La Terre héberge en ce 1er janvier 2019 entre 7,6 et 7,7 milliards de personnes : 7,637 milliards précisément si l'on établit une moyenne des 11 compteurs de population répertoriés ci-dessus.
La croissance de nos effectifs a été d'environ 92 millions en 2018, soit une augmentation annuelle de 1,2 %, sensiblement la même que l’an dernier. Cela correspond à l'arrivée de 250 000 personnes supplémentaires chaque jour sur la Terre en données nettes, c'est à dire naissances moins décès (le tableau indique ici une augmentation de 103 millions et de + 1,4% voir note a pour l’explication).
Si cette année l’ONU et l’INED n’ont pas publié de nouvelles projections pour la moitié et la fin de notre siècle (b), la question démographique semble cependant avoir été plus souvent présente dans les esprits. Certes, la récente COP 24 (Conférence des Parties sur le climat) qui s’est tenue à Katowice a, comme toutes les précédentes, superbement ignoré le sujet, mais en France au moins, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en cause le facteur démographique dans la dégradation des écosystèmes.
Témoin cet article du Figaro (le 9 octobre sous le titre : Faire moins d’enfants, itinéraire d’une thèse vivace) reprenant les conclusions d’une étude publiée en 2017 par l’Environmental Research Letters mettant en évidence le fait qu’avoir un enfant en moins a un impact sans commune mesure avec toutes les autres actions habituellement suggérées pour réduire son empreinte carbone. La reprise de cette infographie cet automne par l’AFP a toutefois fait polémique, ce qui souligne encore une fois le caractère toujours délicat de ces questions.
Ci-dessous graphique comparatif de l’efficacité des différentes actions individuelles possibles pour réduire l’empreinte carbone.
Témoin également cet appel publié par le journal le Monde (le 9 octobre) et signé par une vingtaine de scientifiques affirmant que freiner la croissance de la population est une nécessité absolue. Plusieurs autres médias ont également réalisé des dossiers sur la question comme Libération (le 29 novembre sous les titres : Moins d’enfants pour sauver la planète - Couche culotte ou couche d’ozone faut-il choisir ?), ou Le Drenche (le 23 octobre, article intitulé : Doit-on limiter les naissances pour lutter contre le réchauffement climatique ?) Si les avis sont loin d’être unanimes, le tabou au moins se fissure.
(a) Comme tous les ans, l’échantillon de compteurs ainsi que les bases de calcul retenus par chacun d’entre eux diffèrent de l’année précédente. Au 1er janvier 2019 nous enregistrons deux compteurs supplémentaires (Compteur.net et PopulationCity.World). Ces deux nouveaux compteurs ne modifient ni l’évaluation du niveau de la population ni celle de sa croissance car l’un et l’autre se situent dans la moyenne.
Par contre, le compteur Terriens.com, s'il était bien présent dans nos estimations précédentes a très sensiblement rehaussé sa base de calcul (passant de 7,437 milliards en 2018 à 7,620 milliards en 2019) conduisant à une croissance de 183 millions (+ 2,5 %) ce qui évidemment n'est pas réaliste et influe quelque peu sur le résultat global de croissance. C’est ce qui explique principalement le niveau de l’évaluation globale (+ 103 millions et + 1,4 %) proposée dans le tableau. En soustrayant ce compteur du calcul, ce qui semble plus raisonnable, la croissance peut être estimée comme indiqué dans le commentaire à 92 millions d'habitants, soit + 1,2 %. Notons que malgré cette réévaluation l'estimation de Terriens.com reste inférieure à la moyenne des autres compteurs. Le compteur de l'INSEE a vu aussi sa base modifiée courant 2018 ce qui explique qu'il propose également, mais dans une moindre mesure, une croissance plus forte que la moyenne. Cette réévaluation était sans doute nécessaire pour être plus conforme à la réalité et d'une certaine façon, ce rehaussement des bases de calcul vient valider le fait que le ralentissement de la croissance démographique, si souvent évoqué, est désormais largement amoindri comme en atteste d'ailleurs la réévaluation régulière des projections de l'ONU et de l'INED constatées ces dernières années.
(b) Les dernières projections globales de l'ONU et de l'INED datent de l'an dernier (2017) vous pouvez y accéder via les liens suivants : Projections 2017 de l'ONU et Statistiques mondiales et projections pour 2050 de l'INED (extraits de la revue Population & Sociétés sous la direction de Gilles Pison ).
Vous pouvez également retrouver la série d'articles de ce site consacrés à nos effectifs en début d'année : La population mondiale au 1er janvier :
Un entretien avec Fabien Niezgoda, préalablement publié sur le blog Eléments
Régulièrement, l’évocation dans la presse d’un lien entre démographie et environnement suscite polémiques et controverses. Retour sur la question avec notre collaborateur Fabien Niezgoda, qui a publié avec Antoine Waechter Le sens de l’écologie politique (Sang de la Terre, 2017). Nos lecteurs pourront se reporter également à l’article « Démographie : la bombe P n’est toujours pas désamorcée », paru dans le n°158 d’Éléments (janvier-février 2016).
Une infographie publiée par l’AFP lundi 8 octobre a fait parler d’elle, en plaçant parmi les gestes permettant de réduire son empreinte carbone le fait d’« avoir un enfant de moins », loin devant le renoncement à la voiture ou le changement des ampoules.
L’AFP n’a fait que reprendre l’évaluation effectuée l’an dernier par la revue scientifique Environmental Research Letters. Du reste, les calculs associant l’impact environnemental d’une société à la consommation individuelle multipliée par l’effectif des consommateurs (en tenant compte du type de technologie utilisée) sont présents de longue date dans la réflexion écologiste la plus sérieuse. Citons l’équation de Ehrlich-Holdren (« I = PAT »), au début des années 1970, ou encore l’équation de Kaya , utilisée par le GIEC. L’évidence mathématique provoque pourtant des cris d’orfraie, car la question démographique a cette particularité d’associer deux dimensions que l’on préférerait sans doute dissocier : d’une part la vaste échelle géographique où se mesure l’impact du nombre, et d’autre part l’échelle familiale et individuelle où toute perspective d’ingérence suscite méfiance ou scandale, comme une atteinte aux droits fondamentaux. Pourtant, ainsi que le souligne Didier Barthès, porte-parole de l’association Démographie Responsable, « il n’y a nulle raison d’opposer une action sur les modes de consommation et la lutte contre la surpopulation, les deux se conjuguent »[1].
Yannick Jadot, cité par le Figaro[2], affirme pourtant que « ces thèses ne pèsent plus rien dans l'écologie politique »…
On pourrait répliquer en demandant ce que pèse Jadot – quoiqu’il ne faille jamais sous-estimer le poids des boulets. Plus tristement, on pourrait s’interroger sur le poids de l’écologie politique elle-même. En réalité, ce qui nous ramène au sujet, les représentants les plus visibles de celle-ci se sont pour la plupart discrédités en évacuant progressivement de leur discours et de leur réflexion les données scientifiques les moins compatibles avec un programme politique qui se veut consensuel et progressiste. Jadot rejette ainsi « les grandes théories de l'effondrement global qui ne tiennent pas la route », alors que, ne lui en déplaise, de plus en plus d’écologistes convaincus, conjuguant expertise scientifique et engagement militant, se tournent vers ce que Pablo Servigne et Raphaël Stevens (Comment tout peut s’effondrer, Le Seuil, 2015) ont nommé la « collapsologie », cette démarche d’anticipation des crises à venir, présente en particulier au sein de l’Institut Momentum que préside Yves Cochet. Il en résulte certes des conclusions rarement optimistes, qui ne permettent guère de vendre du rêve – ce qui ne veut pas dire que les collapsologues négligeraient de dessiner des pistes d’action, bien au contraire. Mais le fait de ne pas chercher à séduire les foules ni à les caresser dans le sens du poil a un avantage : on peut dès lors ne pas tenir compte des tabous, en l’occurrence sur la question démographique, et donner à ce paramètre toute sa place dans la prospective, comme l’ont toujours fait les modélisateurs, à commencer par l’équipe réunie autour de Dennis Meadows, à l’origine du fameux rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance. Tout récemment, les scientifiques signataires d’une tribune dans Le Monde[3] l’ont répété eux-mêmes clairement : « Freiner la croissance de la population est une nécessité absolue pour sauver l’habitabilité de notre planète d’un désastre annoncé. »
Interrogé par L’Express[4], Yves Cochet enfonce le clou du néo-malthusianisme, prônant par exemple une refonte radicale du système d’allocations familiales.
Il a raison ; ce système n’est rien d’autre qu’un outil politique, qu’il est donc légitime d’utiliser en fonction des objectifs que l’on se fixe. Yves Cochet avait d’ailleurs déjà évoqué une « grève du troisième ventre » en 2009, suscitant la gêne de ses collègues Verts. Notons qu’en tant que mathématicien, il n’est pas de ceux qui ignorent les équations citées plus haut, ou qui en négligent la portée ; il n’est pas pour rien devenu une figure de proue de la collapsologie. Cochet a raison également quand il souligne qu’agir sur ce paramètre n’est pas plus illusoire que prôner le sacrifice du confort matériel : renoncer à la voiture, au smartphone, à l’entrecôte… Toutefois, il me semble faire fausse route, ou du moins garder un angle mort dans son raisonnement, quand il dit que cette « limitation des naissances » devrait être menée « encore plus en Europe et aux États-Unis qu'ailleurs », du fait de l’empreinte écologique individuelle plus forte des habitants des pays les plus développés. « Contrairement à l'idée répandue que c'est en Afrique qu'ils font beaucoup d'enfants et que cela est un problème », affirme-t-il, « c'est évidemment chez nous qu'il faut avoir une politique de planification familiale anti-nataliste. »
Le problème, c’est que le « malthusianisme dans un seul pays », dans le cadre d’une « planète migratoire » (pour reprendre l’expression du géographe Gildas Simon), c’est un peu l’équivalent d’un désarmement unilatéral dans un contexte belliqueux : une capitulation, déguisée en démarche pacifiste. Se contenter d’inciter les Européens à réduire leur fécondité sans remettre en cause les flux migratoires en provenance des zones à forte pression démographique ne contribue guère à résoudre le problème global, bien au contraire. Au niveau individuel, et en laissant de côté les enjeux socio-culturels évidemment liés à la question, un Malien qui s’installe en France multiplie en quelques années son empreinte carbone par cent : ce déracinement n’est-il pas une aberration écologique ?
D’autre part, ce jeu de vases communicants a un double effet néfaste sur les pays ainsi connectés. Pour les pays récepteurs, l’apport migratoire réduit à néant les amorces de stabilisation voire de décrue démographique – et si l’on n’est pas convaincu de la surpopulation d’un pays comme la France, que l’on compare des cartes IGN récentes à celles antérieures aux « Trente Glorieuses » et à l’« aménagement du territoire », pour y constater d’un coup d’œil l’explosion de l’emprise foncière des zones urbaines au détriment des zones agricoles et naturelles. Quant aux pays émetteurs, la perspective migratoire leur offre comme un bassin déversoir qui a pour effet de retarder les mesures de régulation interne, alors même que des prises de conscience existent, comme le montre le Partenariat de Ouagadougou sur la planification familiale. Le bilan global en terme de pression démographique et écologique n’est donc en rien amélioré par l’ouverture migratoire. Pourtant celle-ci reste prônée contre vents et marées par ceux qui se veulent porteurs de solutions écologistes. Ainsi, selon le secrétaire national d’EELV David Cormand, l’annonce récente de la candidature européenne du maire de Grande-Synthe Damien Carême, actif dans l’accueil des migrants, « illustre en quoi la question écologique est intrinsèquement liée à la question migratoire et européenne ». Diagnostic exact, du moins pour ce qui concerne les réfugiés climatiques, mais prescription charlatanesque.
Un écologiste immigrationniste ne serait donc pas seulement coupable de « hors-sujet », comme on en accuse parfois les écologistes délaissant leur domaine pour des préoccupations sociétales, mais il commettrait même un contresens ?
Il en va ainsi sur d’autres sujets dits « sociétaux » : souvenons-nous de José Bové rappelant à ses collègues favorables à la généralisation de la PMA les critiques fondamentales de son maître Jacques Ellul sur la question de la technique… Mais en effet, sur le sujet démographique et migratoire qui nous intéresse ici, on peut également constater un contresens, qui a d’ailleurs déjà été relevé par d’autres : « Les écologistes devraient dire que l’immigration maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul de la natalité, cette pression pourrait s’y stabiliser sinon régresser. Ainsi il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par la croissance démographique et par les transferts de population. »[5]
Réaffirmons-le : la prise en compte de la démographie est une absolue nécessité écologique. S’aveugler à ce sujet revient à nier que deux fois trois fassent six. Mais les paramètres de la population et des ressources n’ont guère de sens si on les examine « hors-sol », en dehors des milieux (n’oublions pas le sens étymologique du mot « écologie », la science de l’habitat). La dimension géographique, territoriale, géopolitique ne doit pas être évacuée de l’analyse. « Alors que les humains ont atteint les limites de toutes les frontières, y compris celles de la planète, ils devraient dorénavant se contenter du territoire où peuvent s’exprimer leurs solidarités de proximité. Les problèmes économiques, sociaux et éthiques qu’entraînent les migrations devraient être une motivation supplémentaire pour agir au niveau de la maîtrise de la fécondité, pour élaborer collectivement une démographie responsable. »[6]
L’humanité prise dans sa globalité a déjà dépassé la capacité de charge de la planète, entraînant un déséquilibre accru de la biosphère (le climat et la biodiversité en étant les aspects les plus préoccupants, mais il y en a d’autres : changement d’affectation des sols, acidification des océans, cycles du phosphore et de l’azote, pollution chimique...). Mais si le système thermo-industriel peut et doit être observé et compris dans sa dimension mondiale, force est de constater que « l’humanité » en elle-même n’est pas un acteur politique, contrairement aux sociétés territorialisées ; elles seules peuvent être ces acteurs, à condition précisément de rester des communautés politiques ayant par définition la maîtrise de leur territoire, et donc de leurs frontières. Dans une planète saturée, il est indispensable d’envisager le compartimentage de l’écoumène.
[5] René Monet, Environnement, l’hypothèque démographique, cité par Michel Sourrouille, « La problématique des migrations dans une planète close et saturée », in Moins nombreux, plus heureux. L’urgence écologique de repenser la démographie, Sang de la Terre, 2014.
[6] Michel Sourrouille, « La problématique des migrations dans une planète close et saturée », in Moins nombreux, plus heureux, op. cit.
Fabien Niezgoda animera un dîner-débat sur le thème « Écologie et démographie : le défi de la décroissance » le jeudi 8 novembre au Port-Marly (Yvelines). Renseignements et réservations : cf. le n°174 d’Éléments (p. 4), actuellement disponible en kiosque.
Second volet de l'article de Denis Garnier, président de Démographie Responsable
SITUATIONS D’ÉQUILIBRE & DIFFÉRENTS TYPES D’ÉVOLUTION DE POPULATION
A l’occasion de la dernière Conférence climat (COP23), 15.000 scientifiques originaires de plus de 180 pays ont lancé un cri d’alarme sur l’état de la planète. Dans leur appel figuraient treize mesures dont la suivante : « déterminer sur le long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable ». Ce qui suit se veut un début de réponse.
1) On pourrait tout d’abord parvenir à une situation d’équilibre global si chaque pays, quelle que soit sa biocapacité, amenait son empreinte au niveau de la biocapacité moyenne de la planète (1,7 ha). Graphiquement, il s’agit d’un déplacement vertical de tous les pays, non pas vers la courbe verte d’autosuffisance comme on l’a vu pour la France, l’Italie et le Bangladesh, mais vers la ligne horizontale en pointillés représentant l’empreinte de 1,7 hectare. Cela permettrait de répartir de façon totalement égalitaire les ressources de la planète.
Le problème est que, comme on le sait, ces ressources sont très inégalement réparties et cela obligerait donc, entre autres, à des transferts continus de ressources agricoles sur des distances plus ou moins longues, ce qui est énergivore et donc anti-écologique. Ces déplacements auraient même probablement pour conséquence de fausser les calculs en créant de nouvelles sources d’émissions de CO2…
Visuellement, cela conduirait à laisser déficitaires tous les pays « à droite » de la Terre, soit en ne les faisant pas assez descendre, soit carrément en les « remontant », ce déficit écologique cumulé étant comblé par les pays situés « à gauche » de la Terre. Finalement, la planète serait effectivement en équilibre, mais aucun des pays ne le serait avec lui-même.
Évidemment, cette option n’aurait pas d’impact direct sur l’effectif de population. Cependant, avec la croissance démographique prévue par l’ONU, le seuil de 1,7 hectare diminuerait inexorablement et il faudrait à terme se contenter d’une biocapacité de 1,1 hectare par personne comme on l’a vu. Bien que cette solution soit celle privilégiée par un certain nombre d’organisations écologistes pour lesquelles la « répartition stricte » est un credo, et qui ne veulent surtout pas entendre parler de démographie, il est clair qu’elle est excessive et non écologique.
2) a) Le cas suivant étudié considère que les pays débiteurs peuvent conserver leur empreinte individuelle, mais doivent (à terme) avoir moins d’habitants jusqu’à revenir à l’équilibre, et ce alors que les pays créditeurs peuvent avoir plus d’habitants jusqu’à utiliser toute leur biocapacité.
Graphiquement, il s’agit d’une simple translation horizontale vers la gauche pour les premiers et vers la droite pour les seconds. L’évaluation de la population soutenable de chaque pays se fait alors en divisant sa biocapacité globale par son empreinte individuelle. La population soutenable de la planète étant alors la somme des populations de chaque pays.
Le calcul donne une « Population SOUTENABLE 2a » de 4,8 milliards d’habitants au lieu des 7,2 de 2013, date des dernières statistiques du Global Footprint Network (il faut plusieurs années pour collecter les données, les analyser et les rendre publiques).
b) On peut évidemment objecter que puisque la majorité des pays doit baisser sa population, il n’est peut-être pas judicieux d’en laisser d’autres croître sous prétexte qu’ils ont de fortes ressources renouvelables.
Cela nous amène à un deuxième calcul où les pays débiteurs décroissent démographiquement mais où les pays créditeurs restent au même niveau de population (et donc à la même place sur le graphique). Cette option permet de n’utiliser que 76% de la biocapacité de la planète et donc de constituer une sorte de réserve. Elle pourrait donc être nommée « Population OPTIMALE 2b » (8) et s’élèverait à 3,6 milliards d’habitants.
3) a) L’inconvénient du calcul précédent est qu’on aboutit à des possibilités de modes de vie très différentes, très inégalitaires. Par exemple, la France se retrouverait avec une biocapacité individuelle potentielle de 2,9 ha et le Bangladesh de 0,4 ha comme vu plus haut. L’idée serait alors la suivante : permettre à tous les pays d’avoir la même empreinte et biocapacité individuelle. Il y a évidemment énormément de possibilités. On a choisi ici de « se caler » sur l’empreinte de 2,9 hectares, c’est-à-dire celle qui correspond au niveau de vie moyen actuel d’un terrien (et par ailleurs à la biocapacité individuelle de notre pays).
Graphiquement, il s’agit d’un regroupement de tous les pays (et donc aussi de la Terre) en un même point. En agissant donc à la fois sur l’empreinte individuelle et la démographie, la population soutenable de chaque pays serait alors égale au rapport entre sa biocapacité globale et ce nombre de 2,9. Notons au passage que cette option induit une baisse de la consommation (ou du niveau de vie) assez drastique de la part des pays occidentaux qui pour beaucoup ont une empreinte nettement supérieure à 2,9. Finalement, la population soutenable de la planète serait encore égale à la somme des populations de tous les pays. Le calcul donne ainsi une « Population SOUTENABLE 3a » de 4,4 milliards d’habitants.
b) Cependant, comme précédemment, il peut sembler préférable que les pays ayant une biocapacité supérieure à 2,9 restent au même niveau de population. Graphiquement, pour ce qui les concerne, cela conduirait à un déplacement strictement vertical. Dans ce dernier cas, la « Population OPTIMALE 3b », avec une utilisation de seulement 79% de la biocapacité de la planète, se monterait à 3 milliards d’habitants. Cette évaluation qui est la plus basse des quatre s’explique par le fait que l’on a choisi un niveau de vie « assez élevé ». Notons comme précédemment que le gain annuel de biocapacité permettrait, à terme, de récupérer les déficits accumulés lors des décennies précédentes. Signalons aussi que c’est cette dernière option qui aurait la préférence de l’association Démographie Responsable.
A partir des données du Global Footprint Network, l’écologie-statistique peut permettre de modéliser de multiples autres solutions. L’idée est simplement ici de montrer des exemples de calcul basés essentiellement sur le fait que chaque pays doit se mettre en adéquation avec sa biocapacité, c’est-à-dire avec ses ressources renouvelables propres par l’intermédiaire de la baisse de son empreinte et de la baisse éventuelle de sa population.
Pour résumer les résultats obtenus : si l’on veut être en équilibre, et en partant d’une population de 7,2 milliards d’habitants, il faudrait se retrouver (à un horizon plus ou moins lointain) entre 3 et 4,8 milliards d’humains, c’est-à-dire (en arrondissant) entre 40% et 70% de la population de 2013.
On remarquera aussi que les efforts demandés le seraient pour tous les pays, qu’ils soient situés au nord comme au sud. Dans les scénarios 2, les efforts ne porteraient que sur les effectifs de population alors que dans les scénarios 3, ils demanderaient une baisse importante du niveau de vie des pays du nord et une baisse significative des effectifs de certains pays du sud déjà surpeuplés, comme on le voit sur les exemples choisis du tableau ci-dessous.
c) Le choix de ces 2,9 ha permet de travailler sur un cas concret, mais il est évidemment arbitraire. Plus généralement l'évolution conjointe des populations soutenables et optimales du scénario 3 (c'est-à-dire avec une empreinte choisie/imposée et commune à tous les pays) peut être représentée sur un même graphique comme ci-dessous, ou sous forme de tableau (9). Il est alors intéressant de regarder cette évolution dans un intervalle compris entre la biocapacité individuelle moyenne de la planète (1,7 hectare) et l'empreinte individuelle moyenne de la planète (2,9 hectares). En effet, comme on l'a vu, sous la barre des 1,7 ha le niveau de vie est trop bas et au-dessus de 2,9 ha l'effort demandé devient très important.
Pour une empreinte de 1,7 hectares, on retombe sur les 7,4 milliards de la population soutenable 1, par contre le cas associé d'une population optimale de 4,1 milliards n'a pas été étudié, car clairement disproportionné pour les pays fortement créditeurs. Pour une empreinte de 2,9 hectares, on retrouve bien les 4,4 milliards de la population soutenable 3a et les 3,0 milliards de la population optimale 3b.
On remarquera que la différence entre l'effectif de population soutenable et optimale a tendance à se réduire quand l'empreinte choisie augmente. Cela provient du fait que lorsqu'on augmente l'empreinte disponible, les pays qui sont au-dessus de celle-ci peuvent avoir de moins en moins de population et l'optimisation est donc moins marquée. D'ailleurs au-delà d'une certaine valeur, les deux courbes finiraient par se superposer.
Enfin, pour être en équilibre écologique avec la planète, il faudrait être situé à l'intérieur de la zone hachurée.
CONCLUSION
A partir des données du Global Footprint Network, l’écologie-statistique peut donc permettre de modéliser un très grand nombre de scénarios. L'idée a été simplement ici de montrer des exemples de calcul basés essentiellement sur le fait que chaque pays doit se mettre en adéquation avec sa biocapacité, c’est-à-dire avec ses ressources renouvelables propres par l'intermédiaire de la baisse de son empreinte et/ou de la baisse de sa population.
Il est évident que si le choix de la stabilisation, puis ensuite de la réduction, de la population mondiale était décidé par la communauté internationale et les pays respectifs, et ce dans le cadre de COP dédiées à ce sujet, sa mise en œuvre mettrait un certain temps à se concrétiser.
Et ce à la fois parce que les effets des mesures démographiques courent sur plusieurs générations, mais aussi parce qu'il ne faudrait pas brûler les étapes et commettre l’erreur inverse de celle qui a été faite dans le passé : à une explosion démographique catastrophique, il ne faudrait pas substituer une baisse démographique trop brutale, aux conséquences économiques et sociales difficilement gérables.
Les couples doivent absolument pouvoir continuer à avoir un ou deux enfants mais il serait bon qu'ils n’aillent pas au-delà, car l’aventure humaine, malgré toutes ses erreurs accumulées, doit pouvoir se poursuivre le plus longtemps possible.
(1) Précisons que l’empreinte écologique et la biocapacité sont des indicateurs partiels de notre influence sur la planète. Ils laissent en effet de côté non seulement les ressources fossiles disponibles (puisque non-renouvelables à notre échelle de temps), de nombreux éléments du domaine du renouvelable (solaire, éolien,…) mais aussi la richesse de la faune et de la flore (biodiversité). Pour évaluer l’état de cette dernière, il existe d’ailleurs un autre indicateur : l’Indice Planète Vivante.
(2) En fait on utilise l’hectare global (hag). En effet, la productivité des surfaces peut être fort différente (par exemple celle de la forêt amazonienne est bien supérieure à celle d’un désert). Les productivités de ces surfaces sont donc comparées à une productivité moyenne mondiale. Un système de pondération permet alors d’évaluer chaque surface en hectare global.
(3) Le GFN et le WWF ont décidé de considérer que « Le Jour du dépassement de la France pour 2018 » tombait le 5 mai dernier. Il s’agit, de notre point de vue, d’une erreur d’interprétation. Lire à ce sujet l’article intitulé Retour sur le « Jour du dépassement » de la France.
(4) Les statistiques du GFN sont disponibles ici et sur demande.
(5) Où l’on voit d’ailleurs que c’est notre empreinte carbone qui nous « plombe ».
(6) Habituellement, la densité de population d’un pays est calculée en nombres d’habitants par km² (hab/km²). Dans la présentation choisie ici, le calcul se fait en nombre d’habitants par hectares de surface bioproductive (hab/ha). En fait, ce sont « les inverses » des biocapacités (qui s’expriment en ha/hab) qui apparaissent sur l’axe des abscisses. Il revient à Cyril Meynierr d’avoir eu l’idée de cette présentation.
(7) On peut d’ailleurs considérer qu’avec une biocapacité individuelle inférieure à 1 hectare, il est fort difficile de vivre correctement. Or un tiers des pays du monde est dans ce cas. C’est la raison pour laquelle la généralisation de la solution de l’équilibre des pays à partir de leur seule biocapacité et sans réduction de la population ne sera pas valorisée.
(8) Ce qualificatif d’optimal peut évidemment interroger, puisqu'il ne s’agit évidemment pas de « la meilleure solution possible ». Disons que l’idée est ici de trouver une dénomination qui sous-entend qu’il s’agit d’une solution meilleure que la solution soutenable. Cela étant, le niveau de population que notre planète pourrait durablement supporter en laissant de la place aux autres espèces se situe probablement encore en-deçà des évaluations ici proposées.
(9) En effet, il peut être utile de disposer des valeurs exactes suivant l'empreinte choisie :
Liens vers le téléchargement des fichiers Excel où figurent les calculs
Un article de Denis Garnier, président de Démographie Responsable
(premier volet de l'article)
A l’occasion du Jour du dépassement qui intervient tous les ans un peu plus tôt et qui est prévu en cette année 2018 pour le 1er août, il peut paraître intéressant d’en rappeler l’origine, mais surtout d’étudier différentes manières d’en stopper l’inexorable avancée.
L’EMPREINTE ECOLOGIQUE
Il existe aujourd'hui un indicateur qui a l'avantage de faire une sorte de synthèse d’un grand nombre des impacts écologiques dus aux activités humaines : il s’agit de l’empreinte écologique, initiée par le Global Footprint Network (GFN) et popularisé en France par le WWF(1).
L’empreinte écologique individuelle est la surface nécessaire pour produire les ressources qu'un individu consomme et pour absorber les déchets qu'il génère.
Actuellement, au niveau mondial, nous utilisons en moyenne 2,9 hectares par personne(2). Le problème est que nous ne disposons que de 1,7 hectare, qui correspond à ce que la planète produit de façon renouvelable chaque année, ce qu'on appelle la biocapacité moyenne individuelle.
La question qui vient immédiatement à l'esprit est évidemment la suivante : comment est-il possible de consommer plus que ce qui est produit ?
Eh bien nous puisons tout simplement dans le capital de la Terre : par exemple nous émettons plus de CO2 que les océans et les forêts ne peuvent en absorber (l’empreinte carbone compte d’ailleurs pour plus de la moitié de l’empreinte globale) et sa concentration dans l’atmosphère participe au réchauffement, ou encore nous vidons les océans de leurs poissons, où même nous stérilisons des terres arables en les bétonnant...
Précisons une chose importante : l'empreinte globale d'un pays correspond à tout ce qui est consommé à l’intérieur du pays. On tient donc aussi compte de l’empreinte des produits importés et on enlève celle de ceux qui sont exportés.
Notons aussi que la biocapacité d’un pays peut évoluer à la hausse via des mises en culture voire l’utilisation de fertilisants, mais aussi à la baisse via l’épuisement ou l’artificialisation des sols. Au final, il faut savoir que la biocapacité des pays (et donc de la planète) n’augmente que fort peu avec le temps.
On peut tout d’abord comparer l’empreinte moyenne individuelle (et son alter ego la biocapacité) de notre pays et celle de la planète, ou plus précisément celle d’un français et celle d’un terrien.
On remarque tout de suite que la France est « au-dessus » pour les deux indicateurs : par tête, nous consommons plus que la moyenne, mais notre pays produit plus de ressources renouvelables par individu que la moyenne de la planète, et ce en partie grâce à notre situation géographique privilégiée. Notons aussi que le fait que la biocapacité de la France et l’empreinte de la planète soient toutes deux égales à 2,9 est un pur hasard.
LES RATIOS
Il se trouve que l’on peut tirer un grand parti de ces quatre nombres en les comparant entre eux de différentes manières et comprendre ainsi l’origine de toute une série d’informations qui sont souvent relayées par les médias.
Pour la France :
- La France a besoin de 1,8 fois sa superficie pour faire vivre ses habitants en effet : E(F) / E(B) = 1,8
- Si tout le monde vivait comme les français, il faudrait 3 planètes En effet : E(F) / B(P) = 3
- Le 27 juillet (208ème jour de l’année) sera le « Jour du dépassement » de la France (3) en 2018 en effet : ( B(F) / E(F) ) x 365 = 208
Plus généralement, grâce au Global Footprint Network, nous disposons (4) dans le détail des statistiques d’empreinte et de biocapacité pour tous les pays du monde et en particulier pour la France (5). Comme on va le voir, toutes ces données permettent de produire des analyses assez poussées.
QUELS SONT LES PAYS « LES PLUS POLLUEURS » ?
Il y a deux principales façons de s’intéresser à cette question, soit au niveau global, soit au niveau individuel.
Au niveau global, on peut regarder ce que chaque pays prélève dans le capital de la planète au-delà de ce qu’il génère lui-même de façon renouvelable.
Il se trouve que la différence entre les 4 pays les plus déficitaires et les autres est telle que, pour des raisons d’échelle, on est obligé de recourir à deux diagrammes.
Même si c’est pour des raisons différentes, on notera néanmoins que les trois pays les plus peuplés de la planète, Chine (1,4 milliard d’habitants), Inde (1,35 milliard) et USA (325 millions) sont en tête. Précisons que pour la Chine, il s’agit bien de son empreinte propre, déduction faite de l’impact écologique dû à la fabrication des nombreux produits qu’elle exporte.
Ensuite, on voit qu’avec sa douzième place, la France est assez mal placée, mais on remarquera que plusieurs pays européens la précèdent (Allemagne, Royaume-Uni et Italie) et on notera aussi que nous sommes encadrés d’assez près, en amont par 3 pays (Iran, Mexique et Arabie Saoudite) et en aval par deux autres (Turquie et Egypte) dont la responsabilité écologique est rarement évoquée...
Au niveau individuel, en divisant donc l’empreinte résiduelle globale des pays par le nombre de leurs habitants, on trouve en tête quelques micro-états économiquement très florissants (Luxembourg, Qatar, Koweït, Singapour et Bahreïn), suivis par notre voisine la Belgique avec sa forte densité de population (365 hab/km²). La France, quant à elle, se retrouve en 33ème position du fait de sa densité de population modérée (118 hab/km²) et donc de sa biocapacité par tête élevée, comme indiqué plus haut. En effet, comme nous le verrons plus loin, biocapacité individuelle et densité de population fonctionnement « en sens inverse ».
La différence entre cette 33ème place au niveau individuel et la 12ème place au niveau global provient du fait que la France est le vingtième pays le plus peuplé du monde : un déficit individuel « moyen » de 2,2 hectares finit par compter lorsqu’il est multiplié par un grand nombre d’individus (64 millions en 2013).
COMPARAISON ENTRE PAYS
Il est évidemment possible de comparer séparément chacun des pays avec la planète, mais il est encore plus intéressant de les comparer tous entre eux en les faisant apparaitre sur un même graphique. Sur celui qui suit, on a choisi de représenter sur l’axe vertical les empreintes individuelles et, sur l’axe horizontal, les densités de population par surface bioproductives (6). Sont tracées aussi la courbe correspondant à l’autosuffisance (ou équilibre écologique) et celles de l’utilisation de ressource équivalentes à plusieurs fois le pays (2, 3, 4 et plus).
Avec des empreintes supérieures à la moyenne mondiale (2,9 ha), on trouve par exemple la France (avec son ratio de 1,8 fois sa superficie) près de la courbe de l’utilisation de « deux pays », ainsi que l’Allemagne qui utilise deux fois et demi sa superficie, puis le Royaume-Uni et l’Italie qui utilisent quatre fois leur territoire.
Avec des empreintes inférieures à la moyenne mondiale, on remarque que le Nigeria a déjà presque besoin de deux fois sa superficie, que le Bangladesh, le Burundi et Haïti sont à deux, que l’Inde est un peu au-dessus, quant à l’Algérie et l’Egypte c’est carrément quatre fois leur superficie dont elles ont besoin.
A gauche et « sous » la courbe verte d’autosuffisance on remarque la présence du Canada, de la Russie et du Brésil qui ont donc une biocapacité supérieure à leur empreinte, ce qui est évidemment positif. Par contre, pour les deux premiers pays cités, l’empreinte est très largement supérieure à l’empreinte moyenne de la planète et ils doivent impérativement faire un gros effort pour la réduire.
Les seuls pays totalement « vertueux » sur le plan écologique, à la fois pour eux-mêmes et pour la planète, se situent dans la partie verte (on peut citer par exemple le Congo et Madagascar).
On remarque enfin la place assez « à droite » de l’Inde et du Bangladesh, avec des densités de population par surface bioproductive autour de 2,5 hab/ha, qui n’est qu’une conséquence de leurs très fortes densités de population réelles (respectivement 400 et 1.100 hab/km²). Idem pour le Burundi et Haïti.
LE RETOUR A L’ÉQUILIBRE
L’intérêt de ce graphique est qu’il permet aussi de voir comment chacun des pays pourrait revenir à l’équilibre, c’est-à-dire rejoindre la courbe verte.
1) Prenons l’exemple de la France.
Il y a trois grands types de solutions : à l’intérieur de la surface verte et dans la direction des flèches obliques rouges, vers le haut ou vers le bas.
a) On peut expliciter les deux solutions extrêmes de la surface :
Sans agir sur la population, la flèche verticale vers le bas fait passer l’empreinte individuelle de 5,1 à 2,9 hectares, ce qui semble possible à moyen terme en réduisant drastiquement l’empreinte carbone (5), mais correspondra inévitablement à une économie décroissante et donc à une baisse significative de notre niveau de vie,
Sans agir sur l’empreinte, la flèche horizontale vers la gauche fait baisser la densité de population et donc la population elle-même de 64 à 36 millions, ce qui serait aussi possible, mais sur un terme encore plus long.
Evidemment, toute solution intermédiaire comprise dans la surface verte, et incluant à la fois la baisse de l’empreinte et la baisse de la population est envisageable et sans doute préférable.
b) La flèche extérieure rouge inclinée vers le haut correspond à une baisse encore plus importante de la population pour permettre une biocapacité individuelle et un niveau de vie encore supérieur.
c) La flèche extérieure rouge inclinée vers le bas correspond à une densité de population encore plus forte et donc à une biocapacité par habitant encore plus faible. Notons qu’actuellement, c’est malheureusement ce dernier scénario qui est en cours…
2) On peut ensuite prendre l’exemple de deux autres pays, un en Europe (l’Italie) et l’autre en Asie (le Bangladesh).
Dans le cas de l’Italie, la seule baisse de l’empreinte serait très importante (de 4,5 à 1,1 ha) et d’un autre côté, du fait de sa position sur la quatrième trajectoire, la solution concernant la seule baisse de la population amènerait à une division par quatre de celle-ci (de 60 à 15 millions).
Pour le Bangladesh, verticalement on aboutirait à une empreinte de 0,37 ha c’est-à-dire à un « niveau de vie » potentiellement huit fois plus faible que celui d’une France en équilibre écologique (7). Horizontalement, la baisse de la population ferait passer le Bangladesh de 160 à 90 millions et même ainsi avec un « niveau de vie » finalement quatre fois plus faible que le nôtre (0,75 vs 2,9 ha). Ces résultats peu encourageants proviennent du fait que le Bangladesh a laissé filer sa démographie et atteint un tel niveau de surpopulation que toute solution sera très difficile à trouver. Ceci étant, au vu du caractère extrême de la situation de ce type de pays, il serait souhaitable de sortir de l’aire colorée avec une solution du type flèche vers le haut (comme on le verra plus loin).
LES PROJECTIONS DE L’ONU
Tous les deux ans, l’ONU publie ses projections de population pour le milieu et la fin du siècle. L’été dernier celles-ci indiquaient 9,8 milliards d’humains pour 2050 et 11,2 milliards pour 2100.
En tenant compte du fait que la biocapacité totale de la planète était de 12,2 milliards d’hectares en 2013 et qu’à cette date nous étions 7,2 milliards, la biocapacité moyenne disponible se situait donc (comme on l’a vu) aux alentours de 1,7 hectare par personne, ce qui correspond à l’empreinte individuelle du Viêt Nam. Pour être en équilibre à cette date et en imaginant une affectation égalitaire des ressources pour tous les individus de la planète, il aurait donc fallu que nous ayons un niveau de vie comparable à celui du Viêtnam.
Pour 2050, et en faisant l’hypothèse que la biocapacité de la planète n’évolue pas, avec les 9,8 milliards d’humains annoncés, il ne nous resterait qu’une biocapacité de 1,25 hectare par personne, soit la possibilité du niveau de vie de la Tanzanie actuelle.
Enfin pour 2100, le calcul donne une biocapacité disponible de 1,1 hectare correspondant au niveau de vie du Sénégal d’aujourd’hui.
Au vu de ces quelques éléments, on voit bien que la poursuite de la croissance démographique mondiale conduirait à une baisse continue et surtout drastique du niveau de vie des pays du nord et empêcherait aussi toute hausse du niveau de vie de nombreux pays du sud.
La question de la limitation des naissances, indispensable pour conserver les équilibres écologiques, est sujette à débats depuis l’essor de la philosophie des Lumières (XVIIIème siècle) et les écrits de Thomas Malthus (1766-1834). Cette réflexion est une réponse à l’explosion de la population humaine depuis 1750, due aux innovations médicales, aux progrès techniques et au développement économique, qui a bouleversé tous les équilibres écologiques précédents. De nombreux ouvrages ont traité de ces questions. Cette note remet au goût du jour les principaux arguments avancés en faveur de la maîtrise de la fécondité, la fameuse ''transition démographique'' qui doit, à terme, permettre de rétablir les équilibres démographiques et écologiques au niveau mondial, suite aux déséquilibres créés par l’extraordinaire baisse de la mortalité qui perdure depuis deux ou trois siècles.
1) Droits de la femme et du couple (niveau individuel)
Hormis les femmes stériles, cas qui reste rare (2 % des femmes), pratiquement toutes les femmes ont besoin à un moment ou un autre de leur vie génésique de contrôler leur fécondité : pour éviter une naissance avant le premier mariage, pour éviter une naissance au cours des périodes hors mariage (veuvage, divorce, séparation), pour éviter une naissance lors de périodes difficiles (problèmes de santé, difficultés économiques, situations sociologiques ou psychologiques pénibles, etc.), pour espacer les naissances, et enfin pour limiter le nombre de naissances lorsqu’il excède le nombre désiré ou les capacités de la famille. Les femmes et les hommes souhaitent aussi profiter pleinement de leur sexualité sans craindre une grossesse non-désirée.
En conséquence, femmes et hommes ont droit à une information précise sur le sujet et à un accès sans restriction aux diverses méthodes de contraception et de contrôle des naissances. Et lorsque les couples ont accès à cette connaissance et à ces méthodes, l’expérience montre qu’ils les utilisent à bon escient, et que, à terme, ils adoptent une solution qui conduit à une stabilisation de la population, la norme étant la famille de deux enfants (avec de nombreuses variantes). Cette évolution s’est produite dans les pays européens au XIXème siècle, et dans la majorité des pays du Tiers Monde depuis 1950, à l’exception de certains pays africains encore en retard dans le processus en 2018.
2) Équilibres écologiques (niveau collectif)
De nombreux équilibres écologiques dépendent de la taille de la population du fait du caractère limité de tous les environnements physiques nécessaires à la vie sur terre (eau, air, terre habitable, terre arable, etc.), et des nombreuses interactions entre environnement physique et espèces végétales et animales.
- Équilibre population humaine / ressources hydriques : la première limitation à la vie sur terre (animale ou végétale) est l’eau douce. Lorsque la population explose, l’accès à l’eau devient un enjeu majeur, une source de conflits et de violence, et dans les cas extrêmes de disparition des populations (Sahara, Mésopotamie). Certes des innovations récentes, telles que le dessalage de l’eau de mer ou le recyclage des eaux usées, pourraient permettre d’alléger cette contrainte, mais là encore avec des limites physiques importantes et des coûts financiers considérables.
- Équilibres population humaine / terres arables : la seconde limitation est celle des terres arables, qui déterminent la production agricole (agriculture, élevage) et donc la nourriture (c’est l’argument central de Malthus). Notons que l’extension de l’agriculture s’est faite au détriment de la faune sauvage, que pratiquement toutes les terres arables sont déjà cultivées, et que plus les zones urbaines et industrielles s’étendent, plus les terres arables se réduisent. Jusqu’ici l’augmentation du ratio d’habitants par surface de terre arable a été compensée par l’augmentation des rendements agricoles, mais ceux-ci ont aussi leurs limites, ainsi que de nombreuses externalités négatives (appauvrissement des sols, pollution des sols, transformations des environnements nécessaires à certaines espèces sauvages, etc.).
- Équilibres populations humaines et populations animales : cet équilibre est en général bénéfique aux deux espèces. Lorsque les populations humaines sont trop denses, les populations animales disparaissent : d’abord les grands prédateurs (loups, ours, lions, etc.), puis les mammifères sauvages, et à terme de nombreuses autres espèces (insectes, oiseaux). En Afrique, cet équilibre avait été très bien préservé depuis quelques 100.000 ans que les êtres humains (homo sapiens) occupent le continent, mais il disparaît très rapidement depuis un siècle du fait de la pression démographique, et devrait être en grande partie détruit au cours du 21ème siècle si les tendances actuelles continuent. Notons que maintenant la présence de la faune sauvage est à nouveau considérée comme souhaitable, après avoir été honnie pendant des siècles en Europe.
- Équilibres populations humaines et environnement végétal : de nombreux environnements occupés par la flore, en particulier les forêts, sont fondamentaux pour la production d’oxygène et l’absorption du gaz carbonique, un des principaux gaz à effet de serre. De même les zones humides (marais, mangroves) sont nécessaires à de nombreuses espèces animales (oiseaux, batraciens, insectes, etc.).
- Populations humaines et émissions de gaz à effet de serre : de nombreuses activités humaines produisent des gaz à effet de serre, qui causent un réchauffement climatique susceptible de menacer la survie de nombreuses espèces et même de causer une augmentation du niveau des mers. Ces émissions proviennent des productions industrielles, de la production d’énergie (chauffage, électricité), des transports (air, route), etc. Toutes sont fonction de la taille de la population et du niveau de développement économique. Elles pourraient avoir pour conséquence la fonte du permafrost, qui produirait de gigantesques émissions de méthane, autre puissant gaz à effet de serre, ce qui renforcerait le phénomène.
- Populations humaines et pollutions : les divers progrès techniques qui ont révolutionné l’agriculture et la production de biens et services ont souvent des conséquences négatives : pollutions diverses, poisons de toute nature, qui peuvent affecter de nombreuses espèces animales (oiseaux, abeilles, insectes), et végétales, y compris l’espèce humaine. Ces pollutions sont d’autant plus importantes que la taille de la population humaine est grande et que le progrès technique est avancé (nucléaire, produits chimiques, insecticides, etc.). Certaines de ces pollutions, comme les perturbateurs endocriniens, affectent même directement le métabolisme du corps humain.
- Populations humaines et épuisement des ressources fossiles : l’augmentation de la population ainsi que la mise au point de nouvelles techniques d’exploitation conduisent à l’épuisement des ressources fossiles (non renouvelables): eaux fossiles en zone aride, hydrocarbures, métaux rares, etc.
- Populations humaines et surexploitation des ressources renouvelables : la surpopulation conduit aussi à la surexploitation de certaines ressources renouvelables, comme la surpêche dans les océans. Une synthèse récente de travaux scientifiques du monde entier a mis en évidences les énormes changements qui se sont produit entre 1960 et 2015, période au cours de laquelle la population mondiale est passée de 3,0 à 7,3 milliards d’habitants : augmentation considérable de la température du globe et de la concentration en dioxyde de carbone (CO2) ; apparition de zones mortes dans les océans et de gigantesques poubelles de plastique ; baisse de la quantité d’eaux fraîches disponibles, baisse des prises de poissons de mer, réduction drastique des forêts et de la biodiversité, et disparition de nombreuses espèces de vertébrés.
3) Conséquences sociales et épidémiologiques
La forte croissance démographique a toujours pour conséquence la surpopulation en terme de densité relative, par rapport à la surface habitable ou à la surface arable. En plus des conséquences sur l’environnement physique et sur les populations animales et végétales, les conséquences sont aussi sociales. Les sociétés en surpopulation deviennent agressives, et provoquent des conflits (pour l’eau, la terre, les ressources naturelles), voire des guerres et même des génocides (comme celui des amérindiens). Ces situations induisent aussi des migrations de détresse, aux nombreuses conséquences négatives.
Les fortes densités de population, les migrations et déplacements rapides (avion), et les contacts plus fréquents avec les populations animales favorisent aussi la diffusion de maladies infectieuses transmissibles (autrefois la peste, le choléra, la variole, la rougeole, la coqueluche, etc. maintenant la grippe, diverses formes d’entéro-pathogènes) et l’apparition de maladies émergentes (VIH/sida, Ebola, grippe aviaire, etc.). De plus, les transports rapides peuvent favoriser l’apparition d’espèces invasives qui peuvent détruire des équilibres écologiques antérieurs.
4) Interactions économiques
Rappelons au préalable qu’aucune société, aucun pays, n’a connu de développement économique important au cours des deux siècles précédents sans contrôler sa fécondité et la croissance de sa population. Et les seuls pays qui ne l’ont pas fait sont restés particulièrement en retard dans le processus du développement, essentiellement des pays africains.
Cependant, les relations entre économie et démographie sont plus complexes que celles qui lient population et environnement.
- Croissance économique vs croissance démographique : la première relation est simple : si le taux de croissance économique est « a » et le taux de croissance démographique est « b », le taux de croissance du revenu par tête est « r = a - b », et donc plus « b » est faible, plus « r » sera élevé.
- Pression de la population et salaires : lorsque la croissance démographique est forte, la main d’œuvre est abondante, et donc le taux de salaire est faible ; si au contraire la croissance démographique est faible (voire négative) on a l’effet inverse, c’est-à-dire une baisse de la demande d’emplois et une augmentation des salaires. On a observé ce phénomène au XIVème siècle en Europe suite à la baisse de population causée par la peste noire, et dans une certaine mesure on l’observe actuellement dans certains pays à croissance démographique négative (Japon).
- Pression de la population et coût de la vie : lorsque la population est importante, certains coûts incompressibles augmentent, en particulier le prix de la terre agricole, le prix des terrains à bâtir, le coût du logement, etc., grevant ainsi les budgets des ménages.
- Croissance démographique, emploi et promotion professionnelle : lorsque la population augmente vite, la pyramide des âges a une forte pente, ce qui limite les possibilités de première embauche, et par la suite de promotion professionnelle (trop de jeunes, pas assez d’emplois, pas assez de place au sommet de la hiérarchie).
Mais les économistes opposent souvent des contre-arguments, basés sur des observations ponctuelles ou plus générales :
- Les dynamiques démographiques peuvent avoir des effets positifs sur les dynamiques économiques, notamment en stimulant l’innovation, en incitant à adopter des techniques plus efficaces, en obligeant à améliorer la gestion, etc. Mais il faut tout de même remarquer que les nations qui ont le plus innové ces 50 dernières années sont celles qui ont le mieux contrôlé leur fécondité (Japon), alors que celles qui ne l’ont pas fait ont très peu innové (pays africains).
- Du point de vue des classes possédantes, des banquiers et des investisseurs, la croissance démographique permet d’abaisser le coût de la main d’œuvre, et donc d’augmenter le taux de profit et de stimuler les investissements. Dans ce cas, l’abondance de main d’œuvre peut même être vue comme une opportunité pour faire des profits (comme dans les pays asiatiques dans les années 1960 ou dans certains pays africains actuellement).
- Une forte croissance démographique, en changeant la structure par âge, peut avoir des effets favorables sur certains paramètres, comme par exemple sur les systèmes de retraite (plus de cotisants, moins de bénéficiaires). Ce défaut peut cependant être facilement corrigé en changeant l’âge à la retraite.
5) Dépenses publiques
Pour ce qui concerne le budget de l’Etat et les dépenses publiques, là encore les relations avec la croissance démographique sont complexes. De plus, il ne faut pas oublier que ces dépenses sont assurées par les impôts et taxes, et donc par la population elle-même. Plus la structure par âge est favorable à l’activité économique (plus d’adultes actifs, moins d’enfants et de personnes âgées) moins les charges pesant sur les travailleurs sont importantes, ce qu’on appelle souvent le ‘dividende démographique’.
En fait :
- Une forte croissance démographique oblige à une augmentation des dépenses publiques (investissements et fonctionnement) concernant les enfants : maternités, crèches, écoles, dispensaires, dépenses de santé. Cependant, une partie de ces dépenses est assurée par les familles.
Par contre :
- Une faible croissance démographique exige à terme plus de dépenses pour les personnes âgées (hôpitaux, maisons de retraite, dépenses de santé). Mais, à la différence des enfants, les personnes âgées ont des ressources financières propres (retraite, patrimoine, etc.).
Conclusions
En bref, la très grande majorité des arguments présentés ci-dessus vont dans le sens de la limitation des naissances : elle est au bénéfice de tous, espèce humaine comme espèces animales et végétales. Les rares contre-arguments économiques pèsent un poids bien faible en comparaison. Ainsi donc, toutes les politiques publiques et les efforts privés qui vont dans le sens de la maîtrise de la fécondité auront des conséquences positives sur les équilibres population et environnement, ainsi que sur les dimensions sociales et psychologiques: bonheur, prospérité, paix et sécurité. En corollaire, l’absence ou la faiblesse actuelle des politiques de planification des naissances dans certains pays africains, apparaît comme particulièrement irresponsable, car ignorant les nombreuses conséquences à long terme.
Ehrlich PR, Ehrlich AH. (2009). The Population Bomb Revisited. The Electronic Journal of Sustainable Development; 1(3).
Malthus TR. (1807). An Essay on the Principle of Population, or a View of Its Past and Present Effects on Human Happiness, with An Enquiry into Our Prospects Respecting the Future Removal or Mitigation of the Evils Which It Occasions. (Fourth edition), London: J. Johnson.
Parmi les commentaires anti-malthusiens, il est une réaction récurrente qui étonne toujours par sa violence. Elle se présente sous deux formes, la première directe et épidermique « Vous voulez réduire la population mondiale ? Commencez donc par vous suicider ! » et se rencontre très souvent dans les salons, sur les forums... La seconde plus subtilement agressive : « Surpopulation ? Alors on commence par (éliminer) qui ? » a été employée par des politiques ou des scientifiques comme Y. Jadot ou J-L. Etienne par exemple...
L'idée de réduction nécessaire de notre natalité est donc ici associée à un fantasme de mort violente, de meurtre (comme aux plus beaux jours de la lutte contre la contraception et l'avortement), et ce n'est pas étonnant qu'il soit concomitant de celui d'un complot des élites pour une élimination massive des terriens, complot attribué à Bill Gates ou à un quelconque Nouvel Ordre Mondial. .
Pourquoi ce thème réveille-t-il de telles terreurs, pourquoi semble-t-il attaquer à ce point la légitimité de l'existence de nos interlocuteurs, pour qu'ils nous agressent aussi violemment ? Il est vrai que la seconde forme emprunte à la facile tactique de la condamnation à priori des questionneurs, comme D. Barthès l'a indiqué très justement dans un article et que le sujet de la natalité est sensible, intime... Cependant tout cela me semble s'apparenter aussi à une réaction désespérée de déni.
On peut en effet penser que l'humain a perdu au fil des siècles beaucoup d'illusions sur sa toute puissance : Dieu (quoique depuis deux décennies…) et les espérances du Grand Soir l'ont quitté, la «découverte» de l'Inconscient lui a ôté la certitude de maîtriser son destin et enfin sa planète ne s'avère plus infinie ni sa corne d'abondance éternelle.
Pour refuser la régulation de sa descendance, dernier espace de liberté, de toute puissance imaginaire - et dernier espoir de se multiplier à l'infini pour éviter de se confronter individuellement à sa misérable finitude - il cherche des échappatoires: retournement des jumelles pour ne voir que des initiatives locales, transhumanisme, colonisation de Mars... voire certitude que la catastrophe qui arrivera à coup sûr, l'épargnera lui et les siens, lui permettant ainsi de retrouver l'infini de la planète, de ses ressources et la possibilité de se reproduire à nouveau sans frein (cf. les mouvements survivalistes et collapsologues).
Notre Ubris (ou Hybris) semble avoir trouvé un dernier refuge dans ce déni de la surpopulation. D'où peut-être ces réactions agressives et irrationnelles face à une réalité effrayante...
Avec cette ultime illusion perdue, le roi est vraiment nu et l’homme bien seul face à la mort. La sienne et celle, toujours possible de son espèce.
Comme cela était attendu, l'année 2017 aura vu l'humanité franchir le seuil des 7,5 milliards de représentants. La croissance reste stable avec un rythme annuel de + 1,2 %
La planète gagne environ 89 millions d'habitants par an (150 millions de naissances moins 61 millions de décès) ce qui correspond à 244 000 personnes de plus par jour, solde de 410 000 naissances moins 166 000 décès.
Ces deux institutions confirment évidemment les estimations proposées par les compteurs cités plus haut. Elles valident également les récentes tendances au rehaussement régulier des projections démographiques ainsi que l'arrêt de la baisse de la fécondité mondiale (stabilisée à 2,5 enfants par femme). Nous serons environ 9,8 milliards en 2050 et 11,2 milliards en 2100 selon les projections moyennes (2).
L'Afrique est plus que jamais le continent où se produira l'essentiel de la croissance démographique de ce siècle. La transition démographique tarde à s'y manifester. L'Afrique subsaharienne concentre presque tous les records de fécondité et l'Afrique du Nord, elle-même, connait des hausses de fécondité (l'ensemble de l'Afrique septentrionale est à 3,3 enfants par femme selon l'INED).
Ci-dessous, graphique des projections de l'ONU pour 2100. Notez que les courbes des fourchettes hautes et basses sont établies respectivement à partir d'une élévation ou d'une diminution de la fécondité de 0,5 enfant par femme par rapport à la fécondité retenue pour la projection moyenne (elle-même basée sur une anticipation de fécondité sensiblement déclinante partant donc de 2,5 enfants par femme aujourd'hui pour atteindre deux enfants en moyenne mondiale en fin de période).
Concernant les deux géants démographiques asiatiques que sont l'Inde (1,352 milliards d'habitants) et la Chine (1,387 milliards), notons une stabilité de la fécondité en Inde (2,3 enfants par femme) et une légère remontée en Chine (passant de 1,7 à 1,8 par rapport à l'étude précédente). La Chine entame sa seconde année "post politique de l'enfant unique", il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions durables quant à l'effet de la fin de cette politique. Quoi qu'il en soit, très bientôt les 35 millions d'habitants qui séparent les deux pays seront "comblés" et l'Inde deviendra effectivement la nation la plus peuplée au monde.
Ainsi la huitième (h) : "Réduire encore le taux de fécondité en faisant en sorte qu'hommes et femmes aient accès à l'éducation et à des services de planning familial, particulièrement dans les régions où ces services manquent encore."
Mais aussi la treizième (m) : "Déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s'assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital."
Cet appel a été largement repris en France notamment par le journal Le Monde qui en faisait sa une le lendemain et, dans les jours suivants, plusieurs médias, papiers où audiovisuels, proposèrent des articles, des émissions ou organisèrent des débats sur ce thème.
En ce qui concerne la France, l'estimation de l'INSEE pour le 1er janvier 2017 était de 64 860 000 habitants sur le seul territoire métropolitain et de 66 991 000 habitants avec les DOM-TOM. Les estimations pour le 1er janvier 2018 seront prochainement publiées mais on peut sans doute tabler sur une évolution d'environ + 0,5 % conduisant notre pays à dépasser les 65 millions en métropole et les 67 millions dans son ensemble.
(1) Les données de l'INED proviennent essentiellement de la World Population Data Sheet publiée par le Population Reference Bureau
(2) Les projections moyennes pour 2050 selon l'Onu se situaient à 9,1 milliards en 2009, à 9,3 milliards en 2011, à 9,6 milliards en 2013, à 9,7 milliards en 2015 et enfin donc à 9,8 milliards en 2017. Les estimations de l'INED étaient très proches et ont évolué dans le même sens. Pour 2100 l'ONU prévoyait 10,1 milliards d'habitants en 2011, elle en envisage donc maintenant 11,2.
(3) Le compte établi en 2017 faisait état de 7,440 milliards, trois compteurs ayant disparu depuis, seuls sont retenus dans l'article ci-dessus ceux qui sont disponibles à la fois au 1er janvier 2017 et au 1er janvier 2018, ce qui explique le léger décalage pour l'année 2017, sur les compteurs encore existants, la moyenne pour le premier janvier 2017 est bien de 7,445 milliards.
Vous pouvez retrouver la série d'articles de ce site consacrés à nos effectifs en début d'année :
Après l’ONU qui a publié fin juin ses nouvelles estimations de l’évolution de la population mondiale, c’est désormais au tour de l’INED, via la revue Population & Sociétés, de nous proposer un panorama de la démographie planétaire ainsi que ses projections pour 2050.
Editée tous les deux ans sous la direction de Gilles Pison(1), cette étude permet d’établir un suivi démographique régulier : effectifs, densité, fécondité, mortalité, espérance de vie, revenus... L'ONU et l'INED parviennent évidemment à des résultats très semblables, les bases (notamment la World Population Data Sheet, réalisée par le Population Reference Bureau) étant largement communes.
Voici les principales données, les estimations sont fournies pour la mi-année 2017.Sources : document cité ci-dessus et versions précédentes
Evolution de la population mondiale par continent (en millions)
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017
Afrique 906 944 999 1 051 1 101 1 171 1 250
Amérique 888 904 920 942 958 987 1 005
Asie 3 921 4 010 4 117 4 216 4 305 4 397 4 494
Europe 730 733 738 740 740 742 745
Océanie 33 34 36 37 38 40 42
Total Monde 6 477 6 625 6 810 6 987 7 143 7 336 7 536
Evolution de la population et taux de croissance annuel
De 2005 à 2007 + 148 millions hab. soit par an + 74 ou + 1,1 %
De 2007 à 2009 + 185 millions hab. soit par an + 92 ou + 1,5 %
De 2009 à 2011 + 177 millions hab. soit par an + 88 ou + 1,3 %
De 2011 à 2013 + 156 millions hab. soit par an + 78 ou + 1,1 %
De 2013 à 2015 + 193 millions hab. soit par an + 96 ou + 1,4 % (2)
De 2015 à 2017 + 200 millions hab. soit par an + 100 ou + 1,4 % (2)
Evolution des taux de fécondité
(Indice Synthétique de Fécondité, isf : nombre d'enfants par femme au cours de sa vie)
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017
Afrique 5,1 5,0 4,8 4,7 4,8 4,7 4,6
Amérique 2,4 2,2 2,2 2,1 2,1 2,0 2,0
Asie 2,5 2,4 2,3 2,2 2,2 2,2 2,2
Europe 1,4 1,5 1,5 1,6 1,6 1,6 1,6
Océanie 2,1 2,1 2,5 2,5 2,4 2,5 2,3
Total monde 2,7 2,7 2,6 2,5 2,5 2,5 2,5
Evolution des projections mondiales pour 2050
INED 2009 : 9,4 milliards, ONU : 9,1 milliards
INED 2011 : 9,6 milliards, ONU : 9,3 milliards
INED 2013 : 9,7 milliards, ONU : 9,6 milliards
INED 2015 : 9,8 milliards, ONU : 9,7 milliards
INED 2017 : 9,8 milliards, ONU : 9,8 milliards
Evolution des projections pour 2050 par continent
(Source : Ined , en millions)
2009 2011 2013 2015 2017
Afrique 1 994 2 300 2 435 2 471 2 574
Amérique 1 205 1 216 1 228 1 221 1 227
Asie 5 461 5 284 5 284 5 324 5 245
Europe 702 725 726 728 736
Océanie 58 62 58 59 63
Total Monde 9 421 9 587 9 731 9 804 9 846
Plus fortes évolutions attendues entre 2017 et 2050
source : Word Population Data Sheet (en millions d'habitants)
L'inertie des mécanismes démographiques confirme sans surprise, les tendances précédentes :
- La stabilité de la croissance démographique mondiale qui dépasse toujours assez largement 1 % (2). Stabilité qui s'appuie sur un maintien depuis plusieurs années d'un taux de fécondité de 2,5 enfants par femme et sur une faible mortalité, partiellement expliquée, surtout en Afrique, par la jeunesse de la population mondiale. Malgré le cas de l'Europe et même malgré un commencement de vieillissement dans d'autres régions, la proportion de personnes de moins de 15 ans est stable à 26 % depuis 2013. En nombre, la croissance de la population mondiale a légèrement tendance à augmenter !
- La montée de l'Afrique comme futur géant et la lenteur de la transition démographique sur ce continent.
- L'émergence d'un "dividende démographique" (lié à la structure de la pyramide des âge maximisant la part active de la population et diminuant corrélativement celle des inactifs) dans certains pays du Sud. Cette phase, forcément provisoire, est censée être favorable à l'économie. Nombreux sont les démographes et les économistes qui la voient avec optimisme et encouragent à saisir l'occasion pour favoriser le développement.
Principaux éléments par continent :
Afrique : Si l'Afrique poursuit son léger mouvement de baisse de la fécondité (4,6 enfants par femme en 2017, contre 4,7 en 2015 et 5 en 2009), cette tendance reste très faible et bien insuffisante pour assurer une rapide transition démographique. Globalement, le taux de croissance sur les deux dernières années est de 3,25 % par an (soit un rythme de doublement en 22 ans !). La jeunesse de la population (41 % de la population y a moins de 15 ans) conduit à la présence d'un très grand nombre de personnes en âge ou s'apprêtant à atteindre l'âge d'avoir des enfants, promesse de nombreuses naissances dans les années futures, même en cas de tassement de la fécondité.
Avec 1,25 milliard d'habitants, le continent (qui en hébergeait à peine plus de 200 millions en 1950 et 800 millions en 2000) devrait dépasser 2,5 milliards au milieu du siècle, les estimations pour 2050 ayant même été revues à la hausse de plus de 100 millions en deux ans (2,473 milliards étaient envisagées en 2015 et 2,574 milliards le sont en 2017). Pour 2100, les projections de l'Onu, - l'Ined ne publiant pas à cette échéance - prévoient 4,3 milliards d'habitants, soit à peu près la population actuelle de l'Asie pour une surface comparable.
L'Afrique continue de truster les records de fécondité avec 7,3 enfants par femme au Niger et de 5,5 au Nigéria déjà fort de 191 millions d'habitants. Vingt pays, presque tous en Afrique intertropicale, atteignent ou dépassent 5 enfants par femme. Notons le poids démographique de plusieurs pays d'Afrique de l'Est comme la Tanzanie (57 millions d'habitants en 2017 mais 152 attendus pour 2050, alors qu'en 2015 on en attendait que 129 pour la même date). L'Ethiopie devrait également connaître une forte croissance. Sur les huit pays dont on attend la plus forte progression démographique (en nombre) d'ici 2050, cinq sont africains (Nigéria, RDC, Tanzanie, Ethiopie, Egypte). En taux de croissance ils sont évidemment largement en tête.
En Afrique du Nord depuis les "Révolutions Arabes", la tendance à "l'occidentalisation" des taux de fécondité s'est nettement interrompue. Globalement l'Afrique septentrionale qui connaissait une fécondité de 3,1 en 2007 se situe désormais à 3,5. Avec 93 millions d'habitants - sur une surface utile proche de celle de la Belgique ! - L'Egypte est largement le pays africain le plus peuplé de la rive méditerranéenne, elle se situe au troisième rang du continent derrière le Nigéria et l'Ethiopie et devant la RDC.
Outre le maintien d'une forte fécondité et la jeunesse de la population (qui réduit mécaniquement la mortalité), l'une des des composantes majeures de la croissance démographique africaine est la forte progression de l'espérance de vie. Elle était, femmes et hommes confondus, de 53 ans en 2007, elle est passée à 62,5 ans en 2017. En 10 ans, et malgré les difficultés économiques ou politiques, l'espérance de vie y a donc pratiquement augmenté ... de 10 ans ! Dans le même temps, l'espérance de vie mondiale (Afrique comprise) s'est élevée de 4 ans (passant de 68 à 72 ans). Néanmoins la mortalité infantile reste assez forte au regard du reste du monde, elle atteint 92 pour mille en Sierra Léone (un record toutefois) contre 4 pour mille en Europe et 32 pour mille en moyenne mondiale.
L'Afrique est en fin le continent dont l'estimation de la population à la moitié du siècle a été le plus fortement relevée (elle avait donc été sous-estimée) depuis 2009 nous sommes passés d'une projection à moins de deux milliard à une projection à près de 2,6 milliards !
Asie : L'Asiereste le continent le plus peuplé (4,5 milliards). Elle devrait encore gagner 750 millions d’habitants d’ici 2050. Sa fécondité est stable à 2,2 enfants par femme.
L'Inde (1,353 milliards d’habitants et une fécondité à 2,3 enfants par femme) est maintenant presque au niveau de la Chine (1,387 milliards). Elle est aussi le pays qui gagnera le plus d'habitants d'ici 2050 (323 millions). Pour sa part, la Chine par avec une fécondité de 1,7 devrait connaître d’ici 2050 une stabilisation de sa population et même peut-être une très légère régression (- 44 millions attendus soit - 3 %). Le Japon devrait également voir une diminution sensible de ses effectifs perdant 25 millions d'habitants soit près de près de 20 % ! Mais ce pays supporte une très forte densité de peuplement : 335 habitants par kilomètre carré, la géographie montagneuse accentuant la concentration de l'habitat.
Quoique marginale sur le continent avec 269 millions d'habitants, l'Asie occidentale (essentiellement le Moyen Orient) connait encore une fécondité élevée : 2,8 enfants par femme, le Yémen atteint même 4,1 ! Les pays d'Asie centrale sont également très féconds (isf à 2,8) mais avec peu d'habitants (71 millions) au regard de l'ensemble du continent.
En Asie du Sud, notons les très fortes fécondités de l'Afghanistan (isf de 5,3 pour 36 millions d'habitants) et du Pakistan (isf de 3,6 pour presque 200 millions d'habitants). Le Bangladesh malgré une densité record de 1 144 habitants au kilomètre carré (presque 10 fois la France, qui dans ces conditions hébergerait 630 millions d'habitants !), reste toujours au dessus du seuil de renouvellement avec 2,3 enfants par femme. L'Indonésie qui compte déjà 264 millions d'habitants est à 2,4 enfants par femme.
Europe : Avec 745 millions d'habitants dont 511 pour l'Europe des 28, ce continent est le seul qui se trouve sur la voie de la stabilisation et même de la décroissance démographique. Il s'agit toutefois d'une estimation de l'évolution "naturelle" ne prenant pas en compte les phénomènes migratoires qui y sont importants du fait de sa forte attractivité et de sa proximité avec l'Afrique.
Globalement l'indice de fécondité s'y établit à 1,6, : un peu plus en Europe septentrionale : 1,8 et un peu moins Europe méridionale : 1,4 , là où l'on rencontre les taux les plus bas ( Grèce, Espagne et Italie sont à 1,3 et la Bosnie à 1,2). La fécondité ne semble pas forcément être preuve de bonne santé puisque par ailleurs, l'Espagne et l'Italie (avec le Japon, également peu fécond d'ailleurs) sont parmi les pays profitant de la plus longue espérance de vie : environ 83 ans !). Pour sa part, la France métropolitaine comptait à mi-juillet 65 millions d'habitants et devrait en héberger 7 de plus en 2050 (soit l'équivalent de la population moyenne actuelle de 10 départements qu'il faudra évidemment, loger, nourrir, employer et transporter !)
Amérique : Le continent américain qui franchit cette année le seuil du milliard d'habitants devrait encore gagner 220 millions de personnes d’ici 2050 pour atteindre atteindre 1,23 milliard.
Si l'indice de fécondité globale s'établit à 2,0 du fait des taux plus élevés de l'Amérique centrale (177 millions d'habitants et une fécondité à 2,3) et des Caraïbes (43 millions et 2,2), les Amériques Nord et Sud sont maintenant en dessous du seuil de renouvellement avec des taux de fécondité très proches, respectivement 1,8 et 1,9.
Quoiqu'encore en croissance du fait de la structure de la pyramide des âges, l'Amérique du Sud semble sur la voie de la maîtrise de ses effectifs. Des pays comme le Chili (indice de fécondité : 1,8 pour 18 millions d'habitants ) et le Brésil (1,6 pour 208 millions d'habitants) sont nettement en dessous du seuil de renouvellement des générations. Exception notable dans ce paysage rassurant : la Guyane française avec une fécondité record de tout le continent : 3,4 enfants par femme ! Les migrations et l'attractivité du territoire pour les naissances explique ce décalage.
Notons également que les Etats-Unis sont, et de loin, le grand pays développé qui connaitra la plus forte hausse de sa population d'ici 2050 : + 71 millions.
Océanie : La faible population océanienne (42 millions d'habitants) impacte évidemment très peu la démographie mondiale. L'Océanie connait de grandes disparités :une fécondité basse dans les pays occidentalisés : 1,8 en Australie, 1,9 en Nouvelle Zélande et avoisinant 4 aux îles Salomon, Marsahll ou aux Samoa occidentales (très peu peuplées toutefois). La variabilité des revenus (de 2 000 à plus de 45 000 € par an à parité de pouvoir d'achat) est également très marquée et plus ou moins corrélée (négativement bien sûr) avec la fécondité.
(1) Gilles Pison : Population & Société: Tous les pays du monde 2017 . Ces documents peuvent être téléchargés depuis le site de l'INED.
(2) Ces estimations de croissance annuelle de + 1,4 % peuvent paraître élevées. Ailleurs, dans le même document (tableau 13, p.8) on parle plutôt de 1,2 %, ce qui est plus conforme à l'estimation généralement retenue d'une augmentation de la population mondiale légèrement supérieure à 80 millions chaque année. Gilles Pison met d'ailleurs en garde contre les incertitudes et les problèmes liés à des révisions de données plutôt qu'à des changements réels.
Ici, lien vers l'article concernant les précédentes projections de l'Ined (2015).
Le 22 février dernier, c’est-à-dire à la veille de son ralliement à Benoît Hamon par lequel il confiait, pour la présidentielle, la problématique écologique au seul représentant du parti socialiste, Yannick Jadot, encore dans la course (au moins dans l'esprit des auditeurs), était l’invité d’une émission de la série Pandalive organisée par le WWF en vue d’interroger les candidats sur les questions d’environnement.
Isabelle Autissier qui assurait l’interview transmit une question posée par une internaute sur la démographie. (A écouter ici : passage sur la démographie à 9'08", L'extrait de cet entretien consacré au sujet est par ailleurs retranscrit à la fin de l'article).
La réponse de Yannick Jadot est tout à fait intéressante car très représentative d’une dérive hélas courante. Plutôt que de s’interroger sur la réalité du problème, Le leader écologiste préfère tout d’abord, (c’est précisément le début de sa réponse) mettre en cause ceux qui s’en inquiètent : « Qu’est-ce qu’ils ont en tête ? » se demande M. Jadot. La réalité est ainsi soumise au diktat du politique. Avant de savoir si la démographie est un problème, interrogeons-nous pour savoir si ceux s’en préoccupent sont tout à fait fréquentables !
Cette dérive, ce procès d'intention pourraient prêter à sourire s'ils n’étaient pas, hélas, les prémices de ce que l'on connait dans toutes les sociétés sans liberté, à savoir la soumission du réel au politique, phénomène dont à juste titre, la science-fiction s’est fréquemment emparé. L’apogée du processus ayant été atteint (dans le monde réel) avec les théories abracadabrantesques de Lyssenko sur la génétique : Ne regardons pas comment fonctionnent les choses, établissons a priori qu’elles fonctionnent selon l’idéologie en vigueur. Condamnons les questionneurs avant d’interroger les faits !
Non, Monsieur Jadot, la surpopulation est un fait grave, quoi que vous vous pensiez par ailleurs de ceux qui s’en inquiètent et quels que soient vos désaccords, l’honnêteté impose d’étudier la question avant d’y répondre par un a priori idéologique. Quant à la terrible phrase que vous prononcez : « Donc on commence par éliminer qui ? » par laquelle vous souhaitez déconsidérer ceux qui mettent en cause la démographie, sachez qu’elle est aux antipodes de la position de ceux qui luttent en France contre l’explosion de nos effectifs et qui en cela veulent au contraire que nos enfants puissent disposer d’un monde vivable et à leur tour aussi avoir des enfants, ce qui sera de fait impossible sur une Terre surpeuplée. Notons hélas qu’une réponse aussi déplaisante avait été faite par l’explorateur Jean-Louis Etienne lors d’une conférence à Lyon où la même question avait été posée. On s’étonne que des personnalités connues puissent s’abaisser à tant de mauvaise foi ou bien fassent preuve d’une telle méconnaissance des points de vue de ceux qu’ils critiquent.
Pour le reste, la réponse de Yannick Jadot relève du missel de la bienpensance, selon lequel seuls les riches sont responsables des problèmes écologiques (Yannick Jadot n’évoque d’ailleurs que le volet très restrictif des émissions de CO2). Nous avons souvent sur ce site répondu à cette affirmation (lors de cet entretien par exemple). Rappelons encore une fois que si les habitants des pays les plus défavorisés polluent moins par personne, c’est justement du fait de la pauvreté, et qu’il est bien improbable que cet état satisfasse ceux qui en sont victimes. Ne vaudrait-il pas mieux être moins pour pouvoir donner plus à tous ?
Ensuite, sans doute pour souligner son humanisme et son féminisme, le futur ex-candidat écologiste rappelle que pour lutter contre l’explosion démographique il faut avant tout privilégier l’éducation des jeunes filles. Mais nul ne le conteste, et surtout pas les antinatalistes, d’ailleurs l’association Démographie Responsable est la première à militer en ce sens. Sauf qu’on se demande pourquoi Yannick Jadot insiste sur ce point puisque dans la première partie de ses propos il explique justement que le problème n’était pas la surpopulation, mais uniquement la consommation des plus riches ! Pourquoi alors vouloir s’occuper de la surpopulation ?
Dans la suite de l’entretien sera évoqué le fameux rapport « Planète vivante » signalant la disparition de plus de la moitié des vertébrés au cours des 40 dernières années, Yannick Jadot pointera du doigt la question du réchauffement climatique. Or, si la question du réchauffement climatique est inquiétante pour l’avenir, elle n’est quasiment pour rien dans la disparition actuelle des animaux presque entièrement due à l’occupation de leurs territoires par les hommes. Il se trouve justement qu’au cours de ces 40 dernières années tandis que le nombre d’animaux se voyait divisé par deux, celui des hommes se voyait lui, multiplié par deux. Libre à chacun de fermer les yeux.
Ci-dessous, retranscription des propos de Yannick Jadot.
Isabelle Autissier : « Une question un peu plus polémique… envoyée par Anne-Marie, c’est la question démographique… autour de laquelle on tourne parfois… »
Yannick Jadot : « La fameuse question démographique… Quand on pose cette question-là, je me dis toujours « qu’est-ce que souvent on a en tête ?.... Trop souvent finalement, l’imaginaire derrière, c’est le petit burkinabé ou le jeune indien qui, parce que la démographie est forte, constitue une menace pour la planète. Un burkinabè et surtout un jeune c’est 0,2 ou 0,3 tonnes de carbone par an. Ok ? Un européen ou un américain, on est à 100 fois plus, 50 ou 100 fois plus selon là où l’on vit. Donc, on commence par éliminer qui ? Quand on pose cette question-là ? …
Isabelle Autissier : « Je n’ai pas dit cela… »
Yannick Jadot : « Est-ce qu’on a en imaginaire l’explosion démographique des pays du Sud ou est-ce qu’on a dans notre imaginaire l’empreinte écologique très lourde que le monde dit développé a aujourd’hui sur la planète. Ce que je crois sur cette question démographique, moi, pour avoir vécu au Burkina Faso, j’y ai travaillé, pour avoir vécu au Bangladesh, j’y ai travaillé, il y a un seul levier de la révolution démographique, c’est l’éducation des jeunes filles ».
Isabelle Autissier : « On ne peut pas revenir là-dessus »
Yannick Jadot : « On peut prendre le truc dans tous les sens, quand on reconnait dans la société le statut des femmes, quand on leur offre la perspective d’exister économiquement donc socialement, quand on reconnait aux femmes leurs droits, toujours ça signifie derrière que les enfants vont aller à l’école et que les petites filles vont aller à l’école. Et quand on a les femmes qui sont des acteurs, des actrices de la société et des filles qui vont à l’école, la révolution démographique elle est toujours active (acquise ?) C’est la clef du développement »
Isabelle Autissier : « Merci pour les femmes, du monde entier »
Avec une population de 7,44 milliards en début d'année, la Terre atteindra donc 7,5 milliards d' habitants dans le courant de cet été 2017 soit un peu moins de 6 ans après avoir hébergé le sept milliardième humain fin octobre 2011.
Le rythme de croissance d'un milliard tous les 12 ans est donc maintenu, ce que confirment les statistiques établies à partir des compteurs ci-dessus qui, une nouvelle fois, mettent en évidence une croissance un peu supérieure à 80 millions de personnes, soit entre 1,1 et 1,2 % d'augmentation annuelle. Le huit milliardième terrien, qu'il y a peu encore nous attendions pour 2025, arrivera sans doute un peu avant.
Cette poursuite d'un rythme élevé de progression de nos effectifs contredit toujours certaines déclarations "optimistes" de nombre de démographes assurant la prochaine stabilisation de nos effectifs. Elle valide par contre les réajustements à la hausse régulièrement réalisés depuis quelques années par des organismes dignes de confiance tels l'INED ou l'ONU (voir ici article sur l'évolution récente des projections) .
Bien entendu l'exercice consistant à estimer la population à un instant précis présente aussi des limites. Sur le fond, nos effectifs ne sont sans doute pas connus avec une précision meilleure que 1 %. Les compteurs sont eux-mêmes plus ou moins fiables; certains sont établis par des organismes renommés comme l'Ined, d'autres non, sans pour autant être forcément plus inexacts.
Deux autres difficultés surgissent pour ces comparaisons. Certains compteurs apparaissent et d'autres disparaissent (c'est pourquoi nous proposons ici deux estimations moyennes, voir note 1 et 2) et certains, comme c'est le cas de l'INED changent manifestement leur base puisque la comparaison avec les données de l'an dernier conduit pour cette estimation à une augmentation de plus de 108 millions, très supérieure à ce qui est raisonnablement envisageable. La moyenne calculée doit aussi tenir compte du fait que parfois deux compteurs peuvent en réalité se servir de la même base, ce n'était pas le cas jusqu'à présent, mais cette année, après le réajustement de l'INED, il semble que l'INED et Worldometers se servent des mêmes chiffres. D'autres réajustements sont aussi à remarquer, ainsi l'association anglaise Population Matters qui présentait traditionnellement une estimation élevée a, cette année, proposée une augmentation de seulement 60 millions d'habitants (valeur improbable) ce qui conduit son estimation de la population au 1 janvier 2017 à être moins surestimée que les années précédentes par rapport aux autres compteurs. Malgré ces difficultés, il évident que la question de la surpopulation mondiale reste, hélas, largement d'actualité.
Sur ce site, et sur le même sujet voir également :Les chiffres clefs de la population, ainsi que la série d'articles de ce site consacrés à nos effectifs en début d'année :
(1) Comparaison entre notre estimation de l'an dernier et celle de cette année, tous compteurs confondus (10 compteurs en 2016, 12 en 2017)
(2) Comparaison entre l'estimation de cette année et celle de l'an dernier en ne retenant que les compteurs présents au 1er janvier 2016 et au premier janvier 2017 c'est à dire en excluant Countrymeters (absent en 2016), Planetoscope (absent en 2016 même si une estimation (entre parenthèses) pour 2016 a été retrouvée en 2017), Population Reference Bureau (présent en 2016 mais pas en 2017), et World Population Balance (absent en 2016). Neuf compteurs seulement sont donc concernés ici (Planetoscope est exclu puisque nous en l'avions pas pris en compte l'an dernier. Pour ce site précisons également qu'il propose une estimation arrondie à 10 millions près plutôt que, comme les autres, un compteur en temps réel).
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Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement
Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal.
Contact : economiedurable@laposte.net