Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal. Contact : economiedurable@laposte.net
Par Didier BARTHES
La presse s’en est largement fait l’écho (1): Nous allons, nous devrons manger des insectes !
Cela se pratique ici et là depuis fort longtemps, aussi n'est-ce pas la dernière idée à la mode, non, il s’agit, hélas, de bien plus encore. C'est une des solutions, sinon la solution pour nourrir les probables neuf milliards d’humains qui peupleront la planète à la moitié de ce siècle.
C’est qu’ils présentent mille avantages les insectes :
Foisonnants, appartenant à des espèces variées, faciles à accommoder, ils seraient, dit-on, emplis de protéines qu’ils auraient la bonté de produire avec un rendement supérieur à la plupart des autres animaux.
Disons le tout net : cela ne me met guère en appétit. - Simple a priori culturel - me répondra-t-on, tant il est vrai qu’en matière gustative l’apprentissage est déterminant. Pourtant, deux petits inconvénients me semblent devoir être soulignés.
Une difficulté diététique en premier lieu, si les insectes sont riches en protéines, ils sont généralement consommés frits dans l’huile (de mauvaises langues suggéreront qu’il s’agit-là de masquer une saveur qui n’égalerait pas celle de l’entrecôte). Est-il vraiment certain que manger de l’huile ou toute autre matière grasse grillée à longueur de repas constitue le fin du fin en matière d’équilibre alimentaire ?
Une étrangeté culturelle ensuite : Alors même qu’il est de bon ton de vanter et de considérer comme égales toutes les cultures, il est amusant de constater combien nous sommes prêts à piétiner la nôtre et à changer de mode d’alimentation (il ne s'agit que d'intentions, il est vrai).
Cependant, au-delà de ces deux remarques, et aussi, je le confesse, d’un certain dégoût personnel que j’ai la faiblesse de croire partagé, il existe quelque chose de beaucoup plus grave dans ce projet entomophage : Manger des insectes est une fuite en avant !
Nous serons bientôt neuf milliards ; c’est la panique alimentaire. Les sept milliards déja présents peuvent être nourris (pas toujours, d'ailleurs) parce que nous avons transformé la plus grande part de la planète en terres agricoles au mépris absolu de tous les espaces naturels mais aussi parce que nous utilisons largement (pour les engrais, la mécanisation et le transport) une énergie fossile dont nous savons pourtant qu’elle est amenée à disparaître à brève échéance.
Alors, tout est bon. Après avoir vidé les continents et les océans de leur faune sauvage, après avoir poussé l’élevage à ses limites, nous allons nous jeter sur la dernière fraction du monde animal encore disponible.
Quelle sera l’étape suivante ? Le steak de bactérie ? Allons-nous tous devenir végétariens, non par goût ou par compassion envers le monde animal, ce qui serait respectable, mais bien par contrainte ?
Pourquoi toujours cet aveuglement ? Pourquoi toujours cette fuite en avant ? Nous voulons à toute force adapter la Terre à notre nombre, ne serait-il pas plus sage d’adapter notre nombre à la Terre ?
"Le mode de vie américain n’est pas négociable" avait affirmé en 1992 Georges Bush (père). Le monde entier, écologistes en tête, l’avait fustigé pour cette prétention.
Hélas, ne voyons nous pas que nous faisons démographiquement preuve de la même arrogance ? Nos effectifs nous apparaîssent non négociables, il faudra bien qu’ils le soient pourtant, avant que la nature ne nous impose ses règles. Une fois encore, plus nous attendons plus le tribut sera lourd.
En Provence, à Serignan du Comtat, Jean-Henri Fabre doit se retourner dans sa tombe. En ses chers insectes, l’humanité ne sait plus voir qu’une ressource.
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(1) Voir en particulier les articles suivants et leurs commentaires, sur les sites :
"Le Monde" et "Développement Durable"
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