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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 17:24

France, février 2017 : Le moment peut sembler mal choisi pour proférer un tel slogan.

Affaire Fillon, affaire Le Pen, et jusqu’au déontologue de l'Assemblée, excuser du comique de la chose (1), qui continuerait de percevoir un salaire à temps plein de prof d'université alors qu'il n'assure qu'un mi-temps, tout en étant indemnisé pour ses prestations auprès des élus. La tentation est alors grande de mettre en accusation le monde politique et de vouloir en réduire le poids. Tout ceci n'est pas nouveau et ne fait que renforcer, non pas un antiparlementarisme, mais un antiélitisme politique qui court depuis bien longtemps dans la société française. Et dont plusieurs candidats à l'élection présidentielle de 2017 s'étaient fait l'écho, notamment en inscrivant dans leurs programmes une réduction du nombre de parlementaires.

Il n'est pourtant pas inutile de raisonner différemment, surtout lorsqu’on défend l'idée d'un virage pleinement écolo pour notre société. Bien sûr il y a la solution du colibri popularisée par Pierre Rabhi, mais les déséquilibres écologiques sont si forts, l'inertie de notre société industrielle si lourde, les changements à conduire, que ce soit pour les citoyens, les entreprises, ou la puissance publique, si importants et surtout si différents des habitudes prises depuis des décennies, qu'il est illusoire d'imaginer conduire un tel changement sans une volonté politique forte et un appareil politique conséquent.

Comment dans ce cadre soutenir une baisse du nombre de députés alors que ceux-ci sont les mieux à même de faire dans leur circonscription le travail pédagogique nécessaire pour faire accepter les contraintes posée par un virage écolo ? Car ce travail pédagogique est d'abord un travail politique : il faut convaincre les citoyens que nous sommes d'abandonner certaines des facilités de la société de consommation en échange d'un mieux-être général. Convaincre d'oublier les vacances lointaines dont les transports génèrent toutes sortes de pollution ; convaincre d'utiliser les transports en commun plutôt que sa voiture plus confortable ; convaincre de faire ses courses au plus près de son habitat au détriment d'un hypermarché moins cher mais éloigné ; convaincre de prendre le temps de cuisiner des aliments bio achetés en circuit court, même si plus coûteux en temps et en argent que les plats cuisinés industriels ; convaincre de porter des habits en matières naturelles plutôt que des vêtements comme les polaires à base de plastique recyclé qui polluent nos rivières et nos océans avec leurs microbilles relâchées dans l'environnement ; convaincre de limiter ses besoins et de faire durer les choses qui nous environnent plutôt que de se faire plaisir avec le dernier portable ou le dernier canapé à la mode ; convaincre de ne pas acheter le nouveau modèle de voiture qui ferait tant plaisir pour mettre l'argent dans l'isolation en biomatériaux de son habitat ; convaincre que le rôle d'une famille n'est pas forcément d'élever quatre ou six enfants alors que notre territoire national est déjà surutilisé ; convaincre les notables locaux comme les usagers de ne pas créer une ligne grande vitesse ou un nouvel aéroport et se contenter des infrastructures existantes ou améliorées, même si cela se paie un peu en temps de transport et en prestige pour leur territoire ; convaincre d'abandonner les gains, pour les consommateurs que nous sommes, issus des différentiels de salaire avec des pays lointains moins développés, pour favoriser les productions locales ; convaincre enfin de consentir à payer de nouvelles taxes sur nos pratiques polluantes afin que la réorientation de nos pratiques soient effectives à terme.

Comment ce travail d'articulation entre les choix nationaux et les pratiques locales des consommateurs, des entreprises et des pouvoirs publics sur le terrain, comment ce travail d'explication qui nécessite des mobilisations locales, des démonstrations précises et lentes, un souci du détail pour tirer parti de chaque particularité, une empathie réelle pour les situations impossibles qui ne manqueront pas d'être générées, comment tout ceci pourrait-il être fait dans des circonscriptions encore agrandies alors que nous ne voyons déjà que fort peu nos députés et sénateurs ?

Réhabiliter la politique, redonner un rôle éminent à nos élites politiques, cela est nécessaire. Cela ne suffit pas. Il faut aussi que l'on accepte collectivement d'investir plus de temps à discuter des choix qui nous engagent. Rappelons-nous la leçon de la Grèce antique où les citoyens passaient du temps à débattre. Juste une suggestion, au moment de ces élections présidentielles françaises qui semblent si mal engagées après les primaires organisées par les deux camps habituellement dominants.

Nous avons aujourd'hui une élection à deux tours, précédées de primaires elles aussi à deux tours, et nous constatons que ces dernières ne sont pas la panacée imaginée. D'abord elles sont payantes, ce qui contrarie même symboliquement le principe d'un choix démocratique qui évacue en principe les questions d'argent. Surtout elles ne font pas automatiquement émerger le candidat le plus acceptable à un moment donné par la nation, mais celui qui semble épouser le mieux les intérêts de son camp, en prenant le risque d'hystériser les débats internes. Et, de par les délais entre les primaires et l'élection, elle offre une période de tous les dangers, où tout accident qui atteint un candidat investi par son camp pose un redoutable problème démocratique.

Pourquoi alors ne pas imaginer une élection présidentielle à quatre tours ? Cela peut paraître trop lourd, mais aujourd'hui un citoyen qui veut peser sur le choix de son camp peut être amené à voter quatre fois, et même six fois s'il choisit d'éliminer aussi un des candidats du camp d'en face.

Avec une élection présidentielle à quatre tours (2), le premier tour permet la présentation de tous les candidats et de leurs programmes ; le second tour retient les quatre arrivés en tête, le troisième tour les trois premiers, et le quatrième tour reste le moment du choix entre les deux derniers finalistes comme actuellement. Outre que ce système correspond à l'esprit de la Cinquième République en organisant la rencontre entre un homme et un peuple et en contenant le rôle des partis qui sont devenus avec les primaires des organisateurs d'élections, il a l'avantage de redonner au peuple la possibilité d'organiser lui-même les reports qu'il juge les plus pertinents et il contribue à faire émerger progressivement le candidat a priori le plus consensuel. Alors qu'avec notre système à deux tours seulement, nous risquons de choisir un finaliste porté par un courant politique profond moindre que le troisième candidat, victime potentielle d'un éparpillement des voix sur un autre candidat. Autrement dit, avec seulement deux tours, notre système actuel est trop brutal et donc peu performant. Le gagnant final, devenu Président, est bien mal loti : il peut n'avoir le soutien grosso modo que d'un français sur cinq (3) et n'a donc pas la légitimité et une assise suffisantes pour conduire le pays. C'est comme si nous organisions, au cœur même de nos institutions, le divorce entre le pays légal et le pays réel, pour reprendre une vieille expression. Il est temps, pour avoir un appareil de pilotage effectif de notre société, d'accepter un système plus complexe de détermination de nos dirigeants politiques, et aussi de prendre le temps du débat.

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1 : Le Canard Enchaîné, 1er mars 2017

2 : Il est possible de faire un parallèle avec les réseaux de neurones, technologie bien connue des spécialistes en intelligence artificielle et avec laquelle la comparaison en terme de pertinence des résultats entre les réseaux de neurones monocouches et les réseaux multicouches plaident pour ces derniers. Multiplier les couches comme multiplier les tours aux élections permet en principe d'obtenir des résultats décisionnels plus fins.

3 : Un Président peut très bien être sélectionné avec environ 20 % des voix au 1er tour, et élu au second tour par une volonté d'élimination de son concurrent, et non pas par adhésion aux choix politiques qu'il défend. L'exemple de 2002 est là pour nous rappeler que c'est possible.

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commentaires

S
@Jean. Je vous en enverrai si j'en vois. Certains articles du WWF et de Greenpeace en sont de bons exemples..
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J
@Séverine<br /> D'abord, désolé pour le retard mais il y a tant de choses à faire ... je viens de finir de lancer mon pain ! Pour en revenir aux articles, je pensais surtout à un article sur notre incapacité à changer vraiment, un article qui par exemple questionnerait le travail de nombre d'organisations qui essaient de limiter la casse notamment vis à vis des animaux, mais qui ne mettent pas sur la table les véritables changements à opérer dans nos manières de vivre et quant à notre poids démographique ...
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S
@Jean<br /> Je suis encore de votre avis, mon ressenti est le même que vous. J'en suis arrivée, par lassitude de voir l'état du monde, l'inertie intellectuelle de la grande majorité des citoyens sur ces questions -sans parler des politiciens- à souhaiter cet effondrement. Même s'il me fait peur. Je pense que ce sera un mal pour un bien. Non bien sûr il ne sera ni homogène ni brutal. Les dysfonctionnements, ruptures et pénuries seront graduelles. Le travail de Pablo Servigne - et d'autres- me laissent penser qu'il nous reste peut-être qu'une dizaine d'années. J'ai peu de temps, étant déjà prise par mes actions protection animale, mais je prends le temps de lire des articles sur les questions du pétrole, démographie, agroécologie. A quel genre d'article pensez-vous exactement?
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J
@ Séverine<br /> Il est vrai que c'est difficile de ne pas être d'accord avec vous ; il est vraisemblable que nos sociétés iront jusqu'au point de rupture et nous sommes quelques-uns à imaginer qu'il est temps de penser l'effondrement comme une solution, et non seulement comme une catastrophe. Il y a là tout un travail de réflexion à conduire ... et si vous avez des idées d'articles, n'hésitez pas à nous en faire part ! (jean.bruguier@laposte.net). En attendant nous vivons dans ce monde-là, et les suggestions de cet article sont juste le résultat de notre part de réflexion, notre petite part de colibri, pour participer à une évolution écologique, que celle-ci soit maîtrisée ou doive se faire demain sous la pression d'un effondrement en cours. Effondrement qui ne sera sans doute pas une rupture brutale et généralisée (tout s'arrête et c'est triste et violent, l'exact opposé de 'l'an 01' de Gébé) mais se traduira par des pans économiques, sociaux, écologiques et politiques, qui dysfonctionneront plus ou moins, dans telle ou telle région du monde, avec une diffusion des crises plus ou moins rapides, avec en tout cas leurs cortèges de souffrances et de malheurs.
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S
Voeu pieu. Le système ira jusqu'au bout. Ne compter ni sur les z'élites, ni sur les citoyens (sauf quelques-uns). C'est la fin du pétrole rentable et des phosphates, omniprésents dans l'agriculture mondiale, qui mettront fin à la société industrielle et de consommation, aux voyages en avion (continuer la liste), ainsi qu'à la surpopulation qui a tapissé la terre de béton et d'infrastructures.
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