Pour la première fois, un homme politique français, ancien Président de la République de surcroit, place la démographie au premier rang des questions environnementales et suggère, à l’instar de ce que l’on fait déjà pour le climat, mais avec une priorité encore supérieure, l’organisation de conférences annuelles sur le sujet afin, dit-il, « de définir une stratégie démographique sur la planète ».
A deux reprises en effet, une première fois le 30 avril dernier au Conseil National des Républicains et dans l’entretien au JDD qui a suivi, puis de nouveau le 3 mai à l’occasion d’une journée de travail de ce parti consacrée à l’environnement, l’énergie et la mer, Nicolas Sarkozy a insisté sur la prééminence du problème de l’explosion démographique et a assuré que son parti proposerait l’organisation de telles conférences.
Des déclarations, si inhabituelles de la part d’un dirigeant politique de premier plan, montrent que le tabou commence peut-être à se fissurer.
Si Nicolas Sarkozy a tenu de tels propos c’est sans doute qu’il en est convaincu, mais évidemment aussi qu’il estime que ces paroles sont désormais en mesure d’être entendues, qu’elles ne constituent plus un handicap pour celui qui les évoque. C’est là un changement notable dans un milieu politique traditionnellement conservateur où, même lorsque les gens étaient persuadés de la gravité du problème démographique, ils préféraient garder le silence.
C’est un premier pas nécessaire pour passer aux étapes suivantes, c’est-à-dire à la généralisation de l’interrogation à l’ensemble de la classe politique, écologistes compris, puis à la tenue de telles conférences et enfin, espérons-le, à la mise en place de mesures qui seront d’autant plus efficaces et d’autant moins liberticides qu’elles seront prises tôt.
Voici un bref extrait du discours du 3 mai 2016.
« Il y a un phénomène que nous n’avons jamais connu, jamais. C’est la pression démographique planétaire qui va nous amener… à passer de sept milliards à onze milliards et demi en 2100, demain matin. Onze milliards et demi, personne n’a jamais vécu cela sur la planète... »
« Cela me paraît un défi un peu plus considérable que le seul défi du réchauffement climatique… mais alors qu’on a mis une COP 21 puis une COP 22, au Maroc sur les changements climatiques, Les Républicains demandent une conférence mondiale annuelle sur la démographie mondiale, sur la nécessité d’un planning familial et de la (sur là ?) définition d’une stratégie démographique sur la planète. »
Cette priorité qu’affiche Nicolas Sarkozy pour la démographie plutôt que pour le climat fera sans doute grincer quelques dents chez les écologistes, pourtant l’ancien président à raison d’aller à la racine du problème.
Les émissions de gaz à effet de serre sont une conséquence et non une cause première, conséquence de notre mode de vie et de nos effectifs toujours croissants. Si le premier de ces facteurs, le mode de vie, est régulièrement mis en cause, la démographie a pourtant sa part de responsabilité. Aucune personnalité aussi marquante n’avait jusqu’alors oser l’affirmer en public (*).
Bien entendu de tels propos ouvrent la porte à mille débats : Qui sera concerné ? Les pays à plus forte croissance démographique ? Les pays à plus forte densité ? Quelles autres actions - on pense notamment à l’éducation et au développement du planning familial - doivent être menées de pair ? Comment faire concrètement accepter l’idée d’une descendance plus modeste à des personnes pour qui cela semble la seule richesse ? Comment financer ces efforts ?
Ces questions seront justement l’objet des conférences si le projet se concrétise; elles valent la peine d’être posées et la rupture mérite d’être soulignée.
(*) Nicolas Sarkozy a-t-il été convaincu par la lecture de ce livre ? A-t-il parcouru le site de l’association Démographie Responsable qui milite en ce sens depuis plusieurs années ?