Quand se produit une catastrophe il va de soi que la compassion envers les victimes et l'aide qu'on peut leur apporter doivent être en première ligne.
Mais quand il s'agit d'envisager l'avenir après ce drame, alors il serait criminel de ne pas réfléchir à l'enchaînement des causes qui ont conduit à de tels bilans et à de telles souffrances.
Le lendemain du tremblement de Terre, nous pouvions entendre sur une grande radio française, qu’à Haïti, les conditions naturelles étaient un véritable enfer ! S’agit-il bien de cela ?
Non, du strict point de vue de la nature, c’est au contraire un paradis. Températures clémentes (quand l'Europe grelotte tous les hivers), terres fertiles, paysages superbes ! D’ailleurs la République Dominicaine qui occupe la partie Est de la même île est une destination touristique prisée des européens qui y trouvent la douceur climatique dont ils rêvent.
Haïti, Terre de malchance ? Voyons donc quelles sont ces fameuses malédictions " naturelles " qui semblent poursuivre ce pays.
Les coulées de boue régulières ?
Si les pluies, parfois brutales, sont évidemment en cause, leurs conséquences sont le seul fait de la déforestation. Haïti a tout simplement rasé presque tous ses arbres. Les collines autrefois verdoyantes sont désormais chauves et désolées. Les forêts ne représentent plus qu’ un pour cent du territoire ! Plus aucun couvert végétal ne vient retenir les sols, ouvrant la voie à une érosion dévastatrice.
La faute à la nature ? Non ! Il faut respecter cette règle simple : ne pas prélever plus que ce que la nature renouvelle ; il se trouve que c’est impossible au-delà d’une certaine densité. A Haïti, c’est la pression démographique qui a conduit à un tel acharnement et à un déboisement général.
Les cyclones ?
Oui, c'est très dur un cyclone et les hommes ne sont pas responsables des vents. Mais on peut en bonne partie se prémunir de ses conséquences grâce à un habitat adapté. Maisons basses et solides aux fondations enterrées, maisons bien sûr qui ne seraient pas construites en immédiat bord de mer. Rien de bien difficile à cela, sauf… Sauf si l'île est surpeuplée et que le choix ne se présente pas.
Aujourd’hui les alertes météo nous permettent de prévoir les cyclones à temps. Une fois les habitants à l’abri dans des logements adéquats, le déchaînement des vents ne devrait pas faire de nombreuses victimes. Faut-il encore que les conditions démographiques et économiques le permettent.
Le tremblement de Terre ?
La Terre n’a pas tremblé par la faute des hommes, certes ! Cependant chacun sait que les caractéristiques urbaines influent grandement sur la gravité des dégâts et sur le nombre de victimes.
On met d’ailleurs en cause les promoteurs " criminels " qui avaient construit sur ou à proximité d'une faille à fort risque sismique. Sans doute ont-il commis une faute, mais comment pouvait-on faire autrement dans une île surpeuplée ?
Là aussi, des conséquences des tremblements de Terre, on peut se prémunir : Pas d’habitats hyper-denses, pas d'immeubles hauts, mais des maisons basses et solides en évitant la proximité immédiate de l’océan afin de limiter les effets d’un éventuel tsunami. Finalement, on se protège de façon très proche des cyclones et des séismes.
Quel est l’obstacle à ces mesures ? Encore une fois la surpopulation (*) qui ne permet pas de construire là où l'on veut et qui par la pauvreté qu'elle génère et entretient empêche de bâtir dans les conditions qu’imposent la géographie du pays et la sécurité des habitants.
Aujourd’hui nos pensées vont aux victimes, mais il est important que demain soient pris en compte les facteurs qui ont transformé cette catastrophe naturelle en drame humain.
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(*) La densité démographique d’Haïti est d’environ 335 habitants au kilomètre carré soit trois fois la densité française. La population croît de 1,8 % par an ce qui conduit à un doublement en un peu moins de 40 ans.
La pauvreté qui ne permet pas de construire un habitat conforme aux exigences est également en cause. Mais la surpopulation hélas participe à cette pauvreté, elle en est à la fois cause et conséquence.
Pour ceux que l’histoire d’Haïti passionne nous ne pouvons que conseiller la lecture du livre de Jared Diamond : Effondrement : l’auteur y détaille la mauvaise gestion écologique de l’île et y fait une comparaison instructive avec la partie Est occupée par la République Dominicaine où la nature a été beaucoup mieux préservée.
Le point évoqué est traité dans le chapitre 15 : Une île, deux peuples, deux histoires… p 395 à 413 de la version française.
Effondrement est une traduction de l’édition américaine : Collapse how societies chose to fail or succeed, Viking Penguin, 2005.