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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 16:44

Depuis 1973 et la première crise du pétrole (1), l’énergie ne coule plus de source. Nous savons qu’elle a un prix, que ce prix peut augmenter et qu’un jour même, nous en manquerons (2). De cette prise de conscience naquirent et naissent encore toute une série d’exhortations à l’économiser. De la campagne de chasse au Gaspi qui fit entrer nos sociétés dans l’ère de l’infantilisation (3), jusqu’au récent programme de transition énergétique proposé en France par Ségolène Royal, les pouvoirs publics n’ont cessé de nous pousser à réduire nos dépenses en énergie tout  en nous incitant à consommer toujours plus. Cette prétention à concilier l’inconciliable : la croissance et la préservation des ressources, trouvera son oxymore parangon dans le concept de développement durable, médaille d’or des quêtes impossibles.  

Les incitations ont été multipliées, les aménagements fiscaux ont été nombreux, compliqués et contradictoires ; les primes elles-mêmes furent contre productives. La plus choquante fut sans doute  la prime à la casse qui conduisit, contre toutes  les règles de bon sens écologique, à réduire la durée de vie des automobiles, dont la construction nécessite pourtant beaucoup de matières premières et d’énergie. Bref une fois encore, le médiatique prit le pas sur l'intelligence et l'efficacité.  

Et si nous faisions fausse route ?  

Si au lieu de ces règles compliquées et par là coûteuses et parfois difficilement applicables, nous nous fixions comme axe, sinon unique, du moins largement prioritaire, une seule ligne de conduite: Augmenter le prix de l’énergie jusqu’à ce que l’économiser devienne effectivement rentable pour le particulier, pour l’entreprise et pour le pays dans son ensemble ? Souvent, aujourd’hui encore, les travaux d’économie ne sont jamais amortis, n’en déplaise à la propagande.  

Une telle orientation soulève quelques réticences : Mais comment vont faire  les gens si l’on augmente encore le prix de l’essence, du fioul, du gaz, de l’électricité ?  

Remarquons d’abord que cette question se posera de toute façon : Comment ferons-nous quand il n’y aura plus de pétrole ? Or, au cours de ce siècle, sans doute avant 2050, le pétrole manquera tout à fait ou du moins, ne sera plus disponible qu’en si faibles quantités qu’il deviendra négligeable dans le bilan économique global (peut-être pas sur le plan géopolitique). Quelques décennies plus tard, c’est le gaz qui, à son tour, fera défaut et seul le charbon offrira encore un peu de (polluante) résistance. Donc, augmenter le prix de l’énergie n’est pas créer pour les gens une nouvelle et insurmontable difficulté, il s’agit seulement de donner un peu plus tôt et partiellement - car l’augmentation du prix ne signifiera pas l’interdiction absolue d'en consommer - une image atténuée de ce qui, inéluctablement, surviendra un peu plus tard.  

D’autre part, on doit évidemment faire remarquer que les incitations fiscales ou les aides directes ne consistent qu’à donner d’une main ce que l’on reprend de l’autre, il faut bien financer ces mesures. « Comment feront les gens ? » dit-on, mais que je sache, il est encore plus impossible d’’échapper à l’impôt qu’à l’augmentation de l’essence, du fioul ou de l’électricité (l’on peut souvent rouler un peu moins, se chauffer un degré plus bas ou… mettre un pull).  

 Cette orientation unique : augmenter le prix de l’énergie, présenterait de nombreux avantages.

- Elle donnerait un cap et ferait comprendre la réalité du monde de demain : un monde de pénurie énergétique obligée. Tous n’en sont pas encore intimement persuadés. En ce sens, elle préparerait l’avenir et favoriserait un autre état d’esprit et donc une meilleure résilience face aux difficultés prévisibles de ce 21ème siècle.

- Plus simple, elle entrainerait de substantielles économies administratives et les inévitables injustices liées aux situations toujours particulières.

- Elle donnerait aux gens la possibilité de faire des arbitrages entre par exemple : le chauffage et le transport, le confort et la mobilité, un nouvel achat et des travaux d’isolation... Bref, elle rendrait à chaque foyer la main sur son mode de vie et développerait la responsabilité. 

- Elle règlerait assez facilement la question des résidences rarement occupées qui ne se trouveraient pas ainsi pris dans un carcan administratif tout à fait inutile.

- Elle inciterait évidemment lourdement à l’économie d'énergie et développerait les travaux d’isolation qui sont presque toujours d’origine locale, développant ainsi l’emploi partout en France.

Bien sûr, il est difficile de promouvoir un tel message, d’autant que le prix de l’essence, par exemple, est à la fois symbolique et souvent mal perçu (voir cet article). Pourtant cela me semble la seule direction raisonnable et pérenne. Peu à peu, quelques voix s’élèvent pour le réclamer. « Si l’on n’augmente pas le prix de l’énergie, on se dirige droit vers une dictature. » disait Marcel Boiteux ancien président d’EDF et en effet, les troubles qui pourraient naitre d’une mauvaise anticipation de la déplétion énergétique sont imprévisibles, nul ne peut exclure que des régimes autoritaires ne naissent des dégâts d’une telle impréparation.

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(1) En réalité la crise de 1973 ne fut pas réellement une crise de manque. Des raisons politiques et des ambitions de rééquilibrages économiques ont été déterminantes, néanmoins c’est en gros depuis cette période que le monde  occidental vit dans une crise larvée en ne réussissant pas à se débarrasser ni du chômage, ni des déséquilibres structurels des comptes publique et de l’endettement concomitant. Seule l’inflation semble pour l’instant avoir été contenue.  

(2) Une visite sur le site Manicore permet de faire un point sur la question.  

(3) Cette chasse au Gaspi fut en effet un modèle d’infantilisation Pourquoi Diable,  fallait-il inventer ce genre de choses - un personnage avec un entonnoir sur la tête - pour parler d’un problème sérieux ? Excellente illustration du recul de l’argumentation écrite et raisonnée au profit d’un audiovisuel simple à base de pictogrammes que l’on croirait destinés aux enfants de 5 ans. 

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commentaires

C
Alors, s'ils sont d'accord, aucun des partisans du développement responsable, quel que soit son domaine de compétence ou de prédilection, ne doit manquer de rappeler les perspectives démographiques<br /> dans lesquelles s'inscrit sa démarche. C'était déjà le sens de mon propos (qui m'a été reproché) au sujet d'un certain livre et rien ne change. Que me reste-t-il à faire sinon continuer d'enfoncer<br /> le clou ?
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T
Claudec, tous les propos de votre commentaires sonttout à fait justes sauf...votre critique contre l'auteur de l'article! Vous savez bien que vous prêchez des convaincus de longue date au sujet de<br /> la démographie et de la nécessité de son contrôle !
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C
Les uns tablent sur une augmentation du prix de l'énergie pour en réduire la consommation et repousser ainsi l'échéance de son épuisement, en espérant qu'entre temps les alternatives salvatrices<br /> émergeront, d'autres se battent sur le front de la santé, pour tenter de maîtriser et enrayer des fléaux dont la propagation menace les populations bien au-delà des lieux où ils se sont manifestés<br /> en premier lieu, d'autres encore ont pour préoccupation le réchauffement climatique et observent la fonte des pôles et la montée des eaux, en faisant le compte des territoires menacés de<br /> disparition et des populations concernées, d'autres font l'inventaire de nos ressources alimentaires, en prévisions de grandes famines annoncées ici et là, ... Autant de démarches, parmi tant<br /> d'autres, dont la sincérité n'a pas à être mise en cause mais qui, toutes contribuent à masquer l'essentiel, à la manière de ces arbres qui cachent la forêt ou pire, de ces politiciens, médecins à<br /> la vue basse et à l'esprit borné, qui traitent des symptômes sans se préoccuper de la maladie. Car la maladie c'est la démographie, dont hélas, cet article ne fait pas davantage que bien d'autres<br /> la moindre mention.<br /> <br /> Pendant ce temps là, la marée humaine monte inexorablement, en attendant une hypothétique transition démographique au niveau mondial, alors que soint encore nombreux ceux qui ne surveillent que les<br /> indicateurs concernant la région du globe dans laquelle ils se situent, quand ce n'est pas, plus limitativement encore, leur pays.<br /> <br /> C'est pourtant sur le nombre de ses représentants que l'humanité doit agir d'urgence, pour repousser aux limites du possible l'échéance inéluctable qu'elle redoute à juste titre.
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T
En cette matière ,nous nous heurtons toujours à la démagogie. Un politique qui parlerait d'augmenter les prix de l'électricité, du gaz etc...ne serait pas élu, ni réélu. Tout comme celui qui<br /> parlerait de contrôle des naissances. La myopie prévaut toujours.
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D
<br /> <br /> En effet, et cela pose le terrible problème de la capacité des démocraties à affronter les défis écologiques de demain du fait de la préférence systématiquement<br /> donnée aux intérêts de court terme.<br /> <br /> <br /> <br />