Politique familiale - Fiscalité - Quotient familial - Opposition Droite/Gauche - Accord sur l’enjeu démographique - Volonté de puissance - Adéquation territoire/population - Espace vital - Economie durable - De la place pour tous - Optimum démographique - Décroissance nécessaire ?
Un débat vif vient de s’ouvrir sur le quotient familial. Gauche contre Droite (1). Avec une gauche qui veut le remettre en question et limiter son impact sur les revenus des personnes aisés pour mieux aider les familles pauvres, et une droite qui se veut fidèle à l’esprit du Conseil National de la Résistance en voulant éviter que l’enfant ne soit source d’une baisse de niveau de vie pour sa famille. Mais la vivacité de ce débat ne peut masquer la profonde convergence qui anime ces deux familles dominantes de la vie politique française. Droite comme Gauche font leur une vision positive de la croissance démographique pour notre pays. Il y a là, dans cette sensible attention portée à l’augmentation du nombre de citoyens, sinon une volonté impérialiste ou guerrière qui s’est pourtant clairement affichée à plusieurs reprises de notre Histoire, au moins une volonté de puissance : qui en Europe aura la plus grosse population ? La France et ses dirigeants politiques ne se sont pas réellement remis de la perte de la prééminence démographique qui fut la nôtre jusqu’au XIXème siècle …
Et la volonté de puissance n’est pas la seule raison. Nos hommes politiques, de gauche comme de droite, défendent la poursuite du développement économique tel que nous le connaissons depuis la Libération et en appellent clairement à une relance de la croissance pour résoudre les problèmes auxquels le pays et les français sont confrontés. Dans ce cadre, plus de bébés c’est plus de consommation, plus de travailleurs ensuite, plus de moyens pour payer les retraites, plus de richesses pour tous. Comment alors ne pas être nataliste, comment ne pas défendre des mécanismes d’ingénierie sociale pour encourager les familles à avoir des enfants ?
Mais qui ne voit l’extrême simplisme de ce raisonnement qui constitue le fondement de leur politique en ce domaine ? C’est ici que la géographie, ou parlons moderne, l’écologie, s’invite au débat. Car un pays c’est d’abord une population et un territoire, une population qui vit sur un territoire, l’exploite et l’aménage. Et qui ne peut vivre bien, pour elle-même comme pour ses voisins, que si ce territoire et ses ressources lui permettent d’habiter sans s’entasser et de produire les biens nécessaires sans détruire le biotope qui la fait vivre (2). Il y a donc une limite au nombre d’hommes que notre territoire peut supporter, une limite d’autant plus forte que nous souhaitons vivre dans des conditions matérielles bien plus confortables que nos arrières grands-parents. Une limite à respecter si nous ne voulons pas devoir vivre aux dépens d’autres pays, si nous nous interdisons tout comportement économique semblable à l’exploitation coloniale et que nous préconisons des échanges équitables.
Une population française de 65 millions d’habitants en 2012.
Au moment où la France atteint le seuil de 65 millions d’habitants, il est peut-être nécessaire, avant de décider de continuer à encourager sans retenue les naissances au prix d’une redistribution coûteuse en période de crise économique, que ce soit avec un quotient familial maintenu, rénové ou annulé (3), de s’interroger sur la capacité de notre territoire à accueillir toujours plus d’hommes et de femmes.
Quand l’écologie s’invite au débat, la question des limites est posée. Il est vrai que nous n’en avons pas l’habitude, et que ceci remet en cause la dynamique qui caractérise la façon dont nous avons de nous gérer. Car penser que nous avons besoin d’être toujours plus nombreux pour assurer l’équilibre économique et social de notre société, c’est nous inscrire dans une logique de fuite en avant qui ne peut que se révéler insoutenable à terme. Il est alors tentant de ratiociner sur le terme à venir et croire qu’il est loin. Mais est-il si loin (4) si nous voulons instaurer une économie durable dans le cadre de nos connaissances scientifiques et techniques actuelles ? L’agriculture soucieuse de la terre, l’élevage respectueux des animaux, l’agrochimie, les hectares nécessaires à la production de biomasse, les zones sanctuarisées pour laisser vivre la vie sauvage, les terrains dédiés à la captation des énergies renouvelables, la place de nos villes, de nos routes et de nos usines, les zones de loisirs, tout ceci prend de l’espace. Sans compter qu’il serait raisonnable de prévoir l’accueil trop prévisible de réfugiés climatiques dans ce siècle.
Il est plus que temps de s’interroger sur l’adéquation entre notre nombre, la façon dont nous voulons vivre et le territoire que nous avons à disposition. Quitte à déterminer que le moment où la population ne pourra plus croître est pour bientôt. Quitte, même, à s’apercevoir que nous sommes peut-être déjà trop nombreux en France et qu’une décroissance démographique est à envisager d’urgence. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, cet adage tant prisé des banquiers réalistes vaut aussi pour nous, et peut-être dans notre enthousiasme très prométhéen avons-nous même un peu dépassé le ciel.
Il ne faudrait pas alors, dans cette campagne présidentielle où la voix de l’écologie politique est si absente, que le débat de détail sur le quotient familial masque la nécessaire interrogation sur notre démographie et son adéquation à nous permettre de vivre de façon durable sur le territoire que l’histoire nous a imparti. Et donc sur l’intérêt que la collectivité pourrait trouver à maintenir une politique nataliste. En matière de démographie, oublier l’enjeu écologique, ça peut signer la mort d’un pays.
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1. Deux articles significatifs. Celui de Natacha Polony Quotient familial : oublier l’enjeu démographique, c’est signer la mort d’un pays, in son blog/Le Figaro 10.01.2012 ; et Politique familiale : le double jeu dangereux de la droite, in LeMonde.fr, 19.01.2012, par Dominique Gillot, ancienne secrétaire d’Etat chargée de la santé et de l’action sociale.
2. Sur ce thème du ‘vivre bien’ relié à la question démographique, voir Les babas béats de Taddéï, in Le Sauvage, 02.11.2011 par Alain Hervé.
3. Il serait juste de rappeler que la politique fiscale basée sur le quotient familial n’est qu’un élément parmi d’autre de la politique nataliste de la France. C’est en fait toute la puissance publique, de l’Etat aux communes, qui aide les familles nombreuses : allocations familiales, crèches subventionnées, cantines scolaires facturées à prix d’ami, gratuité de l’école, mise à disposition d’équipements sportifs non-facturée au juste coût, tarifs spéciaux divers (SNCF), retraite majorée pour les mères ayant plusieurs enfants, etc.
4. Soyons franc, il n’y a pas aujourd’hui d’étude sérieuse qui mesurerait la capacité de notre territoire à accueillir 65 millions d’homme de façon durable, et cette absence est ô combien significative. Tout juste y a-t-il quelques études sur notre capacité à produire l’alimentation pour x millions d’habitants, et encore ! Il y a donc urgence à réfléchir à la question et à évaluer combien de millions d’hommes le territoire de la France peut abriter, nourrir, loger, habiller, soigner, transporter, distraire, le tout de façon confortable et pérenne, et dans une logique de commerce équitable avec le reste du monde. En tout état de cause, et dans le doute, un principe de précaution devrait s’appliquer : si ne nous sommes pas certains de pouvoir vivre aussi nombreux que nous le sommes sans dégrader notre biotope, alors il nous faut envisager de diminuer notre nombre. Pour raisonner en juriste, nous pourrions dire que la charge de la preuve, la viabilité à vivre à 65 millions d’habitants en France, à environ 120 personnes au km2, incombe aux natalistes.
Title : The false quarrel of the family quotient
Family Policy – Tax system – Family Quotient - Right / Left Opposition - Agreement on the demographic issue - Will to Power - Territory / Population Adequacy - Living Space - Sustainable Economy - Space for all - Optimum Population – Decrease needed ?