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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 08:08

 

Taxer les sodas, la mesure insérée dans le plan de rigueur du gouvernement, au beau milieu d’évolutions non-négligeables comme l’alourdissement de la taxation des plus-values immobilières ou la hausse de 10% de la CSG sur les revenus du capital, a quelque chose d’insolite et à dire vrai d’un peu dérisoire. Et il est vrai que son poids dans le redressement de nos finances publiques sera proche d’epsilon. Une mesure faiblement commentée donc par les politiques et les fiscalistes, même si elle a soulevée la réprobation des professionnels concernés (1).

Si elle ressemble en apparence aux taxes qui pèsent sur l’alcool et le tabac, cette mesurette ouvre pourtant une nouvelle brèche dans notre fiscalité. L’alcool et le tabac sont considérés depuis longtemps comme des drogues et imposés en conséquence dans une logique dissuasive. Or les sodas sucrés ne sont pas assimilables à des drogues, leur consommation en quantité a seulement sur la santé des effets indésirables que de nombreux nutritionnistes ont dénoncés. L’Etat, qui a besoin de recettes nouvelles, essaie ici de faire d’une pierre deux coups : faire rentrer l’argent et dissuader ses citoyens de consommer des boissons sucrées soupçonnées de favoriser l’obésité et les maladies qui vont avec. La taxation de produits qui ne sont pas des drogues, dans le but explicite d’envoyer un message sur leur consommation considérée comme ayant des effets négatifs pour la société dans son ensemble, est bien quelque chose de nouveau (2). Cette taxation est à ce titre le début timide d’un mode opératoire incitatif pour amener les citoyens à se comporter d’une façon compatible avec les objectifs et les contraintes déterminées au niveau de l’Etat.

Un nouveau champ s’ouvre ici, et il n’est pas indifférent que sa première application ait porté sur le souci de maintenir un équilibre de santé public de long terme. A terme, d’autres applications devraient suivre pour répondre à la nécessité que va avoir l’Etat de piloter en finesse des modes de consommations compatibles avec des contraintes écologiques qui vont être mieux connues et plus présentes. Des exemples ? Pourquoi ne pas taxer les objets ou les comportements qui ont un bilan carbone trop important ou un impact écologique négatif ? Les voyages en avion, avec une taxe sur le kérosène d’importance au moins égale à la TIPP accompagnée d’une taxe par passager très significative ? Les sports mécaniques qui brûlent des ressources rares, non-renouvelables, polluantes, comme le pétrole, pour des amusements gratuits, comme les rallyes automobiles ou les ballades en jet-ski ou en quad ? L’achat de plats cuisinés notamment surgelés qui intègrent nécessairement des conservateurs néfastes à la santé ou supposent des chaines de production très gourmandes en ressources, taxation aux fins d’encourager l'utilisation de produits frais directement transformés par le consommateur ? Pourquoi ne pas taxer aussi les vêtements en synthétique alors que nous savons désormais qu’une partie des particules qui polluent les océans provient du lavage de ces vêtements (3) ? La liste est grande tant notre société a jusqu’à aujourd’hui fait fi des équilibres écologiques. Trop grande même, car presque toutes nos activités ou nos produits sont incompatibles avec le respect de notre biotope. Au moins peut-on imaginer que ce nouveau champ fiscal pourrait à l’avenir être utilisé pour limiter les comportements et l’usage des produits les plus agressifs. Cela pourrait même devenir l’outil privilégié pour orienter le comportement consommateur des citoyens et ainsi remodeler notre appareil productif. Une taxe significative inscrite dans la durée et pourquoi pas progressive, quel meilleur moyen de faire savoir par exemple que le secteur de l’aviation civile devrait voir son rôle et sa place économique décroître et qu’il faut relocaliser aussi le secteur touristique. Demain pour vos vacances, la Corrèze plutôt que le Zambèze !

L’impôt et les taxes généralistes comme la TVA ont un rôle important de redistribution nécessaire à la cohésion de nos sociétés, et il est assez révélateur que ceux-ci ont, vis-à-vis des particuliers, occupé presque tout le champ fiscal dans la période de l’Etat Providence. Dans le cadre d’une société qui doit désormais se soucier de son propre impact sur son biotope si elle veut s’assurer un futur acceptable, les écotaxes doivent peu à peu prendre une place significative afin d’orienter dans un sens écologique notre mode vie et l’appareil productif qui va avec. Les préoccupations sociales de redistribution doivent faire une place aux préoccupations écologiques. La fiscalité de demain sera aussi le thermomètre de notre engagement écologique.

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1 : L'ANIA – l’Association nationale des industries alimentaires - considère que la création d'une taxe sur les sodas est «inacceptable».Son président Jean-René Buisson a déclaré : «C'est une politique identique à celle qui a été menée pour l'alcool et pour le tabac et nous ne voulons pas que l'alimentation subisse ce type d'approche» ;«Nous sommes conscients de la nécessité de participer aux efforts collectifs mais nous ne voulons pas que cette mesure soit prise en fonction des aspects nutritionnels du produit».

2 : Le bonus-malus automobile pourrait aussi être assimilé à cette démarche dans son côté ‘malus’ ; toutefois cette mesure était construite comme un transfert monétaire des grosses cylindrées polluantes vers les petites, et non comme une ressource fiscale affirmée.

3 : Sur ce sujet, voir les travaux publiés en ligne dans la revue américaine Environmental Science & Technology de l'équipe pilotée par Richard Thompson, de l'université de Plymouth (Angleterre). Vous pouvez lire un résumé rapide de ces travaux dans l'article d'Yves Miserey "Les plastiques dans les océans viennent des machines à laver" in Le Figaro du 15 septembre 2011.  

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