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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 08:40

Inefficience des pouvoirs – Crise économique – Concurrence des BRIC - Chômage des jeunes – Inflation – Révolte – Pouvoir de l’armée - Révolution du Jasmin – Révolution égyptienne – Rente pétrolière - Crise alimentaire - Surpopulation – Crise écologique - Temps des troubles

 

Des sociétés voisines craquent. Toutes connaissent un pouvoir politique fort, et qui a été longtemps en capacité de "tenir" chacun des pays malgré et à travers moult vicissitudes. Sans tenter d’imaginer ce qui va advenir et surtout sans préjuger de la capacité de ces états à traverser la crise présente, il est important de regarder la nature de cette crise.

En apparence, celle-ci est d’abord perçue comme la résultante d’un exercice du pouvoir peu efficient, infoutu d’opérer une distribution correcte des richesses et d’assurer des perspectives à ses jeunes ; c’est ce que disent les manifestants qui dénoncent la corruption endémique au profit d’une minorité de privilégiés. Certains analystes vont plus loin en repérant l’inadéquation entre une population de jeunes mieux formée issue de l’université, et une économie basée sur une production low cost qui n’a que faire de ces jeunes gens … qui restent inemployés avec une rage d’autant plus grande qu’ils ont cru à la logique de progrès qui présidait à leurs études. Ajoutez à la corruption, à une société marquée par des inégalités croissantes et au chômage des jeunes, une flambée des prix alimentaires … et vous avez des crises sociales et politiques majeures.

Bien sûr on ne peut que penser que des pouvoirs plus souples, mieux organisés, plus habiles à entendre les doléances de leur population, plus capables de redistribuer équitablement la rente pétrolière quand elle existe, et surtout meilleurs stratèges dans le positionnement de leur pays dans le nouveau cadre de l’économie mondialisée, n’auraient pas eu à faire face à une telle situation et seront les bienvenus. C’est d’ailleurs sans doute cette politique-là qui sera suivie après le temps des troubles.

Tunisie, Egypte, Algérie, ce "T.E.A. Movement " sonne comme un printemps en hiver et fait vibrer les démocrates qui gardent en tête les belles images fondatrices des rébellions occidentales, de 1848 à celles plus récentes qui ont vu les pouvoirs soviétiques s’effondrer. Comme une promesse d’un monde meilleur. Mais demain sera-t-il meilleur ?

Ce serait oublier quelques faits, têtus comme toujours.

Et surtout le fait que ces pays ont connu en un demi-siècle un quasi-triplement de leur population. Quel pays peut digérer une telle croissance démographique sans rencontrer d’immenses difficultés ? Comment ajuster les structures scolaires et régler la question de l’habitat ? Comment trouver du travail à chacun ? Imaginons une France passée en 50 ans de 40 à 120 millions d’habitants, avec 75% de jeunes de moins de 30 ans : où en serions-nous ?

C’est bien là toute la difficulté rencontrée par les pouvoirs aujourd’hui honnis, et qui sera à résoudre demain.

Bien sûr ces pays bénéficient de rentes pétrolières ou touristiques, et ces ressources permettent une certaine redistribution. Mais c’est une évidence qu’il faut rappeler, plus il y a de monde et plus la fraction qui peut être allouée à chacun est faible. Or ces pays sont très loin d’être autosuffisants en matière alimentaire, et leur capacité à sensiblement améliorer la production agricole est très mesurée au vu de leur géographie : ils sont donc en première ligne face à l’augmentation des prix mondiaux de la nourriture qui ne devrait aller qu’en s’accélérant, pris en tenaille entre une demande croissante (1) et une production affectée par les troubles climatiques croissants et les effets négatifs de la Révolution Verte (2).

Bien sûr, ces pays disposent d’une population jeune et nombreuse, et cela pourrait être un atout. Mais pour que cela en devienne un dans les faits, il convient que ces jeunes puissent s’insérer dans l’économie mondiale en travaillant dans leur pays. Or à quoi assiste-on depuis quelques années, si ce n’est à l’effondrement des entreprises, notamment dans le textile, durement concurrencées par les pays du bloc BRIC (3) ? Nécessité faisant loi, on peut toutefois imaginer une meilleure intégration dans le nouvel ordre économique mondial, mais de là à pouvoir créer des emplois pour des dizaines de millions de jeunes (4) dans un marché saturé …

En fait ces pays sont dans une impasse, avec une population dont ils ne savent que faire et qu’ils n’arrivent à nourrir que de plus en plus chichement en dépendant d’importations grandissantes. Sans compter que la rente pétrolière dont certains bénéficient ne sera pas éternelle. Alors, si un pays c’est d’abord une population sur un territoire, force est de constater que trois là vivent aujourd’hui au-dessus de leurs moyens, en rupture écologique avec ce que peut leur fournir durablement le territoire qu’ils occupent.

Tout se passe comme si ces pays, dans la foulée des indépendances et l’émergence revendiquée du tiers-monde, avaient oublié leur condition de pays abritant une population peu nombreuse vivant sobrement dans des territoires en bonne partie peu favorables à l’homme, avec d’importants déserts et semi-déserts. Comme si ces pays, qui ont recouvré leur pouvoir sur eux-mêmes dans le moment historique où l’humanité toute entière s’est mise à croire follement en une croissance matérielle infinie et à la domination absolue de l’homme sur la nature, avaient plus que d’autres cru à ses chimères. Ils ont cru que chacun dans ce nouveau monde trouverait sa place et qu’il n’était alors plus nécessaire de s’ajuster aux ressources de la petite ferme ou de l’atelier dont chaque homme avait la charge. Ils ont cru que l’on pouvait s’affranchir de ces contraintes, que l’on pouvait arrêter de penser petit, prudent, modeste (5).

Ces pays et leurs populations payent cash et les premiers une erreur que nous avons tous faite à des degrés divers. Et ils seront sans doute rejoints par d’autres pays, eux-mêmes marqués par une population en croissance forte sur un territoire inapproprié à leur fournir les ressources nécessaires.

Derrière le Printemps des peuples, le début des crises.

___________________________________________________________________

(1) Demande croissante portée à la fois par la croissance démographique mondiale (9 milliards en 2050) et par les changements de consommation alimentaire dus notamment à l’élévation du niveau de vie dans les pays à économie dite émergeante (par ex. plus de viande elle-même plus consommatrice de ressources).

(2) La Révolution Verte, cette révolution agricole basée notamment sur la sélection des semences, la mécanisation et l’utilisation d’intrants chimiques, a contribué à une augmentation rapide des rendements mais aussi à une fragilisation des milieux écologiques qui commence à se traduire maintenant par des baisses de rendements allant parfois jusqu’à une stérilisation des terres agricoles.

(3) BRIC est un acronyme qui désigne le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine

(4) Sur ce thème, voir l’article de Gilles Bridier :" Pour la jeunesse algérienne, le pétrole est un mirage " source : Api.doc,

(5) Le barrage d’Assouan dont les effets négatifs sur l’écologie de la vallée du Nil n’ont pas fini de se faire sentir est un bel exemple de cette immodestie.

Sur ce thème de la crise égyptienne et ses liens avec la démographie, voir également les deux articles suivants:

Egypte et démographie : Quand le nombre fait le vent de la révolte.

La crise égyptienne : Une crise malthusienne ?

 

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commentaires

A
<br /> On pouvait s'nterroger sur le silence des européens suite aux événements d'afrique du nord ... PARFAITE LOGIQUE.Les dictateurs étaient en place grâce au soutien de l'europe, et pas pour<br /> rien.Moubarak, avec un capital de 70 milliards, sans parler du bouffon tunisien.Des sommes colossales étaient reversées par ces dictateurs sur des comptes de certaines sommités d'europe...Fini la<br /> bonne soupe.<br /> <br /> <br />
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  • : Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal. Contact : economiedurable@laposte.net
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