Au lendemain de l’abandon du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, toute la planète écolo se réjouit de la victoire, tandis que la sphère politique se divise, selon son appartenance, entre les laudateurs du réalisme et les pourfendeurs du recul.
Cet abandon est une bonne chose, il répond à plusieurs nécessités.
- Protéger l’environnement et notamment la zone de bocage qui était censée l’être. On se demande d’ailleurs quel est le sens du concept de classement en zone protégée (*) si dans les faits, tout nouveau projet peut conduire à sa remise en cause par le simple passage d’une barrière administrative supplémentaire.
- Assurer la paix sociale. Les oppositions de la population étaient telles que la construction de l’aéroport aurait conduit à des heurts, peut-être à des blessés, en tout cas à des rancunes tenaces. Le spectre de la mort de Rémi Fraisse n’est pas pour rien dans la décision.
- Enfin une troisième raison, de l’ordre de la logique, sautait aux yeux de tous ceux qui se projettent dans le long terme. Un aéroport est un investissement lourd dont la rentabilité ne se conçoit que dans le cadre d’un usage sur très longue période, plusieurs décennies au moins, sinon un siècle (la récente « invention » de l’aviation à l’échelle de l’histoire ne nous offre pas plus de recul). Or, l’usage même de cet investissement repose entièrement sur la libre disponibilité en pétrole, libre disponibilité fortement menacée à des échéances beaucoup plus courtes (20, 30 ans…) que celles qui assureraient la rentabilité du projet. Nous étions là dans l’absurde. Un aéroport sans avion !
Un regret toutefois dans cette décision, que justement, le Premier Ministre, Edouard Philippe, ne l’ait pas motivée par des raisons écologiques. On aurait tant aimé entendre que la protection de l’environnement était aujourd’hui la priorité, que ce n’était pas seulement le risque de conflits et moins encore l’existence d’une alternative par l’aménagement de l’actuel aéroport Nantes Atlantique qui justifiait cet abandon mais bien la volonté de protéger la nature. Dans le long terme, la Terre aura besoin des arbres plus que des avions, ce discours-là n’est pas encore tenable par un responsable politique de premier plan, souhaitons qu’il soit audible par la population.
Espérons également que dans un souci de fortifier son autorité et sa popularité auprès d’une partie de son électorat, le gouvernement ne se montre pas plus intransigeant sur d’autres projets moins médiatisés au niveau national. Le cas de la réalisation de l’Autoroute A45 entre Lyon et Saint-Etienne est emblématique, cette infrastructure menace également de très grandes surfaces naturelles ainsi que la tranquillité de toutes les zones riveraines. Là aussi, un monde couvert d’autoroutes et sans pétrole donnerait une belle image du ridicule. Pensons également à toutes les rocades, à tous les aménagements, à toutes les artificialisations du territoire que nous croyons nécessaires quand elles ne sont que des éléments d’une logique croissanciste que le simple bon sens sait pourtant condamnée.
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(*) Les surfaces de bocage de Notre Dame des Landes étaient considérées comme une Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique.