Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal. Contact : economiedurable@laposte.net
Deux des principales villes de France se sont engagées dans la réalisation d’infrastructures qui heurtent de front ce que l’on pourrait espérer pour demain : une politique de préservation de la nature et une priorité donnée aux besoins essentiels et aux investissements durables. Ces deux villes sont Nantes avec le projet d'Aéroport du Grand Ouest à Notre Dame des Landes et Lyon avec celui du Grand Stade modestement appelé « Stade des lumières » sur la commune de Décines.
Si, au niveau national, l’aéroport suscite de loin la contestation la plus médiatisée, on parle déjà d’un nouveau « Larzac », et le succès de la manifestation du 17 novembre dernier en témoigne, le futur terrain de jeu de l’Olympique Lyonnais génère également, quoique plus localement, la fronde d’une large partie de l’opinion.
Les deux projets sont bien différents dans leur ampleur comme dans leur fonction, mais ils partagent hélas tous deux les signes d’un aveuglement sur les contraintes du monde futur. Ils illustrent au mieux une politique basée sur le prolongement des règles du passé, à savoir, trouver son équilibre dans une perpétuelle fuite en avant, dans une croissance infinie, caractéristique par définition impossible dans un monde qui ne l’est pas. Les barrières énergétiques et territoriales ne tarderont pas à nous le faire savoir.
Ces deux projets font une large place au superflu, au provisoire et à l’artificiel.
Au superflu car, faut-il le rappeler ? Nantes et Lyon ont déjà respectivement leur aéroport (aéroport Nantes Atlantique) et leur stade (Gerland). Il s’agit donc de faire toujours plus grand, de créer de nouveaux équipements sans d’ailleurs jamais prévoir de rendre à la nature les espaces occupés par les précédents.
Au provisoire, parce que le monde de demain a toutes les chances d’être un monde en manque d’énergie et d’énergie fossile en particulier. Dans ce monde-là le transport aérien ne pourra que voir son rôle décliner. Or un aéroport n’est pas conçu pour dix ou vingt ans. Sa durée d’usage normal est plutôt de l’ordre du siècle. Or, c’est bien avant que la déplétion pétrolière viendra imposer ses dictats. Provisoire aussi pour le football. Ce projet est né dans un contexte où l’équipe locale obtenait de bons résultats, en sera-t-il toujours ainsi ? Mais surtout, reconnaissons que le football n’est qu’un jeu qui bénéficie déjà d’une manne financière indécente par rapport aux autres activités de loisir. Dans le monde de demain, où il nous faudra de gré ou de force nous recentrer sur l’essentiel et notamment sur l’alimentation, il eut été préférable de laisser ces surfaces disponibles.
A l’artificiel sur le plan territorial parce que ses deux projets contribueront à artificialiser une partie des terres jouxtant ces deux métropoles. A Lyon en particulier qui s’étend vers l’Est de façon tentaculaire, les espaces non urbanisés deviennent l’exception, on pourrait imaginer, pour cette raison aussi, qu’il eût mieux fallu les préserver. A l’artificiel également de manière plus générale puisqu’il s’agit de proposer toujours plus d’activités relevant d’une consommation matérielle. Le transport aérien en est une le football professionnel aussi. De plus, au Grand Stade sera accolé un centre de loisir.
Sur le plan budgétaire enfin, on ne peut qu’être frappé, alors même que des difficultés semblent étrangler toute politique, par la disponibilité soudaine de centaines de millions d’euros. Bien sûr, à Lyon la majeure partie des investissements est d’origine privée, cependant une large proportion des infrastructures de raccordement sera à la charge des collectivités. En outre, le Grand Stade, situé plus loin du centre-ville que son prédécesseur générera un trafic routier et ferroviaire (tramway) supplémentaire dont de nombreux mouvements écologistes ne cessent de dénoncer les inévitables nuisances. L’opposition à ces deux projets comporte donc une part symbolique essentielle, il s’agit de montrer que la société doit changer de direction, que d’autres priorités doivent être mises en avant.
__________________________________________________________________
Pour plus d’information voir par exemple :
Sur Notre Dame des Landes l’analyse publiée par l’économiste Alain Grandjean.
Sur le Stade des Lumières, le site de l’association Carton Rouge.