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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 07:44

 

Après la session de Paris, l'IFP Energies Nouvelles (*) organisait le jeudi 2 février 2012  la session lyonnaise de son colloque PANORAMA 2012. Le thème en était : Mer et énergies : Quelle place pour les ressources marines dans le mix énergétique ?

Quatre intervenants se sont partagé la tribune.

M. Olivier Appert : IFP Energies Nouvelles

M. Michel Ollier : Pôle Mer Provence Alpes Côte d’Azur

M. Alain Marion : Technip

M. Philippe Gilson : Alstom

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Marché de l’énergie 2012 : Risques de tension persistants        

Comme à l’accoutumée la réunion s’est ouverte sur un survol général de la situation énergétique mondiale dressé par M. Olivier Appert, président d'IFP Energies Nouvelles.

M. Appert considère que l’année 2011 a connu un véritable choc pétrolier rampant, le troisième de l’Histoire. Choc caractérisé, non par une pointe brutale mais par une évolution forte et continue vers la hausse des prix. En 2010 le prix moyen du baril de pétrole était de 60 $, en 2011, il s’est établit en moyenne à 80 $ soit 20 $  (33 %) de plus en une année. Notons d’ailleurs que cette évolution se poursuit en 2012 avec un prix moyen de 90 $. Les prix sont désormais supérieurs à ceux de l’année 2008 en monnaie courante et même à ceux de 1980 (second choc pétrolier)  en monnaie constante. Sur les marchés spot, les prix ont atteint en moyenne 111 $ / baril pour le Brent et 95 $/ baril pour le WTI).

Plusieurs facteurs se sont conjugués pour favoriser cette évolution : Parmi eux, l’accident nucléaire de Fukushima qui a augmenté la demande en énergie fossile et les inquiétudes autour de la situation géopolitique au Moyen Orient (notamment en Iran).

Il est important de souligner que cette hausse du pétrole est d’autant plus fortement ressentie en Europe que dans la même période l’Euro a perdu de sa valeur face au dollar.

M. Appert envisage une poursuite du mouvement favorisé par le maintien d’une demande d’énergie croissante de la part des pays dits émergents, même si des découvertes importantes et des perspectives intéressantes, notamment dans l’offshore profond viennent plus moins tempérer le phénomène. Selon le scénario moyen présenté par l’IFPEN, les prix du pétrole (cours moyens, pas spot) devraient fluctuer en 2012 entre 100 et 120 $ le baril.

M. Appert estime également que nous devons nous attendre à  une baisse des capacités de raffinage américaines et européennes sous la triple pression de la baisse de la demande de carburant dans ces pays, de l’inadaptation de la production aux types de carburants demandés  (pas assez de gaz oil) et de la concurrence de nouveaux pays désormais capables de raffiner eux-mêmes et qui investissent en ce sens.

 

Pour le gaz  nous devrions faire face à deux tendances antagoniques :

- Une tendance haussière du fait de l’augmentation de la demande mondiale de gaz (Fukushima est un des éléments qui participe à cette propension)

- Une tendance à la baisse des prix du fait de l’arrivée des shales gaz qui commencent à représenter des quantités significatives et offrent de larges perspectives.  

Globalement toutefois la tendance haussière devrait l’emporter et nous aurons du mal à contenir la hausse des tarifs surtout en Europe. Les prix pour les industriels sont déjà plus élevés en Europe qu’aux Etats-Unis et cette tendance devrait en effet  se poursuivre, les USA étant en pointe sur ces gaz dits non conventionnels. La production des Etats-Unis en ce domaine devrait être multipliée par plus de deux d’ici 2030 passant de 150 à plus de 360 milliards de mètres cubes.   La Chine devrait également connaitre une forte augmentation de sa production.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, M. Appert souligne que les investissements, sans atteindre encore ceux du monde pétrolier commencent à être très significatifs. On a investi 210 milliards en 2011 (+ 32 % par rapport à l’année précédente)  dans le renouvelable (dont une large partie toutefois sera subventionnée) contre 600 milliards de dollars pour l’énergie pétrolière.  

M. Appert rappelle enfin que l’IFPEN participe activement aux recherches sur les modes de stockage du CO2 ainsi que sur les biocarburants qui devraient représenter 20 à 25 % du mix énergétique des années 2050. Cette évolution allant de pair avec la généralisation d’un mode de traction hybride électrique.

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Energie Marines renouvelables – Gestion de l’espace marin.

Par M. Michel  Ollier,  chef de projet Energies Marines du Pôle Mer Provence-Alpes-Côte d'Azur .  

M. Ollier estime que Globalement le potentiel énergétique que l’humanité pourrait tirer de la mer serait de 3 600 Térawattheures par an en 2030 dont 600 TWh  pour la France. Il rappelle ensuite la grande variété des dispositifs permettant d’extraire de l’énergie des océans.

 

- L’éolien offshore.

- L’hydrolien (extraction de l’énergie des courants marins qu’ils relèvent des grands courants océaniques ou des courants de marées).

- Les mécanismes houlomoteurs par lesquels on transforme en électricité l’énergie des vagues (les mouvements des vagues servent généralement à compresser de l’air dont la détente est utilisée pour produire de l’électricité).

- Les dispositifs visant à tirer parti des différences de salinité (par utilisation du mécanisme d’osmose).

- Les dispositifs extrayant l’énergie des différences de températures.

 

Derrière cette variété se cache des ordres de grandeurs et des potentialités très différents. Aujourd’hui l’éolien offshore est ultra dominant, l’hydrolien est débutant (exception faite de la fameuse centrale marémotrice de la Rance qui ne semble pas pouvoir faire école pour des raisons d’opposition écologique). Alstom a toutefois dans ce domaine quelques projets en cours même si l’on peut, pour l’instant encore, les qualifier de « niches énergétiques »

Les mécanismes houlomoteurs en sont également à leurs débuts. Quelques exemples nous seront présentés par les intervenants, il s’agit là aussi de niches encore infinitésimale en terme de marché.

Les deux autres principes sont encore plus minoritaires et ne sont quasiment qu’au stade des recherches. Ils ne semblent pas pouvoir présenter demain des solutions alternatives significatives. La différence de salinité dégage très peu d'énergie  et la différence de température n’est intéressante que dans de rares régions du globe;  car  il faut pouvoir mettre en relation des couches d’eau présentant une différence de température d'au moins 20 C°, c'est à dire mettre en contact les couches profondes avec de l'eau de surface là où elle est particulièrement chaude.

M. Ollier  a également évoqué une difficulté inhérente à tous ces projets et qui se trouve liée à la nécessité de réunir et de mettre d'accord tous les travailleurs ou utilisateurs de la mer. Marins, pêcheurs, plaisanciers, et maintenant producteurs d'énergie doivent se partager un même domaine et trouver des solutions de compromis, ce n'est pas toujours le moindre des problèmes.

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Les nouvelles frontières de l’offshore,

Présenté par Alain Marion, Senior Vice-président Subsea Assets & Technologies, Technip

 M. Marion nous propose un survol des progrès réalisé en exploitation pétrolière et offshore et rappelle combien ces progrès ont été rapides. Il y a 50 ans encore, exploiter des réserves pétrolières sous quelques dizaines de mètres était un exploit. Aujourd’hui on exploite des gisements sous 3 000 mètres et des recherches se font pour analyser des gisements à plus de 5 000 mètres en zones pré-salifère notamment  (sous 2 500 m d’eau + 2 500 m de couches de sel) et bientôt peut-être, sous 7 000 mètres.

En la matière, une bonne partie des réserves mondiales se situe dans une sorte de « triangle d’or » dans l’Atlantique dont les trois pointes seraient le Golfe du Mexique au Nord, les côtes brésilienne plus au Sud et à l’extrême Est, les côtes africaines.

Au large du Brésil, les réserves sont évaluées à 100 milliards de barils ce qui est loin d’être négligeable (A titre de comparaison, l’ensemble des réserves estimées pour l’Arabie Saoudite est de 260 milliards de barils). Globalement M. Marion considère que l’offshore profond (parfois même dit ultra-profond, au-delà de 5 000 m) offre d’énormes potentialités pour l’avenir. Ces potentialités sont-elles susceptibles de modifier significativement la date du pic pétrolier ou prolongeront-elles sensiblement une éventuelle phase de plateau de production ? Le débat n’a pas vraiment eu lieu au cours de cette intervention.  

M. Marion a également présenté quelques-uns des très impressionnants outils des l’industries pétrolières et gazières modernes (spécialité de Tecnip) que ce soit les barges d’exploitation  ou les bateaux et les appareils de forages pour l’exploration. Ces outils sont en taille tout à fait comparables et même supérieurs aux plus grands navires, l’un des bateaux, le  FLNG de Shell pour le gaz naturel, fait 488 m  de long ! Les coûts sont à l’avenant.  

Il est intéressant aussi de noter cette remarque faite au cours des discussions ayant suivi cette intervention. Un participant a expliqué que les énergies renouvelables n’avaient pas toujours les avantages qu’une vision simpliste des choses voudrait leur accorder. Ainsi selon cette personne (manifestement approuvée par l’ensemble des spécialistes ici présents), le Danemark champion du monde de l’éolien est pour la production d’électricité le pays qui émet le plus de CO2 (pour une quantité d’électricité donnée). Le caractère intermittent de l’éolien impose en effet de prévoir des moyens alternatifs de production qui reposent essentiellement sur les énergies fossiles. Les bonnes intentions ne sont pas toujours récompensées !

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Les enjeux des énergies marines renouvelables

Présenté par Philippe Gilson, Directeur des énergies marines, Alstom

Après une présentation des activités d’Alstom dans le domaine de l’énergie et en particulier dans les énergies renouvelables, M. Gilson, comme M. Ollier rappelle la grande variété des sources d’énergie que nous pourrions trouver dans la mer. Pour lui aussi l’éolien offshore est le secteur le plus important dans un avenir proche.

M. Gilson  a présenté avec quelques détails l’éolienne géante Haliade 150 (le rotor a un diamètre de 150 mètres !) d'une puissance 6 MW. Cette éolienne est dite à « alternateur direct », le mouvement des pales est transmis à l’alternateur sans passage par une boîte de vitesse. Cette simplification mécanique augmente la fiabilité de l’ensemble.

Concernant les différentes machines « houlomotrices », M Gilson tient à souligner que les concepts foisonnent, même s'il y existe encore peu de réalisations concrètes. Il rappelle que la houle arrivant souvent en retard par rapport aux pointes de vent, l’existence sur un même lieu des deux sources d’énergies, pourrait permettre d’envisager un certain « lissage de la production ». Ce lissage est intéressant puisque le caractère erratique  et intermitent de ces deux sources constitue l’un de leurs principaux handicaps. Il subsiste toutefois une difficulté:  Pour l’instant, l’éolien est beaucoup plus développé que le  « houlomoteur ».  

L’intervention de M. Gilson a aussi donné lieu à quelques remarques sur le concept d’externalités négatives, bien connu de tous les théoriciens de l’écologie. A l’inverse il a été évoqué un avantage non négligeable des champs d’éoliennes offshore et que l’on pourrait qualifier d’externalité positive : autour d'un tel champ, la circulation maritime étant empêchée, la pêche est généralement impossible. Il en résulte que ces zones deviennent de riches réserves de biodiversité.

Enfin pour l'ensemble des énergies renouvelables (et cela ne concerne donc pas seulement celles qui proviennent de la mer), tous les intervenants ont fait part de l’extraordinaire « puissance de frappe » de la Chine qui a, par exemple, cassé les prix et fait main basse sur la production de panneaux photovoltaïques. S’il en était de même pour l’éolien, l’industrie européenne pourrait connaître bien des diffucultés malgré la  forte croissance du marché.

Accord également des intervenants sur le très (trop) bas prix des droits d’émission de la tonne de CO2. Nous en sommes à quelques euros alors que des prix de 32 euros avaient été envisagés pour 2010 par la commission dirigée par Michel Rocard qui avait été chargé de réfléchir à la taxe carbone . Une telle évolution si elle s'explique dans un contexte de crise économique est néanmoins surprenante quand on analyse la progression permante du taux de CO2 dans l'atmosphère. (voir, sur ce site,  les chiffres clefs du CO2). Elle  ne consitue évidemment pas une incitation en faveur des économies d’énergies fossiles. 

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(*) Parfois nommé  IFPEN, il s'agit de l'ex Institut Français du Pétrole.

Cette année le colloque se tenait dans la salle du conseil du Grand Lyon, l’animation était assurée par M. Francis Papillon. Les notes de synthèses des interventions de ce colloque sont disponibles ici. Vous trouverez aussi d'autres documents sur le lien suivant. Les précédents compte rendus des colloques "Panorama" de l'IFP réalisés par Economie Durable sont  disponibles pour les années 2011, 2010 et 2008

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recherche hs 2012 l'energie de demain Sur ces sujets, signalons également la publication d’un numéro hors série des « Dossier de La Recherche »  intitulé « Les énergies de demain » : Dossier La Recherche, HS n° 47, février 2012.  Ce numéro fait notamment le point sur les réserves de pétrole et sur le problème  très importante du stockage de l’électricité. La question du futur de l'énergie nucléaire est par contre assez peu développée.

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