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21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 10:03

tigre.jpg

 

 

 

" Quelque chose va mourir qui méritait d’être défendu " : 

                                                            Extrait de L'Adieu au Tigre d'Armand Farrachi (1)

 

 Comment dire en moins de mots notre échec et notre honte ?

 Ecologiquement, défendre le tigre est essentiel, c’est, avec le lion, le plus grand prédateur terrestre (2), il participe en ce sens à l’équilibre naturel et à la bonne santé des populations qui constituent ses proies. Le jeu de la sélection naturelle est cruel, mais il est redoutablement efficace. C’est à la puissance des grands félins que nous devons la course et l’élégance de l’antilope et de tant de grands herbivores. Certes, d’autres espèces, moins emblématiques, sont menacées, mais dans leur catégorie, lions et tigres sont les seuls et nul ne viendra les remplacer. De plus,  le tigre ne se trouve qu’en Asie où le lion est rarissime.

 Mais une raison plus importante encore justifie ce combat.

 La présence du tigre étant durablement impossible à proximité de l’homme et de sa civilisation, sa défense impose de lui accorder de vastes espaces et là est le cœur de la question.

Cette démarche, parce qu’elle suppose une limitation et même un recul de l’occupation humaine nous engage dans un nouveau rapport avec la nature : celui du partage et du respect.

 Cessons de nous considérer propriétaires de la planète. Cessons de voir en chaque territoire un espace à conquérir, en chaque espèce ou bien une ressource ou bien un adversaire.

 Notre actuelle domination est une double impasse : exécrable moralement, elle est physiquement intenable. Il n’a pas dans l’histoire de l’humanité de révolution plus fondamentale que ce changement de point de vue. Pas de révolution plus difficile, pas de révolution plus nécessaire, mais aussi, et c’est admirable, pas de révolution plus tendre et plus pacifique.

 J’ignore si par une suite de funestes enchaînements, la disparition du tigre conduira sous peu à celle de l’homme, mais je tiens pour certain que notre survie, dans un monde dont nous aurions éliminé le tigre, serait une indécence.

" La beauté sauvera le monde "

 

 

(1) Armand Farrachi, l'Adieu au Tigre, Editions IMHO, octobre 2008.

 

tigre2

4ème de couverture :

"Quelque chose va mourir, qui méritait d'être défendu"... La disparition du tigre, espèce condamnée, confirme que la nature est à l'agonie. Écrire encore des romans dans un monde qui meurt, n'est-ce pas "chanter tandis que Rome brûle" ? Entre colère et désespoir, L'Adieu au tigre n'est pas seulement une tentative de roman à la poursuite d'un animal déjà presque mythique, mais aussi un essai documenté sur une extinction, un récit de voyage dans une Inde qui perd ses vaches, ses tigres et son identité, une imprécation misanthropique, le souvenir d'une enfance entre les mots et les images, la chronique de la fin d'un monde. L'Adieu au tigre, est-ce la forme absolue de l'adieu ?

  (2) L'ours blanc est certes un peu plus massif, mais l'essentiel de ces proies sont maritimes, en cela ce n'est pas à proprement parler un prédateur terrestre.

 

 

Le wwf propose de participer à la défense du tigre, vous trouverez une pétition en ce sens à signer sur :

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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 13:22

 

    On accorde volontiers aux écologistes la vertu de se préoccuper des questions de long terme. Il s’agit en réalité moins d’une vertu que d’une nécessité. Agir en matière d’environnement présente peu d’intérêt pour le mois en cours, en offre modérément pour l’année qui vient mais se révèle déterminant pour préparer le siècle prochain.
    Cependant, la marche du temps ne s’arrêtera pas en 2100. Il faut souhaiter à notre planète et à ses habitants un avenir plus lointain. Que sera le monde dans 500, 1000, 10 000 ou 100 000 ans (1) ?


    Question oiseuse ?  Simple plaisir intellectuel ?  Non !


    Certes, le réel résulte d’une combinaison de trop de causes indépendantes pour qu’il soit raisonnable de parier sur le futur d’une société. A lointaine échéance, les meilleurs analystes peuvent prévoir des tendances lourdes, détecter des facteurs dominants mais il est délicat de prévoir leurs interactions mutuelles aussi bien que leurs imbrications avec des éléments factuels par nature imprévisibles. Souvent, les meilleurs analystes doivent au hasard le privilège de l’exactitude et la chance reste une qualité primordiale pour un futurologue.

    Malgré cette impuissance à la divination, envisager le long terme conserve tout son intérêt. C’est une démarche qui pousse à distinguer l’essentiel de l’accessoire. Elle conduit en cela à réfléchir à l’importance des enjeux et donc aux priorités temporelles et quantitatives de l’action.


Un exemple : Climat et biodiversité.


    Le risque de réchauffement climatique et le recul de la biodiversité font la une des débats. Quelle est la plus grave de ces deux menaces ? Où doivent d’abord porter nos efforts ? Une réflexion à longue échéance peut nous guider.

   Le gaz carbonique, principal responsable du risque de réchauffement, persiste dans l’atmosphère un peu plus d’un siècle (2). Compte tenu de ce délai et du montant des réserves d’énergies fossiles qu’il nous reste à consommer(3), compte tenu enfin de l’inertie des mécanismes climatiques (liée en particulier à la chaleur stockée dans les océans), il est raisonnable de considérer que dans mille ans, deux mille ans au plus, tout sera rentré dans l’ordre. L’atmosphère aura retrouvé sa composition initiale et le climat sera de nouveau soumis à ses déterminants naturels. Notons d’ailleurs qu’à ces échéances, (ou plus tard), nous pourrions nous trouver menacés par le retour d’une période glaciaire (4).
   Coté biodiversité, la perspective est différente. Si nous éliminons complètement la mégafaune, sa reconstitution équilibrée avec proies et prédateurs pourrait prendre des centaines de milliers voir des millions d’années. On ne " fabrique " pas tigres, lions, orques et ours polaires ou leurs équivalents du jour au lendemain (5). L’élaboration d’espèces nouvelles est longue ; elle réclame des délais sans commune mesure avec le rythme de nos sociétés ; elle suppose de laisser longtemps la sélection naturelle faire son travail, loin de l’action perturbatrice des hommes. Sur de telles durées, ce sont plusieurs enchaînements climatiques (périodes glaciaires / interglaciaires) qui auront eu le temps de se dérouler, soumettant, selon des cycles tout à fait naturels, les hommes et leurs civilisations à des écarts de températures comparables à ceux dont nous menace le fameux " réchauffement climatique d’origine anthropique ".

    Sous cet angle, alors la protection de la biodiversité constitue la priorité. Sa disparition engage la planète pour très longtemps.
    Si nous ne faisons rien pour le climat, dans un ou deux millénaires, nous reviendrons à la situation pré-industrielle, mais si nous ne faisons rien pour la faune, nous attendrons mille fois plus longtemps avant le retour à l’équilibre. Ce sont là des délais vertigineux sur lesquels l’humanité ne peut prendre aucun engagement, n’assurer aucune promesse. C’est une pente sur laquelle il serait imprudent de se laisser entraîner. Par définition, le " temps de réparation " est du même ordre de grandeur que celui de la vie des espèces, de la nôtre par exemple. Sous cet angle c’est donc à la protection de la biodiversité que nous devons donner la priorité (6).

 

La démographie


    C’est pour les même raisons, que nous militons ici pour une rapide maîtrise de nos effectifs, même si les durées en cause sont beaucoup plus courtes que celles évoquées précédemment.

    La pression démographique constitue une cause essentielle de la dégradation de l’environnement ! Pollution accrue et réduction drastique des espaces disponibles pour la faune et la flore menacent l’avenir et la beauté de notre planète.

    Il est important, bien entendu, de lutter contre ces fléaux en changeant aussi notre mode de vie, mais cela peut être fait en quelques décennies, la raréfaction progressive puis la fin des énergies fossiles devrait d’ailleurs involontairement participer à l’évolution de nos comportements.


   A l’inverse les mécanismes démographiques souffrent (ou bénéficient) d’une inertie beaucoup plus forte. Les hommes vivent longtemps et surtout, toute naissance ouvre elle-même la voie à une descendance.

   Les effectifs de l’humanité sont quasiment acquis pour les 40 ans à venir : Nous serons environ 9 milliards en 2050. Si nous voulons éviter que ce mouvement de croissance ne se poursuive au-delà, c’est dès maintenant qu’il faut agir. Tout conducteur sait qu’on freine d’autant mieux qu’on freine plus tôt.
    Si dans les années 2040 - 2050 nous n’avons pas stoppé la croissance de la population mondiale, alors nous préparons une fin de siècle difficile où la pression démographique viendra constamment contrecarrer et même anéantir les efforts écologiques consentis par ailleurs. Polluer deux fois moins par personne ne sert à rien si nous acceptons d’être deux fois plus nombreux.  Même frugaux, plus nombreux, nous consommerons plus d’espace.


    Là encore, c’est la prise en compte du temps, le recul et la réflexion sur le long terme qui constitueront nos meilleurs guides. Il ne sert à rien d’améliorer quelque peu demain si, de ce fait même, après demain doit être effroyable.

___________________________________________________________
 

(1) On pourrait aller au-delà et envisager des perspectives encore plus lointaines, mais ce serait là s’engager sur des inconnus toujours plus grand. N’oublions pas cependant que pour une planète, les millions d’années ne sont rien. Pour la Terre en tant que bloc rocheux, sur le plan matériel comme sur le plan temporel, l’existence de l’humanité n’est qu’un épiphénomène. " Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui " rappelle Claude Lévi-Strauss dans les dernières pages de Tristes Tropiques.

 
(2) Contre 10 ans seulement pour une molécule de méthane. Après ce délai la moitié des molécules se sont combinées avec l’oxygène de l’air pour former du CO2.

 

(3) Car ne nous faisons pas d’illusions, nous allons tout brûler, même les importantes réserves de charbon (aujourd’hui estimées entre 150 et 250 fois le niveau des consommations annuelles). Il est probable que les différentes mesures de restrictions mises en œuvre ne joueront qu’à la marge, réduisant seulement la vitesse d’épuisement des gisements et non le résultat final.

 

(4)  Pour mémoire notre planète connaît depuis quatre cent mille ans au moins une succession de cycles d’environ 100 000 ans comprenant 80 000 ans de période glaciaire et 20 000 ans d’interglaciaire. La civilisation est née au cours de ce dernier âge interglaciaire qui se poursuit encore aujourd’hui et devrait durer quelques milliers d’années. Une période glaciaire " classique ", revient à ensevelir la plupart des pays aujourd’hui développés sous une couche de plusieurs centaine de mètres de glace. Donc si le réchauffement est à la mode, n’oublions pas qu’une glaciation représenterait pour notre civilisation une remise en cause encore plus radicale. Pour plus d’information voir  le lien suivant :

http://www.manicore.com/documentation/serre/passe.html

 

(5) Admettons cependant que, si nous ne l’éliminons pas complètement, la reconstitution de la mégafaune pourrait être beaucoup plus rapide; encore faut-il que les effectifs des principales espèces ne tombent pas sous un seuil qui les condamne irrémédiablement.

 

 

 

 


(6) Sauf si toutefois le changement climatique par effet de seuil ou suite à un autre problème environnemental apportait un changement tellement radical qu’il conduirait à l’extinction de toute vie (ou de la majorité de la vie) sur la planète. Auquel cas, bien entendu, conclusions de court ou de long terme se rejoindraient. Ceci n’est pas absolument exclu.

 


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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 13:24

 

 

     La reprise de la pêche à la baleine en Islande, mais aussi le maintien d’une hypocrite chasse scientifique au Japon ou la poursuite d’une activité commerciale même réduite en Norvège, paraissent aux yeux de beaucoup comme d’incompréhensibles anachronismes dans un monde qui voudrait afficher sa bonne volonté écologique.
     Ces captures, c’est à dire ces tueries, constituent en réalité beaucoup plus.

     C’est d’abord évidemment un scandale de tuer ces merveilleux animaux que sont les grands cétacés dont la survie est fortement menacée. Ces espèces au cerveau souvent plus lourd que le nôtre ont un niveau de conscience probablement très élevé et nous nous comportons en barbares.

  
     Mais ces massacres justifient également le plus profond des pessimismes.

      L’Islande, le Japon et la Norvège sont des pays riches pour qui cette chasse ne représente absolument rien de significatif (1). On sait que l’observation touristique des baleines constitue d'ores et déjà une activité économique largement plus importante (2).

     Mais surtout, les peuples de ces différentes nations bénéficient d’un haut niveau d’éducation et, on pourrait l’espérer, d’une forte conscience écologique, ils en ont d’ailleurs peu ou prou la réputation.

  
     Or, cela n’empêche rien !

  
     Si donc, les pays les plus riches et les plus éduqués ne sont pas capables de si petits sacrifices, s’ils ne peuvent comprendre l’absurdité de tels comportements, alors que peut-on attendre de l’humanité dans son ensemble ? 

     La plupart des hommes vivent dans des conditions plus précaires que les Islandais, les Norvégiens ou les Japonais, et ils n’ont pas toujours les moyens de placer l’écologie à la pointe de leurs préoccupations.

     On peut  imaginer sans difficultés qu’à la moindre crise c'est toute la mégafaune qui sera massacrée.
     Qui  pourra faire la leçon si les peuples privilégiés donnent d’aussi lamentables exemples ?

 

    Quant à la tradition évoquée par certains, elle prendra fin avec la dernière baleine et c’est trop tard que ceux là mesureront alors l’inanité de l’argument.

 


 

 (1) Certains avancent l’hypothèse qu’en réalité le Japon se moque bien de poursuivre la chasse à la baleine pour elle-même mais que ce pays redoute qu’en cédant sur ce point il n'ouvre la voie à d’autres compromis économiquement  plus significatifs, sur le thon rouge en particulier mais aussi sur toute la pêche en général. Par sa démographie le japon n’a pas les moyens physiques de se contenter de ses propres productions.

 

 (2) Je signale ce point, mais ne souhaite pas en faire un argument. Même si économiquement la chasse était plus importante que l’observation elle n’en serait pour autant ni écologiquement ni moralement justifiable.


Source de l'illustration : Wikipedia. 

 

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27 juin 2009 6 27 /06 /juin /2009 08:10


   Pour ceux qui voudraient approfondir la "leçon sur le Thon rouge",  le mensuel Pour la Science propose dans son édition de juillet 2009 (numéro 381 p. 32) une étude intitulée : Thon rouge : Comment le sauver ?

   Vous y apprendrez presque tout sur ce poisson géant (quelques spécimens peuvent atteindre 750 kg), sur son mode de vie, ses migrations et sur les graves menaces qui assombrissent  son devenir.

   L'article met en lumière, ce qui est rare,  le problème des mesures visant à protéger les juvéniles en fixant
une taile mimima aux prises. On concentre ainsi l'effort de pêche sur les individus reproducteurs et on obère l'avenir.

   Chez les poissons, ceux qui ont déja dépassé une certaine taille ont plus de chance de se reproduire que les plus petits encore fragiles et menacés.
  Ce serait peut-être tout une politique à revoir, car cette pratique s'étend à beaucoup d'espèces. D'ailleurs, une fois un poisson  pris, le rejeter à la mer parce qu'il est trop petit ne le sauve généralement pas. 

  Une politique d'espaces complètement interdits à la pèche serait sans doute plus appropriée pour préserver les différentes espèces.


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13 juin 2009 6 13 /06 /juin /2009 07:37

 

 

Darwin et le poisson rouge, ou l’histoire d’un monde pas durable.

 

 

   Vous aimez les sushis ? Vous êtes allés récemment à Monaco ? Alors vous connaissez la leçon du thon rouge…

 

   Là-bas ce poisson est interdit à la vente et plus aucun restaurant de la Principauté ne pourra vous en servir, ordre du Prince. Ici, en France, en Italie ou au Japon, ou dans le reste du monde, vous pouvez en manger, il suffit de payer, mais c’est de plus en plus cher et il va vous falloir devenir riche très vite pour continuer à le déguster.

 

   Comment en est-on arrivé là ? C’est notre histoire depuis un demi-siècle qu’il faut résumer.


   Au tout début, seuls les riches japonais en consommaient vraiment ; puis le Japon s’est enrichi avec le boom économique d’après la seconde guerre mondiale et c’est toute la société japonaise qui s’est mise à aimer mettre du thon rouge au bout de ses baguettes, et les économistes ont appelé ce phénomène la démocratisation : enfin les classes moyennes pouvaient manger comme les riches et les puissants d’avant ; et puis cette pratique s’est étendue au reste de l’Asie : d’abord les classes sociales aisées, puis les autres. Et puis vint ce que les économistes ont appelé la mondialisation, et les classes aisées et moyennes d’Europe, d’Amérique et d’ailleurs ont mis les sushis au thon rouge à leur menu.

 

   Et tout s’est bien passé : les moins aisés ont pu manger, avec juste quelques années de retard, comme les plus aisés ; et nous nous sommes mieux compris en partageant des habitudes alimentaires de l’autre bout du monde, ainsi avons-nous pu, comme on dit si bien, nous enrichir de nos différences. Bref, que du bonheur. Et les pêcheurs pêchaient, tous les ans un peu plus, tous les ans encore un peu plus, et les pêcheurs pêchaient … et le thon rouge mourrait. Tous les ans un peu plus.

 

   Alors les écologistes ont bougé. Alors les gestionnaires ont bougé. Alors il y a eu des quotas. Alors il y a eu des tricheurs. Et le thon rouge mourrait.

 

   Alors les prix ont vraiment commencé à monter, et Monaco a interdit le thon rouge dans les assiettes.

 

   Alors entendons les leçons du thon rouge.

 

  La première leçon du thon rouge, c’est que pour sortir de la crise écologique dans laquelle nous nous sommes fourrés, nous avons deux et seulement deux méthodes efficaces de régulation de la consommation à notre disposition : la réglementation par la loi, qui concerne tous les citoyens et va jusqu’à l’interdiction, et la régulation par le marché, c'est-à-dire par le prix, et seuls ceux qui peuvent et veulent payer ont accès à ladite consommation. A priori, la réglementation paraît plus efficace, car plus claire, plus juste socialement et plus radicale ; mais n'oublions pas que la vie est toujours plus complexe que la loi l'imagine généralement et à ce moment une régulation par le prix permet aux acteurs économiques d'arbitrer au plus fin de leurs besoins et de leurs contraintes.

   Prenons l'exemple du débat qui existe aujourd'hui en France quant à la meilleure méthode pour obtenir en 2050 un parc immobilier bien isolé et peu consommateur d'énergie : soit une obligation de mise aux normes qui s'appliquerait au moment de la vente d'un bien, les statistiques de fréquence de vente montrant que l'objectif serait alors tenu, soit une augmentation des prix de l'énergie taxe carbone comprise qui motiverait les acteurs économiques. Dans le premier cas, le risque est grand de gêner les acteurs économiques à un moment inopportun, le vendeur pouvant réaliser son bien pour raisons financières et l'acheteur étant au moment de l'achat le plus démuni pour faire un second investissement de long terme ; de plus quel serait l'intérêt d'obliger à isoler une maison de vacances utilisée seulement à la belle saison ? Bref la lourdeur et l'inefficacité bureaucratique...

   Les deux méthodes ont donc leurs vertus et leurs inconvénients, elles ne s’excluent pas obligatoirement l’une l’autre*, et on peut imaginer que le génie et la tradition des peuples fera la part des choses en y recourant, mais nous n’échapperons vraisemblablement ni à l’une ni à l’autre. Ni au contrôle social que cela implique.

 

 

   L’autre leçon du thon rouge, c’est que la généralisation à l’échelle mondiale d’une consommation historiquement réduite et adaptée à la rareté de la ressource ne peut se faire qu’en détruisant la ressource. Dans un premier temps tout va bien, l’homme tape dans le stock de la ressource ; celui-ci décroît mais la mécanisation permet de passer outre, sans augmentation insupportable des coûts de prélèvement … jusqu’au moment où la faiblesse du stock fragilise la ressource et la met en danger de disparaître définitivement**.

 

  Mais poursuivons la leçon. Nous sommes devenus des sociétés démocratiques, suite à de grands combats politiques et sociaux, suite à des convulsions terribles que nos parents ont vécues dans leurs âmes et dans leurs chairs, et nous en sommes fiers. Alors le mal peut-il venir de la démocratisation ? La question même dérange, la poser nous heurte, elle laisse soupçonner sur celui qui l’ose comme un regret de l’ordre ancien, comme un rejet de l’esprit des lumières et d’un minimum d’égalité entre les hommes. Comme si poser la question n’était qu’une instrumentalisation du thon rouge, un prétexte pour défendre un apartheid social.

 

   Et si nous prenions le problème autrement ? En nous rappelant que nous les hommes sommes une espèce parmi d’autres sur Terre, que les autres formes du vivant sont elles aussi le produit d’une évolution aussi ancienne que la notre, que toutes ont leur place sur notre planète et qu’il faut donc partager notre biotope, apprendre à vivre ensemble avec le reste du vivant. 
  Abandonner une vision de l’humanité centrée sur elle-même, qui fonderait un droit absolu à la domination et à l’exploitation du vivant. Digérer Darwin enfin, après Copernic.

 

  Alors il faut laisser vivre le thon rouge, alors il ne faut prélever les ressources qu’avec intelligence et mesure. Alors il faut des sociétés humaines construites sur le principe de sobriété, des sociétés humaines qui s’auto-limitent, des sociétés humaines qui ne vont pas chercher dans la destruction des autres les ressources nécessaires au maintien de leur propre équilibre social. Le secret de notre mal est là, dans nos sociétés qui ont sans cesse besoin d'agrandir la taille du gâteau que les hommes se partagent, afin qu'elles gardent un minimum de paix sociale. Et les pauvres d'Occident ont pu accéder à la consommation, et puis le tiers monde, et ce n'est que justice ... sauf que le thon rouge en disparaissant nous alerte : ce monde-là n'est pas possible.

   Alors il nous reste à faire évoluer nos sociétés pour qu'elles trouvent un point d'équilibre social et politique sans avoir à faire grossir toujours plus le gâteau de la consommation. Alors il nous faut vivre demain dans des sociétés qui sachent gérer l'envie et le mimétisme hors le matérialisme, des sociétés beaucoup plus égalitaires dans la vie de tous les jours, des sociétés capables d'affronter leurs propres déficits de cohérence sociale sans pratiquer la fuite en avant, sans jouer sur les ressources des autres sociétés humaines ou des générations futures, sans casser, sans détruire leur biotope.

 

   Il faut, il faut, cela pourrait ressembler à la célèbre formule il n’y a qu’à, ce n’est pas cela, pas du tout cela, c’est juste quelque chose qui s’impose à nous, un principe supérieur, une logique de nécessité pensée dans la durée, quelque chose qui nous oblige à faire avec. A nous d’imaginer, de rêver, de penser, d’établir un monde humain ouvert compatible avec la vie, avec l’évolution des autres espèces. Et vite, très vite.

 

 

   Allons plus loin encore. Dans l’ensemble nous les hommes nous consommons trop, nous nous agitons trop, nous allons trop souvent au bout de la ressource que nous avons sous la main, sans prudence, sans réflexion, et cela ne date pas d’aujourd’hui. ‘Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent’ n’est pas chose nouvelle, ‘Collapse’*** est rempli d’histoires de sociétés humaines n’ayant pas su gérer leur biotope. Peut-être n’est ce pas un hasard si l’espèce qui met en risque le biotope Terre est issue de l’ordre des mammifères, ordre grandement dissipateur d’énergie. Beaucoup d’agitation, peu de pauses, une chaleur, un rythme interne à maintenir constamment, notre économie ressemble à notre espèce. Peut-être est-il temps de se méfier de nous-mêmes, de prendre du recul ? 

  Pourquoi ne pas se benchmarker avec d'autres formes de vie sur la façon de se fondre dans un biotope ? Peut-être est-il temps de s’inspirer d’autres formes du vivant, du lézard par exemple qui à masse égale consomme 10 fois moins d’énergie**** ?

  Car aujourd’hui avec la mécanisation du monde, avec son corollaire la mondialisation, nous n’avons plus qu’un seul biotope, la Terre. Nous n’avons pas droit à l’erreur et pourtant la catastrophe a déjà commencé.
  Demandez donc au thon rouge !

 

 

 

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* la réglementation sur la consommation de tabac conjugue en France à la fois l’interdiction totale dans certains lieux et des taxes élevées fixées pour dissuader de fumer. L’exemple du tabac montre qu’il y a aussi une troisième méthode de régulation employée, c’est l’information. Mais de l’avis de la majorité des experts, l’effet ‘Fumer tue’ est largement insuffisant. En fait l'information est employée pour légitimer les mesures contraignantes.

 

** Au-delà des espèces vivantes, le raisonnement fonctionne même pour le pétrole ou les autres ressources fossiles avec quelques ajustements, la renouvelabilité de celles-ci n’étant pas mesurable à l’échelle humaine…

 

*** Le livre est paru en France sous le titre :

     Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie de Jared Diamond, traduction d'Agnès Botz et Jean-Luc Fidel : mai 2006, éditions Gallimard NRF Essais.

**** Tout lien avec l’expression ‘lézarder’ qui pourrait par ailleurs évoquer un quelconque ‘droit à la paresse’ écrit par Paul Lafargue à la fin du XIXème siècle n’est pas complètement fortuit.


source du graphique : Wikipedia

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24 mai 2008 6 24 /05 /mai /2008 08:02


Une bien belle idée : Des lions et des éléphants en Amérique.

 

    Le lion et l’éléphant, le roi et le plus grand des mammifères terrestres sont pour nous des symboles de l’Afrique. C’est là pourtant une restriction géographique bien récente. Il y seulement 50 000 ans, une goutte d’eau à l’échelle de l’histoire de la vie, ce que l’on appelle la mégafaune peuplait toutes les terres de la planète, Amérique comprise bien entendu. Beaucoup de vestiges y ont d’ailleurs été découverts.

    De plus en plus d’indices laissent penser que c’est l’arrivée de l’homme il y a environ 13 000 ans pour les vagues migratoires les plus significatives qui a précipité la disparition de tous ces grands animaux. Par leurs effectifs restreints ces espèces sont fragiles et une chasse intensive peut facilement les éliminer.

   Curieux et heureux retournement des choses, le mensuel " Pour la Science " nous apprend dans son numéro de juin 2008 (n° 368, p74) que certains chercheurs forment le projet de réintroduire ces splendides animaux sur le continent américain.


   L’opération s’appuierait sur l’expérience acquise lors de précédentes réintroductions comme celle du loup gris, qui fut un succès et constitue désormais un classique du genre fort commenté dans la littérature écologique. Les animaux seraient parqués dans de grandes réserves et non en totale liberté pour assurer leur protection et éviter les problèmes de voisinage avec la population humaine.

  
    Il est intéressant de souligner que les Etats Unis et le Canada qui par leur mode de vie, constituent la bête noire et la cible de la plupart des écologistes du monde sont néanmoins par la relative faiblesse de leur densité démographique (avec la Russie qui fait mieux encore parmi les pays développés) les seuls pays à permettre ce genre d’opération. C’est là une sagesse (ou un état de fait) qu’il faut méditer. L’absence de surpopulation est une condition sine qua non de la protection de la faune et l’Amérique du Nord est bien placée quoi qu’en pense une certaine mouvance écologiste.


    L’auteur de l’article souligne avec justesse que pour inverser la tendance, (tendance à l’aggravation de la situation des espèces menacées) : "  l’action audacieuse doit devenir la règle. " 
    Voilà une remarque que nous reprenons à notre compte pour la plupart des questions relatives à la protection de la nature. Les demi-mesures n'apporteront rien d'autre qu’un bref répit.

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