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2 mai 2023 2 02 /05 /mai /2023 12:04

 

Par Fabien Niezgoda

L’Europe ne pèse aujourd’hui que moins du dixième d’une population mondiale toujours plus nombreuse, qui exerce sur notre continent une pression menaçant la survie de notre civilisation. Face à la conquête par les ventres, peut-on, doit-on résister en nous lançant dans la compétition du nombre ? Comment défendre le « Camp des Saints » assiégé, sans sacrifier une façon proprement européenne d’être au monde ?

 

Vers 1900, l’Europe, avec environ 420 millions d’habitants, représentait environ un quart de l’humanité, après avoir longtemps pesé un peu moins de 20 %. Aujourd’hui, le continent est peuplé d’environ 750 millions d’individus. Mais, dans un monde passé de 1,6 milliard à plus de 8, les Européens sont moins de 10 % de la population mondiale.

Deux faits incontestables : l’Europe n’a jamais été si peuplée, d’une part ; et d’autre part, les Européens n’ont jamais été aussi minoritaires dans la population du globe. Si nous ajoutons à ce constat une dimension dynamique, en comparant la pyramide des âges et la fécondité des différentes parties du monde, les projections ne peuvent que montrer l’accentuation de ce déséquilibre en notre défaveur. La conséquence, nous la connaissons et nous la vivons, c’est ce qu’écrivait en 1985 Jean Raspail dans la préface qu’il ajouta à son roman prophétique de 1973 Le Camp des Saints : « notre vieil Occident, tragiquement minoritaire sur cette terre, reflue derrière ses murailles démantelées en perdant déjà des batailles sur son propre territoire et commence à percevoir, étonné, le vacarme sourd de la formidable marée qui menace de le submerger ».

Dans cette citadelle assiégée qui est la nôtre, on pourrait imaginer, comme un réflexe de survie salutaire, une sorte d’alignement mimétique : face aux masses du Sud qui semblent faire du ventre de leurs femmes un instrument de conquête, nous pourrions répondre par un sursaut de natalité, et aligner des générations de petits Européens comme un rempart face à la submersion.

Il y a toutefois, derrière cette logique parfaitement compréhensible, plusieurs illusions et plusieurs pièges.

Tout d’abord, cette course mimétique au nombre participe d’une réduction paradoxale de la singularité des peuples. Pour paraphraser Bernard Lugan, qui explique souvent qu’on ne comprend rien à la politique africaine si on croit que l’Afrique est peuplée d’Européens à la peau noire : pourquoi devrions-nous, en réponse à la démographie galopante venue du Sud, faire des Européennes l’équivalent d’Africaines à la peau blanche ?

Envisager une relance de la natalité nécessite par ailleurs de se poser préalablement quelques questions essentielles. D’une part, est-on bien certain qu’un sursaut nataliste changerait grand-chose aux ordres de grandeur évoqués en introduction ? Combien d’enfants supplémentaires par Européenne faudrait-il pour que nous pesions de nouveau 20 à 25 % de l’humanité à la fin de ce siècle ? Peut-on envisager un scénario de ce type avec des taux crédibles ? Il faut bien sûr également se demander, avant de réclamer une politique davantage nataliste, quels en seraient les principaux bénéficiaires ; s’ils sont les mêmes que pour les Caisses d’allocations familiales actuelles, on n’aura guère résolu le problème qui nous préoccupe… D’une façon générale par ailleurs, on voit mal comment l’encouragement de la logique du nombre pourrait ne pas avoir de conséquences dysgéniques, du genre de celles qu’ont illustrées, avec la force de la satire, La Longue Marche des Cornichons ou le film Idiocracy. Évidemment, dans un tout autre genre, que les participants à ce colloque aient des familles nombreuses, comme l’illustre la présence d’une garderie appréciée, on ne peut que s’en réjouir. Et que d’autres d’ailleurs n’aient pas d’enfants ou ne comptent pas en avoir ne les empêche nullement de participer à la renaissance européenne. Or, que changerait au juste à cela une politique nataliste ? La Maison de la Chimie ne serait pas plus remplie qu’elle n’est, mais les rames de métro que nous avons pu emprunter ce matin auraient peut-être été plus bondées encore...

Avant même de s’interroger ainsi sur la possibilité et l’efficacité d’un tel redressement démographique, on peut d’ailleurs aussi juger son bien-fondé sur une base historique. Après tout, quand l’Europe pesait, au cours des siècles antiques ou médiévaux, un peu moins de 20 % de la population mondiale, elle fut capable, non sans mal certes, de résister aux divers assauts qui régulièrement menacèrent notre petite péninsule. Les Européens ont en effet toujours été minoritaires ; ce qui leur manque aujourd’hui, ce n’est pas tant le nombre que l’affirmation de leur identité et de leur légitimité à défendre leur territoire et leur être au monde.

Qu’il n’y ait pas de méprise : en remettant en cause le natalisme, il ne s’agit surtout pas de cesser de féliciter les heureux parents parmi nous, et il s’agit encore moins d’applaudir ce mouvement nihiliste dont les échos se font de plus en plus nombreux au sein de la jeunesse « woke », et qui passe par la condamnation de la parentalité (ou du moins de la parentalité biologique, à laquelle, dans ces milieux-là, on substitue volontiers l’adoption), par l’éloge de la stérilisation précoce, etc. Le malthusianisme bien compris (c’est-à-dire, d’abord, celui du pasteur Malthus lui-même), cela consiste à préserver les générations futures des malheurs (famines, guerres, épidémies) qui résulteraient de leur nombre trop important sur un territoire aux ressources limitées ; pas de leur éviter l’existence même !

Ni extinction volontaire et suicidaire, bien sûr, ni prolifération illimitée et cancéreuse. La sagesse apollinienne nous commande de trouver la juste mesure. L’une des plus fameuses maximes inscrites sur le temple de Delphes était Μηδὲν ἄγαν (mèden agan) : « rien de trop », « ne fais aucun excès ». De façon significative, Platon (dans la République) et Aristote (dans la Politique) étaient, une fois n’est pas coutume, d’accord sur ce sujet de la population. Si un minimum d’hommes est nécessaire dans une cité, pour assurer un efficace partage des tâches, une certaine spécialisation au bénéfice de tous, la défense d’un bien commun, une limite doit néanmoins être posée, nous disent-ils, tant par rapport aux ressources disponibles sur le territoire que pour conserver entre les membres de la communauté une certaine familiarité. « Une grande cité et une cité populeuse, résume Aristote, ce n’est pas la même chose. » (1)  La valeur des hommes n’est pas leur nombre, la quantité n’est pas la qualité. La grandeur d’un peuple ne se confond pas avec son poids.

« Il n’est de richesse que d’hommes » dira pourtant pour sa part, bien plus tard, Jean Bodin dans une formule célèbre, à propos des États modernes et de leur besoin de soldats et de contribuables. Mais, derrière l’affirmation de la puissance, n’entrait-on pas alors surtout dans le règne de la quantité ? Les hommes ainsi conçus, comme ils le sont par nos économistes obsédés par les chiffres de la croissance ou par l’équilibre de caisses de retraite conçues comme une pyramide de Ponzi, sont-ils encore autre chose qu’une masse indifférenciée d’individus interchangeables ? Derrière la logique du nombre, gronde le risque de rupture anthropologique : l’homme de l’ère des masses, c’est « l’homme remplaçable » décrit par Renaud Camus.

Avant de revenir avec lui à l’anthropologie, enjeu central qui nous occupe aujourd’hui, faisons un rapide détour par la biologie. Celle-ci nous apprend que les espèces peuvent adopter des stratégies reproductives variables, que l’on schématise habituellement dans le modèle r/K. La stratégie r, celle des grenouilles ou des organismes microscopiques par exemple, consiste en une reproduction rapide, précoce, produisant de très nombreux jeunes exposés à une mortalité élevée. La stratégie K correspond pour sa part à une durée de vie plus longue, à une reproduction plus rare et tardive adaptée aux capacités du milieu. L’homme, quelle que soit l’époque, quelle que soit la civilisation, quel que soit le modèle familial, adopte incontestablement une stratégie qui relève du « K ». Évidemment, la réalité est toujours moins schématique, mais il n’est pas inutile de toujours nous demander si nous voulons faire glisser le curseur vers le « r », privilégiant le nombre avant tout autre considération, ou si, fidèles à la stratégie « K », nous préparons l’avenir de chacun des enfants que nous laissons au monde, et auxquels nous transmettons celui-ci.

J’évoquais tout à l’heure le nom de Malthus, en rappelant précisément sa crainte de générations croissant à un rythme non soutenable. On pourra objecter, à la question de la limitation des ressources posée par Malthus et à sa suite par tous les néo-malthusiens ou éco-malthusiens, que leurs scénarios pessimistes sous-estiment les capacités de la technique à repousser les limites. Certes. C’est bien, par exemple, grâce au procédé Haber-Bosch de synthèse de l’ammoniac, que les engrais azotés ont permis à l’humanité au XXe siècle de percer allègrement le plafond des deux milliards. Il est possible de voir, dans cette soumission de la nature au profit de l’homme, une logique prométhéenne qui nous a permis en effet de sortir d’une certaine fatalité. Mais Heidegger nous a montré que le déploiement de la technique, c’est aussi pour l’homme davantage de dépendance, davantage d’aliénation, davantage d’arraisonnement de l’homme lui-même, davantage de soumission à la pensée calculante. On peut, nous disent certains agronomes populationnistes, nourrir dix, douze, quinze milliards d’humains sur cette planète. Les pois chiches transgéniques le permettront peut-être en effet. Mais cela vaut-il la peine de déployer tant de moyens, tant d’ingéniosité, pour atteindre un objectif dont la pertinence même mérite peut-être débat : optimiser le remplissage humain de la terre est-il un objectif en soi ?

Renaud Camus rappelle « cette vieille croyance indienne [...], selon laquelle il y a dans le monde une quantité d’âme constante, et moins d’elle pour chacun, donc, à mesure que l’humanité se fait plus nombreuse (2). Au-delà des considérations matérielles du malthusianisme classique, on peut noter en effet que la trop forte densité humaine nuit à la vie spirituelle, de même qu’elle n’a cessé, depuis des décennies, de limiter la liberté d’aller et venir : depuis les autoroutes où se croisent juillettistes et aoûtiens jusqu’aux rocades qu’empruntent les travailleurs métropolitains dans leurs mouvements pendulaires, des galeries des Musées du Vatican jusqu’à certains sentiers de montagne, des chambres d’hôtel aux places d’opéra, l’homme contemporain de huit milliards d’autres doit sans cesse jouer des coudes. On croit voyager ? Multiplié par des millions, le voyageur est un flux ; et qui dit flux, dit aujourd’hui gestion des flux. On espère se perdre dans la campagne, trouver un village ou un paysage intact ? Grande chance si l’aménagement du territoire n’est pas passé par là, avec ses zones commerciales, ses parkings, sa banlieue universelle, ses champs d’éoliennes. Mais depuis les années soixante et la création de la DATAR, l’Hexagone s’est rempli de vingt millions  d’hexagonaux supplémentaires. La France est-elle désormais plus belle qu’alors ? Plus vivable ? Est-elle plus grande ? Rappelons-nous Aristote : une grande cité et une cité populeuse, ce n’est pas la même chose...

Vivre en Européen, c’est aspirer à autre chose qu’à cette fourmilière humaine que dessine l’ère des masses. La leçon d’Orphée commande que puissent demeurer des espaces naturels vierges de notre présence ; des forêts laissées aux nymphes et aux loups ; des espaces sauvages où, comme le naturaliste et graveur Robert Hainard, l’homme ne pénètre qu’en contemplateur discret et léger, et non en défricheur cherchant où il pourra utiliser son tracteur ou son excavatrice. L’homme habite la terre en poète, écrivait Hölderlin. Or il n’est pas certain du tout que cette façon-là d’être au monde soit tenable dans un monde toujours plus peuplé, dans une Europe toujours plus peuplée, fût-ce uniquement d’Européens.

 Pour l’Européen, le nombre est donc une menace et un piège. La menace, c’est bien sûr celle de la submersion. Le piège serait que, croyant répondre à la menace, on sacrifie notre être-au-monde au règne de la quantité.

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(1)  Aristote, Politique,  VII, 4, 4-6

(2) Renaud Camus, La dépossession ou du remplacement global, La Nouvelle Librairie, 2022, pp 313-314

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L'auteur : Historien médiéviste de formation, Fabien Niezgoda est professeur agrégé d’histoire-géographie. Auditeur de la promotion Patrick Pearse, il est devenu formateur régulier au sein de l’institut Iliade, en particulier sur notre rapport à l’écologie et à la technique. Collaborateur de la revue Éléments, il y a notamment dirigé en 2020 un dossier remarqué consacré à la surpopulation.

Cet article a été initialement publié sur le site de l'institut Iliade, il reprend les éléments d'une intervention de Fabien Niezgoda lors du colloque intitulé "Face au déclin anthropologique, vivre en Européen" qui s'est tenu sous l'égide d'Iliade, le 15 avril 2023, à la Maison de la chimie, à Paris.

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22 mars 2023 3 22 /03 /mars /2023 15:04

Le lien entre la pression démographique et la dégradation de l'environnement relève d'une logique assez simple, mais beaucoup renâclent encore à l'admettre et même à seulement l'évoquer.

Deux graphiques le mettent en évidence.

Tout d'abord, cette carte de la pollution de l'air récemment publiée par le magazine Reporterre à partir d'une étude de l'entreprise IQ Air

On remarquera la corrélation quasi parfaite entre les lieux de pollution atmosphérique et la densité de peuplement humain

 

En second lieu, ci-dessous, ce graphique montrant depuis 1950 l'évolution de la population et celle de la quantité d'eau douce disponible par personne. La quantité globale (40 000 kilomètres cubes / an) restant  à peu près stable, la quantité disponible par personne évolue naturellement à l'inverse de nos effectifs (40 000 000 000 000 m/ 8 000 000 000 = 5 000 m3). 

Parfaite illustration du caractère inéluctable de la décroissance... ou de notre appauvrissement.

 

 

Ce lien entre protection de l'environnement et démographie a notamment été évoqué à l'occasion du récent salon Primevère sur les ondes de Radio Grésivaudan.

 

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 13:54

En 2016, sous le titre "La bombe P n'est pas désamorcée", la revue  Éléments  publiait cet entretien entre Fabien Niezgoda, professeur agrégé d'histoire et Didier Barthès porte-parole de Démographie Responsable. Il est toujours d'actualité, les raisons qui motivent l'association restent les mêmes et le monde a "gagné"  650 millions d'habitants depuis l'entretien et 1,2 milliard depuis la naissance du mouvement.

 

Fabien Niezgoda: Démographie responsable a été créée en 2008. Comment est née et s’est développée cette association ?

Didier Barthès : La motivation initiale fut tout simplement une sensibilité à la nature, la tristesse de voir partout les espaces sauvages grignotés par la civilisation, et la conscience que, pour une part, ce grignotage était lié à nos effectifs toujours croissants. Quelques personnes s’en sont ouvertes les unes aux autres et ont décidé de fonder l’association. Peu à peu, devenus plus nombreux, nous avons pu développer nos activités, affichages, tracts, participations à des forums, interviews, manifestations, conférences… Comme pour d’autres mouvements, internet a été déterminant pour fédérer des gens au départ plutôt isolés. Aujourd’hui encore, beaucoup de ceux qui nous rejoignent font la même remarque : « j’ai réalisé que d’autres pensaient comme moi, je pensais croyais être seul et n’osais pas en parler ». Un tabou pèse sur la question.

Q. : Pour beaucoup, l’idée d’un contrôle démographique évoque la politique de l’enfant unique mise en place en Chine en 1979 (et dont la fin vient d’être décidée). Cette politique autoritaire était-elle justifiée ? Peut-on la considérer comme un modèle ?

DB : Rétrospectivement, cela a sans doute été une bonne chose. Cette politique a été mise en place quand la Chine a vu sa démographie s’emballer malgré l’amorce d’une baisse de la fécondité. Sans elle, le pays aurait aujourd’hui de 4 à 500 millions d’habitants de plus. Cette charge aurait lourdement obéré le développement et intensifié l’occupation de tous les territoires au détriment de la nature. On ne peut toutefois nier le caractère liberticide de cette politique, accompagnée de surcroît de nombreux abus. Mais il faut en tirer la leçon: plus nous tardons à engager, de façon douce et incitative, une baisse de la fécondité, plus nous risquons d’être confrontés demain à des mesures plus dures et bien peu démocratiques.

Q. : Malgré les équations de Ehrlich-Holdren et de Kaya, qui intègrent la population comme facteur essentiel de notre impact global sur l’environnement, les partisans de la décroissance ont souvent tendance à négliger la démographie, préférant insister sur la question de la consommation.

DB : Il n’y a nulle raison d’opposer une action sur les modes de consommation et la lutte contre la surpopulation, les deux se conjuguent. À 99 %, les mouvements écologistes ne parlent que du premier volet : il était nécessaire que quelques personnes s’emparent du second. Les équations évoquées rappellent une évidence : l’effet de tout phénomène résulte du produit de son intensité par son ampleur. Il est curieux que même les milieux de la décroissance, pourtant au fait des questions quantitatives, renâclent à élargir et appliquer leur réflexion à la population. Craignent-ils de donner une mauvaise image d’eux-mêmes ? La seule prise en compte du mode de vie révèle une fois de plus le tabou de la démographie. On le retrouve dans le caractère négatif attaché à l’adjectif malthusien, ou quand, régulièrement, l’ensemble de la presse et du monde politique se réjouit sans aucun recul des « bons » chiffres de la fécondité française. Il est ancré dans nos mentalités que le plus est le mieux.

Q. : Aristote, après Platon, traite d’une façon exemplaire de la question de l’optimum démographique d’une cité. Comment a-t-on abandonné cet attachement des Grecs classiques à la juste mesure, et cessé de comprendre cette évidence rappelée dans la Politique : « une grande cité et une cité populeuse, ce n’est pas la même chose » ?

DB : Je crois que la technologie nous a trompés. En augmentant les rendements, en favorisant les transports, elle nous a donné l’illusion de l’omnipotence. Nous nous sommes crus libérés de toute limite. Sans doute la pensée grecque était-elle, ou paraissait-elle, peu adaptée au monde industriel. Or la technologie ne crée pas de nouvelles ressources. Elle nous a plutôt permis d’exploiter plus vite et plus complètement celles de la planète, de « consommer le capital ». Aujourd’hui avec la déplétion de ces ressources, les questions quantitatives redeviennent cruciales. Le sens des limites nous serait bien utile. On le retrouve dans la philosophie de la décroissance, et il était d’ailleurs présent dans les premiers slogans de l’écologie : small is beautiful… Olivier Rey en a développé brillamment certains aspects dans son récent livre Une question de taille. Yves Cochet travaille aussi dans ce sens avec l’Institut Momentum.

Q. : Lecteur de Gibbon (qui pourtant ne s’exagérait pas l’ampleur de la submersion qu’auraient représentée les masses barbares), Malthus voyait dans la prolifération des Germains un facteur-clé de la chute de l’Empire romain ; de leur côté, les Romains étaient de longue date devenus malthusiens. Les plus sages, en un sens, ont donc perdu. Ne touchons-nous pas là à la faille essentielle du malthusianisme ? De même qu’un désarmement unilatéral n’a jamais signifié la paix mais seulement la capitulation, le « malthusianisme dans un seul pays » n’expose-t-il pas celui-ci à une invasion à plus ou moins brève échéance en provenance de zones à plus forte pression démographique ?

DB : La population française représente 0,9 % de la population mondiale, une politique nataliste qui la ferait remonter à 1 ou 1,1 % (car telles sont les marges de manœuvre) ne changerait rien à l’affaire, ce n’est plus par cette course contre le reste du monde que nous pouvons nous préserver des migrations. L’Afrique aura 4 milliards d’habitants à la fin du siècle (20 fois plus qu’en 1950 !). Il s’agit d’affirmer notre culture, plus que de lutter vainement par les berceaux. Il faut aussi d’aider les pays en développement à maîtriser leur fécondité, pour permettre aux populations locales de ne pas être les premières victimes de leur explosion démographique.

Q. : L’action de Démographie responsable ne se conçoit donc pas sans contacts internationaux. Dans les pays du Sud, premiers concernés par la question de la surpopulation, les discours malthusiens en provenance du Nord ne sont-ils pas perçus comme condescendants, paternalistes, ou parfois même carrément racistes, comme le laissent parfois entendre certains anti-malthusiens occidentaux, tel Hervé Le Bras ?

DB : Il existe dans plusieurs pays d’Europe des groupes comparables, fédérés au sein de l’European Population Alliance (1). L’association anglaise Population Matters compte à elle seule plusieurs milliers de membres. Aux États-Unis, plusieurs mouvements similaires, souvent liés à des organisations environnementales et/ou en faveur du développement, connaissent un réel succès.Hélas, en effet, les messages prônant une certaine « modestie démographique » sont parfois perçus avec méfiance. Bien entendu, les natalistes ne se privent pas d’encourager ces réactions, en chargeant la barque. Un discours ferme et des actes cohérents permettent d’échapper à la caricature. Ainsi, nous avons pu organiser l’envoi et la distribution de préservatifs en Afrique, en collaboration avec des écologistes locaux. Cela montre bien qu’il existe là-bas aussi une vraie conscience du problème. Tous les Africains ne considèrent pas que les Européens qui les mettent en garde contre l’explosion démographique de leur continent seraient racistes, au contraire.

Q. : Le défi démographique est-il correctement abordé par l’ONU et ses agences ?

DB : Il existe dans les grandes institutions internationales une réelle conscience du problème. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a d’ailleurs lui-même souligné la gravité de l’enjeu. Au sein du Fonds des Nations unies pour la population, comme à l’Agence Française de Développement, le sujet est bien présent. Il faut bien constater pourtant que cette conscience n’a pas conduit à endiguer suffisamment la croissance démographique mondiale. L’Asie par ses effectifs gigantesques, l’Europe par sa densité moyenne très forte, l’Afrique dont le potentiel de croissance menace tant le développement que les équilibres écologiques en sont les témoins. Chacun attendait un développement harmonieux du monde, une transition démographique rapide, la généralisation, sur le mode occidental, d’une fécondité autour de deux enfants par femme, pour assurer le renouvellement des générations tout en évitant l’explosion. Force est de constater aujourd’hui que ce schéma optimiste ne se réalise pas ou en tout cas pas assez vite.

Source : Revue Éléments (numéro de janvier-février 2016 sous le titre, La bombe P n’est toujours pas désamorcée).

(1) Depuis cet entretien, l'European Population Alliance n'existe plus, il s'est par contre créé l'Eurasp, une fédération d'associations européennes dont les idées sont proches de celles défendues par Démographie Responsable, laquelle en fait d'ailleurs partie.

Source : Revue Éléments, numéro de janvier-février 2016, sous le titre : "La bombe P n'est pas désamorcée".

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23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 19:04

Un article de Gilles Lacan, ancien magistrat

Sous les effets conjugués du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité, autonomes l'un par rapport à l'autre mais tous deux causés par l'activité humaine, le monde risque d'être confronté dans une génération, peut-être avant, à un effondrement économique général.

Celui-ci pourrait être la conséquence de pénuries énergétiques, affectant plusieurs pays ou continents, couplées à des épisodes de stress hydrique ou de famines, en concomitance avec des pandémies potentiellement plus sévères que celle du covid. Cela dans l'hypothèse optimiste d'une absence de conflit militaire majeur.

Pour faire cesser le réchauffement climatique, acté dès le sommet de Rio en 1992, et se prémunir contre ses conséquences dévastatrices (pour l’homme), les dirigeants de la planète font habituellement valoir qu’il faudrait recourir à des technologies décarbonées - nucléaire, énergies renouvelables, voitures électriques – et promouvoir l’économie circulaire. Ainsi pourrait-on concilier le maintien de la croissance et la défense de l’environnement.

Mais, dans la réalité, malgré la mise en œuvre de politiques s’inspirant de ces principes, la situation n’a fait que se détériorer depuis trente ans. En particulier, la température moyenne mondiale n’a pas cessé d’augmenter et paraît aujourd’hui échapper à tout contrôle. Quant à la chute de la biodiversité, elle a dépassé, et de loin, les pires niveaux jamais atteints depuis la naissance de l’humanité, au point de menacer à court terme nos ressources alimentaires.

Le temps est compté, nous n’avons plus trente ans à perdre. Pour retarder l’effondrement ou, au moins, en atténuer les effets, il faut dès maintenant organiser la résilience et, pour cela, faire des choix beaucoup plus radicaux. Compte tenu de la vulnérabilité de notre système économique globalisé et en l’absence d’une structure politique internationale capable d’imposer une stratégie d’ensemble, ces choix doivent être prioritairement orientés vers la démondialisation.

L’idée sous-jacente est qu’en temps de crise, l’interdépendance des économies est un facteur de fragilité et d’irresponsabilité, et que la résilience globale sera d’autant plus efficace qu’elle sera portée par chaque peuple, replié sur son propre territoire.

En ce qui concerne la France, il s’agira d’abord de restaurer notre souveraineté alimentaire, sur la base de petites et moyennes exploitations polyvalentes et d’une agriculture sans pétrole, sans engrais chimiques et sans pesticides. Celle-ci pourra-t-elle nourrir 70 millions d’habitants dans ces conditions ? Ce n’est pas certain, même si l’on mobilise des millions d’emplois dans ce secteur.

Il faudra aussi relocaliser les industries, revenir aux basses technologies et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Cela ne sera pas possible sans un recours sévère au protectionnisme.

Il faudra encore raccourcir les circuits de distribution, réduire les déplacements de personnes, adapter la population aux capacités de portage de chaque territoire, décentraliser les principaux services publics et réduire le format de l’administration.

Et sans doute enfin faudra-t-il travailler plus pour gagner moins parce que, faute d’énergies fossiles, la productivité va s’effondrer et que, fabriqués en France, les produits manufacturés coûteront nécessairement plus cher.

Mais il n’y a pas d’alternative. Nous fonçons droit dans le mur : freiner est sans doute la pire des solutions… après toutes les autres.

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 11:04

Devant les propos alarmistes lus dans nombre d'éditoriaux sur la baisse de la croissance démographique en France et la baisse de la population chinoise, l'association Démographie Responsable a publié ce 17 janvier le communiqué suivant :

L’INSEE vient de diffuser les dernières statistiques démographiques confirmant que si la France (Métropolitaine + Outre-Mer) avait pour la première fois atteint les 68 millions d’habitants, certains ,indicateurs montraient un sensible ralentissement de la croissance.

Le nombre de naissances (723 000 en 2022) est le plus faible depuis 1946, le solde naturel (+ 56 000) est très bas et désormais loin du solde migratoire (+ 161 000) qui est, comme le signale le Monde, le principal moteur de la progression de la population. La fécondité (1,8 enfant par femme) est en légère baisse et la mortalité en hausse, indépendamment même de l’effet naturel lié au vieillissement. 

Dans le même temps, la Chine reconnait pour la première fois depuis 1960 une baisse de sa population, certes modeste (- 850 000 personnes soit - 0,06%) mais significative au moment où sans doute l’Inde la remplacera comme pays le plus peuplé de la planète.  Son indice de fécondité serait désormais inférieur à 1,2 enfant par femme quand le remplacement des générations suppose qu’il dépasse légèrement 2. 

Bien que relevant pour une part de causes différentes, ces deux phénomènes ont engendré ces dernières heures de nombreux commentaires catastrophistes annonçant un déclin de l’humanité, un pessimisme général, une atteinte à la croissance économique.

Et si, au contraire, il s’agissait là de bonnes nouvelles pour la planète mais aussi pour chacun des pays concernés ?

Pourra-t-on assurer éternellement l’équilibre de nos sociétés si celui-ci s’appuie toujours sur une augmentation de nos effectifs ? A l’évidence ce serait là entrer dans une spirale sans fin.

Les ressources sont  toujours plus rares, la biodiversité s’écroule, les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère. Sur tous ces phénomènes, le nombre des hommes constitue un facteur déterminant. Nous pouvons certes réduire l’impact des populations les plus riches, mais une grande partie du monde aspire au contraire à un meilleur niveau de vie qui augmentera mécaniquement son impact.

La seule façon de concilier une amélioration du sort des plus pauvres et un maintien de conditions acceptables pour la biosphère est donc d’agir en faveur de la maîtrise de la fécondité, dans les pays en voie de développement du fait de leur dynamique démographique, comme dans les pays les plus favorisés du fait de l’impact de chacun de leurs habitants.

Bien entendu cela nécessitera dans un premier temps des adaptations difficiles, notamment sur les retraites et sur le coût de la santé. Mais compter sur une augmentation permanente de notre nombre ne fera que repousser le problème. Les jeunes d’aujourd’hui seront inévitablement les vieux de demain. Une perspective de long terme permet au contraire de montrer que, tant sur l’équilibre social et économique que sur celui de la nature, une baisse de la fécondité et donc plus tard de nos effectifs serait une perspective favorable. Nous n’avons jamais été autant sur la planète, nous sommes 5 fois plus nombreux qu’au début du XXe siècle ! Sans doute est-il temps de voir autrement notre avenir et de s’engager vers une diminution progressive de nos effectifs. « Voici venu le temps du monde fini » disait Albert Jacquard, à l’humanité de s’y adapter, et par sa démographie d’abord.

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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 07:04

 

Estimation de la population mondiale au 1er janvier 2023

Selon différents compteurs, en millions d'habitants et en début d'année

Sources                                          2022              2023            Progression

                                                                                                                    en nombre           en %

 

Countrymeters                                7 948             8 047          +   99  soit  + 1,3 %

Earth Clock                                     7 934           8 024          +   90  soit  + 1,1 %  

INED                                               7 916           8 009          +   93  soit  + 1,2 %

Overpopulation awareness             7 830           7 903          +   74  soit  + 0,9 %      

PopulationCity.world                         7 890           7 973          +   83  soit  + 1,1 %  

Population.io                                   7 876           8 010          + 133  soit  + 1,7 %      

Population mondiale.com               7 863           8 011           + 148  soit  + 1,9 %

Terriens.com                                   7 842           7 916          +   74  soit  + 1,0 %

US Census Bureau                         7 869           7 943          +   74  soit  + 1,0 %

Worldometers                                 7 917           8 009          +   92  soit  + 1,2 %

 

 

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Moyenne :                                      7 888           7 984        +  96   soit  +  1,2 % 

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Depuis le 15 novembre 2022 la Terre accueille « officiellement » 8 milliards d’êtres humains. Cette date choisie par l’ONU est quelque peu surprenante. En effet, la plupart des statistiques - celles de l’INED et même de l’ONU - laissaient penser, il y a peu encore, que nous atteindrions cet effectif seulement au cours du  premier trimestre 2023. L’estimation moyenne des 10 compteurs que nous présentons ici reste d’ailleurs, en ce 1er janvier, légèrement inférieure à 8 milliards (1).

Qu’importe, avec une précision de l’ordre de + ou - 1 %, considérons que nous sommes entre 7,9 et 8,1 milliards ou, autrement dit, que nous avons été ou serons 8 milliards entre la fin 2021 et le tout début 2024.

Le franchissement de ce seuil symbolique marque la poursuite de l’explosion démographique. Si beaucoup d’articles tendent aujourd’hui à nous rassurer en nous promettant une prochaine stabilisation, jamais pourtant un milliard n’aura été gagné aussi vite : nous étions 7 milliards fin 2011, il aura suffi de 11 ans.

L’événement aura, au moins quelques jours durant, mis la question démographique à l’affiche. En France, plusieurs débats télévisés ont été proposés : ici sur Arte le 15 novembre, ici sur Public Sénat le 17 novembre et ici sur FR3 le 4 janvier. Signalons aussi la mise en accès libre et en version française du film Mother de Christophe Fauchère consacré à la surpopulation qui nous donne encore une fois l’occasion de mesurer l’extraordinaire préscience de Paul Ehrlich (auteur de « La bombe P » en 1968).

L’avenir ?

Si les prévisions à courte et moyenne échéances font à peu près l’unanimité - nous devrions être autour de 9,7 milliards en 2050 – celles pour 2100 sont naturellement plus discutées. Voici le rappel de l’évolution des projections de l’INED et de l’ONU  ces dernières années (3).

Evolution des projections mondiales pour 2050

                       INED 2009 : 9,4 milliards,  ONU : 9,1 milliards

                       INED 2011 : 9,6 milliards,  ONU : 9,3 milliards 

                       INED 2013 : 9,7 milliards,  ONU : 9,6 milliards

                       INED 2015 : 9,8 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2017 : 9,8 milliards,  ONU : 9,8 milliards

                               INED 2019 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2022 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7 milliards

 

Evolution des projections mondiales  pour 2100 (ONU)

                 en 2011 :  10,1 milliards,    en 2013 :  10,9 milliards

                 en 2015 :  11,2 milliards,    en 2017 :  11,2 milliards

                 en 2019 :  10,9 milliards,    en 2022 :  10,4 milliards

II faut rester prudent sur les prospectives de long terme. Nul ne connaît la fécondité des années 2060 ou 2080. En témoigne l'évolution chaotique de ces estimations à 2100.

Certes, plusieurs organismes ont abaissé leurs projections pour 2100. L’ONU a ainsi réduit son estimation de 500 millions, passant de 10,9 milliards, prévus lors de l’étude de 2019,  à 10,4 milliards aujourd’hui. En 2020,  l’IHME (un institut américain d’études sur la santé) a envisagé une population de 8,8 milliards pour 2100 (avec un pic proche de ce niveau en 2064) et, récemment, une étude de la banque HSBC évoquait même l’hypothèse d’un monde de 4 milliards d’habitants à la fin du siècle.  Il s’agit là d’un scénario extrême peu partagé par les démographes car il supposerait une rupture très brutale ou même un effondrement de nos sociétés.

Gardons à l’esprit que ces baisses s’appuient sur l’hypothèse d’une continuation jusqu’en 2100 de la diminution de la fécondité aujourd’hui observée au niveau mondial : 2,7 enfants par femme en 2004 et 2006, 2,6 en 2008, 2,5 entre 2010 et 2017, 2,4 en 2018 et 2,3 en 2021 (2). Bien qu’elle-même ralentie, cette baisse pourrait amener le monde à une fécondité de 2 enfants par femme ou même un peu moins à l’orée du 22ème siècle. Or, rien ne garantit la poursuite du processus, d’autant que cette baisse est souvent corrélée au développement économique et que dans le monde troublé d’aujourd’hui et devant l’épuisement des ressources, ce développement est toujours plus incertain.

En France métropolitaine et ultramarine (hors Mayotte) nous serions environ 68 millions d’habitants en ce début 2023 (67,8 au 1er janvier 2022 selon les chiffres provisoires de l’INSEE avec une croissance d’environ 200 000 habitants par an). La croissance annuelle tendrait à ralentir s’établissant aujourd’hui à + 0,3 % contre + 0,4 % sur la période 2014 - 2019. Cette baisse résulte principalement de celle du solde naturel.

Il est intéressant aussi de noter que si en France la plupart des structures organisées (partis, associations, structures étatiques, églises...) sont natalistes, la population est au contraire particulièrement sensible à la question et que 72 % des français pensent que la planète est surpeuplée. Tel est en effet le principal enseignement d'un sondage réalisé fin 2022 par l'IFOP, sondage consultable ici.

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Note : Cette année ont été publiées (avec un an de retard) les dernières statistiques démographiques mondiales de l’ONU et de l’INED, celles de l’INED (série « Tous les pays du monde ») sont téléchargeables ici.

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(1) 7,984 milliards précisément, notons que la progression moyenne affichée pour ces compteurs sur un an : + 96 millions, soit + 1,2 % est sans doute exagérée. Elle est en tout cas en décalage avec l’évolution généralement admise. Cela semble notamment lié au rattrapage qu’ont effectué plusieurs compteurs pour se mettre au diapason de la décision de l’Onu de fixer le passage des 8 milliards à fin 2022. C’est manifestement le cas de Population.io et de Population mondiale.com dont les données sur la croissance annuelle (respectivement + 133 et + 148 millions) sont manifestement excessives. Le compteur de l'INED lui-même (+ 93 millions) est en désaccord avec les chiffres proposés dans les publications de l'institut.

(2) Statistique INED, Tous les Pays du Monde.

(3) Les années indiquées sont les années de publication, les statistiques portent sur l'année précédente.

Tous les articles intitulés : La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards), 2012 (7,003 milliards),

2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards), 2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 

2017 (7,440 milliards), 2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards), 

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards), 2024 (8,075 milliards),

2025 (8,156 milliards).

 

 

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29 novembre 2022 2 29 /11 /novembre /2022 11:44

 

La guerre en Ukraine nous rappelle cruellement les souffrances supportées par les populations civiles dans les conflits. Les gens sont tués, les habitations détruites et la vie rendue toujours plus difficile par l’attaque systématique des infrastructures et des réseaux, et tout d'abord du réseau électrique dont dépendent tous les autres. Concrètement, il n’y a plus d’eau, plus de chauffage, plus d’énergie, plus de système de communication…  

Cyniquement et consciente de la dépendance croissante des populations à ces réseaux, la Russie les vise en premier lieu, tentant ainsi d’accentuer le désespoir des Ukrainiens.

Au-delà de l’Ukraine ces frappes mettent en évidence la fragilité de nos sociétés : fragilité aux conflits, mais plus largement, fragilité face à toute menace d’effondrement (voire même, cause d’effondrement).

Mais la densité de peuplement tient aussi son rôle. Une population dispersée, dans des habitats individuels, est beaucoup plus résiliente. La probabilité qu’une maison donnée soit touchée par un missile est faible et si les réseaux sont endommagés, la vie quoique difficile, reste possible. On chauffe une pièce seulement, on peut sortir à pied se ravitailler. A l’inverse, que faire dans un immeuble de 15 ou 20 étages sans lumière,  sans eau, sans toilettes, sans ascenseur… (pensons aux personnes âgées) ? Les mêmes causes ont dans les zones de peuplement denses et collectifs, des conséquences infiniment plus graves et douloureuses.

Il se trouve que nos sociétés sont menacées d’effondrement et que certains préconisent la densification de l’habitat pour limiter notre empreinte écologique. C’est là ouvrir la porte à une terrible fragilité et à la survenue du chaos à la première difficulté sérieuse.

Il est triste de voir beaucoup d’écologistes séduits par ce type de société où nous vivrions tous entassés et, par cela, tous plus coupés de la nature et tous plus fragiles. 

Encore une fois, la seule façon de concilier une faible empreinte, une qualité de vie et une meilleure résilience est de maîtriser notre démographie, de la maîtriser partout, dans les pays riches comme dans les pays plus pauvres qui sont en pleine explosion démographique et où les mégapoles toujours plus vastes et nombreuses sont des promesses de drames futurs.

Nous devons à toute force éviter cette densification, fruit obligé de l’accroissement de notre nombre.

Quand les responsables politiques et économiques, quand les écologistes ouvriront-ils les yeux ?

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 10:04

Antoine Waechter et Didier Barths

A l'occasion de la publication du livre Le Défi du  Nombre, les deux auteurs, Antoine Waechter et Didier Barthès, ont été  les invités de l'émission Politique et Economie diffusée le 10 octobre 2022.

Pierre Bergerault et Olivier Pichon ont évoqué avec eux la question : Bombe démographique : Régulation volontaire ou subie ? Un débat toujours aussi nécessaire alors qu'une large partie des mouvements écologistes refuse toujours de mettre ce sujet à l'honneur.

Sur ce sujet voir également l'entretien précédent accordé en mars 2021, ainsi qu'une critique de l'ouvrage présenté (sur le site de Champs Communs)

 

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19 août 2022 5 19 /08 /août /2022 10:04

Un article de Martin Rott

Le 3ème groupe de travail du GIEC a publié le 4 avril 2022 sa contribution au sixième rapport de l’IPC/GIEC. Ce rapport, écrit en anglais et intitulé  « mitigation report  » (*), propose une recension de la littérature scientifique récente sur le changement climatique et sur les tendances actuelles en termes d’émissions de gaz à effet de serre ainsi que sur les efforts pour les réduire. Dans son  rapport de synthèse des 3 groupes de travail, le GIEC fait des préconisations pour baisser  la demande en énergie  dans  le cadre du concept de développement durable - comme un mantra à la mode, l’acronyme SDG’s (Sustainable Development Goals) revient d’innombrables fois -, mais il  écarte l’hypothèse d’une vraie décroissance, qui entraînerait une baisse du PIB par  habitant, baisse apparemment jugée non acceptable politiquement.

Le grand absent de ce rapport de « mitigation » - et du rapport de synthèse - est la démographie. Cela n’apparaît pas à première vue, puisque le 3ème groupe de travail du GIEC ne conteste pas que la taille de la population a un effet direct sur la quantité des émissions de GES. Comme  les précédents   rapports, il s’appuie sur l’équation de Kaya qui relie les émissions anthropiques de CO2 à des paramètres économiques et énergétiques, mais aussi démographiques. Dans le paragraphe 2-4 du « mitigation report » les auteurs énoncent, en gros caractères, comme résultat de leurs recherches pour la période 2010-2019 :

« Sur un plan global, le PIB par tête et la croissance de la population sont restés les plus forts accélérateurs de la combustion de pétrole. »

Malheureusement, le rapport s’arrête à ce constat. On cherche en vain des préconisations pour maîtriser la croissance de la population. Comme dans ses travaux précédents, le GIEC traite les données démographiques comme des données exogènes dans les 5 scenarii d’évolution socio-économiques qu’il examine. Il n’évalue pas les possibilités de réduction des émissions qui résulteraient d’une croissance démographique plus réduite conséquences de mesures comme le contrôle des naissances, la suppression des incitations à la procréation, ou l’amélioration des régimes de pension. Cette attitude restrictive du  GIEC tranche avec la sienne concernant les autres facteurs de l’équation de Kaya, à savoir l’énergie et la consommation, pour lesquelles le rapport fait au contraire des préconisations très détaillées pour réduire leur impact sur les émissions.

Mais ce présent rapport du 3ème groupe de travail  va plus loin, sur la démographique ne vire-t-il pas à l’autocensure pure et simple ?

En effet, à côté du Rapport Complet de plus de 2707 pages (RC) le 3ème groupe  a édité  un «Résumé Technique» de 172 pages (RT) et un «Résumé à l’intention des décideurs» (Summary for Policy Makers, SPM) de 72 pages. Ce dernier document est toujours validé point par point par les scientifiques, qui eux-mêmes sont nommés et révocables par les gouvernements membres du GIEC, ce qui ouvre la voie pour une influence politique.

La phrase sus-citée du rapport complet concernant la croissance démographique, et reprise dans le Résumé Technique (p. TS-12), ne se retrouve plus dans le « Résumé pour les Décideurs ». Il est improbable qu’elle ait été omise faute de place ou parce que jugé secondaire puisque toutes les autres constations phares du chapitre 2-4 du RC, celles écrites en gros caractères, ont été reprises textuellement dans le SPM, sauf une justement, celle concernant la démographie.

Cette omission du facteur démographique n’est pas surprenante puisqu’elle s’inscrit dans la tradition des pratiques qui ont marqué les rapports finaux des différentes COP où, à la demande de certains États pro-natalistes, toute référence à la démographie a été éliminée. Comme elle a été couverte de silence  dans le débat politique sur l’écologie, en France et ailleurs en Europe. C’est le tabou démographique qui, en fin de compte, rend bancale  toute politique climatique.

On en arrive au paradoxe qu’un résumé à l’intention des décideurs politiques a été censuré par les politiciens eux-mêmes. Ils  se confortent ainsi eux-mêmes dans leurs préjugés. Plus grave, par ce procédé les citoyens sont tenus dans l’ignorance puisque ce n’est pas le Rapport Complet de 2707 pages, mais le SPM  qui sera retenu par le grand public, plus précisément les compte- rendus que les journalistes en font. Les premiers commentaires dans les journaux et sur la toile le confirment. 

L’emphase avec laquelle le rapport du GIEC a été accueilli, entre autres par le président Macron, est factice. Comment peut-on clamer haut et fort  l’urgence climatique et louer la  qualité du travail du GIEC, blâmer les gouvernements pour leur inaction, et en même temps mettre sous le boisseau  une cause essentielle de la souffrance de notre planète, la surpopulation ? En dépit de toutes les négations, autolimitations et censures le jugement de David Attenbourough est, à la lumière du dernier état des lieux climatique  du GIEC plus vrai que jamais : « Tous les problèmes environnementaux deviennent plus faciles à résoudre avec moins de gens, et plus difficiles – et en fin compte impossibles – à résoudre avec davantage de gens ».

Martin Rott, délégué régional de Démographie Responsable pour l’Occitanie.

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Note : Un article du professeur Philipp Cafaro m’a mis sur la piste de cette esquive.

 (*) En anglais « mitigation » signifie, adoucissement, atténuation.

 

 

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12 août 2022 5 12 /08 /août /2022 16:04

Un article de Stéphane Madaule

Le déséquilibre démographique mondial est toujours d’actualité. Telle pourrait être, ce qui n’est pas le cas, une des conclusions de la dernière livraison de juillet 2022 de l’ONU consacrée aux projections de la population mondiale réalisées par la Division de la population des Nations Unies (ONU) du Département des affaires économiques et sociales.
En 2022, nous passerons la barre des 8 milliards. En 2050, nous serons près de 9,7 milliards. Rappelons qu’en 1900, la population mondiale était estimée à 1,7 milliard.

A partir de 2050, comme le concède l’ONU, les projections demeurent très incertaines (p. 27). En effet, qui peut prévoir ce que seront à cette échéance, d’une part, la fertilité moyenne des femmes (nombre d’enfants par femme) dans les pays en développement, élément moteur de la croissance de la population mondiale et, d’autre part, l’ampleur de la baisse annoncée de la population dans les pays développés ? Cette incertitude ne dissuade pas l’ONU de réaliser des projections à l’horizon 2100 mais avec des écarts importants selon les scénarii : entre 8,9 et 12, 4 selon les hypothèses choisies. L’évolution de la population mondiale n’est guère certaine, n’est pas le fruit d’une tendance lourde qui se poursuivrait au-delà de 2050. Elle est plutôt la synthèse de situations particulières où émerge un antagonisme entre pays en développement en déséquilibre démographique et donc à croissance démographique forte, et pays développés en équilibre démographique.
Dans ce résumé, la Division population de l’ONU évite de faire référence à ses précédentes projections de long terme. En 2004, elle prévoyait pourtant une stabilisation de la population mondiale en 2050 à 9 milliards, ce qui n’est plus le cas. En 2013, cette Division ne communiquait plus sur une stabilisation de la population mondiale à 9 milliards mais plutôt à 11 milliards en 2100. Qu’il est difficile de prévoir au-delà de 2050, même en matière démographique ! La Division population de l’ONU le reconnait courageusement, sans toutefois renoncer à proposer des scénarii pour 2100.

En fait, nous ne savons toujours pas au juste quand et à quel niveau sera mis fin au déséquilibre démographique mondial qui voit la croissance démographique perdurer à un rythme élevé en valeur absolue (+ 89 millions d’individus chaque année) comme en pourcentage (près de 1 %/an), même si une décélération s’installe progressivement dont la lenteur est inversement proportionnelle à l’inertie de croissance forte, acquise par le passé dans les années 1950. La vitesse de décélération de la croissance de la population mondiale est à l’image du temps nécessaire pour stopper le mouvement d’un train lancé à grande vitesse dans les années 1950 qui ne disposerait pas véritablement de système de freinage.

S’agissant des conséquences sociales, économiques et environnementales de ce déséquilibre démographique prolongé, l’ONU reste muette en se gardant bien de tout commentaire. Elle réitère simplement, sans vraiment convaincre, la vision d’un possible dividende démographique pour les pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, à la population très jeune où le ratio d’actifs par rapport aux inactifs est plutôt bien orienté. Mais pour que cet effet positif se réalise vraiment, encore faudrait-il que ces actifs en nombre trouvent à s’employer, ce qui est loin d’être le cas. Encore faudrait-il que les dépenses de santé et d’éducation liées à une population de moins de 20 ans qui pèse pour la moitié de la population globale en Afrique soient supportables pour ces pays pauvres en mal de développement.

Car l’ONU, dans sa lecture générale des principales évolutions démographiques proposées préfère souffler le chaud plutôt que le froid. Le pic démographique mondial, nous dit-on, serait aujourd’hui en vue, même si nous ne savons toujours pas s’il se situera avant ou après la fin du XXIème siècle, même si ce pic prévu intervient au cours d’une période où l’ONU elle-même indique pourtant que les prévisions demeurent « très incertaines ». Nous échapperons donc à l’explosion démographique, sans dire toutefois si l’évolution démographique, la population actuelle et son accroissement au moins jusqu’en 2050, est réellement compatible avec les grands équilibres mondiaux de notre planète : environnement bien sûr mais également enjeux géopolitiques liés aux migrations, déséquilibres Nord-Sud- dus à la croissance toujours très rapide de la population dans les pays à faible revenu d’Afrique, ce qui se traduit par un creusement des inégalités. L’ONU nous présente des statistiques qui soulignent que depuis 1950 une baisse rapide du taux de fertilité des femmes (p.14), principal moteur de la hausse de la population mondiale, est à l’œuvre. L’ONU omet d’indiquer que le retour souhaitable à l’équilibre entre taux de natalité et taux de mortalité n’est toujours pas pour demain dans la plupart des pays en développement dont la transition démographique s’éternise (plus de cent ans déjà) sans que l’on sache au juste quand elle se terminera. Selon l’ONU, 61 pays développés pourraient connaître un déclin démographique à l’horizon 2050 (p.6), non totalement compensé par des flux migratoires, mais du même coup présentés comme nécessaires aux bilans démographiques des pays développés. Pourtant, le déclin annoncé sur le plan démographique du monde développé est quelque peu anticipé. D’après les prévisions contenues dans le document (p. 5), la population de l’Europe et de l’Amérique du Nord serait plutôt en phase de stabilisation durant les 30 prochaines années : 1,120 milliard en 2022 contre 1,125 milliard en 2050. Pourquoi donc insister sur le fait que de plus en plus de pays auraient nous dit-on déjà commencé une expérience de déclin démographique (ii messages clefs), sans citer ni leur nombre, ni leur importance relative dans l’évolution de la démographie mondiale, alors que ce type d’évolution (baisse réelle de la population depuis dix ans) est très peu partagé ? Faut-il absolument anticiper et faire comme si un équilibre s’instaurerait peu à peu entre pays à croissance démographique élevée d’un côté et pays à déclin démographique prononcé de l’autre dont la variable d’ajustement nécessaire serait les migrations ? Or, nous vivons toujours et au moins jusqu’à 2050, sous un régime de déséquilibre démographique important, vecteur d’une croissance démographique soutenue.

N’est-il pas temps de briser les tabous, d’oser faire le lien entre évolution démographique et préservation des grands équilibres de notre terre sur le plan environnemental, social, économique mais également géopolitique ? N’est-il pas temps d’indiquer que l’accès d’une population de plus en plus nombreuse à un système économique basé sur la consommation de masse et les énergies fossiles n’est pas compatible avec la préservation de notre environnement ? N’est-il pas temps enfin de changer notre regard et donc notre vocabulaire sur les évolutions démographiques en cours ? Pourquoi continuer à parler de croissance démographique, de dynamisme démographique voire de dividende démographique comme s’il s’agissait d’évolutions positives et porteuses d’avenir ? Pourquoi employer le terme de déclin démographique, de vieillissement de la population, là où il faudrait plutôt évoquer une salutaire stabilisation démographique dans les pays du Nord ?

Il faudrait accepter de faire entrer de plain-pied la démographie dans les Objectifs de développement durable (ODD) en mettant peut-être en exergue un nouveau concept, celui de démographie verte qui implique à la fois un changement drastique de notre modèle économique et un retour rapide à l’équilibre démographique mondial ?

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Article préalablement publié le 11 août 2022 sur le site de Monsieur Stéphane Madaule, "Le développement en partage" (sur les blogs du journal La Croix). Merci à Monsieur Madaule pour son accord quant à la reprise de son texte.

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