Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal. Contact : economiedurable@laposte.net
Le « Oui » au référendum en faveur de la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes est une des plus tristes nouvelles que nous puissions recevoir. Ainsi, la nature a perdu !
On peut bien entendu arguer que le périmètre de la consultation fut particulièrement bien choisi. Qu’un vote sur la seule commune de Notre Dame des Landes (où le « Non » a recueilli 73 % des suffrages) eut donné un autre résultat; qu’un vote sur l’ensemble de la région ou même sur la France - après tout, cet aéroport revendique une vocation internationale - eut peut-être connu une autre issue. Il n’empêche que le score est franc, que cela ne s’est pas joué à deux voix près et que dans l’isoloir nul n’avait un pistolet sur la tempe.
On peut à l’infini condamner quelques boucs émissaires, les « Vinci » bétonneurs, les politiques peu soucieux du long terme, les arguments de mauvaise foi et les moyens financiers des partisans du oui mais cela serait trop facile, cela serait se rassurer à bon compte.
Il nous faut admettre que la cause écologique est loin de faire l’unanimité, que pour une part sensible de la population, les valeurs habituelles de notre société, la croissance et le progrès forcément salvateur, sont encore largement dominantes et que, dans la balance, la nature ne fait pas le poids.
Les lois de protection des plantes et des animaux sont tout simplement effaçables d’un trait de plume à l’approche de n’importe quel projet. Une règle qui peut être facilement détournée et qui l’est régulièrement, n’est tout simplement plus une règle, la conclusion est claire, il n’existe pas aujourd’hui de loi de protection de la nature. Les loups d’ailleurs en font la triste expérience.
Rappelons que la même dérive toucha la région lyonnaise lors de la construction du stade dit des lumières auquel on sacrifia sans état d’âme et avec la bénédiction des principaux partis, mais aussi des amateurs de sport, une des rares zones de l’agglomération non encore bétonnées. Il en sera de même très probablement pour la réalisation d’une autoroute supplémentaire entre Lyon et Saint Etienne.
Dans les trois cas, une infrastructure existe ou existait déjà. Dans les trois cas nous voulons toujours plus, dans les trois cas la défense de la nature se fracasse contre l’intérêt immédiat et les peuples ne sont pas innocents. Ils savent bien d’ailleurs que les aéroports sont nécessaires aux voyages comme le sont les routes et les compagnies pétrolières pourtant si décriées. Ils ne votent pas tout à fait sans raison et les politiques le savent aussi, le chantage à l’emploi fait le reste.
Globaliser les choses, rappeler que sur un monde dévasté, irrespirable, sans plus un arbre, même la question de l’emploi sera sans importance ne convainc pas. Nous nous heurtons là sur l’impossible conciliation du local et du global, du court et du long terme, de la nécessité d’une approche générale à longue échéance et de la pression d’un intérêt plus tangible, plus évident pour demain matin. Cette opposition concerne toutes les activités des hommes et depuis longtemps, toutefois, tant que l’humanité n’avait pas colonisé l’ensemble de la planète et construit une société globale nous pouvions, sur ce point, laisser la réflexion à demain et la cantonner à quelques philosophes ignorés.
Cette opposition fondamentale constitue la justification la plus profonde de ceux que tente le pessimisme, car elle touche non seulement les faits, mais elle incline à admettre la radicale inaccessibilité des solutions. La faute est trop profondément en nous.
La participation active des populations au désastre, la béatitude d’une grande partie des mouvements écologistes qui se complaisent dans l’oxymore d’une croissance verte résultent sans doute pour une part d’un égoïsme assez naturel (et nécessaire ?) à toute forme de vie et il n’y aurait pas lieu de s’en inquiéter si cette forme de vie n’avait désormais la possibilité d’influer sur toutes les autres et ne s’était ancrée dans l’illusion d’en être indépendante. Mais ce n’est plus le cas, nous avons changé de monde et nous pouvons tout détruire.
A terme, la nature engloutira les prétentions des hommes, mais il eut été entretemps tellement plus raisonnable pour l’humanité d’être son amie, affectueuse et intelligente.