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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 17:04

La France ainsi qu’une vaste partie de l’Europe viennent de connaître une canicule intense et précoce. Dans le sud-ouest de notre pays de nombreux records de températures ont été battus.

La réalité du réchauffement climatique comme son origine anthropique ne peuvent plus être niées. L’excellente corrélation entre la hausse des températures et les émissions de gaz à effet de serre ainsi que la très bonne connaissance des interactions entre ces mêmes gaz et le rayonnement infrarouge reflété par la surface de la planète ne laissent aucun doute: le climat se réchauffe rapidement et c’est de notre fait ! Les conséquences en termes d’aridité et de hausse du niveau marin mettant en péril de vastes zones côtières fortement urbanisées sont également bien documentées.

La responsabilité en incombe pour l’essentiel à une forte consommation énergétique dans les pays les plus riches ainsi qu’à celle des classes les plus aisées de toutes les nations du monde. De ce constat, d’aucuns déduisent que seul doit être mis en cause le niveau de vie des plus favorisés (comprenant de facto la quasi-totalité des habitants des pays développés) et que le nombre des hommes ne constitue qu’un facteur négligeable. C’est ainsi que raisonne par exemple le GIEC qui consacre très peu de ses travaux à la démographie et ne propose pas de mesures en la matière, nos effectifs étant considérés comme une donnée exogène sur laquelle on ne saurait agir.

Séduisant, le raisonnement est hélas doublement fallacieux.

- Il néglige le fait que si les plus pauvres polluent moins, c’est justement du fait de la pauvreté. Veut-on maintenir à un faible niveau de vie la grande majorité de la population mondiale ou veut-on aller vers une plus juste répartition des richesses ?

- Il fait bon marché de l’évolution comparée des émissions de CO2 et de la démographie. Ainsi par exemple entre 1960 et 2016 les émissions de CO2 ont été multipliées par 3,8 (passant de 9,4 à 36,2 milliards de tonnes ). Dans le même temps, la population a été multipliée par 2,5 passant de 3,0 à 7,4 milliards. Les émissions globales étant le produit des émissions individuelles par le nombre d’individus, on voit que les émissions par personne ont été multipliées par 1,5 (rapport  3,8/2,5). Le facteur « évolution de la population » (2,5) a donc été plus déterminant que le facteur « évolution du niveau de vie » (1,5) !  Aujourd’hui d’ailleurs les émissions mondiales de CO2 tendent à se stabiliser tandis que la croissance démographique est toujours de l’ordre de 1 % par an.

La reconnaissance de l’impact de la démographie dans l’évolution du réchauffement climatique devient donc urgente, le Giec mais aussi tous les mouvements écologistes doivent s’emparer du sujet. Cela est d’autant plus nécessaire qu’au-delà du climat, la croissance de nos effectifs a des conséquences négatives en de nombreux autres domaines, la biodiversité en premier lieu mais aussi la pollution, les paysages et de manière générale, l’empreinte sur la biosphère.

 

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20 janvier 2022 4 20 /01 /janvier /2022 15:04

Depuis quelques mois fleurissent dans la presse nombre d’articles retournant l’inquiétude démographique et nous mettant en garde contre un risque de dépopulation massive menaçant nos sociétés et même, à terme, l’existence de notre espèce (1).

Étrange inquiétude quand l’humanité vient encore, en 2021, de gagner plus de 80 millions de représentants, quand le seuil des 8 milliards devrait être franchi au début de l’an prochain, quand la population a été multipliée par 5 depuis 1900 et quand nous constatons que la Terre a gagné plus d’habitants au cours des seules 50 dernières années qu’au cours des 50 000 précédentes !

Plusieurs facteurs expliquent ce retournement médiatique.

Nous vivons depuis 50 ans dans un contexte de baisse du taux de croissance démographique et du taux de fécondité : 2,1 % de croissance annuelle au cours de la décennie 1960-1970, environ la moitié aujourd’hui, 5 enfants par femme en 1950 au niveau mondial, la moitié aussi, ou même un peu moins désormais. La poursuite anticipée (mais non certaine) de cette tendance fournit le cadre général de ces inquiétudes. Notons toutefois que si ces taux diminuent, comme ils s’appliquent à des populations beaucoup plus importantes, nos effectifs augmentent plus en nombre en 2022 que dans les années 1960 et que les naissances sont plus nombreuses.

Trois éléments conjoncturels renforcent ce sentiment de possible décrue démographique.

- D’une part, la publication récente de quelques études (celle de l’IHME est la plus connue) qui, si elles reprennent à peu près les mêmes anticipations que l’Onu et l’Ined pour 2050, envisagent une stabilisation plus rapide ensuite avec un pic à 9,7 milliards en 2064 suivi d’une redescente dans la seconde partie du siècle pour atteindre un peu moins de 8,8 milliards en 2100, échéance pour laquelle l’Onu prévoit 10,9 milliards d’habitants dans le cadre de son estimation moyenne. Curieusement cette projection de l'IHME correspond à peu près à la projection basse de l'ONU (voir ici l’infographie de l’IHME).

- D’autre part, l’épidémie de covid qui a légèrement augmenté la mortalité et surtout, semble avoir affecté à la baisse la fécondité dans les pays développés.

- Enfin, nous portons un regard prioritaire sur les pays les plus riches où la fécondité est généralement désormais inférieure au seuil de renouvellement, promesse à terme d’une certaine stabilisation démographique, voire d’une décrue si le processus se poursuivait (phénomènes migratoires mis à part). Ce regard n’est évidemment que très partiel, d’autres parties du monde, certains pays d’Asie et l’Afrique en premier lieu, sont toujours en pleine explosion, la baisse de la fécondité tardant à suivre l’écroulement de la mortalité infantile.

La convergence de ces facteurs conduit de nombreux éditorialistes à titrer sur ce retournement de perspective et à surfer sur des inquiétudes inverses : Qu’allons-nous devenir ?  Qui va payer les retraites ?  Quid d’une Terre dépeuplée ?

Ces analyses font bon marché d’éléments contraires qu’ils passent largement sous silence.

- Comme toutes les projections, celles qui envisagent une baisse de la population s’appuient sur des hypothèses plus ou moins arbitraires : ici une baisse continue de la fécondité dans la poursuite de la tendance connue ces dernières décennies. Or, rien n’est acquis en la matière. Plusieurs nations, les pays de l’Est européen, le Maghreb par exemple ont, au contraire, connu des hausses récentes de leur fécondité, montrant que la tendance n’était ni forcément durable, ni générale.

- L’épidémie de covid est évidemment trop récente pour que l’on puisse en tirer des conclusions solides en matière d’impact démographique. Rien n’indique que la baisse récente de fécondité qu’on lui attribue se prolonge. De plus, elle semble ne pas (ou peu) avoir affecté les pays où justement on a déjà le plus d’enfants par femme.  En ce sens le covid pourrait accentuer l’écart déjà important entre nations selon leur niveau de développement (voir cet article ).

- L’inquiétude sur l’équilibre des comptes publics et sociaux (les retraites notamment) est surfaite. Une population en croissance n’assure pas un meilleur équilibre : Les jeunes sont dans un premier temps des charges, et le restent d’ailleurs longtemps dans un contexte de chômage endémique comme c’est le cas dans de nombreux pays.  Surtout, ils sont aussi les personnes âgées de demain. Compter sur une forte natalité pour résoudre ce problème revient à entrer dans un mécanisme de pyramide de Ponzi.

- Enfin, il est très étonnant de voir des experts s’inquiéter d’une baisse de la population dans certains pays. Oui, il est fort possible que le Japon ou la Corée du Sud voient leur population diminuer, mais est-ce un mal ? Dans une nation comme le Japon, la densité de peuplement est de 330 habitants par kilomètre carré et une véritable conurbation recouvre l’essentiel de la partie non montagneuse de l’archipel, réduisant à rien le monde sauvage. Est-ce aussi un mal au niveau mondial, alors que nous connaissons un véritable effondrement de la biodiversité, au point que le concept de sixième extinction fait presque l’unanimité et que cette extinction est pour l’essentiel le fruit de l’extension continue de la présence humaine et donc de notre nombre ? Rappelons que presque toute l’histoire de l’humanité s’est déroulée dans un monde où le nombre d’habitants était de l’ordre du millième de ce qu’il est aujourd’hui et que ce nombre a assuré la durabilité de notre espèce puisqu’il lui permettait d’avoir un impact plus limité sur les écosystèmes, laissant de vastes zones à la nature.

Cette perspective d’une éventuelle stabilisation, puis peut-être d’une décrue, devrait être perçue non comme une menace, mais comme une des très rares raisons d’espérer. Souhaitons qu’elle se réalise.

(1) Ici sur Novethic, un article parmi beaucoup d’autres, mais presque tous les grands journaux ont repris les mêmes analyses.

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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 07:04

 Estimation de la population mondiale au 1er janvier 2022

Selon différents compteurs, en millions d'habitants et en début d'année

Sources                                          2021              2022            Progression

                                                                                                                    en nombre           en %

 

Countrymeters                                7851              7 948          +   96  soit  + 1,2 %

Earth Clock                                     7844            7 934          +   90  soit  + 1,3 %  

INED                                               7 835           7 916          +   81  soit  + 1,0 %

Overpopulation awareness             7 755           7 830          +   75  soit  + 1,0 %      

PopulationCity.world                         7 807           7 890          +   82   soit  + 1,1 %  

Population.io                                   7 798           7 876          +   78   soit  + 1,0 %      

Population mondiale.com               7 778           7 863          +   85   soit  + 1,1 %

Terriens.com                                   7 768           7 842          +   74   soit  + 1,0 %

US Census Bureau                         7 733           7 869          +  136  soit  + 1,8 %

Worldometers                                 7 836           7 917           +    81  soit  + 1,0 %

 

 

________________________________________________________________________________

Moyenne :                                      7 800            7 889        +  89    soit   + 1,1 % 

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A en croire les principaux compteurs disponibles sur internet, les effectifs de la population mondiale atteindraient en ce 1er janvier 2022 près de 7,9 milliards et il y aurait sur Terre 88 millions de personnes de plus qu’il y a un an, soit une augmentation légèrement supérieure à 1 %. Précisons toutefois que cette estimation est entachée d'une forte et récente réévaluation du compteur de l'US Census bureau, sans cette réévaluation, la moyenne de la croissance serait plutôt d'environ 83 millions (*).

Mais au-delà de ces estimations, ce qui marque l’année sur le plan démographique est évidemment l’impact potentiel de l’épidémie de covid.

Pour la première fois depuis le début des années 2000, l'ONU et l'INED n'ont pas publié les statistiques et projections qu'elles éditaient régulièrement tous les deux ans à la fin du printemps et au début de l'automne. La pandémie perturbe les travaux statistiques dans de nombreux pays mais aussi le choix des hypothèses de fécondité qui sont à la base des projections. Il est particulièrement difficile aujourd'hui d'anticiper les conséquences démographiques de cette maladie.

Le Covid est doublement impliqué dans la démographie.

Il l’est en tant que conséquence de la surpopulation, mais il l’est aussi en tant que facteur puisqu’il impacte la mortalité comme la fécondité. 

Sur le covid comme conséquence de la surpopulation voyez notamment la vidéo proposée par Denis Garnier, président de l’association Démographie Responsable. Il semble probable que l’empiétement croissant sur la nature du fait de notre nombre et donc le contact forcé avec des espèces animales éventuellement porteuses de germes pathogènes favorise les pandémies. Il en est sans doute plus encore de la promiscuité qu’impose l’actuelle densité de population. D’ailleurs, nombre de mesures de protection anti covid visent à limiter les regroupements, c’est hélas de plus en plus difficile dans un monde de 8 milliards de personnes où se multiplient les mégapoles.

Sur le covid en tant que déterminant démographique, il faut distinguer les effets sur la mortalité de ceux affectant la natalité.

Bien que l’on dispose d’une estimation du nombre de décès liés au covid dans le monde, - ils seraient entre 5 et 6 millions aujourd’hui - ses conséquences sur la mortalité ne sont pas évidentes. La maladie est-elle réellement la cause (ou la cause principale) de tous les décès qui lui sont attribués ? On sait en effet qu’elle touche majoritairement des personnes par ailleurs fragilisées, soit par l’âge, soit par d’autres pathologies. A l’inverse, a-t-elle tué des gens sans qu'on lui rattache leur décès ? L’impact du covid sur la mortalité ne saura être valablement estimé qu’après quelques années, quand pourra être mise en évidence une inflexion notable (ou pas) et durable (ou pas) des courbes de mortalité.

Deux éléments permettent toutefois de limiter la portée de cet « effet mortalité ».

Tout d'abord, la maladie, dans ses formes graves, touchant prioritairement des personnes âgées, retire moins « d’années-hommes » à la planète qu’une affection touchant  toutes les générations. En second lieu, l’âge des victimes fait que celles-ci n'auraient de toute façons plus eu d'enfants, donc, à terme, l’impact de la mortalité liée au covid sur le volume de la population est négligeable (dans l’état actuel de la maladie en tout cas). Cette pandémie diffère en cela de celle de la grippe espagnole qui frappa le monde à l’issue de la première guerre mondiale (même si l’impact de la grippe espagnole sur la natalité fut également limité du fait qu’elle affectait majoritairement les hommes).  Le covid n’a évidemment rien à voir non plus avec la peste noire de la fin des années 1340 du fait de la différence de létalité entre les deux maladies. En France, l’augmentation du nombre des décès en 2020 par rapport à 2019 serait d’environ 9%. C’est loin d’être négligeable même s’il faut défalquer de cette estimation l’augmentation mécanique de la mortalité liée au vieillissement de la population. Là aussi, tout dépendra de la durabilité du phénomène.

Concernant la fécondité, il est d’usage de considérer que les périodes difficiles, guerres et épidémies en particulier, angoissent la population qui tend alors à repousser les naissances. Le covid ayant été médiatisé début 2020, les premiers effets n’ont pu se faire sentir qu’à la fin de cette même année  et dans le courant de l’année 2021. Il est donc encore bien tôt pour en tirer des conséquences définitives. Les premiers résultats dans les pays développés semblent toutefois marquer une influence assez forte mais non durable.

Sur l'ensemble de l'année 2020 les naissances auraient baissé en France de 17 000 (soit - 2,2 % environ) et le nombre total de naissances serait de 736 000 soit le plus bas depuis 1945. Il faut toutefois avoir à l'esprit que cette variation s'inscrit dans une tendance générale à la baisse, donc là aussi, il faut pouvoir isoler la "cause covid". Y a-t-il eu juste une amplification ou un véritable saut ? Dans les deux cas les conséquences du phénomène dépendront de sa durée et d’un éventuel effet rebond comme beaucoup de pays en connaissent après les périodes de conflits : Y aura-t-il un baby-boom post-covid et si oui, de quelle ampleur et de quelle durée ? (voir cet article du Monde reprenant les analyse de l'INED)  En France, la baisse de la fécondité aurait également été plus forte dans les classes les plus pauvres (voir le graphique ci-dessous).

 

La Chine et les Etats-Unis paraissent avoir connu une évolution comparable. Il faudra avoir des statistiques sur l’ensemble du monde et sur plus de deux ans pour tenter une analyse globale

Le covid ayant semble-t-il  touché plus durement les pays les riches que les pays plus pauvres (pour la mortalité, sans doute en partie du fait que la population y est plus âgée et donc plus fragile), on peut penser que l’effet sur le moral des couples y a aussi été plus sensible. Une conséquence inquiétante, mais hélas plausible, est que le covid accentuerait encore l’écart de fécondité entre les différents pays du monde. Les pays pauvres faisant le plus d’enfants seraient ceux où la fécondité serait le moins affectée, tandis que les pays riches à la fécondité déjà en-dessous du seuil de renouvellement, verraient leur naissances s’effondrer plus encore. Bref ce fameux décalage qui inquiète tant les démographes serait en voie d’élargissement. Ce serait peut-être là la principale conséquence démographique du covid.

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Tous les articles intitulés : La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards), 2012 (7,003 milliards),

2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards), 2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 

2017 (7,440 milliards), 2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards), 

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards), 2024 (8,075 milliards)

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Les noms des compteurs constituent des liens hypertextes et vous pouvez, en cliquant sur chacun d'eux, accéder directement au site en question.

(*) Depuis plusieurs années l'US Census Bureau propose des estimations des effectifs mondiaux sensiblement plus basses que celles des autres organismes. En attribuant (artificiellement de toute évidence), une forte croissance démographique ( + 136 millions !) à l'année 2021, ce compteur se rapproche ainsi de l'estimation moyenne pour nos effectifs en cours d'année. (7,869 milliards contre 7,888 pour la moyenne générale).

 

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31 décembre 2021 5 31 /12 /décembre /2021 19:04

Economie Durable vous présente ses meilleurs vœux

Heureuse année 2022 à toutes et à tous

Le Mont Blanc

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14 décembre 2021 2 14 /12 /décembre /2021 13:04

Un article de Marc Gillet (*)

Depuis son premier rapport d’évaluation publié en 1990, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) présente des descriptions de ce que pourraient être les changements climatiques, leurs causes et leurs conséquences, généralement jusqu’à l’année 2100, sous forme de scénarios, c’est-à-dire de courbes illustrant l’évolution de tel ou tel paramètre, comme les émissions de gaz carbonique ou la température moyenne à la surface du Globe.

A partir de quelques hypothèses qualitatives, décrivant les principales caractéristiques démographiques et socio-économiques possibles du monde futur, des modèles macroéconomiques, dits modèles d'évaluation intégrée (MEI) peuvent calculer divers scénarios d’évolution des émissions de gaz à effet de serre en fonction du temps, ainsi que d’autres paramètres influant sur le climat, comme l’utilisation des sols et la pollution atmosphérique(1). Les modèles globaux de simulation du climat, qui reproduisent le comportement de l’atmosphère et des océans, peuvent déduire de ces émissions le niveau de réchauffement global et un grand nombre de conséquences locales.

La première partie du sixième rapport d'évaluation du GIEC, sur les aspects scientifiques du changement climatique, a été présentée en août 2021. En mars 2022, le GIEC présentera la partie relative à l'atténuation de l'effet de serre, qui analyse l’efficacité de différentes politiques et mesures susceptibles de freiner le réchauffement climatique. Mais comme ce fut le cas pour les cycles d’évaluation précédents, on s'attend à ce qu’aucune évaluation ne soit faite de l’intérêt pour le climat des mesures susceptibles de ralentir la croissance démographique dans le monde.

En effet, les centaines de modèles socio-économiques de type MEI utilisés pour évaluer les politiques et mesures d'atténuation du changement climatique, qui ont été développés par la "communauté" d'économistes en lien avec le GIEC, et surtout avec le Groupe de travail 3 du GIEC qui est spécifiquement chargé de ces questions, sont basés sur cinq profils d'évolution démographique convenus à l'avance, associés aux cinq familles de scénarios socio-économiques qui décrivent des futurs possibles. Ces cinq scénarios démographiques ont été établis par le centre Wittgenstein situé en Autriche (2) en consultation avec plus de 550 experts en démographie. Ils sont identifiés par le nom de la famille de scénarios socio-économiques (dits Shared Socioeconomic Pathways) à laquelle ils correspondent, soit SSP1 à SSP5, dont les grandes caractéristiques apparaissent dans le Tableau 1. Ceux-ci vont d’un scénario « développement durable » SSP1 très respectueux de l’environnement et du progrès social, présentant un profil d’émissions très modéré, à deux scénarios présentant de forts profils d’émissions, le scénario SSP3 correspondant à un monde fragmenté et le scénario SSP5, avec un marché totalement mondialisé et faisant appel à une utilisation décomplexée des combustibles fossiles.

Tableau 1 :  Quelques caractéristiques générales des cinq canevas sous-tendant les scénarios SSP.

Canevas

Caractère principal

Prospérité générale

Développement des pays à faible revenu

SSP1

Durabilité

Elevée et convergente

Rapide

SSP2

Poursuite des tendances actuelles

Moyenne

Moyen

SSP3

Rivalités entre pays, régions et fragmentation

Faible

Faible

SSP4

Inégalités entre classes et entre régions

Faible

Moyen

SSP5

Développement basé sur les combustibles fossiles

Très forte

Rapide

 

Les scénarios démographiques à la base des scénarios SSP, représentés Figure 1, sont accessibles à tous les publics. Ils sont très détaillés, puisqu’ils sont produits quantitativement pour 195 pays, les populations étant classées selon l’âge, le sexe et le niveau d’éducation.

 

Fig 1 : Evolution de la population selon les cinq scénarii du GIEC


L’éventail des possibilités de croissance démographique couvert par les SSP est bien plus large que celui des projections publiées en 2019 par les Nations-Unies, qui se situent en 2100 entre 9,5 et 12,5 milliards d’habitants. Ce sont surtout les deux scénarios SSP1 et SSP5 qui sortent des estimations faites par l’ONU, avec une population très inférieure en 2100, se situant à peu près au niveau de 2010.  Ces deux scénarios apparaissent tout à fait en ligne avec les visions politiques généralement mises en avant respectivement par l’Union Européenne et certaines ONG, d’une part, et par les Etats-Unis, d’autre part.

La fécondité future et donc la croissance démographique sont déterminées principalement par le niveau d’éducation, qui influence à la fois la mortalité et la natalité. Les données empiriques disponibles indiquent en effet que pour pratiquement toutes les populations la fertilité féminine décroît quand le niveau d’éducation s’élève. De même, il a été établi empiriquement que la croissance économique est principalement déterminée par le niveau d’éducation des personnes en âge de travailler. Pour les auteurs des scénarios, l’éducation est censée progresser davantage dans les sociétés mondialisées (canevas SSP1 et SSP5) que dans les sociétés plus fragmentées (canevas SSP3 et SSP4), ce qui conduit aux résultats de la Figure 1. Les scénarios font aussi souvent l’hypothèse d’une convergence générale des revenus par habitant, mais ceci constituerait un autre sujet de réflexion.

Le GIEC émet par ailleurs des hypothèses sur le degré d’urbanisation et sur l’occupation des sols, qui peuvent varier fortement selon les scénarios. Par exemple, dans le cas du scénario SSP3, on arriverait en 2100 à une perte de surface forestière et d’autres milieux naturels de près de 1.100 millions d’hectares au total, avec une extension des terres cultivées de près de 800 millions d’hectares, la différence correspondant à l’augmentation des superficies pâturées. Cette particularité du SSP3 est attribuée principalement à l’accroissement de la population propre à ce scénario et à sa présence importante dans les campagnes, ainsi qu’à son faible niveau d’éducation. Dans le cas du scénario « durable » SSP1, au contraire, la surface forestière et naturelle s’accroîtrait d’environ 700 millions d’hectares, avec un maintien des surfaces cultivées au niveau actuel, grâce à une forte productivité agricole, et une diminution les surfaces pâturées de près de 800 millions d’hectares grâce à une population très inférieure (6,9 milliards d’habitants au lieu de 12,6), des régimes alimentaires « sains », un moindre gaspillage de la nourriture et une meilleure productivité agricole. Les autres scénarios, y compris le scénario hypermondialisé et technologique SSP5, conservent grosso modo la répartition actuelle des terres.

Les hypothèses sur la démographie ont été élaborées sur la base de consensus d’experts issus des milieux académiques, gouvernementaux et associatifs, qui se sont assurés de leur cohérence avec les publications relevant des sciences sociales et économiques. Les écoles de pensée dominantes dans ces milieux pourraient s’avérer surreprésentées dans ces consensus. On peut donc se poser légitimement des questions sur la possibilité de voir des évolutions non prévues se produire dans la réalité.

Les hypothèses conduisant à des croissances démographiques aussi différentes d’un scénario à l’autre peuvent poser question. Mais un autre point important, et rarement mis en avant, est que les données démographiques sont traitées par les modélisations socioéconomiques dites MEI comme des données « exogènes », c’est à dire immuables. Le GIEC n’a donc pas évalué les possibilités de réduction des émissions qui résulteraient d’une évolution démographique plus réduite due à de mesures comme l’encouragement au contrôle des naissances, la suppression des incitations à la procréation ou l’amélioration des régimes de pensions de retraite.

Au vu des projections (Figure 1) adoptées par les 550 experts en démographie mentionnés ci-dessus, il ne serait pas irréaliste de voir la population mondiale toucher à un maximum un peu en dessous de de 9 milliards d’habitants vers 2050-2060, ce qui représenterait près de 1 milliard d’habitants en moins que ce que prévoit l’ONU en moyenne. Considéré proportionnellement, cela pourrait signifier une réduction de 10 % des émissions de GES par an. En 2100, la différence entre le scénario SSP1 et la projection moyenne de l’ONU pourrait-être beaucoup plus importante, de l’ordre de 4 milliards d’habitants. Si les gains en émissions et en occupation des sols liés à une réduction du nombre de naissances seraient faibles au début, ils deviendraient significatifs dès 2040-2050, pour croître ensuite et devenir considérables avant la fin du siècle.

Des études récentes indiquent qu’une diminution du taux d’accroissement de la population pourrait en outre avoir un effet positif sur le PIB par habitant, tout en réduisant les émissions de GES, et suggèrent de prendre en compte les politiques de contrôle des naissances parmi les politiques d’atténuation. Il semble donc que la définition partagée des politiques et mesures d’atténuation SSP continue à faire l’objet d’un débat parmi les experts.

On pourra trouver des exemples de politiques et mesures susceptibles d’agir sur la population sur le site de l’ONG Démographie Responsable. Il s’agit notamment du développement de l’éducation des femmes, de la réduction des allocations familiales et des avantages aux familles nombreuses, de la prise en charge sociale de la contraception et des interruptions de grossesse, etc. D’autres possibilités pourraient aussi été considérées, comme le développement de régimes de retraite fiables. Si la natalité dépend beaucoup de l’éducation des femmes, elle dépend aussi de la vision de l’avenir qu’a tout individu ; quand une pension de retraite décente est garantie par la société, il n’est plus nécessaire de faire appel à ses enfants pour subvenir à ses besoins.

Certaines données présentées ici indiquent qu’une diminution rapide dès aujourd’hui du nombre de naissances pourrait avoir des effets très positifs sur l’évolution du climat à partir de la deuxième moitié du présent siècle, c’est-à-dire dans 20-30 ans. Or, dans les scénarios actuels du GIEC, les hypothèses démographiques sont définies par consensus d’experts. Ceux-ci s’appuient sur des relations statistiques entre mondialisation, augmentation du PIB par habitant, éducation des femmes et baisse de la natalité. Mais par la suite la courbe démographique est utilisée dans chaque scénario comme une donnée exogène fixée au départ. Il apparaît donc que les politiques et mesures susceptibles d’être appliquées dans le domaine de la démographie ne sont pas évaluées ni par les modèles MEI et ni par le GIEC. Comme l’indique son nom, le GIEC est un groupe intergouvernemental, et la plupart des gouvernements attendent tout naturellement qu’il réponde aux questions qu’ils posent, sans s’égarer sur d’autre sujets. Or la démographie est souvent considérée comme une question potentiellement explosive pour l’ordre intérieur comme pour l’ordre international. C’est sans aucun doute pour cette raison que de nombreux gouvernements sont susceptibles de ne pas souhaiter que la possibilité d’agir sur la démographie soit examinée par le GIEC.

Peut-être le Groupe III dans son 6ème rapport d’évaluation apportera-t-il des éléments nouveaux sur les questions que nous nous évoquons ici.

Pour plus d’informations et des références plus détaillées, le lecteur intéressé pourra se reporter au site Internet de l’Encyclopédie du développement durable

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(1) Riahi, K. et al., The Shared Socioeconomic Pathways and their energy, land use, and greenhouse gas emissions implications : an overview, Glob. Environ. Change 42 (2017) 153–168.

(2) KC, S., Lutz, W., 2017 : The human core of the Shared Socioeconomic Pathways : population scenarios by age, sex and level of education for all countries to 2100. Global Environ. Change, Volume 42, January 2017, Pages 181-192.

(*) Ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts, Marc Gillet a travaillé à Météo France sur l’utilisation de techniques de télédétection pour l’observation et la prévision météorologiques. Au sein de la mission Interministérielle de l’Effet de Serre, il a participé aux négociations de la convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique et a été point focal du GIEC pour la France.  Il a contribué à la création de l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique) et dirigé cet observatoire. Marc Gillet a contribué récemment à la conception et au suivi de projets de développement de services météorologique pour EuropeAid et la pour la Banque Mondiale.

 

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 20:04

 

Si l'ensemble du monde politique affirme aujourd'hui son intérêt pour l'écologie, celle-ci reste en France le thème principal de deux formations : EELV et le Mouvement Écologiste Indépendant. Antoine Waechter détaille dans le texte suivant les différences d'approche entre ces deux partis.

 

Quelles différences entre les écologistes (MEI) et les Verts ?

 

Rappel historique

L’écologie politique est née des Trente glorieuses, à un moment où le bulldozer et le tracteur déménageaient l’Europe. La Gauche et la Droite étaient aux commandes. Faute de trouver une offre politique leur convenant, les premiers partis, Ecologie et Survie (février 1973) devenu le Mouvement Écologique après la campagne de René Dumont (1974), le Green Party (mars 1973) et le Parti écologiste genevois (mai 1973) ne se positionnaient pas dans l’espace bipolaire et affirmaient leur identité propre.

Une certaine Gauche se rallia à la lutte antinucléaire dès 1973, non pour les risques environnementaux que pouvait représenter cette filière mais pour les conséquences institutionnelles d’une énergie aussi centralisée et aussi sensible (la Bombe). Cette Gauche ne s’intéressa au développement politique de l’écologie qu’après le bon résultat de la liste Europe Écologie de 1979.

Une différence d’identité, de culture et de tempérament

Au-delà des mots, la différence entre le Mouvement Écologiste Indépendant- Les Écologistes, d’une part, continuateur du Mouvement Écologique des années 1970 et qu’incarnent encore en 2021 certains responsables du MEI, et, d’autre part, les Verts, est d’abord une différence d’identité, conforté par le positionnement et le tempérament des différents acteurs.

Les Verts sont de gauche, une identité revendiquée, non seulement pour des raisons tactiques mais aussi parce qu’elle répond à un héritage mental et culturel, qui considère la société formée de classes aux intérêts divergents, une possédante et une défavorisée. Cette dernière est aujourd’hui souvent incarnée par les immigrés. Certaines personnes ont besoin du conflit de classe pour exister et justifier leur engagement, d’autant qu’elles appartiennent plutôt aux catégories favorisées. Les Verts ont choisi d’utiliser la dynamique mobilisatrice du conflit, comme le font les partis de Gauche depuis deux siècles.

Cette posture à plusieurs conséquences :

- Elle confine les partenariats possibles aux seuls partis se revendiquant de la Gauche, les Socialistes et les Communistes notamment, alors que le MEI est capable de négocier des partenariats sur un projet et non sur une étiquette ; la contradiction de ce choix tient à ce que le projet du PC et du PS sont fréquemment divergent avec celui des Verts ;

- Elle impose, pour mobiliser une clientèle électorale déterminée (les électeurs formatés gauche) d’avoir recours à une certaine sémantique, à des thèmes qui font clivage dans l’opinion, et à démontrer une certaine agressivité à l’égard de la Droite ; de fait, les thèmes spécifiquement écologistes deviennent seconds et certains apparaissent dérisoires comme la nature et la beauté ; l’hypothèse selon laquelle les Verts sont insensibles à ces thèmes est aussi vraisemblable ; à l’opposé, la beauté du Monde et le respect de la nature sont au centre des motivations du MEI ;

- Les Verts tendent de mobiliser à leur bénéfice l’électorat de Gauche, là où les Écologistes (MEI) font de la pédagogie à l’adresse de tous et de toutes sans distinction d’appartenance partisane.

L’éolien est, pour les Verts, le drapeau de l’antinucléaire primitif, marqueur d’une certaine Gauche verte. L’impact sur les paysages et sur la faune est minimisé. Le soutien de fait au capitalisme mondial est passé sous silence (ce n’est pas la moindre des contradictions). Les populations rurales qui s’opposent au rêve des écolos urbains sont traitées d’égoïstes. Le MEI ne développe pas d’idéologie sur la technique, mais tente un pragmatisme intelligent face au réel en refusant l’industrialisation des campagnes et l’agression technologique des habitants.

Les Verts rejettent toute réflexion sur la démographie, ne considérant qu’une seule causalité de la crise écologique : la consommation des pays riches. Peu importe le nombre de consommateurs : l’opposition entre riches et pauvres est ici conforme à leur vision conflictuelle du monde. Les débats menés publiquement avec eux montrent qu’ils sont prêts à saturer la planète d’hommes sans considération pour la place des autres êtres vivants et sans considération des conditions de vie des humains dans les mégalopoles où tout le monde a vocation à s’entasser.

Je distingue les écologistes minéraux des écologistes sensibles. Cette distinction se vérifie aux élections : les premiers (EELV) sont urbains, les seconds (MEI) sont péri-urbains et ruraux. Les premiers développent des thèmes liés à la ville minérale (transports urbains, énergie vue depuis la ville) et à ses dysfonctionnements sociaux : l’approche est intellectuelle, volontiers idéologique. Les seconds privilégient des thèmes liés à l’espace extra-urbain (forêt, paysages, agriculture, énergie vue depuis la campagne…).

Précision complémentaire. Quand nous affirmons n’être ni de Droite, ni de Gauche, cela ne signifie pas que nous sommes des environnementalistes apolitiques. Cela signifie que nous revendiquons une identité écologiste qui nous distingue des formations politiques productivistes (Droite et Gauche). Nous sommes des conservateurs dans la mesure où nous voulons conserver le patrimoine naturel, culturel, esthétique… que la Terre nous apporte, nous sommes des radicaux dans la mesure où nous voulons répondre aux défis en s’attaquant à la racine des problèmes.

Notre positionnement nous autorise à dialoguer avec toutes les formations et à nouer des partenariats aussi bien à Gauche (même avec les Verts) qu’à Droite sur la base d’un projet et d’objectifs concrets. L’objectif est d’influer le destin collectif. Aujourd’hui, cette pétition de principe reste théorique sur le versant gauche, sauf aux élections locales.

Antoine Waechter, 4 octobre 2021

 

(*) A l'image des Socialistes, l'appartenance sociale des Verts est en contradiction avec le positionnement de classe, les électeurs du MEI appartiennent davantage à la classe moyenne.

Antoine Waechter est président du Mouvement Ecologiste Indépendant, il est candidat à l'élection présidentielle 2022.

 

 

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29 octobre 2021 5 29 /10 /octobre /2021 18:48

Un article d'Antoine Waechter (*)

Le pouvoir d’achat serait la première préoccupation des français selon certains sondages. Si vous demandiez à nos concitoyens s’ils ont envie de gagner plus, il serait étonnant que beaucoup répondent non. Mais cela fait quarante ans que cette prétendue priorité pollue le débat présidentiel. Il donne l’occasion à tous les candidats de plaider la croissance. Rappelons que nous sommes l’un des pays les plus riches du monde et que notre rémunération est 24 fois supérieure à celle des habitants de l’Afrique centrale. N’est-il pas indécent de vouloir être plus riche encore ?

La question de fond est celle des travailleurs pauvres, c’est-à-dire de ceux qui contribuent à la richesse collective mais qui restent dans l’anxiété des fins de mois.

La logique développée par la majorité des candidats consiste à penser qu’en étant collectivement plus riches, la question de la répartition ne se posera plus. C’est la théorie du « ruissellement » ou encore le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Or, l’augmentation du Produit Intérieur Brut ne garantit pas une réduction des inégalités et elle s’accompagne souvent d’une augmentation du coût de la vie.

La financiarisation de l’économie a déséquilibré la répartition des gains du travail. Le salaire n’est pas considéré comme un mode de répartition social, mais comme un élément des frais de production. Lutter contre la pauvreté, c’est renforcer les dispositifs en place (prime pour l’emploi), mais c’est surtout rééquilibrer la répartition entre les salaires, les dividendes, le prix du produit et les prélèvements fiscaux. La question du rôle social de l’entreprise est au cœur de cette question.

C’est pourquoi nous réunirons un grenelle de l’entreprise pour élaborer une charte de l’entreprise nouvelle précisant les droits de l’entreprise associée à ses devoirs éthiques, sociaux et économiques dans la société. Si besoin, le contenu de cette charte pourrait alimenter un nouveau code législatif.

La question du pouvoir d’achat est avivée par la hausse du prix de l’énergie. Celle-ci initie une posture schizophrénique car cette hausse est une incitation vers une consommation plus vertueuse. Chacun a la possibilité de neutraliser cette hausse en adoptant un véhicule moins énergivore et en adoptant les transports collectifs pour les déplacements pendulaires habitat / travail. Il est aussi possible de réduire sa consommation en réduisant sa vitesse et en isolant sa maison. L’État doit favoriser cette évolution en remettant en services les voies ferrées fermées dans les années 1950-1960 (tramway pour les petites lignes de moins de 60 kilomètres), en interdisant les zones d’activités créées aux échangeurs routiers ainsi que les grandes surfaces commerciales en périphérie de ville.

Ne jouons pas à l’autruche, le prix de l’énergie est condamné à augmenter et la seule manière de s’en défendre est d’en être moins dépendant.

(*) Antoine Waechter est candidat à l'élection présidentielle 2022

 

 

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2 mai 2021 7 02 /05 /mai /2021 14:04

 

Alors que depuis plus d’un an, la France n’a connu que de brèves périodes de liberté, François Busnel, dans un récent épisode de son émission « La p’tite librairie » revient sur l’essentiel du message, qu’il y a 73 ans déjà, Georges Orwell a tenté de faire passer à travers son célèbre ouvrage : 1984. Si le livre a eu du succès, la leçon ne semble guère avoir été entendue.

Voici la retranscription de l’émission :

« Vous n’avez pas le sentiment d’être surveillé, quand vous vous connectez à internet ou à un réseau social et que vos données personnelles sont enregistrées par exemple ?

C’est le moment de se replonger dans le grand roman de la surveillance totalitaire. 1984, de Georges Orwell est plus que jamais d’actualité… Ce chef d’œuvre, qui date 1948 anticipe de façon saisissante les pires traits de notre époque.

Orwell met en garde contre la société de surveillance. Il montre qu’il n’y a de totalitarisme que parce qu’il existe une sourde demande de servitude volontaire, la liberté ayant un coût que tout le monde n’est pas prêt à payer.

C’est ce que comprend le personnage principal Winston Smith dès les premières pages. Winston, c’est un fonctionnaire du ministère de la vérité, qui fait consciencieusement son travail. Winston n’a aucun de souvenir d’enfance et dès qu’il entre dans le champ du « télécran » qui le surveille en permanence, eh bien il doit feindre une expression d’optimisme.

Un jour, il décide de braver le regard du grand frère Big Brother, en commençant son journal intime. Et là, en écrivant, c’est comme s’il  découvrait celui qu’il aurait pu être, celui qu’il pourrait devenir. Il tombe amoureux, brave l’interdiction qui pèse sur toute manifestation d’affection et il se soulève contre le parti.

Mais il ne se doute pas que le mouvement d’opposition auquel il songe n’est en réalité qu’une fiction destinée à piéger les vrais résistants.

Orwell montre dans ce roman terrible et génial à quel point combien préserver son intimité, tout comme penser en dehors des clous constitue un trouble à l’ordre public, nous sommes prévenus, à nous de faire en sorte que 1984 reste une fiction… »

Dans ce brillant résumé de François Busnel, la phrase la plus porteuse de pessimisme est sans doute celle-ci : « Il n’y a de totalitarisme que parce qu’il existe une sourde demande de servitude volontaire, la liberté ayant un coût que tout le monde n’est pas prêt à payer ». Oui, les autocrates, les gouvernements, les régimes même, sont de passage, mais cette faiblesse des hommes pour la servitude constitue le véritable terreau de toutes les dictatures, c’est elle qu’il faut combattre encore et toujours comme le dit François Busnel « pour que 1984 reste une fiction ».

Sur ce thème voir également cet article : Coronavirus, le plus court chemin de 2020 à 1984.

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22 avril 2021 4 22 /04 /avril /2021 16:04

Par Gilles Lacan

L’accélération de la dégradation de la biosphère – dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, extinction des ressources naturelles - a placé la défense de l’environnement au centre du débat public.

Sur le fond, nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la pensée que nous avions quand nous les avons créés. Face à la dégradation anthropique de la planète et aux menaces qu’elle fait peser sur notre futur, nous devons changer de paradigme et tout subordonner à l’organisation de la résilience. Sur le format, si les problèmes sont planétaires, les solutions sont nationales. Parce que c’est dans ces espaces compartimentés que réside encore l’essentiel de la souveraineté, dont nous avons besoin pour nous opposer au cours des choses, c’est-à-dire pour survivre.

Changer de paradigme, changer de format. Les choix, c’est le nucléaire, civil et militaire, la souveraineté alimentaire assurée par une agriculture de petites exploitations polyvalentes, la relocalisation industrielle avec un protectionnisme ciblé, l’arrêt de l’immigration et des politiques natalistes, le recul de l’âge de la retraite, la limitation de la gratuité et des transferts sociaux, la réduction des mobilités, l’exode urbain.

Nous entrons dans une économie de guerre et, de surcroît, sans déficits possibles

 

1/ Réchauffement climatique

1.1 L’existence du réchauffement climatique n’est plus contestée, non plus que la part majeure de l’activité humaine depuis un siècle et demi du fait de l’émission de gaz à effet de serre (GES) dans la survenance de ce réchauffement. Il est désormais envisagé que l’élévation moyenne de la température de 1,5°C au-dessus du niveau de l’ère préindustrielle, fixé comme un objectif à ne pas dépasser d’ici la fin du siècle, pourrait intervenir dès les années 2040 et mettre en péril la survie de millions d’individus dans plusieurs régions tropicales, confrontés à un environnement devenu inhabitable.

1.2 La France est l’un des grands pays économiques à émettre le moins de GES par habitant : 4,56 t/h/an contre 14,61 pour les Etats-Unis, 8,70 pour l’Allemagne, 6,68 pour la Chine, 6,26 en moyenne pour l’UE et 4,37 pour la moyenne mondiale. Cela à la fois pour une bonne et une mauvaise raisons :

- une bonne raison : la part de l’énergie décarbonée (45 %) dans la consommation d’énergie primaire de la France ;

- une mauvaise raison : la désindustrialisation du pays s’accompagnant d’une consommation importante de produits manufacturés importés (les émissions de CO2 nécessaires à leur fabrication étant comptabilisées dans leur pays d’origine).

1.3 La France, qui a largement contribué à la conclusion de l’Accord de Paris sur le climat de décembre 2015, doit respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de GES. En prolongeant les courbes, hors incidence Covid, elle n’est pas sur la voie d’y parvenir.  Cependant, elle ne participe à ces émissions qu’à hauteur de 0,9 % dans le monde, ce qui relativise la portée des efforts qu’elle pourrait faire en ce domaine.

1.4 La capacité d’adaptation de chaque pays à une situation planétaire qui se dégrade devient aujourd’hui l’enjeu majeur des politiques publiques. Pour la France, il s’agit d’assurer en priorité les conditions de sa résilience au réchauffement climatique et à ses conséquences, dans un état global du monde sur lequel elle n’a plus qu’une influence limitée.

 

2/ Mix énergétique

2.1 La France a un taux d’indépendance énergétique, représentant le rapport entre sa production nationale d’énergie et sa consommation finale d’énergie, de 50 % à 55 % selon les années, à condition de considérer que la production d’énergie nucléaire est purement nationale, c’est-à-dire sans tenir compte du fait que l’uranium nécessaire à cette production est importé (Kazakhstan, Canada, Niger). C’est plutôt un bon résultat.

2.2 Les importations d’énergie fossile concernent à près de 65 % le pétrole (Kazakhstan, Arabie Saoudite, Russie) et à près de 30 % le gaz naturel (Norvège, Russie, Algérie). En 2018, le pétrole représentait 90 % de l’énergie consommée dans les transports et 73 % de celle consommée dans l’agriculture, tandis que le gaz et le pétrole représentaient ensemble 41 % de l’énergie consommée dans le résidentiel et le tertiaire.

2.3 L’énergie produite sur le territoire national est composée, d’une part, de l’énergie nucléaire (84 %) et, d’autre part, des énergies renouvelables (15 %), elles-mêmes principalement composées de la biomasse (5,6 %) et de l’hydraulique (3 %).

2.4 Nucléaire : il représente plus de 40 % de l’énergie consommée en France (environ 75 % de l’électricité). Il est nécessaire de maintenir et moderniser la filière française, sous réserve, d’une part, de la sécurisation de ses approvisionnements en uranium, d’autre part, d’un strict respect des préconisations de l’Agence de sécurité nucléaire (ASN) concernant le parc existant, enfin, d’une gestion rigoureuse de la construction de la nouvelle génération des réacteurs à eau pressurisée (EPR), qui a pris du retard sans doute en raison de leur complexité.

2.5 Éoliennes : elles représentent 1,2 % de l’énergie consommée en France. Si elles ont l’avantage de produire une énergie renouvelable et décarbonée, compte non tenu de leur fabrication et de leur installation, elles présentent au moins quatre défauts :

  • elles ont une production intermittente et aléatoire dépendant du vent, difficilement stockable ; cela conduit à les associer, quand cela est possible, à une centrale hydraulique mais, le plus souvent, à des centrales à énergies fossiles à fort impact carbone ;
  • le prix de revient de l’électricité produite, disponible et consommable, reste encore élevé, malgré quelques progrès ; il est répercuté sur l’ensemble des consommateurs (obligation d’achat à tarif réglementé imposé à EDF) et sur les contribuables (subventions) ;
  • certaines des éoliennes nécessitent l’incorporation dans leurs aimants de métaux rares, possédés presque exclusivement par la Chine ;
  • enfin et surtout, elles défigurent l’environnement et sont bruyantes, suscitant un rejet massif des riverains, qui n’en subissent que les inconvénients.

2.6 A terme, la question majeure sera celle de la pénurie d’énergie, du fait de l’épuisement progressif des énergies fossiles : le pic pétrolier (hors gaz de schiste et sables bitumineux) est, selon beaucoup d’experts, déjà passé, le pic du gaz naturel devrait intervenir dans les années qui viennent et, s’il reste du charbon en abondance dans le monde, mais pas en France, d’une part, il est peu transportable, d’autre part, sa combustion est très génératrice de GES.

 

3/ Biodiversité

3.1 L’effondrement de la biodiversité n’est pas une menace, il est déjà en partie réalisé. Plus qu’une extinction des espèces animales, encore limitée, il consiste en la diminution massive, souvent de l’ordre de 50 % à 60 %, du nombre des individus qui composent chacune de ces espèces. Il concerne l’ensemble des vertébrés : mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens (batraciens).

3.2 Le dérèglement climatique n’en est pas la cause. Ce sont essentiellement, pour les animaux terrestres, la réduction de leur habitat par suite de l’extension des terres agricoles et de la destruction de la forêt, et, pour les animaux marins, la surexploitation halieutique. En s’en tenant aux vertébrés terrestres, la faune sauvage ne représente plus que 3 % de leur masse corporelle totale, l’homme et les animaux domestiques ensemble en représentent 97 %.

3.3 Si la biodiversité est moins menacée en France métropolitaine que dans les régions tropicales de l’Amérique latine, de l’Afrique sub-saharienne ou de l’Asie, la disparition des insectes et en particulier des insectes pollinisateurs, notamment des abeilles, est inquiétante pour l’avenir : 35% de la production mondiale de nourriture (les fruits, les légumes, les oléagineux) résulte en effet de la production de cultures dépendant des pollinisateurs.

3.4 Pour enrayer ce phénomène en France, il faut réduire l’utilisation des pesticides, en particulier interdire définitivement l’usage des néonicotinoïdes, revenir à la polyculture dans les exploitations agricoles et mettre un terme, très rapidement, à l’artificialisation des sols due à l’étalement urbain.

 

4/ Souveraineté alimentaire

4.1 La France est l’une des grandes puissances agricoles, la première de l’Union européenne, la seconde de l’Europe derrière la Russie, la septième du monde derrière, en outre, la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, le Brésil et l’Indonésie, tous pays plus peuplés que la France. Mais sa position tend à s’éroder. Ses excédents commerciaux diminuent régulièrement du fait d’une relative stagnation de ses exportations face à une montée forte de ses importations. Dans l’ensemble du secteur agro-alimentaire, les échanges de la France avec les autres pays à l’intérieur de l’UE sont déficitaires et, à compter de 2023, ils devraient le devenir à l’échelle du monde.

4.2 La SAU (surface agricole utile), qui correspond aux terres arables, aux vignes et vergers, et aux prairies permanentes, à l’exclusion des forêts, ne cesse de régresser sous l’effet de l’artificialisation des sols. La France perd ainsi tous les ans 60 000 ha de terres agricoles, qui sont transformés en logements, bureaux, routes, parkings, carrières, aires commerciales et de loisirs, jardins d’agrément. Au bout de dix années, c’est la superficie moyenne d’un département qui est ainsi perdue, en réalité de deux départements si l’on rapporte cette perte à la SAU. A cela s’ajoute la dégradation des sols agricoles, provoquée par le labour, l’usage des engrais azotés et des pesticides, l’irrigation, le tassement des terres dû à l’utilisation d’engins mécanisés ; cette dégradation des sols diminue leurs rendements.

4.3 Déficit à venir de notre balance commerciale agricole, réduction continue de la surface des terres agricoles associée à une dégradation de la qualité des terres qui subsistent, la question de notre souveraineté alimentaire peut légitimement être posée. D’autant que l’agriculture française est très dépendante du pétrole (engrais azotés, mécanisation), qui risque d’être moins disponible, en tout cas plus rare et plus cher, si la croissance mondiale se poursuit. Or, cette souveraineté alimentaire, dans une période de troubles géopolitiques, est une condition de la souveraineté elle-même. Et il n’est pas certain que, dans les vingt ou trente ans qui viennent, sans changement de nos méthodes de production et de distribution, la France soit en mesure de nourrir les presque 70 millions de personnes qui vivront sur son territoire.

4.4 Les axes d’une transformation de l’agriculture française pourraient être :

  • le passage progressif d’une agriculture intensive constituée de grandes exploitations à une agriculture familiale, polyvalente, de petites ou moyennes exploitations, moins mécanisées, moins chimique et faisant appel à une main d’œuvre plus abondante ;
  • le passage d’une agriculture compétitive engagée dans la mondialisation et tournée vers l’exportation à une agriculture de subsistance tournée vers la consommation nationale et l’autosuffisance alimentaire ;
  • le raccourcissement des circuits de distribution, avec une part croissante de la destination finale des produits dans leur région d’origine ;
  • la protection tarifaire du marché intérieur  permettant un renchérissement des produits alimentaires, consécutif à la baisse de productivité des exploitations agricoles ;
  • l’augmentation corrélative de la part de l’alimentation dans le budget des ménages, le prix de vente des produits agricoles se substituant progressivement aux subventions publiques dans la formation du revenu des agriculteurs.

La souveraineté alimentaire constitue le point le plus important d’un projet écologique pour la France.

 

5/ Relocalisation des industries

5.1 La crise sanitaire que nous traversons a montré combien la France est dépendante du reste du monde pour son approvisionnement en différents produits industriels essentiels à la survie du pays, notamment dans le domaine de la santé, en cas de rupture des circuits du commerce international ou simplement de pénurie conjoncturelle. Mais le caractère sensible de cette dépendance ne doit pas occulter la part prépondérante que représente désormais l’importation dans l’offre d’un grand nombre de produits « de base », hors énergies fossiles, qu’il s’agisse de l’informatique-électronique, de l’habillement ou des équipements ménagers.

5.2 Bien que le déséquilibre de sa balance commerciale dans le secteur industriel ait été une préoccupation constante de ses gouvernements, la situation de la France s’est constamment dégradée depuis une vingtaine d’années pour ne se stabiliser qu’à un niveau de déficit non soutenable dans la durée. Et de fait, aucun responsable politique ou économique n’envisage une réindustrialisation du pays, malgré le retour du commissariat général au plan, dans le cadre des règles existantes de l’économie globalisée et du libre-échange.

5.3 Un protectionnisme sélectif, ciblé sur des secteurs définis comme stratégiques ou prioritaires, doit permettre à moyen ou long terme une difficile réindustrialisation du pays, nécessaire à son indépendance économique et favorable aux économies d’énergie sur les transports de marchandises. Avec cependant deux conséquences négatives :

  • la suspension par la France de l’application de règles du commerce international ainsi que de plusieurs clauses des traités européens, auxquelles elle a, par le passé, librement souscrit ;
  • le renchérissement des produits industriels dont la fabrication sera relocalisée ; il en résultera une baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, qui conjuguera ses effets avec celle causée par la hausse des produits agricoles (cf. supra).

 

6/ Mobilité

6.1 La mobilité différencie les sociétés modernes de celles, plus sédentaires, du passé. Elle affecte le mode de vie quotidien des habitants des aires métropolitaines, qui travaillent souvent à plusieurs kilomètres voire à plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile, elle est aussi le résultat des migrations régulières liées au tourisme et aux déplacements de confort ou d’agrément.

6.2 Le terme de mobilité évoque une qualité attachée à la personne humaine, génératrice d’un nouveau droit, celui de se déplacer, opposable à la puissance publique. Plusieurs responsables politiques prônent même la gratuité des transports publics, qui serait la conséquence de ce droit. Cependant, le coût en énergie et le volume des émissions de gaz à effet de serre (GES) générés par l’ensemble de ces déplacements sont considérables.

6.3 Dans un monde où l’abondance énergétique n’est plus assurée, notamment en ce qui concerne le pétrole, la notion même de mobilité doit être remise en cause, qu’il s’agisse des transports quotidiens en véhicules individuels, du trafic généré par les zones commerciales et le commerce en ligne, ou des transports associés au tourisme. Les mobilités décarbonées, comme le train, doivent sans doute être favorisées et davantage encore les mobilités douces, comme la marche ou le vélo. Mais une réduction substantielle de l’énergie consommée comme des émissions de GES générées par cette consommation suppose une réduction du volume même des transports.

6.4 Une telle réduction n’est pas envisageable sans une transformation des modes de production et de consommation, allant dans le sens d’une relocalisation et des circuits courts, ni sans une nouvelle répartition des populations entre aires métropolitaines et le reste du territoire, allant dans le sens d’un exode urbain.

 

7/ Démographie

7.1 La population humaine, qui était de 5 millions d’individus à la naissance de l’agriculture, il y a 10 000 ans, a progressé jusqu’à 1 milliard d’humains vers 1 800, pour atteindre 2,5 milliards en 1950, plus de 6 milliards en 2 000 et 8 milliards sans doute en 2023. Cette croissance rapide a été rendue possible par les progrès de la santé publique, en particulier la forte baisse de la mortalité infantile : chaque individu qui naît a désormais de grandes chances de survivre à son enfance et d’atteindre l’âge où il pourra lui-même procréer, ce qui n’était pas le cas jusqu’au XVIIIème siècle.

7.2 La question s’est posée de savoir si cette croissance était ou non la cause d'événements concomitants : l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES), depuis le début de l’ère industrielle, ou l’effondrement de la biodiversité, depuis un demi-siècle. Sur le premier point, la réponse mérite d’être nuancée : il est vrai que le niveau moyen de consommation par habitant, dans chaque pays, compte autant pour les émissions de GES que la taille de la population. Mais il faut observer, en contrepoint, que personne ne propose, dans les pays riches, d’aligner la consommation sur celle des pays pauvres, et que personne, dans l’un de ceux-ci, ne propose de renoncer au développement. Quant au second point, la perte de la biodiversité paraît strictement liée à la croissance démographique : elle est aujourd’hui aussi forte, sinon plus, sous les tropiques que dans les pays du Nord. Passé un certain seuil, l’expansion physique de l’humanité, même à un niveau de consommation limité, détruit de manière irréversible la vie animale, sur terre, dans les rivières et dans les mers.

7.3 La population d’un pays a longtemps été considérée comme une condition et un attribut de sa puissance. Avec le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité, les risques de pénurie énergétique et alimentaire, et le « stress hydraulique », qui n’épargnera pas l’Europe, les hommes auront sans doute besoin de plus d’espace et de ressources naturelles à partager, entre moins d’habitants. L’étendue du territoire métropolitain de la France, le premier de l’Union européenne, le troisième de l’Europe, après la Russie et l’Ukraine, associée à une densité relativement faible pour un pays d’Europe de l’Ouest et à un très grand espace maritime outre-mer, le deuxième du monde, constitueront demain des atouts, si les Français sont en mesure de défendre ce territoire légué par l’histoire.

7.4 Une politique de modération démographique devrait se fixer comme objectif la stabilisation de la population française en deçà de 68 millions d’habitants à court terme et sa baisse progressive ensuite autour de 60 millions d’habitants vers 2050. Pour parvenir à cette fin, il y aurait lieu de prendre les mesures suivantes : 

  • Fin des politiques natalistes mises en œuvre depuis la Libération : plafonnement des allocations familiales à deux enfants par famille ;
  • Arrêt de l’immigration tant régulière qu’irrégulière : fin du regroupement familial, sélection accrue des étudiants étrangers, contrôle physique des frontières nationales ;
  • Report de 3 ans au moins de l’âge légal ou conventionnel du départ à la retraite, de manière à préserver l’équilibre des comptes sociaux malgré le vieillissement de la population.

 

8/ Dette

8.1 Comme le montrent les plans de relance des Etats-Unis, de l’Union européenne ou du Japon mis en œuvre pour « sortir » de la Covid, mais cela était déjà le cas avant la pandémie, la croissance de l’économie mondiale, qui se heurte désormais aux limites physiques de la planète, est soutenue par un endettement public et privé massif, croissant lui-même plus vite que la croissance qu’il génère. Le danger consiste moins dans le risque que cet endettement échappe à tout contrôle, ce qui n’est effectivement pas le cas aujourd’hui, que dans le fait qu’il empêche artificiellement le ralentissement de la croissance, voire son retournement, et contribue ainsi à l’accentuation de l’impact anthropique sur l’environnement. Les principales manifestations de cet impact sont le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et l’épuisement des ressources naturelles.

8.2 Les gains de découplage obtenus entre la production des biens et services, d’une part, et les émissions de GES, d’autre part, chaque unité de valeur produite nécessitant moins d’émission de GES, ne compensent qu’en partie le volume supplémentaire des émissions généré par l’accroissement de la production des biens : malgré ce découplage, les émissions mondiales de GES pour la période comprise entre 1990 et 2015 ont progressé de plus de 60 %. L’histoire des 30 dernières années montre que les réductions significatives d’émissions ont été concomitantes soit d’une désindustrialisation brutale, comme celle des pays d’Europe de l’Est après l’effondrement du communisme dans les années 1990, soit d’une désindustrialisation progressive comme celle de nombreux pays d’Europe de l’Ouest touchés par les délocalisations depuis une trentaine d’années, soit d’une régression de l’ensemble de l’activité économique, comme celle de la Grèce durant le plan d’austérité du début des années 2010, soit encore d’une récession économique globale comme celle que les pays développés ont connue au cours de l’année 2020 du fait des restrictions associées à la pandémie de la Covid.

8.3 De ce que l’endettement conditionne la croissance et la croissance précipite la destruction des écosystèmes planétaires, on peut déduire que l’un des moyens de ralentir cette destruction, voire de préserver l’environnement, est de lutter contre l’endettement. C’est une hypothèse qu’il faut considérer : la dette financière et la dette écologique participent de la même logique, le sacrifice du futur pour le confort du présent, théorisé dans leurs styles respectifs par la marquise de Pompadour (« Après nous le Déluge ») et J-M Keynes (« A long terme, nous sommes tous morts »).

8.4 Une telle hypothèse est toutefois contre-intuitive, tant les représentants officiels de l'écologie en France sont imprégnés de keynésianisme et n'envisagent d'autres moyens pour assurer la transitions écologique que des investissement publics massifs de milliers de milliards d'euros financés par la création monétaire. Leur projet reste en effet marqué par la recherche de la croissance et de la socialisation des richesses.

8.5 Les pays dits « frugaux », qui sont opposés à l’accroissement des déficits publics : Pays-Bas, Autriche, Finlande, Suède et Danemark, de même que le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe qui, par sa décision du 5 mai 2020 soumet à son propre contrôle le programme de rachat par la BCE de la dette publique des États membres, sont ainsi devenus dans les faits les défenseurs les plus conséquents du paradigme de la résilience.

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7 avril 2021 3 07 /04 /avril /2021 18:04

« Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit ! »

Léo Ferré, Il n’y a plus rien

 

L’écologie n’est pas une idée neuve.

« Avant que nature meure » est un ouvrage de Jean Dorst publié en 1965. L’association « Les Amis de la Terre » est fondée en  1970 par Alain Hervé, sous le parrainage de Jean Rostand, Théodore Monod, Konrad Lorenz et Pierre Fournier. Et bien auparavant le mouvement naturiste, né en France au XIXème siècle avec les réflexions d’Elisée Reclus, prône déjà une conception plus conviviale de la vie en société et une incitation à respecter la planète. Et, dès 1974, l’écologie politique présente un candidat à l’élection présidentielle.

Or que voit-on ?

Depuis cinquante ans, toujours plus de voitures et de plus en plus grosses, lourdes et rapides ; une explosion du transport aérien ; toujours plus de camions sur nos routes ;  une croissance exponentielle des échanges mondiaux ; une consommation per capita de plus en plus forte, tant en matière d’habillement que d’objets en tous genres ; des habitudes alimentaires désormais basées sur la consommation massive de produits industriels transformés ; des choix de production agricole de plus en plus artificiels ; et une augmentation de notre population supérieure à 25 % en 50 ans.

Bref, nous parlons sans cesse d’environnement et d’écologie mais presque tous nos choix sont à l’opposé de ce qu’il faudrait faire. Partout ou presque la paresse et la facilité l’emportent sur la sobriété ; il suffit de regarder comment nous prenons notre café : du café en grain d’autrefois à la généralisation récente de la capsule Nespresso.

Résultat de tout cela, les alertes se multiplient, acidification des océans, augmentation des températures, pollution des sols, en fait la liste est interminable.

Et face à cette triste évolution, il faudrait continuer à participer vaille que vaille à cette société qui va dans le mur des limites de notre petite planète, en espérant la voir infléchir progressivement sa trajectoire mortifère ? Les choix faits depuis un demi-siècle ne plaident pas en ce sens.

Alors que nous reste-t-il sinon de faire un pas de côté, de se séparer d’une société dont nous ne partageons ni les valeurs ni la finalité ?

Bien sûr nous partageons un même territoire mais rien ne peut nous obliger à faire partie d’un équipage qui mène le bateau droit sur les récifs.

Aux véritables écolos de faire naître, en marge d’une société productiviste et consommatrice, en inventant les accommodements raisonnables nécessaires avec cette société emballée (comme on dit d’un cheval), un mode de vie tranquille, pauvre, respectueux de la nature, capable de faire émerger les îles d’un nouveau monde sur les futures ruines de ce monde actuel.

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