommation tout court, dessaler l’eau des océans, cultiver des légumes sur les toits de la ville. Partager nos ressources entre nous, partager mieux surtout entre Nord et Sud.

Partager ? C’est une forme idéale du rapport à l’autre basée sur la réciprocité et l’altruisme. C’est aussi une valeur chrétienne qui a imprégné notre culture. Saint Basile au IVème siècle disait «  Si chacun ne prenait que selon ses besoins, laissant le reste aux autres, il n’y aurait ni riches ni pauvres » Voilà une parole de saint qui fut vite oubliée !

Depuis Platon et sa République, depuis  les premières communautés « communistes » chrétiennes en passant par les saint -simoniens , les fouriéristes et leurs phalanstères, jusqu’à la catastrophe des régimes marxistes, sans parler des désillusions des communautés soixante-huitardes et du non-avènement de l’an 01 de Gébé, on sait que le penchant naturel de l’homme n’est pas l’altruisme et qu’on ne conduit pas une société par une utopie.

Comment se fait-il donc que des gens intelligents, de bonne volonté soient à ce point aveuglés pour parler de partage à l’échelle de la planète. Ce qui est possible au niveau d’un petit groupe de personnes soutenant les mêmes valeurs n’est évidemment pas transposable à l’humanité entière ! d’autant que les années qui viennent s’annoncent très difficiles écologiquement, économiquement, socialement. Les possédants protégeront  âprement leurs biens, et les pauvres seront encore plus pauvres surtout au Sud !

Lire l’histoire humaine et vivre tout simplement nous apprend que l’homme ne partage pas, c’est tout ! 

Dans la proposition «  Partager pour nourrir 9 milliards d’humains » on voit bien le désir coûte que coûte de se cramponner au 1er terme pour surtout ne pas voir le 2ème : « 9 milliards » qui brûle les yeux. Effet toujours étonnant du tabou sur la démographie !

Comme si la croissance infinie de l’humanité, ou plutôt la sacralité de la liberté de se reproduire, était une donnée aussi inéluctable que la rotation de la Terre sur elle-même.

Puisque nous en sommes à partager entre défenseurs de la biodiversité, va-t-on accepter de partager notre territoire avec les autres espèces ? Un décret récent nous donne la réponse : autorisation est donnée d’abattre annuellement 24 loups sur les 250 féroces canidés qui menacent nos 65 millions de concitoyens et leur bétail. Quand il y aura 73 millions de français en 2050, combien restera-t-il de loups ?

Mais que tout cela ne nous empêche pas d’imaginer un monde sur lequel la grâce est tombée et qui partage équitablement entre Nord et Sud, entre riches et pauvres. Cela permettra -t-il une vie décente à tous les humains dans un monde dont la richesse, la beauté, l’espace et la biodiversité seront préservés ?

Nourrir, loger, vêtir, soigner, transporter etc…même vertueusement du point de vue écologique, 9 milliards d’humains aboutit aux mêmes résultats catastrophiques que faire la même chose dans la plus parfaite inconscience des années d’après-guerre, avec 3 milliards de nos congénères. On ne peut rien contre les contraintes physiques du monde et le caractère exponentiel de ce qui a été mis en œuvre .    

L’utopie du partage vient masquer l’urgence d’une décroissance démographique choisie avant la décroissance subie ou imposée par des catastrophes humanitaires ou des régimes autoritaires qui balaieront les bons sentiments et ceux qui les prônent.

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commentaires

M
C'est drôle de vous lire faire une telle attaque en règle contre le partage qui serait inatteignable alors que vous prônez une réduction de la population...<br /> <br /> La paille, la poutre, vous connaissez sûrement l'histoire.
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A
<br /> <br /> Je n'attaque pas le partage mais l'angélisme qui consite à penser que l'espèce humaine serait dotée au niveau mondial de cette belle qualité. Ce que nous<br /> souhaiterions tous bien sûr, mais ce que l'histoire des hommes dément. C'est pourquoi à mon avis, nous ne pouvons pas faire dépendre  notre avenir de nos fragiles capacités à<br /> l'altruisme."<br /> <br /> <br /> <br />
R
Félicitations pour cet article , je suis d'accord en tous points. Il est de plus en plus insupportable d'entendre le disours angélique des médias au sujet du taux de fécondité français de 2 enfants<br /> par femme. Même si celui-ci n'est pas si élevé puisque < au taux de renouvellement de la population ( il faut en effet soustraire la mortalité des individus jusqu'à l'âge de procréation ) , il<br /> n'en demeure pas moins qu'il n'est pas une fin en soi, surtout dans le contexte toujours plus important de vampirisation des espaces naturels , entre autres exemples ...
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D
<br /> <br /> Merci de vos encouragement, je suis heureux de voir partager ces points de vue. Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
C
je tiens à vous féliciter pour le travail formidable que vous effectuer à travers ce blog.
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D
<br /> <br /> Merci pour vos encouragements. Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Vue le dernier score de l'écologie au dernière présidentiel, y'a comme un hic dans l'analyse de cette personne ! Concernant la régulation de l'espèce humaine, l'égoïsme, l'individualisme, la<br /> cupidité, la résignation, l'indifférence, lobbys, politiciens véreux y travaille sans relâche ! Le chacun pour soi fera des ravages ! Et le pire, les 1% de l'oligarchie en sortiront toujours<br /> vainqueur grâce à la division des 99% de la masse populaire !!! http://lejournaldusiecle.com/2013/03/26/lutilisation-massive-de-pesticides-met-lhumanite-en-danger-selon-le-cancerologue-d-belpomme/
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T
Vous avez raison Berlherm, concevoir n'est pas vraiment un acte altruiste ( c'est d'ailleurs aussi bien pour les enfants!).C'est aussi le désir égoïste de se perpétuer, mais nous sommes aussi des<br /> mammifères...Tout ça est très complexe pour tous et chacun mais ce qu'on peut remettre en cause,il me semble, c'est moins le fait de faire un enfant que d'en faire plus que la terre n'en peut<br /> supporter tout en refusant d'envisager l'avenir.<br /> France, je suis d'accord avec vous: pour y voir clair, cultivons notre jardin et observons nos poules!
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F
L'homme n'est pas le seul à avoir des difficultés à partager : j'ai eu des poules dans mon jardin : lorsque je leur donnais en quantité limitée une chose qu'elles aiment particulièrement (le riz ou<br /> des déchets de viande) elles se précipitaient pour en engouffrer le plus vite possible, pour en avoir plus que les autres. Lorsque c'était une chose moins chère et plus abondante (le maïs), alors<br /> elles picoraient plus calmement, et partaient une fois rassasiées.<br /> Regardez les prédateurs (lions, loups etc. ) : les individus dominants se servent en premier et ne laissent la place aux autres qu'une fois rassasiés, car ils ne peuvent pas faire de stocks. Dans<br /> la nature, sauf relation mère-enfant, le partage n'est jamais de l'altruisme, mais résulte de l'impossibilité de stocker et conserver.<br /> Nous avons acquis, par des moyens artificiels, voire virtuels, la capacité de stocker des quantités énormes, mais nous avons gardé notre instinct de nous servir les premiers ! Il faut en tenir<br /> compte ... L'exemple de mes poules montre que la certitude de pouvoir être rassasié facilite le partage, et que la pénurie génère la peur de manquer et rend le partage plus difficile. Quand nous<br /> étions très peu nombreux dans une nature généreuse et immense, dangereuse aussi, la solidarité et le partage s'imposaient d'eux-mêmes comme une condition de survie du groupe. C'est de moins en<br /> moins le cas : si je partage avec les pauvres africains qui ont une natalité explosive, j'aggrave les problèmes de la surpopulation, et je sais que je rends la vie de leurs futurs enfants plus<br /> difficile, et celle de mes propres enfants aussi ! C'est terrible d'avoir à penser comme ça, si loin des bons sentiments ! Mais l'équation des bons sentiments n'a pas de solution dans un monde<br /> surpeuplé !
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M
plus nous sommes nombreux, plus le partage devient utopique, or, ce matin j'ai appris que la France était le pays le plus prolifique de l'Union Européenne, les autres pays qui subissent la crise,<br /> au contraire de nous , ont diminué leur taux de naissance, sommes-nous plus inconscients que les autres ou profitons-nous d'aides familiales plus importantes qui augmentent notre déficit ?
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D
<br /> <br /> La politique nataliste française n'est pas sans raison, elle a vraiment des effets. Beaucoup la jugent favorable, trop peu de voix selon moi en dénoncent les effets<br /> néfastes. Encore une fois nous sommes sur un monde de surface finie, nous devons absolument nous préoccuper de la maîtrise de nos effectifs.<br /> <br /> <br /> <br />
B
J'ai posté ceci sur Francetvinfo pour répondre à une jeune mère journaliste (Emma), cela pourrait vous intéresser Anne-Marie:<br /> <br /> "Êtes-vous une bonne mère Emma? Une bonne mère est celle qui se soucie de son enfant avant de le concevoir. La Terre est le berceau de l'humanité. Avez-vous nettoyé le berceau avant d'y installer,<br /> sans raison autre que votre propre envie de pouponner, un être humain supplémentaire? Non le berceau Terre n'est pas propre, il est même de plus en plus dégueulasse. Avant de concevoir votre enfant<br /> vous êtes-vous assuré qu'il serait exempt de tares physiques ou mentales? Non, c'est impossible, la vie est une loterie, tout le monde sait cela... Vous avez donc joué à la loterie sur le dos de<br /> votre propre enfant, celui que vous prétendez aimer! Cela parait plutôt animal qu'humain. Vous sentez-vous humaine, pleinement consciente de ce que vous faites? Êtes-vous une femme sensible?<br /> Avez-vous eu la moindre empathie pour cet être que vous prétendez avoir créé? Tous ces risques inutiles sur le dos d'une autre personne... N'est-ce pas puni par la loi, de mettre en danger la vie<br /> d'autrui? Votre enfant n'est pas un double de vous-mêmes, pas plus que vous êtes un double de votre mère et de votre père. Alors? Vous n'êtes pas la pire. Sur notre bonne vieille planète, il y en a<br /> qui conçoivent sous les bombes. Il y en a qui conçoivent difformes, malades, sans honte de transmettre ce cadeau pourri à leur progéniture. Bah! c'est la vie! Perpétuons sans conscience, les<br /> gouvernements pensent pour nous..."
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M
je suis complètement d'accord avec la publication et avec Rémi, cette utopie complètement irréalisable de nos jours à une échelle mondiale vient polluer la crise que nous subissons actuellement et<br /> qui est la surpopulation, la surconsommation .......
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M
Ce qui est terrible dans cette histoire, c'est que cette idéologie bien-pensante empêche de se concentrer sur les vrais problèmes, dont la démographie citée à juste titre.
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D
<br /> <br /> Oui, c'est exactement cela.<br /> <br /> <br /> <br />

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