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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 07:04

Evaluation de nos effectifs au 1er janvier 2012  

 

Sources                                   Effectifs (en millions)
   
   INED 7 013
   Population Data.net 7 014
   Worldometers 7 013
   Terriens.com (1) 6 984
   Population Matters 7 017
   US Census Bureau 6 985
   Population mondiale.com 7 015
   Terre Sacrée.org 6 984
   
   Moyenne 7 003

 

Nous étions donc 7 milliards et 3 millions d'habitants sur notre Terre au 1er janvier 2012 à 0 heures.   Du moins, telle est l'estimation que l'on peut admettre au regard des données publiées par les différents "compteurs de population".

De telles évaluations doivent cependant être prises avec prudence. Récemment, le démographe Gilles Pison considérait que la marge d'erreur pouvait atteindre 1 à 2 %.

Cette année s'ajoute un biais particulier. Plusieurs compteurs ont manifestement recadré leurs estimations sur la décision de l'ONU de fixer au 31 octobre 2011 le jour du franchissement des 7 milliards. Ceci a globalement conduit à une réestimation à la hausse de nos effectifs. Les tendances antérieures menaient en effet à un franchissement de ce seuil symbolique un peu plus tard, au cours du premier trimestre 2012.

Cette réévaluation "administrative" rend délicate l'estimation de la croissance de la population mondiale au cours de l'année passée. Si nous nous référons à la même étude réalisée l'an dernier,  alors la progression aurait été de  87 millions en 2011 (l'estimation moyenne au premier janvier 2011 étant de 6,916 milliards). Il s'agit là d'une valeur assez improbable, car depuis plusieurs années l'évolution absolue se situe autour de  + 80 millions d'habitants par an et se trouve plutôt en en voie de stabilisation. Ces 7 millions supplémentaires résultent donc très probablement de ce recadrement formel (2).

 

Quant à l'avenir, s'il est par nature incertain, notons que cette année l'ONU a revu ses prévisions à long terme à la hausse et a publié en juin trois scénarii  en fonction de trois hypothèses de fécondité : basse, moyenne et haute. Compte tenu de l'inertie des phénomènes démographiques, les données pour 2050 sont assez fiables,  tandis que celles concernant 2100, qui dépendent du comportement reproductif de personnes qui ne sont pas encore nées, sont entachées d'une large marge d'incertitude. Ainsi, l'hypothèse haute conduit à une population 2,5 fois plus importante que l'hypothèse basse (15,8 milliards contre 6,2).   

 

  Prévisions démographiques mondiales de l'ONU  

                                                                                                                         (En millions d'habitants)  

 Années  \   Hypothèses de fécondité Basse Moyenne  Haute
    2050 8 100 9 300 10 600
     2100 6 200 10 100    15 800

        

________________________________________________________________________________________________

 

(1) L'estimation de Terriens.com est reprise notamment par l'association Démographie Responsable.  

(2) Un autre élément milite en ce sens. Beaucoup de compteurs tournent autour de la valeur : 7,013 milliard : Cela se conçoit aisément pour un décompte recadré à 7 milliards le 31 octobre. Comme la croissance journalière nette de la population est de 215 à 220 000 personnes, en deux mois (novembre et décembre 2011) le gain total est d'environ 13 millions. Les petites divergences  s'expliquent ensuite par le choix du niveau de croissance journalier.

Rappelons aussi qu'en ce 1er janvier 2012  la France "officialise" son passage à 65 millions d'habitants  (en réalité le seuil a sans douté été franchi courant 2011).

Sur la population mondiale, voir également  la série

La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards),

2012 (7,003 milliards), 2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards),

2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 2017 (7,440 milliards),

2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards)

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards).

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 09:44

L’émission  "C dans l’air"  intitulée "huit milliards dans vingt ans" que France 5 a diffusé le 25 novembre dernier m'a laissé un goût de discours univoque et convenu. En effet, aucun des invités ne semblait sérieusement inquiet de l’augmentation de nos effectifs (à l'inverse de nombre de nos compatriotes) et tous ont insisté sur un problème d’organisation plus que de données quantitatives.

Ces points de vue mille fois répétés s’appuyaient cependant sur une argumentation imprécise et incomplète sur beaucoup de points.

Le démographe Hervé Le Bras d’abord a annoncé un taux de croissance de la population mondiale de 0,8 à 0,9 % par an. Or, avec 80 millions d’habitants supplémentaires pour une population de 7 milliards, le taux de croissance annuel est en réalité de 1,14 %...

M. Le Bras a également beaucoup insisté sur la baisse de ce taux de croissance en omettant deux phénomènes importants : D’abord, il se réfère pour dire que ce taux n’est pas inquiétant, aux taux records que l’humanité a connus dans les années 60 et 70. Il n’est jamais très honnête pour juger une donnée de la comparer à la donnée record, on pourrait dire aussi que le taux actuel est très fortement supérieur à ce que l’humanité a connu l’essentiel de son histoire et même au cours d'une partie de la première moitié du 20ème siècle.

En second lieu, bien sûr, il faut rappeler que ce taux de croissance s’applique à une population de plus en plus importante et qu’il conduit en pratique à une croissance en nombre absolu (et c’est bien cette dernière qui pèse sur les ressources et sur les équilibres écologiques) proche des niveaux records:  nous gagnons depuis le début de ce siècle environ 80 millions d’habitants par an et cela ne diminue pratiquement pas. Hervé Le Bras a également beaucoup insisté sur la baisse des taux de fécondité sans toujours la comparer (au moins dans la même intervention) à la baisse de la mortalité infantile. Or, dans les faits, ce qui compte c’est le nombre de femmes qui arrive à l’âge de la reproduction (de ce nombre viendra la croissance future), la baisse très forte de la mortalité infantile rend incomparables les taux de fécondité passés et présents, comparaison sur laquelle s’appuie son optimisme. D’ailleurs le monde gagne preque toujours autant d’habitants chaque année.

 

Analyse assez incomplète également de l’agriculture par Mme Marion Guillou qui, lorsqu’elle a évoqué l’avenir, a tout simplement oublié de dire que la productivité agricole était fortement dépendante du pétrole (via les engrais, la mécanisation et le transport des denrées) or ce pétrole va manquer au cours de notre siècle  Cela va très sensiblement peser sur la productivité et donc sur notre capacité à nourrir des effectifs croissants (d'autant que de fortes inquiétudes pèsent également sur les phosphates).  

 

Propos tout aussi incomplets de Gérard-François Dumont qui évoqua plusieurs pays en décroissance démographique en oubliant tout simplement de rappeler leur poids absolument négligeable dans la démographie mondiale.

 

Discours également très étonnant de Jean-Christophe Rufin qui laisse entendre le caractère criminel de toute analyse malthusienne. Mais quel est donc ce principe par lequel on juge une idéologie à partir d’exemples caricaturaux tirés de la frange la plus extrémiste au sein de ce qu’on appelle la Deep Ecology ? Que Jean-Christophe Rufin regarde les études et les réflexions de Population Institute aux États-Unis, de Population Matters en Angleterre, de Démographie Responsable en France ou de Rientrodolce en Italie, et il verra que ceux qui s’inquiètent de la surpopulation sont loin de tous ces excès. Laisser entendre, comme il le fait, que souhaiter un monde moins peuplé revient à ne pas se préoccuper des milliards d'occupants actuels de la planète relève de la méconnaissance. C’est au contraire pour assurer un avenir à tous, que beaucoup de mouvements militent pour une démographie plus modeste.

 

Enfin et cela concerne l’ensemble des invités deux lacunes très profondes sont apparues dans leurs discours.

D’abord personne n’a mis le problème en perspective et n’a fait comprendre aux auditeurs combien les décennies qui nous entourent constituent une exception sur le plan démographique tant en ce qui concerne les effectifs atteints qu’en ce qui concerne leur évolution. Quand un problème est grave il est bon de prendre un peu de recul et de situer les choses. Regardons une courbe de la démographie humaine sur longue période (2000 ans par exemple) et nous comprendrons immédiatement le caractère absolument exceptionnel de la période présente. Ceci ne ressortait en rien des analyses présentées et l’on avait l’impression d’un réel manque de hauteur.

Second reproche plus grave encore, l’absence totale de réflexion écologique. Tout le débat a été concentré sur l’alimentation. Que l’explosion démographique exclue de fait la présence de la quasi-totalité de la vie sauvage sur Terre ne semble pas avoir effleuré un seul instant l’esprit des participants. C’est qu’il ne s’agit pas que de nourrir les hommes, il s’agit aussi de les faire vivre durablement et en harmonie sur leur planète avec le reste du vivant. C’est là peut-être la conception la plus profonde de l’humanisme, mais de cela, il n’a pas été question une seule seconde. Manque de recul encore et manque de tendresse évident pour le monde.

 

Hélas ces explications convenues ne constituent pas une exception. Le même travers était apparu le 1er novembre au cours de l'émission Ce soir ou Jamais où les invités de Dominique Taddéï avaient, malgré la présence de Paul Ariès, représentant de la décroissance, tenus des propos tout aussi conventionnels.  

D'ailleurs, la très importante Conférence de Dakar  consacrée à la planification familiale qui se tiendra du 29 novembre au 2 décembre 2011 semble devoir s'ouvrir dans l'indifférence générale, l'implication de l'UNPFA ou de la Fondation Bill et Melinda Gate ne change rien à l'affaire.

Sur  l'ensemble de ces sujets, mais pour un regard différent, voir sur ce site  le texte  de Jean Bruguier : "Une place pour tous et pour nos rêves aussi"  ainsi que celui de   Denis Garnier, président de Démographie Responsable :  Populationnisme versus Planification Familiale, publié sur le site : Le Cercle des Echos.  

 

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 15:04

 

 

Sept milliards d’hommes aujourd’hui – Dix milliards demain – Amélioration de l’efficience du secteur alimentaire – Limiter les écarts de revenus – Agriculture biologique – Rêve progressiste – Planète saturée – Monde trop plein – Pluie de cygnes noirs – Démographie, variable d’ajustement – Vita Povera – Respect de la vie

Paul Aries - Nassim Nicholas Taleb - Jean Ziegler

  Ourse et ses oursons

                                                                                           La valse des oursons (1)

Sept milliards d’hommes aujourd’hui, neuf ou dix demain. Même les intellectuels engagés, critiques et irrévérencieux, de Paul Aries à Jean Ziegler, ne s’en émeuvent pas et vont jusqu’à considérer que « c’est bien que la planète se peuple » (2), généralisant ainsi la joie d’ordre privé qui accueille tout enfant dans une famille heureuse à un bonheur collectif fondé sur la poursuite de l’accroissement du nombre d’hommes sur terre. Pour prendre cette marche vers les dix milliards en 2050 comme un évènement positif, ils s’appuient sur un raisonnement qui a sa logique alors que de plus en plus de personnes s’interrogent sur la capacité de notre planète à supporter un nombre toujours plus grand d’humains.

D’abord notre organisation de production et de distribution alimentaires est peu efficiente, avec des pertes pouvant être évaluées entre 30 et 40%, entre les récoltes qui pourrissent sur pied faute d’un stockage fait à temps par manque d’engins ou de silos disponibles, les points de vente qui détruisent les aliments dont la date de péremption est dépassée, ou encore les pertes dans nos frigos au niveau du consommateur final. N’oublions pas non plus l’agriculteur qui, du fait d’un effondrement des cours, a un intérêt économique évident à ne pas récolter quand le seul coût de la cueillette est supérieur à son prix de vente.

Ensuite il y a les écarts de revenus au niveau mondial qui font qu’un milliard d’entre nous consomme de la nourriture plus que de raison tandis qu’un autre milliard ne mange pas à sa faim. Comment alors ne pas penser que moins de calories, moins de régimes carnés dans les pays riches et une meilleure distribution des richesses ne suffiraient pas à éradiquer la faim dans le monde, aujourd’hui comme demain ?

Ajoutons à ces deux arguments l’idée d’augmenter les rendements agricoles en s’appuyant sur la recherche d’une part et sur des investissements plus conséquents. Et pour soulager la conscience écologique de tout un chacun qui s’inquiéterait des conséquences d’une poursuite d’une agriculture agro-chimique, un rapport de la FAO de mai 2007 (3) énonce que l’agriculture biologique pourrait nourrir 9 milliards d’hommes en 2050, aux conditions d’utiliser de bonnes pratiques et de refonder les mécanismes d’échanges internationaux de produits agricoles.

En résumé, si l’humanité, ce beau mot cher à Jaurès, combat suffisamment bien les inégalités de richesses dans les décennies qui viennent et améliore sensiblement son organisation en matière de production agricole, alors rien n’est impossible et dix milliards d’hommes pourront demain manger à leur faim.

L’affaire est donc une question de volonté politique. Et il est alors aisé de comprendre l’enthousiasme d’intellectuels comme Aries ou Ziegler, qui espèrent que nécessité fera loi et que nous les hommes tenons ici un levier puissant pour faire bouger le monde dans le sens du combat pour la justice qu’ils mènent passionnément depuis des années.

Et si tout cela ne suffisait pas pour nous rassurer, les démographes dans leur ensemble nous disent que nous allons vraisemblablement assister à une stabilisation de nos effectifs dans la seconde partie de ce siècle. En quelque sorte dix milliards, au maximum douze, seraient bien un optimum pour notre espèce, grosso modo compatible avec les capacités de notre planète.

Il est difficile de troubler cette vision des choses qui s’enracine dans le rêve progressiste qui anime tant d’entre nous.

Bien sûr un monde de dix et même douze milliards d’humains est possible. Mais sachons-le, le monde qui se dessine ainsi, un monde couvert de fermes pour manger, d’usines pour nos outils et nos objets, et de villes pour nous abriter, est un monde nouveau, complètement centré sur un homme dépendant de réseaux de toutes sortes, un monde plus égalitaire sans doute, plus contrôlé sûrement. Et peut-être pas durable ?

Car tout ce raisonnement, qui contribue à exclure la question démographique des variables d’ajustement sur lesquelles nous pouvons jouer, s’appuie sur l’ignorance de faits avérés et sur des tendances dont les effets se contredisent.

Le fait avéré majeur, c’est que notre planète est saturée. Déjà et vraiment. Il suffit d’écouter pendant une semaine des émissions de télévision grand-public pour apprendre là l’acidification des océans, ici la crise dans les deltas générée par les pollutions industrielles en amont et par la présence des barrages qui retiennent les sédiments, ailleurs le désert qui avance, ou encore la salinisation des sols qui progresse, sans oublier la croissance des gaz à effet de serre qui s’accentue malgré nos beaux discours. Ce ne sont plus des faits isolés que l’on peut combattre ponctuellement en agissant pour sauver une espèce en danger, c’est une pluie de cygnes noirs pour parler comme les spécialistes des théories des catastrophes (4) .

Le raisonnement qui consiste à ne pas s’inquiéter de notre évolution démographique, outre qu’il oublie quelque peu la saturation du monde, appuie aussi son optimisme intrinsèque sur des tendances qu’il suppose rassurantes, comme la volonté des femmes de mettre moins d’enfants au monde lorsqu’elles sont instruites. Ce lien entre instruction des filles, travail des femmes hors du cercle familial et baisse de la natalité est corroboré par tous les démographes et économistes. Mais comment ne pas voir que cette évolution va aussi de pair avec l’urbanisation du monde et la disparition des cultures rurales parcimonieuses, forcément parcimonieuses. Et que cette urbanisation décuple les besoins : les hommes et les femmes qui vivent en ville ont par exemple des consommations d’eau qui se rapprochent du modèle occidental, sans commune mesure avec l’utilisation parcimonieuse qui était la leur dans leur village. Autrement dit, on ne peut sérieusement se réjouir d’une tendance à voir les femmes du tiers monde ou des pays émergents scolarisées, intégrées par leur travail dans l’économie-monde et maitrisant leur fécondité, sans aussi prendre en compte le fait que leur nouveau mode de vie, souvent plus urbain, va les précipiter dans un modèle de consommation bien plus conséquent. Dans ce siècle, au vu de l’inertie liée aux pyramides des âges, il y aura peut-être un peu moins d’enfants en nombre absolu mais une demande en consommation décuplée du fait du passage accéléré à un mode de vie urbain de plusieurs milliards d’humains. Comment ferons-nous avec 50% d’hommes en plus alors que notre planète touche déjà ses limites avec sept milliards ?

Cette question est souvent abordée sous l’angle de la faim, certains allant jusqu’à prédire que le XXIème siècle sera le siècle de la faim. Après tout, il est normal que la question de la faim, au vu d’un passé de disettes et de famines qui a marqué douloureusement dans leur histoire tous les pays du globe, soit la question que l’on se pose quand la population humaine fait plus que tripler en un siècle (1950-2050). Mais est-ce ainsi que la question se pose ?

On aurait envie de dire oui pour croire à un avenir facile, pour échapper à la qualification de frileux et de malthusien. Se focaliser seulement sur la nourriture peut laisser croire que bien organisés et plus justes au sens où l’entendent Paul Aries ou Jean Ziegler, il nous est possible de vivre à dix ou douze milliards sur Terre. C’est d’abord oublier que les gains que nous pourrions faire en efficience risquent d’être largement contrebalancés par les conséquences de la dégradation écologique à laquelle nous assistons déjà, avec une détérioration constatée des rendements agricoles. C’est ensuite oublier que la non-autosuffisance alimentaire de territoires entiers supposera à la fois des transferts économiques gigantesques n’allant pas sans poser problèmes (5), et très matériellement des transports physiques de marchandises eux-mêmes fortement consommateurs de ressources. C’est encore oublier que les hommes ne font pas que manger, qu’ils ont d’autres besoins, d’autres envies, et que leur réalisation consomme aussi des ressources. C’est surtout oublier que le monde ne peut se contenter durablement de n’être qu’un grand champ tourné vers l’alimentation des hommes avec une usine à son bout pour fabriquer les objets dont nous aurions besoin pour nous distraire pauvrement et pourquoi pas égalitairement, enfermés que nous serons dans un coin de nos métropoles. Et il n’y a pas que l’homme sur Terre. Inutile ici, aux fins de disqualification de la remarque, de parler d’écologie punitive qui oublierait l’homme pour lui préférer la nature : ce que l’écologie nous a appris, c’est que l’homme est un élément dans un système, dans un écosystème, et que l’homme ne se portera bien que si cet écosystème fonctionne durablement avec un minimum d’équilibre.

A sept milliards nous quadrillons déjà notre Terre et nous l’avons mise en coupe réglée, obsédés que nous sommes par la satisfaction de nos besoins et les équilibres sociaux de nos sociétés. Et pourtant, malgré des prélèvements massifs sur notre biotope et la consommation de ressources absolument non-renouvelables à l’échelle humaine, nos sociétés connaissent la forte injustice, la détresse, et encore la faim ; elles s’appuient continument sur des logiques de fuites en avant et ainsi ajoutent aux précédents maux une inquiétude fondamentale sur notre avenir. Alors il est aujourd’hui possible de penser que jouer aussi sur notre nombre en essayant d’enrayer une croissance à venir de 50 % d’hommes n’est pas frileux ou réactionnaire ou anti-humain. C’est simplement ne plus confondre la beauté de la vie qui naît et la multiplication exagérée d’une espèce au détriment de tout l’écosystème qui l’abrite depuis la nuit des temps. C’est tout simplement ne pas instrumentaliser un surnombre d’hommes pour tenter de faire advenir une société moins inégalitaire que les luttes sociales ont jusqu’ici échouée à réaliser, en croyant à une logique de la nécessité bien incertaine : rien ne nous dit que le chaos ne l’emporterait pas. C’est tout simplement ne pas s’interdire de jouer sur un levier longtemps tabou pour préserver – ou plutôt reconquérir - un monde viable et agréable pour tous (6).

Et ce n’est évidemment pas le seul levier, le seul combat à mener, la solution qui nous exonérerait d’autres batailles, d’autres efforts : même moins nombreux nous devons nous diriger impérativement et à marche forcée vers un mode de vie sobre et techniquement efficient, une ‘vita povera’ qui donne toute sa place à une vie moins matérialiste et plus harmonieuse, tournant le dos à l’exploitation de l’homme par l’homme, délaissant des espaces sauvages où nous ne ferons que passer avec des semelles de vent, où notre empreinte sera légère, où la vie des plantes et des animaux se régulera sans nous et s’épanouira. Pour que tous sur Terre aient leur place et nos rêves aussi.

__________________________________________________________________________________

(1) : Cliché, source :  Le Figaro. ‘La valse des oursons’. Ce très beau cliché animalier a été pris dans l’un des derniers paradis pour ours bruns, le Parc national de Katmai, à l’ouest de l’Alaska. Thomasd.Mangelsen/Abacapress.

(2) : Cette phrase ô combien significative a été prononcée ‘à la volée’ dans une ambiance d’une unanimité assez marquée, pendant l’émission de Frédéric Taddéi Ce soir ou jamais le mardi premier novembre 2011, où étaient invités notamment Paul Aries et Jean Ziegler. Les participants ont été jusqu’à évoquer le risque d’une implosion démographique dès la seconde partie de ce siècle tant toute décroissance en la matière les terrifie.  

(3) : FAO, Rapport de la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire, Rome, 3-5 mai 2007.   

(4) : Cf. Le Cygne noir, la puissance de l’imprévisible, Nassim Nicholas Taleb, éd. Les Belles Lettres. Septembre 2008.  

(5) : Un pays comme le Nigeria devrait tendre selon les projections des démographes vers le demi-milliard d’habitants à la fin de ce siècle. Comment croire que ce pays pourra alors répondre aux besoins, même limités à l’essentiel, de ses concitoyens sans des échanges massifs avec l’extérieur. Et qu’exporteront-ils pour équilibrer leur balance commerciale ? Avec tout l’optimisme de la volonté possible, on est toutefois pris de vertige devant l’immensité des difficultés entrevues. Et le Nigeria n’est qu’un exemple parmi d’autres.

(6) : Après tout, est-il si indécent de considérer notre nombre sur Terre comme une variable d’ajustement possible pour faire face à la crise écologique que nous connaissons ? On peut le dire autrement : à l’ère de l’anthropocène, la maitrise de l’homme par l’homme est-elle impensable ? La violence des réactions à la question démographique, son étouffement aux prétextes d’anti-humanisme et d’extrême-droitisme est quelque peu hallucinante. Rappelons simplement que le mouvement écologique abordait frontalement et ouvertement la question dès la fin des années soixante. Que cache donc cette aversion ? Une soumission consciente ou non à des exhortations religieuses ? Une croyance aveugle et naïve dans le Progrès, ce qui nous permettrait de transgresser hardiment les limites connues de notre biotope ? Le refus de poser des limites à l’homme ? Ce qui dans ce cas ne pourrait être alors qu’une négation des principes même de l’écologie. Ce débat n’est pas que théorique : ne perdons pas de vue que nous sommes collectivement engagés dans une nécessaire transition écologique et que nous aurons besoin de toutes nos forces et de toute notre intelligence pour la réussir ; dans ce cadre tous les leviers humainement acceptables sont à considérer. Il n’est plus temps d’avoir des tabous.

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 08:04

 

Voilà, c’est officiel, le 31 octobre prochain, selon l’ONU,  nous serons sept milliards sur la Terre. Sept milliards d’hommes et de femmes en charge de survivre et de protéger leur planète (1).

Vaste programme pour une population qui se promet de monter jusqu’à neuf milliards à l’horizon 2050 et probablement jusqu’à dix milliards au cours de ce siècle tout en rêvant de consommer encore et toujours plus.

Vaste programme au vu des dégâts déjà occasionnés à la biodiversité, aux sols, aux paysages, aux rivières ou même aux océans.

Vaste programme enfin si l’on se remémore le calendrier de notre progression passée. Rappelons encore l’histoire de cette accélération que tout écologiste devrait avoir à l’esprit.

Il y a 10 000 ans c’est-à-dire aux débuts de la révolution néolithique, les hommes étaient environ 5 millions. II y a 2 000 ans, nos effectifs s’établissaient autour de 200 millions. Puis, tout doucement, peu avant l’an mille, la courbe s’est redressée et quelques siècles plus tard, la litanie des milliards pu commencer.

 

1 milliard vers 1800

2 milliards en 1930

3 milliards en 1960

4 milliards en 1974

5 milliards en 1986

6 milliards en 1999

7 milliards en 2011

 

Oui, il nous faut désormais seulement 12 ans pour gagner un milliard d’habitants quand l’humanité a mis tant de millénaires pour atteindre le premier.

Les démographes font régulièrement part de leur optimisme (2)  en insistant sur la décélération du taux de croissance : Nos effectifs augmentent de + 1,2 % par an quand nous avons parfois  légèrement dépassé les + 2 % au cours de la décennie 1960.

Toutefois, ce taux plus faible s’appliquant à une population plus importante, en pratique la croissance absolue de la population reste presque stable et nous gagnons environ 80 millions d’habitants tous les ans soit donc un milliard tous les 12 ans et ce, depuis la fin des années 1960.

Ce phénomène est propre à l’espèce humaine. Ainsi au cours du 20ème siècle, tandis que nous multipliions nos effectifs par presque 4 (passant de 1,6 à 6 milliards), les tigres divisaient (3) les leurs par 30 réduisant leur population de 97 % ! Beaucoup d’autres animaux ont tout simplement vu leur nombre  diminuer de 100 % et ont donc disparu de la surface de la planète. Nul besoin d’être mathématicien ou biologiste pour saisir le caractère dramatique et non durable de la situation.

 

Pour marquer l’évènement et  faire comprendre les menaces que font peser sur la planète une telle croissance de nos effectifs, pour faire en sorte que le sujet fasse enfin parti du débat écologique, en un mot, pour faire cesser le tabou, l’association Démographie Responsable  organisera un rassemblement à Paris le 30 octobre prochain (de 10 à 17 h, place Igor Stravinsky, à proximité du centre Georges Pompidou). S’il vous dit de venir évoquer le sujet…  Elle vous invite également à signer la pétition suivante .

Voyez aussi sur le sujet la chronique  publiée par M. Denis Garnier président de cette association  sur le site du Monde.

 

___________________________________________________________________________________________________ 

(1) Date purement symbolique, bien sûr personne ne sait à une centaine de millions près combien nous sommes exactement. Notez que si l’on veut bien suivre les évaluations de la plupart des instituts démographiques ou même des compteurs qui pullulent sur internet (mais qui ne font que recopier) le fameux seuil devrait plutôt être franchi dans la première moitié de 2012.

(2) Que les démographes utilisent eux-mêmes le terme d’optimisme pour qualifier leur analyse de la décélération de la croissance  montre bien que cette croissance est en soi un phénomène qu’ils jugent dangereux.

(3) Il serait plus juste de préciser que c’est nous qui avons fait la division et pas les tigres de leur plein gré. Globalement leur population est passée de 100 000 à 3 000 individus entre le début du 20ème siècle  et 2010.   

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 06:04

Voir son patronyme ou ses déclinaisons entrer dans le dictionnaire des noms communs pourrait passer pour la consécration suprême. Pourtant, Thomas Robert Malthus, auteur en 1798 (1) du célèbre « Essai sur le principe de population » en ferait l’amère expérience s’il était encore de ce monde.

C’est que, grands dictateurs mis à part, le nom de Malthus est celui dont les substantifs dérivés, malthusien(ne) ou malthusianisme, se sont hissés au premier rang des outils de déconsidération, non seulement en démographie et en économie politique, mais aussi dans l’ensemble des sciences sociales. Qui veut noyer la théorie de son adversaire l'accuse de malthusianisme ! C’est là certainement une grande injustice et celle-ci prend plusieurs formes.

 

- La première, si commune qu’il est à peine nécessaire de s’y arrêter, est que 90 % des personnes qui manient l’adjectif malthusien n’ont évidemment jamais lu une ligne du Révérend (2). La banalité du fait ne doit pas faire oublier que la pensée d’un homme ne saurait se réduire à un seul concept, et surtout que celui-ci, fut-il percutant, est toujours plus complexe que sa caricature.

 

- La seconde, plus profonde, concerne la validité de la théorie malthusienne. Celle-ci prétend qu’à terme, la croissance de la population l’emportera inéluctablement (3) sur celle des ressources, conduisant le monde aux famines et aux désordres afférents.

Il est de bon ton de rappeler avec condescendance que Malthus se serait toujours trompé et qu’avec une rare obstination l’Histoire serait systématiquement venue contredire ses sombres prédictions. Malthus n'aurait pas pris la juste mesure du progrès technique et en aurait largement sous estimé les conséquences.

En effet depuis les années 1800, si la population mondiale n’a cessé d’augmenter (4), la production et même la production agricole a progressé plus fortement encore et si le nombre de personnes souffrant de faim n’a pas diminué, leur proportion a plutôt décru (en particulier dans les pays occidentaux principaux lieux d’étude de Malthus).

Le fait est incontestable, mais suffit-il à déconsidérer notre pasteur ? Certainement pas, car ce regard sur le progrès technique est un regard superficiel qui en discerne fort mal les imbrications dans l’économie.

L’extraordinaire croissance qui a suivi la révolution industrielle et a, bon an mal an, accompagné tout le 20ème siècle en dépit de deux guerres mondiales et de génocides particulièrement ravageurs doit tout à la mise à disposition d’une énergie, fossile pour l’essentielle, toujours moins chère et toujours plus abondante.

L’agriculture en a été la première bénéficiaire (5) puisque l’énergie (via les engrais, la mécanisation et le transport) lui a permis de multiplier ses rendements. Cette évolution a dans un premier temps repoussé les menaces évoquées par Malthus.

Pourtant, il faut être conscient que le progrès technique n’a pas « inventé » d’énergie (mettons pour l’instant le nucléaire à part). Il nous a permis d’accéder plus vite aux ressources fossiles que la nature avait mis plusieurs dizaines de millions d’années à constituer. Il nous a permis de consommer (de gaspiller ?) plus rapidement le capital de la planète. A l'épuisement (prochain) de ces réserves, la prédiction malthusienne retrouvera toute sa force. Les « émeutes de la faim » qui émaillent régulièrement l’actualité sont d’ailleurs les prémisses de notre confrontation à la finitude du monde.

C’est cela l’apport de Malthus et c’est en cela que sa pensée est d’actualité, il a compris avant les autres, la finitude de notre Terre qui est à la base de la crise écologique et économique qui nous menace. L’Histoire n’a pas donné tort à Malthus, c’est Malthus qui a eu raison trop tôt.

Les économistes, à force de ne comptabiliser la richesse que dans les produits du travail et de ne valoriser les ressources naturelles qu’au prorata des efforts réalisés pour les obtenir ont commis une grande erreur. Ils ont tout simplement négligé le monde réel (6).

 

- La troisième injustice dont Malthus est victime est plus subtile, il s’agit en vérité d’une malhonnêteté intellectuelle particulièrement répandue. Quoique progressiste par certains côtés, notamment en matière d'éducation, Malthus était sur d’autres points ce qu’avec les termes d’aujourd’hui on appellerait « un homme de droite ». Il avait assez peu confiance dans les aides sociales, non par une sorte de cruauté ou d’indifférence naturelle (bien au contraire, l’homme était plutôt considéré comme bon) mais parce qu’il les jugeaient inaptes à résoudre le problème de la pauvreté. Ce point de vue l’a conduit à s’opposer assez fermement à un ensemble de lois anglaises communément regroupées sous le terme de "poor laws"  visant à lutter contre l’extrême pauvreté.

Cette conception des choses qui existe encore de nos jours, peut être discutée et il est bien entendu parfaitement concevable de s’opposer à la vision de Malthus en la matière.

Mais ce qui n’est pas honnête, c’est d’utiliser ce désaccord ou la mauvaise image que véhicule l'opinion de Malthus sur ce point pour déconsidérer sa pensée sur le problème de la divergence entre taux de croissance de la population et taux de croissance des ressources. Malthus peut parfaitement avoir tort dans sa conception de la protection sociale sans que cela ne nuise en rien à la qualité et à la justesse de sa réflexion sur la démographie.

Or, cette confusion, encore une fois peu rigoureuse sur le plan de la pensée, est un grand classique des opposants à Malthus. On l’a vue souvent évoquée, notamment par les partisans de la décroissance, qui refusent d’élargir à la question de nos effectifs leur conception en faveur d’une modération de nos activités. Pour eux la question du nombre reste taboue comme elle l’est d’ailleurs pour d’autres tendances politiques qui leurs sont pourtant radicalement opposées.

 

- Il est un quatrième point sur lequel la pensée de Malthus est largement sous-estimée. Aujourd’hui, la notion de solution ou de politique malthusienne, expression là encore employée dans un sens déconsidérant, a vu son champ d’utilisation s’élargir et l’on qualifie ainsi toute pratique  ou toute méthode qui consiste non à s’attaquer à la racine causale d’un mal mais bien à son ampleur.

Ainsi, par exemple, résoudre les problèmes de circulation en interdisant à une voiture sur deux de circuler pourrait être qualifié de solution malthusienne (par opposition à des méthodes visant à optimiser les conditions du trafic par une meilleure information ou des réseaux conçus différemment).

La démarche malthusienne (au sens général du terme et pas seulement pour l’exemple cité) est mal perçue. Elle paraît peu subtile et semble éviter le cœur des problèmes.  Pourtant la nature même d’une difficulté n’est pas indépendante de son ordre de grandeur. Paracelse l’avait depuis longtemps compris, lui qui professait dès le 16ème siècle : « c’est la dose qui fait le poison ». Sur ce point aussi, les concepts que l'on rattache aujourd’hui à l’adjectif malthusien pourraient être utilement revalorisés.

Dans un sens plus général encore, la notion de malthusianisme évoque tout simplement la prudence. Le fameux principe de précaution dont l’essence est finalement malthusienne se trouve d’ailleurs souvent porté aux nues par ceux-là même qui vilipendent son véritable inspirateur.

 

Enfin, au-delà de la réfutation de ces différentes injustices, il est une réflexion générale qui devrait nous inciter à réhabiliter les analyses de Malthus. Selon une méthode assez féconde, poussons les choses sinon à leurs extrêmes, du moins en deux voies opposées.

Imaginons d’un coté un monde significativement moins peuplé, disons moins de un milliard d’habitants et de l’autre un monde significativement plus peuplé, disons 12 ou 15 milliards d’habitants (ce n’est pas absolument exclu).

Et maintenant, en toute bonne foi, demandons-nous dans lequel de ces deux mondes avons-nous le plus de chances de résoudre les grands problèmes que sont : la pollution, la déforestation, le changement climatique, la paix, la disparition des espèces, l’emprise urbaine sur les espaces vierges et la promiscuité permanente dans laquelle nous nous installons ?

Une pensée convenue, et finalement bien peu critique, transforme en repoussoir les inquiétudes de Malthus. Au vu de la réponse, que je crois simple, à l'interrogation précédente, il serait peut-être plus sage d'y prendre garde.

 ____________________________________________________________________________________________

(1) Il s’agit de la date de la première édition. D’autres suivront, généralement enrichies et avec quelques variantes.

(2) Bien que ses idées soient généralement combattues par une large majorité des autorités chrétiennes, Malthus était pasteur. C’est un phénomène courant. Copernic dont les vues mirent tant d’années à être admises par l’ Eglise était lui-même chanoine. Rien de plus normal, le clergé concentrait en ces temps une bonne part de l’humanité cultivée.

(3) Précisément Malthus estime que la croissance de la population suit une évolution géométrique : Cela signifie qu’elle est multipliée par un coefficient donné à chaque période de référence, par exemple si le coefficient est égal à 2, la population suit une croissance de type 4, 8, 16, 32, 64 … A l’inverse la croissance des ressources ne suivrait qu’une progression dite arithmétique. C’est à dire qu’à chaque période, les quantités en cause se trouvent augmentées d’une valeur fixe menant à une évolution de la forme : 100, 110, 120, 130….

Dés lors que le coefficient du premier type de progression est supérieur à un, celui-ci l’emporte à terme  inéluctablement sur le second et cela, quelle que soit la valeur de la quantité fixe ajoutée.

Il va de soi qu’il s’agit là d’un principe schématique que la réalité ne saurait reproduire à la lettre. La véritable pensée de Malthus est bien de dire que tendanciellement la croissance de la population l’emporte sur celle de la production. Discuter de l’exactitude mathématique du processus serait faire à Malthus un procès sur la forme plus que sur le fond.

(4) Il y avait moins d’un milliard de personnes en 1800, il y en a sept aujourd’hui et tout indique qu'il y en aura neuf  en 2050 et probablement dix à la fin du siècle comme viennent encore de le montrer de récentes prospectives de l'ONU. 

(5) Si l’agriculture (et indirectement les consommateurs et toute l'économie) en bénéficia, la situation des agriculteurs est plus ambiguë puisque ces gains de productivité ont conduit à réduire fortement leur nombre et leur proportion dans la population. Dans les pays développés, moins de 5 % de nos effectifs suffisent aujourd'hui à nourrir le reste.

(6) De même, l’économie a toujours négligé la biodiversité et le monde animal. Mais sur le fond les choses sont de même nature. N’est comptabilisé que le produit du travail, les « gratuités naturelles » sont exclues du champ de l’économique. Chacun sait que si l’air devenait payant le PIB ferait un bond malgré l’absurdité du concept et l’appauvrissement concret et général qui en résulterait.

Ps : Une très bonne analyse de la pensée Malthusienne et des débats qu'elle suscita et suscite encore est disponible dans l’ouvrage de Georges Minois : Le poids du nombre que nous avions commenté ici même.

 

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 06:04

Cet article de M. Denis Garnier, Président de l'association Démographie Responsable constitue un commentaire du "dossier démographie" présenté dans le Monde Diplomatique daté de  juin 2011. Il a été préalablement publié sur le site de l'association.

 

Ce dossier  du Monde Diplomatique est introduit par un article de Georges Minois intitulé «Une planète trop peuplée ? » qui reprend en partie les idées déclinées dans son excellent ouvrage : Le poids du nombre dont nous avons parlé ici-même il y a quelque temps. Hormis cet article, qu’il faut marquer d’une pierre blanche, tous les autres s’évertuent à démontrer que la planète n'est pas surpeuplée.

Si nous sommes évidemment satisfaits qu’un grand journal aborde ces questions, nous ne pouvons qu’être déçus par les réponses apportées. Ce d’autant plus que s’il est normal de s’intéresser à la Chine, aux pays arabes et à la Russie, il semble très étonnant de faire l’impasse sur l’Afrique subsaharienne, car c’est en partie là que la croissance démographique future de l’humanité va avoir lieu. Le continent africain qui compte aujourd’hui 1 milliard d’habitants va voir doubler sa population durant les 40 prochaines années et devrait atteindre les 3,5 milliards en 2100, sans pour autant d'ailleurs se stabiliser à ce moment-là. Et s’il est normal de s’intéresser à la récession démographique de la Russie, cette croissance annoncée de 2,5 milliards d’africains valait bien une étude qui aurait pu être confiée à Jean-Pierre Guengant, démographe et spécialiste du continent.

Pour son article intitulé « Fausses évidences sur la population mondiale », Gérard-François Dumont, professeur d’université, a choisi un angle d’attaque pour le moins contestable qui consiste à citer ce qu’il appelle des "poncifs", à savoir : « L’humanité connaît une natalité débridée », « Il faut craindre une véritable explosion démographique » , « Nous allons vivre sur une Terre écrasée par la surpopulation », « Les vagues migratoires Sud-Nord vont nous submerger », qui ont tous en commun de pousser à l’extrême certaines des interrogations actuelles. Il lui est alors ensuite facile d’en montrer l’exagération et donc de discréditer tout questionnement.

Sa phrase « En somme, la "population mondiale" n’existe pas, elle est un agrégat sans signification, addition de réalités si différentes que l’évoquer revient à mélanger pommes et cerises » est à encadrer !

Rappelons tout de même qu’il s’agit bien d’êtres humains d’une seule et même race (homo sapiens), qu’une certaine solidarité les unit, et qu’il est logique de s’intéresser à leur nombre global, ne serait-ce que pour savoir si la planète peut les alimenter, leur fournir suffisamment d’eau et d’énergie et finalement assurer leur bien-être. Sauf à vouloir raisonner pays par pays, coupés les uns des autres comme il semble vouloir le faire, ce qui n’est évidemment plus possible aujourd’hui à l’heure d’une économie (excessivement ?) mondialisée. N’oublions pas au passage l’existence de famines redondantes qui nécessitent que certaines régions produisent pour d’autres.

Il est cependant évident que ne faut pas uniquement s’intéresser à la population globale de la planète et qu’il faut bien entendu ensuite pousser l'analyse, régions par régions et bien sûr pays par pays. Il n’empêche que du fait des communications instantanées et de la légitime aspiration des êtres humains à une certaine égalité, le standard de vie occidental exerce une attractivité telle qu’il oblige (à terme) à considérer que justement, pomme et cerise sont bel et bien toutes deux des fruits…

« La baisse sans précédent de la fécondité provoque une nette décélération démographique : le taux annuel moyen d’accroissement est passé du maximum historique de plus de 2% à la fin des années 60 à 1,2% en 2010 ».

La question de la décélération des taux de natalité, servant à prouver que tout s’arrange, est un raccourci pour le moins très osé. En effet les 2% de croissance de 1960 s’appliquaient à une population mondiale de 3 milliards et donc provoquaient une hausse de 60 millions d’habitants par an. Or les 1,2% de 2010 s’appliquent à une population de 6,9 milliards ce qui conduit à une hausse de 82,8 millions ! On voit clairement ici que l’on peut faire dire aux chiffres le contraire de la réalité : en effet, ce dont souffre la planète, c’est bien d’un chiffre brut d’êtres humains…

De plus l’ONU a, tout dernièrement, revu à la hausse ses projections et les 9 milliards cités par l’auteur pour 2050 ne seront qu’une étape vers les 10 milliards prévus en 2100.

« Si ces 9 milliards migraient en totalité aux États-Unis, laissant tout le reste de la Terre désert, la densité des États-Unis serait encore inférieure à celle de la région Ile-de-France ».

Pour que ses habitants de l'Ile de France puissent vivre correctement, au sens où on l'entend aujourd'hui, il faut qu’une grande partie du territoire français produise leur nourriture et stocke ou recycle leurs déchets. Il faut aussi que d’autres territoires plus éloignés extraient l’énergie qui permet aux franciliens de se chauffer, de s’éclairer et de se déplacer. Et donc si la totalité de la population mondiale était concentrée aux États-Unis, il y aurait besoin du reste de la planète pour subvenir à ses besoins, ce qui reviendrait peu ou prou la situation actuelle. Ce genre de constatation : « on pourrait entasser les individus dans un endroit (relativement) petit par rapport au reste de la planète » est tout à fait trompeuse, car dans ce "réduit", ils ne sauraient en rien être autonomes…

L’auteur s’inquiète ensuite du vieillissement de la population. Or, dans les pays émergents comme la Chine (où cette question donne ensuite lieu à un article entier « Quand la Chine grisonnera »), ce vieillissement est en grande partie lié aux excès de natalité des périodes antérieures : tout baby boom délimité dans le temps provoque un papy boom 70 ans après… Et sauf à vivre en baby boom permanent, il y a bien un moment où il faut solder cette situation. Maintenant, concernant les pays occidentaux la qualification « d’hiver démographique » ne se justifie pas car si tout le monde s’accorde sur le fait que c’est une bonne chose de vivre plus longtemps, il est alors normal d’accepter en retour que l’âge moyen augmente en permanence… De plus, la solution de relance de la natalité préconisée au Nord serait une aberration sur le plan environnemental du fait de l’empreinte écologique déjà excessive de cette partie du monde.

C’est d’ailleurs la non-évocation de l’aspect écologique de la question démographique qui est le grand point faible de ce dossier. En effet, comment peut-on, en 2011, éluder le problème de la perte de la biodiversité en général et celle de la faune sauvage en particulier ? Les 97% de tigres éliminés depuis le début du XXème siècle, notamment du fait de notre expansion, doivent-ils être simplement passés par "pertes et profits" sans plus nous émouvoir ?

Enfin, la question des ressources énergétiques n’est pas non plus abordée. Et pourtant, l’humanité est en passe d’avoir épuisé le capital de ressources fossiles que la planète avait mis des millions d’années à constituer et nous vivons même à crédit sur le dos des générations futures puisque nous leur laisserons le soin de gérer nos déchets nucléaires.

Au final, ce que l’on retiendra de ce dossier c’est sa vision anthropocentrée, non-écologiste et court-termiste…

 

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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 14:04

De nombreux médias dont Le Monde (*), ont récemment fait état de la publication par l’ONU d’un rapport révisant les perspectives démographiques mondiales à la hausse.

Alors qu’il semblait très largement acquis que l’humanité allait plafonner entre 9 et 9,5 milliards de représentants à l’aube des années 2050, ces nouvelles études jettent un doute sur ce scénario. Selon l’ONU la croissance pourrait se poursuivre et la planète héberger un peu plus de 10 milliards d’hommes au tournant du prochain siècle.

Sur le fond, rien de bien étonnant. Nul ne connaît demain et fixer nos effectifs futurs consiste à faire un pari sur la fécondité et la mortalité des décennies à venir. Ce pari s’appuie sur la prolongation des tendances présentes et dans le cas particulier sur la poursuite de la baisse de la fécondité dans les pays les moins développés. Cette poursuite est possible, elle n’est pas certaine. Il est salutaire de voir ce rapport remettre en cause ce qui n’était qu’une hypothèse et en proposer une autre, hélas plus probable.

Cette révision jette un pavé dans la mare du débat écologique. On sait que la quasi-totalité des mouvements politiques ou même écologistes refusent d’aborder la question démographique définitivement (?) considérée comme taboue. Ils s'appuient pour cela sur deux arguments principaux.

D’une part, le mode et le volume de consommation des individus seraient infiniment plus déterminants pour les dégâts faits à la planète que le nombre des hommes et d’autre part, la question de nos effectifs serait réglée puisque la fin de la croissance démographique est (était, devrions-nous dire) programmée pour dans 40 ans.

Le premier argument est extrêmement discutable notamment parce qu’il fait bon marché de la consommation d’espace au détriment des forêts et des espèces sauvages que suppose l’extension des effectifs de l’humanité. On peut également ajouter  que la consommation moyenne des individus aura globalement bien du mal à baisser dans un monde où la plupart des hommes ne sont pas très riches et ont justement comme objectif principal  d’accroître leur consommation pour la situer au niveau de celles des pays occidentaux devenus de fait le modèle mondial.

Le second argument, très répandu dans la communauté des démographes avait notamment été utilisé par Nicolas Hulot dans une conférence téléphonique pour justifier de ne pas placer la question démographique en tête de ses préoccupations.

Ces nouvelles estimations provoqueront-elles une évolution des points de vues ? Les craintes de la  surpopulation qui avaient connu leur heure de médiatisation dans les années 1960 referont-elles surface ? J’en suis partisan tant la politique de l’autruche n’a jamais fait avancer les choses et tant je suis persuadé qu’un monde durable ne peut être un monde surpeuplé. Les hommes ont besoin à coté d’eux du reste du vivant. La Terre ne peut se réduire à quadrillage ininterrompu de villes et de champs.

_________________________________________________________________________

(*) Notez quand même une petite incohérence dans le texte proposé par Le Monde, puisque l’Onu envisagerait le passage aux 6,9 milliards en juillet 2011 et le franchissement des 7 milliards pour le 31 octobre de la même année. Il s'agit là d'un rythme évidemment (et heureusement) impossible puisque l’humanité « gagne » environ 80 millions de représentants chaque année (solde d’un peu moins de 135 millions de naissances et de 55 millions de décès), il est improbable qu’elle progresse soudain de  100 millions en trois ou quatre mois. De façon générale ces données constituent des estimations; il est impossible de connaître les effectifs de notre espèce à 100 millions près et, bien entendu, le jour des sept milliards sera une date administrative ou symbolique mais en aucun cas réelle (sauf hasard extraordinaire, mais  nous ne le saurons pas).

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 13:24

Dans le cadre de sa série, le Champ des possibles, animée par M. Joseph Confavreux, France Culture a diffusé vendredi 18 Mars une émission consacrée à la Démographie sous le titre :

 

Faut-il restreindre notre fécondité pour sauver la planète ?

 

Etaient invités pour débattre :

 

-  Paul Ariès : Directeur du "Sarkophage"

-  Francis Ronsin  : Historien

- Didier Barthès : Co-rédacteur d'Economie Durable et porte-parole de l'association Démographie Responsable.

 

                 Ecouter  l'émission  

                 Lire la transcription de l'émission.

 

 

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 15:24

La démographie reste un sujet sensible. Elle est à l’origine de débats vifs et de réactions si épidermiques et si brutales que parfois, tout dialogue devient impossible. Pour certains, le tabou est absolu ; la question des effectifs de l’humanité est au mieux vide de sens, au pire interdite. Protéger la nature : certes ! Mais pas au point de mettre en cause notre nombre.

Lors d’une conférence téléphonique le 15 décembre dernier, j’ai pu évoquer cette question avec Nicolas Hulot et ai rappelé combien il s’agissait là d’un sujet déterminant.

La réponse de Nicolas Hulot est intéressante parce qu’elle est mesurée, parce qu’elle ouvre la porte au dialogue et aussi parce qu’on la trouve en filigrane chez d’autres auteurs et chez certains écologistes. Il est donc d’autant plus nécessaire de présenter ici ce que l’on peut opposer à un point de vue assez représentatif et que sa modération même rend séduisant.

 

Nicolas Hulot admet l’existence du problème et ne met pas d’interdit sur la discussion. Toutefois, il ne place pas une action sur la démographie au tout premier rang des urgences écologiques et préfère insister d’abord sur les nécessaires modifications de notre mode de vie et sur la régulation de notre consommation (nécessité qu’il n’est évidemment pas question de nier).

 

Nicolas Hulot avance plusieurs arguments pour justifier cette position :

- Le droit fondamental de chacun à se reproduire.

- La stabilisation annoncée des effectifs de l’humanité au cours de ce siècle.

- La priorité à donner au développement économique qui constitue à la fois un élément d’efficacité (à cause de la corrélation constatée entre développement et baisse de la natalité) et de justice sociale.

Puisque le dialogue s’est instauré, voici donc ce que l’on peut répondre à Nicolas Hulot

 

Le droit à se reproduire.

Ce droit à se reproduire est en effet fondamental et il faut rappeler encore une fois qu’en aucun cas il ne s’agit ici de se faire le chantre de mesures autoritaires en la matière.

Avoir des enfants est un droit. Cependant, que tous les hommes aient une descendance nombreuse est devenu une impossibilité physique dans le monde d’aujourd’hui, impossibilité vis à vis du respect de la nature, impossibilité vis à vis de notre propre avenir. Ce droit à une descendance sans limite est en réalité lourd de menaces pour les libertés mêmes qui sont invoquées pour le défendre.

Plus une population est dense, plus elle nécessite et plus elle génère de règles et d’interdictions. C’est bien dans un monde surpeuplé que les libertés seront le plus menacées. Et parmi ces libertés menacées, celle de se reproduire sera in fine particulièrement touchée.

L’histoire a déjà montré cet enchaînement funeste qui se retourne contre la liberté de procréer. L’exemple le plus emblématique est bien entendu le cas chinois. La Chine, qui avec plus de 1,3 milliard d’habitants reste le pays le plus peuplé du monde (1), a presque réussi à stabiliser la croissance de sa population qui menaçait son équilibre et son avenir. Comment y est-elle parvenue ? Par des pénalités de tous ordres, notamment de fortes contraintes financières en cas de dépassement du nombre d’enfants autorisés. Si certains se réjouissent du succès, d’autres (ou parfois les mêmes) se désolent de l’atteinte à la liberté que représentent ces réglementations.

Dans les deux cas il faut comprendre que ces mesures sont elles-mêmes le fruit d’un laxisme antérieur. Dans les temps précédant la Révolution Chinoise (1949) et ensuite pendant les 20 premières années du maoïsme le natalisme a été de rigueur. Le prix à payer plus tard n’en a été que plus lourd.

Ainsi, si demain, par absence de précautions, nous laissons l’humanité atteindre 9, 12 ou 15 milliards d’habitants nous préparons des après-demain aussi douloureux que liberticides. Nous ouvrons la voie à des mesures beaucoup plus contraignantes que celles qui pourraient être prises aujourd’hui (campagnes en faveur de la contraception accompagnées d’une libre mise à disposition des moyens contraceptifs et d’une abrogation des mesures natalistes financières ou fiscales notamment).

L’humanité doit prendre un peu de recul. La naissance de nombreux enfants était une loi naturelle dans un monde où la plupart de ceux-ci perdaient la vie bien avant d’être en âge de se reproduire à leur tour.

La persistance de ce comportement alors que la quasi-totalité des enfants survivent n’est plus possible vis-à-vis de notre planète et sa remise en cause ne relève donc plus d’un choix idéologique. Le changement des comportements doit accompagner l’évolution des conditions de vie.

C’est une chose merveilleuse que d’éviter la mort à tant d’enfants mais elle a un prix qu’il est sage et nécessaire d’accepter : nous ne pouvons plus avoir un nombre illimité d’enfants.

L’alternative est la suivante : Ou nous le décidons et organisons nous-mêmes cette décroissance de la natalité, ou les contraintes naturelles, qui n’auront aucune raison d’être douces (et elles ne le seront pas) nous l’imposeront.

Ceux qui évoquent la liberté totale pour la reproduction doivent donc être conscients du poids qu’ils feront peser sur les libertés de demain.

La liberté est un équilibre, elle n’est en rien une porte ouverte sur un monde sans contraintes. Il se trouve que Nicolas Hulot a lui-même insisté dans ses ouvrages sur ce fait que la liberté ne se définissait pas comme une absence de contraintes.

 

La fin annoncée de la croissance démographique.

Il est exact qu’une majorité de démographes estiment aujourd’hui que la croissance de nos effectifs devrait prendre fin au cours de ce siècle. On évoque le plus souvent une stabilisation de la population planétaire autour de 9 à 10 milliards d’habitants dans le courant de la décennie 2050 - 2060.

Cependant, cette perspective ne peut être considérée comme un argument définitif qui viendrait clore le débat car elle soulève beaucoup de problèmes. Problèmes qui sont liés au niveau de cette stabilisation, aux incertitudes sur sa venue et bien entendu aux causes qui la déterminent.

 

Tout d’abord : le niveau de cette stabilisation.

Avec 7 milliards de représentants, l’humanité a détruit la majorité des espaces naturels, elle a vidé les océans, exterminé l’essentiel de la mégafaune et la quasi-totalité des grands prédateurs (- 97 % de tigres en un siècle) !

Cette explosion démographique au détriment du reste du vivant ne s’est même pas réalisée pour le plus grand bénéfice de notre propre espèce : un milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition alors même que l’agriculture qui a fortement bénéficié des énergies fossiles pour accroître sa productivité au siècle dernier va devoir faire face très bientôt à un monde sans pétrole.

Dans ces conditions, peut-on raisonnablement croire que nous ferons mieux avec 9 ou 10 milliards d’hommes qu’avec 7 ? C’est improbable, d’autant qu’une telle croissance s’accompagnera (c’est déjà le cas) d’une urbanisation dévorante et d’un développement des mégalopoles. L’Homme est-il fait pour ce monde-là ? Des ensembles de 10, 20 ou 30 millions d’habitants sans plus aucun contact réel avec la nature, est-ce là le visage d’une société harmonieuse et respectueuse ? Est-ce là une promesse d’équilibre et de stabilité ? Non ! Se satisfaire d’un monde à 9 milliards d’habitants c'est déjà accepter un mode de vie destructeur et non durable.

 

En second lieu la plausibilité de cette stabilisation.

Cette prochaine stabilisation n’est qu’une hypothèse dont la réalisation n’est en rien garantie. Elle se trouve liée à la poursuite du mouvement de baisse des taux de fécondité, notamment dans les pays émergents et plus encore dans les pays aujourd’hui les moins développés.

Le 15 février dernier, M. Grégoire Allix a publié dans « Le Monde » un article validant les doutes que l’on pouvait entretenir quant à la stabilisation de la population mondiale. Un rapport de l’ONU est également récemment revenu sur cette question du risque de surpopulation.

Malgré l’inertie des mécanismes démographiques qui rend presque certaines les prévisions à 10 ans et très plausibles celles à 20 ans, l’avenir un peu plus lointain n’est pas écrit. Il dépendra notamment de l’évolution des taux de fécondité, évolution que nous ignorons.

La poursuite de la baisse constatée est une hypothèse qui ne peut être tenue pour certaine. Nous ignorons à quels « taux » se reproduiront les hommes dans 30 ou 40 ans. Or ces taux seront déterminants pour le niveau démographique des années 2050-2060 et, bien sûr, pour la fin du siècle. Ajoutons que les incertitudes sont d’autant plus grandes que des difficultés économiques se profilent à l’horizon. Les problèmes alimentaires et énergétiques que l’on voit poindre constitueront d’ailleurs à la fois les causes et les premiers effets de ces troubles économiques.

Bien entendu, il serait possible d’imaginer que les incertitudes jouent en sens contraire et que nous bénéficiions d’une heureuse surprise : une baisse permanente et même généralisée des taux de fécondité.

Nous ne pouvons toutefois pas compter sur cette possibilité pour éviter d’agir. Outre l’incertitude, il y a en effet asymétrie des conséquences. Si l’humanité est un peu moins nombreuse que prévue, alors sa survie n’en sera que mieux assurée alors que si ses effectifs continuent d’exploser, c’est son existence même et celle du reste du vivant qui se trouveront menacées.

 

Le développement économique comme facteur déterminant de la stabilisation démographique.

Il s’agit là de l’argument le plus souvent opposé pour ne pas faire de la lutte contre la surnatalité une priorité.

Même pour ceux qui admettent que la surpopulation constitue une menace, le développement économique apparaît comme l’outil le plus efficace pour la combattre.

L’argument est fort et contient d’ailleurs une part de vérité. Il s’appuie sur la constatation d’une forte corrélation statistique entre le niveau de développement économique et la faiblesse des taux de natalité (ou à l’inverse, entre le sous-développement et la surnatalité).

Bien que corrélation statistique ne soit pas synonyme de causalité, il semble bien que l’accès à une certaine aisance économique favorise le choix par les couples d’une descendance moins nombreuse. Il favorise naturellement la baisse des taux de mortalité infantile (les soins et les conditions de vie dans les pays développés y sont propices). Ainsi, la survie des enfants ne nécessite plus leur naissance en grand nombre pour assurer la descendance des familles.

Ce mécanisme prend toutefois un certain temps, que l’on appelle période de transition démographique, durant laquelle les gens continuent à avoir un grand nombre d’enfants qui, désormais, survivent, ce qui se traduit par une forte croissance démographique et par l’apparition de pyramides des âges démesurément élargies vers le bas, symptôme d’une population jeune. Réduire la durée de cette transition pour que très vite les couples réduisent leur nombre d’enfants est donc un objectif essentiel pour limiter l’explosion démographique et la meilleure façon d’y arriver est selon une majorité de démographes comme d’économistes d’accélérer ce développement.

Si l’on peut émettre quelques réserves sur cette méthode et préconiser en parallèle la mise en place de vigoureuses campagnes pour la promotion de la contraception (et la mise à disposition des moyens au plus faible coût possible) ce n’est pas pour nier l’évidence de l’efficacité du développement mais pour insister sur son insuffisance.

Cette insuffisance est notable.

D’une part, alors que, malgré la crise, le monde connaît globalement une forte croissance économique (supérieure à 4 % par an) cela n’empêchera en rien l’humanité d’atteindre les 9 milliards. Cette inertie est en partie due à la structure de la pyramide des âges mondiale. La population est jeune et donc va vivre encore longtemps. De plus, cette jeunesse implique que des effectifs nombreux vont arriver à l’âge de la reproduction. Il faut essayer d’agir pour limiter les conséquences de ce dernier phénomène.

D’autre part, le développement économique se trouve menacé par les problèmes écologiques mêmes qu’il génère. En particulier par la dégradation et la raréfaction des sols cultivables ainsi que par la très prochaine déplétion pétrolière et la raréfaction générale des énergies fossiles.

Comment compter sur le développement pour abaisser la natalité si celui-ci se trouve menacé ? Si le développement est la cause, ou au moins la condition nécessaire, de la baisse de la natalité, alors, tout arrêt dans la croissance économique pourrait signer l’arrêt de cette baisse ! Dans un monde en crise générale on peut craindre une (sur)explosion démographique.

Enfin, il faut noter ce qui semble une contradiction dans la position de Nicolas Hulot. Ce dernier compte sur le développement économique pour abaisser la natalité alors même que l’ensemble de son combat et de ses ouvrages mettent en avant les catastrophes écologiques dont ce même développement menace la planète. Son livre le « Syndrome du Titanic »,un titre on ne peut plus explicite devant notre aveuglement, explique clairement les choses.

Est-il raisonnable, pour régler un problème, de compter sur un mécanisme dont, par ailleurs, on dénonce les effets ?

Il faut alors, et c’est la position de M. Hulot comme de nombreux écologistes, imaginer un développement de nature différente qui aurait la bonté d’avoir les mêmes heureuses conséquences (baisser la natalité et enrichir les plus pauvres) mais sans avoir les mêmes malheureux effets (la dégradation dramatique de l’environnement).

C’est en partie le pari du fameux développement durable (qui, dans sa définition la plus partagée, ne fait malheureusement pas référence à la natalité).

Développement durable : Ces deux mots renvoient-ils à une réalité possible ou ne forment-ils qu’un oxymore ?

Il nous faut bien retenir la première hypothèse si nous voulons avoir une chance d’agir et de sortir une fraction de l’humanité de la misère.

Cependant, ne soyons pas naïfs. Même en faisant attention, le développement des pays les plus pauvres entraînera mécaniquement une hausse de la pollution, des quantités d’énergies fossiles et d’espaces consommés, même si une partie (sauf pour l’espace) de ces surconsommations pourrait se trouver compensée par une réduction des gâchis et des gaspillages dont font preuve les pays les plus riches (en admettant qu’ils le veuillent bien, on entend tous les jours les cris et les protestations que provoque la moindre hausse du prix des carburants).

Il est donc essentiel d’accompagner toute politique de développement d’une politique antinataliste pour limiter ses effets néfastes sur l’environnement.

Je ne prétends pas que cela fonctionnera partout et autant que souhaité, ni même que cela ne constituera pas qu’une cause secondaire (par rapport au développement général) de la baisse de la fécondité. Mais il faut le faire en même temps pour réduire autant que faire se peut la durée de la transition démographique durant laquelle les populations explosent.

 

L’énergie.

Un autre élément à long terme devrait rapprocher les écologistes en général et la Fondation pour la Nature et l’Homme de telles prévenances démographiques. C’est la question de l’énergie. Les seules énergies durables sont les énergies renouvelables, or ces modes de production ont une « intensité » moindre que la consommation de pétrole ou la production d’électricité nucléaire (qui pose certains problèmes et n’est certainement pas généralisable à l’ensemble de la planète).

Avec les énergies renouvelables, et même en économisant, il est difficile de faire vivre les immenses concentrations urbaines de notre monde et de répondre aux exigences de transports et de déplacements des sociétés modernes (exigences qu’il faudra de toute façon revoir à la baisse).

Autrement dit, le non-renouvelable n’est pas durable et le durable n’est pas adapté aux fortes densités.

Militer pour l’utilisation d’énergies renouvelables sous-entend d’accepter de plus faibles densités de population. C’est d’ailleurs ainsi, en comptant sur des énergies renouvelables et avec des effectifs bien moindres que l’humanité a vécu l’essentiel de son histoire. L’énergie éolienne a transporté les hommes sur toutes les mers du monde et moulu le grain bien avant d’être considérée comme le fin du fin de la modernité (même si aujourd’hui les éoliennes font débat).

 

De l’espace pour les animaux, de l’espace pour les forêts.

Les animaux, mais aussi la flore, ont besoin d’espace. D’ailleurs, Nicolas Hulot l’a reconnu au cours de notre entretien : « vous avez raison » a-t-il répondu à ma remarque sur ce sujet.

Il n’existe pas d’alternative. On ne fera jamais vivre la grande faune, et en particulier les prédateurs, au milieu de la population. Notre présence en nombre interdit de facto celle des grands animaux

Même tous frugaux, même tous respectueux de l’environnement, nous ne saurons concilier nos effectifs actuels et plus encore ceux que l’on envisage pour demain, avec l’existence d’une véritable faune sauvage.

Rappelons que les Etats-Unis et le Canada qui sont pourtant parmi les pays les plus montrés du doigt par les écologistes sont les seules nations occidentales développées à héberger une « mégafaune » encore digne de ce nom. Pourquoi aux Etats-Unis et au Canada plutôt qu’en Europe de l’Ouest au style de vie comparable ?

Pour une raison incontournable : la densité démographique. Les Etats- Unis ont 33 habitants au kilomètre carré, le Canada 3,4 tandis que la plupart des pays européens en abritent entre 100 et 350 (400 même pour les Pays Bas !). Dans les deux nations Nord-Américaines se trouve encore de la place pour des espaces vierges et donc pour la faune et la flore. Ce n’est plus le cas en Europe et bientôt, cela ne le sera plus dans nombre de pays en voie de développement.

Ce raisonnement remet en cause l’universalité de certains calculs basés sur une « empreinte écologique » qui ne prendrait en compte que les émissions de CO2 ou d’autres « polluants » et selon laquelle un américain « vaut » (c’est à dire pollue ou impacte sur la planète) comme 20, 30 ou 50 habitants de telle ou telle nation moins favorisée.

Les choses ne sont pas si simples et il est bien hasardeux de résumer l’impact d’un être humain à un seul chiffre.

Ajoutons d’ailleurs que les modifications climatiques qui accaparent aujourd’hui l’essentiel des débats (et par là des éléments des calculs d’impact individuel) pourraient avoir des effets limités à quelques siècles alors que la disparition des espèces liée à nos effectifs aura des conséquences sur des millions d’années. Combien faudra-il de temps à la nature pour « réinventer » un tigre ou son équivalent ?

Ce débat sur les animaux correspond à une réalité bien matérielle mais il a aussi un sens moral. Une humanité qui se moquerait du sort qu’elle réserve aux autres espèces ne serait tout simplement pas digne des efforts consentis pour la préserver et pour lui assurer un avenir supportable. C’est là aussi le sens profond d’un combat pour une démographie plus modeste et plus responsable.

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(1) Cette situation devrait perdurer jusque vers 2025. Au-delà, selon toute vraisemblance, c’est l’Inde qui passera en tête de ce classement démographique. Difficile d’imaginer ce que donnera ce pays immense qui en 2050 aura une densité supérieure à 550 habitants au kilomètre carré (4,8 fois la densité française d’aujourd’hui) et qui devra faire vivre plus d’un milliard et demi d’habitants dont plusieurs centaines de millions de personnes âgées. Qui osera alors prôner une augmentation de la natalité pour lutter contre le vieillissement de la population ? Et pourtant, nombreux sont encore les économistes qui prédisent à l’Inde un avenir plus brillant qu’à la Chine grâce à son dynamisme démographique !

nb: L'ensemble des arguments présentés ici ont été préalablement publiés sur le site de l'association Démographie Responsable 

 

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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 09:48

Le vent de révolte qui secoue aujourd’hui l’Egypte s’appuie sur deux motifs de mécontentement : L’absence de démocratie mais aussi les difficultés de la vie quotidienne liées en particulier aux prix de l’alimentation et au  fort taux de chômage chez les jeunes. Deux points très préoccupants.

Comment ne pas voir qu’à la source de ces problèmes se trouve la question démographique ?

L’Egypte compte 85 millions d’habitants pour une surface d’un million de kilomètres carrés soit un peu moins de deux fois la France. Chacun sait toutefois que ce pays n’est en réalité habitable et cultivable que sur une faible proportion de ses terres.

 A 90 % la population et les cultures (qui se font inévitablement concurrence) se concentrent dans le delta du Nil ainsi que sur une bande d’une dizaine de kilomètres de large au bord du fleuve sur 1000 kilomètres, du Caire jusqu’au pied du barrage d’Assouan. Grosso modo l’Egypte ne peut compter pour vivre et se nourrir que sur une quarantaine de milliers de kilomètres carrés. Ainsi ramené à la « surface utile », la densité de peuplement égyptienne approche 2000 habitants au kilomètre carré : Imaginez le niveau de la population française avec une telle densité !

L’Egypte est donc surpeuplée au regard de ses capacités réelles et ce surpeuplement se traduit par une forte dépendance alimentaire déja illustrée en avril 2008 par les fameuses « émeutes de la faim ». L’Egypte se trouve ainsi fragilisée par toute hausse du prix des denrées alimentaires. Ne pouvant les produire elle-même, elle les achète à l'extérieur et paye cash toute élévation des cours mondiaux, qu’elle provienne d' une tendance haussière générale ou  soit le fruit d’une spéculation passagère.

En plus du niveau de ses effectifs le pays souffre de la rapidité de leur évolution. En 200 ans, soit en seulement trois fois la vie d’un homme, l’Egypte a, selon les sources, multiplié ses effectifs par …20 ou par 40 ! (Les estimations de la population égyptienne en 1810 s’étagent de 2 à 4 millions d’habitants). Si l’ensemble de la Terre avait suivi la même pente, notre planète compterait aujourd’hui entre 20 et 40 milliards de terriens ! (nous étions un milliard en 1810)

Cette croissance est toujours très élevée : il y avait 21 millions d’Egyptiens en 1950, il y en a 85 millions aujourd’hui soit 4 fois plus en 60 ans. Pour 2011, l’Ined indique pour ce pays un taux de natalité de 23,8 pour mille, 2,73 enfants par femme et un taux de croissance annuel de la population de 1,7 % soit une augmentation de 1,4 million du nombre d’habitants chaque année ! Ces chiffres expliquent l’extrême jeunesse de la population égyptienne (30 % des égyptiens ont moins de 15 ans !) et donc l’arrivée continue d’un grand nombre de personnes sur le marché du travail. Un travail que justement, dans ses conditions, nul ne peut leur proposer.

Les autorités égyptiennes sont conscientes du problème, et savent parfaitement le défi que leur pose la démographie, « La croissance démographique est un obstacle essentiel à nos efforts pour le développement et l’élévation du niveau de vie », déclarait en 2008 le président égyptien Hosni Moubarak (voir article publié repris par le site Géopopulation). Cette conscience, hélas, ne suffit pas pour se traduire dans les faits par une politique efficace de lutte contre la surnatalité. Tous les acteurs de la vie politique égyptiennes d’ailleurs n’y souscrivent pas.

Encore une fois, la convergence d’une densité de peuplement excessive et d’une croissance trop rapide conduisent les hommes à la souffrance. Cela avait été le cas à Haïti où ces deux phénomènes avaient largement aggravé les conséquences du tremblement de terre. C’est aujourd’hui le cas en Egypte, et le régime qui prendra le relais, aussi démocratique soit-il, aura bien du mal à sortir le pays de l'ornière dans laquelle des décennies de laxisme démographique l'ont précipité. La démocratie elle-même, dont l'absence est l'autre cause du soulèvement populaire sera difficile à établir dans un pays soumis au manque structurel.

C’est en réalité l’humanité entière qui se trouve sous la pression de son propre nombre. Les mêmes causes favorisant les mêmes effets, à moins que notre espèce ne s'investisse clairement dans la stabilisation de la population mondiale, les révoltes du Maghreb en annoncent d'autres.

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Sur ce sujet voir également

La crise égyptienne : Une crise malthusienne ?

Tunisie, Egypte, Algérie : Printemps des peuples ou début des crises ?  

 

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