
Comme tous les deux ans, après l’ONU qui a publié fin juin ses nouvelles estimations de l’évolution de la population mondiale, c’est au tour de l’INED, via la revue Population & Sociétés, de nous proposer un panorama de la démographie planétaire ainsi que ses projections pour 2050.
Sous la direction de Gilles Pison, cette étude (téléchargeable ici) permet d’établir un suivi démographique régulier : effectifs, densité, fécondité, mortalité, espérance de vie, revenus... L'ONU et l'INED parviennent évidemment à des résultats très semblables les bases étant largement communes. Voir également pour ces sujet la World Population Data Sheet, réalisée en 2018 par le Population Reference Bureau)
Voici les principales données à retenir de cette étude. Les estimations sont fournies pour la mi-année 2019. Sources : document cité ci-dessus et versions précédentes
Evolution de la population mondiale par continent (en millions)
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019
Afrique 906 944 999 1 051 1 101 1 171 1 250 1 308
Amérique 888 904 920 942 958 987 1 005 1 015
Asie 3 921 4 010 4 117 4 216 4 305 4 397 4 494 4 601
Europe 730 733 738 740 740 742 745 747
Océanie 33 34 36 37 38 40 42 42
Total Monde 6 477 6 625 6 810 6 987 7 143 7 336 7 536 7 714
Evolution de la population et taux de croissance annuel
De 2005 à 2007 + 148 millions hab. soit par an + 74 ou + 1,1 %
De 2007 à 2009 + 185 millions hab. soit par an + 92 ou + 1,5 %
De 2009 à 2011 + 177 millions hab. soit par an + 88 ou + 1,3 %
De 2011 à 2013 + 156 millions hab. soit par an + 78 ou + 1,1 %
De 2013 à 2015 + 193 millions hab. soit par an + 96 ou + 1,3 % (*)
De 2015 à 2017 + 200 millions hab. soit par an + 100 ou + 1,4 % (*)
De 2017 à 2019 + 178 millions hab. soit par an + 89 ou + 1,2 %
Evolution des taux de fécondité
(Indice Synthétique de Fécondité, isf : nombre d'enfants par femme au cours de sa vie)
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019
Afrique 5,1 5,0 4,8 4,7 4,8 4,7 4,6 4,4
Amérique 2,4 2,2 2,2 2,1 2,1 2,0 2,0 1,9
Asie 2,5 2,4 2,3 2,2 2,2 2,2 2,2 2,1
Europe 1,4 1,5 1,5 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6
Océanie 2,1 2,1 2,5 2,5 2,4 2,5 2,3 2,3
Total monde 2,7 2,7 2,6 2,5 2,5 2,5 2,5 2,4
Evolution des projections mondiales pour 2050
INED 2009 : 9,4 milliards, ONU : 9,1 milliards
INED 2011 : 9,6 milliards, ONU : 9,3 milliards
INED 2013 : 9,7 milliards, ONU : 9,6 milliards
INED 2015 : 9,8 milliards, ONU : 9,7 milliards
INED 2017 : 9,8 milliards, ONU : 9,8 milliards
INED 2019 : 9,7 milliards, ONU : 9,7 milliards
Evolution des projections pour 2050 par continent
(Source : Ined , en millions)
2009 2011 2013 2015 2017 2019
Afrique 1 994 2 300 2 435 2 471 2 574 2 489
Amérique 1 205 1 216 1 228 1 221 1 227 1 188
Asie 5 461 5 284 5 284 5 324 5 245 5 290
Europe 702 725 726 728 736 712
Océanie 58 62 58 59 63 58
Total Monde 9 421 9 587 9 731 9 804 9 846 9 738
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L'étude de l'INED marque pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années une certaine inflexion de l'évolution démographique.
Certes, la croissance n'est ni stoppée ni même fortement ralentie (le passage de + 1,4 % à + 1,2 % par an entre les deux dernières publications est certainement lié à une surestimation des chiffres précédents *). Mais, pour la première fois, les projections pour 2050 sont - très légèrement - revues à la baisse, on passe de 9,8 à 9,7 milliards pour le mitan du siècle. Or, depuis 2009, au contraire, ces projections étaient presque systématiquement rehaussées d'une étude à l'autre à l'ONU comme à l'INED.
Principaux éléments par continent :
Afrique : L'Afrique poursuit son léger mouvement de baisse de la fécondité (4,4 enfants par femme en 2019 contre 4,6 en 2017, 4,7 en 2015 et 5,0 en 2009), cette tendance est un bon signe mais reste évidemment bien insuffisante pour assurer une rapide transition démographique (tendanciellement, chaque couple donne encore naissance à plus de 4 personnes). Globalement, le taux de croissance démographique africain sur les deux dernières années s'établit à 2,3 % par an (gain de 58 millions d'habitants en deux ans), ce taux est toutefois peut-être entaché d'imprécision car il marquerait une diminution très sensible par rapport à l'étude précédente où il s'élevait à 3,2 %). La population reste très jeune (41 % a moins de 15 ans contre 26 % dans l'ensemble du Monde, Afrique comprise). Il y a donc un très grand nombre de personnes en âge ou s'apprêtant à atteindre l'âge d'avoir des enfants, promesse de nombreuses naissances dans les années futures, même en cas de tassement de la fécondité.
Avec 1,3 milliard d'habitants, le continent (qui en hébergeait à peine plus de 200 millions en 1950 et 800 millions en 2000) devrait frôler les 2,5 milliards en 2050 (projections en légère baisse, en cohérence avec le tassement de la fécondité). Pour 2100, les projections de l'ONU, l'Ined ne publiant pas à cette échéance - tablent sur presque 4,3 milliards d'habitants,
L'Afrique continue de truster les records de fécondité mais marque là aussi un léger recul (6,8 enfants par femme au Niger contre 7,3 en 2017 et 5,3 au Nigéria contre 5,5 précédemment). Ce pays, le géant démographique du continent, héberge 201 millions d'habitants et devrait doubler sa population d'ici 2050 ! Le Niger, lui, connait un taux d'accroissement record de 3,8 % par an (soit un rythme de doublement de la population en 19 ans et de décuplement en 62 ans !) Toutefois, on ne compte désormais plus qu'une dizaine pays où l'indice synthétique de fécondité dépasse 5 enfants par femme, tous en Afrique intertropicale (20 étaient au-delà de ce seuil lors de l'étude précédente en 2017).
En Afrique du Nord, l'Egypte passe les 100 millions d'habitants (30 fois plus qu'il y a 200 ans !), elle est le troisième pays le plus peuplé du continent après le Nigéria (201 millions donc et l’Éthiopie 113 millions. Avec 3,3 enfants par femme, l'Afrique septentrionale tarde à s'aligner sur les modèles occidentaux et la relance de la fécondité constatée après les printemps arabes n'est pas encore effacée.
La jeunesse de la population (qui réduit mécaniquement la mortalité), et la forte fécondité sont les composantes majeures de l'explosion démographique africaine, mais s'y ajoute également la progression de l'espérance de vie. Elle était, femmes et hommes confondus, de 53 ans en 2007, elle est passée à 62 ans pour les hommes et 65 ans pour les hommes en 2019 ! , l'espérance de vie mondiale (Afrique comprise) est respectivement de 71 ans (h) et 75 ans (f). Néanmoins, la mortalité infantile en Afrique (45 pour 100) reste assez forte au regard de celle du reste du monde (28 pour 1000),
Asie : L'Asie est le continent le plus peuplé (4,6 milliards). Elle devrait encore gagner 690 millions d’habitants d’ici 2050. Notons que contrairement au reste du monde l'estimation pour 2050 a été revue à la hausse (5,290 milliards contre 5,245 prévus dans l'étude 2017) La fécondité y est toutefois en légère baisse : 2,1 enfants par femme contre 2,2 il y a deux ans.
L'Inde a maintenant 1,366 milliards d'habitants et la Chine 1,434 (curieusement une révision des estimations a conduit à augmenter l'écart entre les deux pays alors que l'Inde était sur le point de rattraper la Chine). Ce n'est évidemment que partie remise, avec une fécondité de 2,2 (2,3 en 2017) contre 1,7 pour la Chine, l'Inde sera prochainement le pays le plus peuplé du monde
Quoique marginale sur le continent avec 275 millions d'habitants, l'Asie occidentale (essentiellement le Moyen Orient) connait encore une fécondité élevée : 2,6 enfants par femme. Les pays d'Asie centrale sont également très féconds (isf à 2,7) mais avec peu d'habitants (73 millions) au regard de l'ensemble du continent.
En Asie du Sud, notons les très fortes fécondités de l'Afghanistan (isf de 4,3 en baisse sensible toutefois, pour 38 millions d'habitants) et du Pakistan (isf de 3,5 pour 217 millions d'habitants). Le Bangladesh, malgré une densité record de 1 132 habitants au kilomètre carré (presque 10 fois la France, qui dans ces conditions hébergerait 630 millions d'habitants ), est maintenant au seuil de renouvellement des générations : 2 enfants par femme. L'Indonésie dépasse désormais les 270 millions d'habitants et se situe à 2,3 enfants par femme.
Europe : Avec 747 millions d'habitants (+ 2 millions en 2 ans !) dont 513 pour l'Europe des 28, ce continent est le seul qui se trouve sur la voie de la stabilisation et même de la décroissance démographique. puisqu'on attend 712 millions d'habitants en 2050 soit une baisse de 35 millions dans les 31 ans à venir. Cette baisse attendue s'est même accentuée puisqu'en 2017 les mêmes projections s'établissait à 736 millions. Attention toutefois aux phénomènes migratoires beaucoup plus imprévisibles et qui y sont importants du fait de la forte attractivité du continent notamment envers l'Afrique. Quelques nations connaissent déjà une évolution négative du solde naturel (hors migrations donc) ce sont notamment l'Allemagne et l'Italie, d'autres même de leur population globale (Portugal, Pologne, Bulgarie Roumanie entre autres).
Globalement l'indice de fécondité s'y établit à 1,6 c'est curieusement le seul continent qui est stable de ce point de vue, mais c'est aussi là qu'il est le plus bas. : Les Europe septentrionale et occidentale restent un peu plus fertiles avec, en Europe septentrionale : 1,8 enfant par femme (1,7 en Europe occidentale) alors qu'en Europe méridionale l'isf s'établit à 1,3 C'est dans cette région que l'on rencontre les taux les plus bas (Grèce, Espagne et Italie sont à 1,3). La fécondité ne semble pas forcément être preuve de bonne santé puisque, par ailleurs, l'Europe méridionale (comme le Japon, également peu fécond) sont parmi les pays profitant de la plus longue espérance de vie : environ 85 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes !
Pour sa part, la France métropolitaine comptait à mi-juillet 65 millions d'habitants et devrait en héberger 68 en 2050. Cette projection pour notre pays vient donc d'être largement revue à la baisse (trop sans doute, car en 2017 on prévoyait 72 millions d'habitants à périmètre égal en 2050 ! c'est une évolution étonnante).
Amérique : Le continent américain compte désormais 1,015 milliards d'habitants et devrait en avoir un peu moins de 1,2 milliard en 2050 (projections à la baisse par rapport aux précédentes là aussi).
L'indice synthétique de fécondité globale s'y établit à 1,9 enfant par femme, toujours un peu plus faible au nord et un peu plus fort en Amérique Centrale (2,2). Soulignons encore une fois que l' Amérique du Sud a maintenant le même isf que l'Amérique du Nord ce qui constitue une bonne surprise au regard de ce que l'on pouvait imaginer il y a quelques décennies. Un pays comme le Chili a même une fécondité de 1,7 ! En Amérique du Sud la Guyane française reste le contre exemple avec 3,3 enfants par femme !
Si les Etats-Unis restent l'un des pays développés qui connaîtra la plus forte hausse de population d'ici la fin du siècle, cette hausse a été revue à la baisse (de + 71 millions en 2017 à + 50 millions aujourd'hui (il est vrai que 2 ans se sont écoulés durant lesquels le pays a gagné presque 4 millions d'habitants, mais la tendance reste notable).
Océanie : La faible population océanienne (42 millions d'habitants) impacte évidemment très peu la démographie mondiale. Les pays les plus développés ont une fécondité de type "occidental" 1,8 enfant par femme en Australie, 1,9 en Nouvelle Zélande tandis que l'ensemble du continent est à 2,3.
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(*) Ces estimations de croissance annuelle de + 1,4 % en 2017 et même de 1,3 % en 2015 peuvent paraître élevées. Ailleurs, dans le même document (tableau 13, p.8 de la publication 2017) on parle plutôt de 1,2 %, ce qui est plus conforme à l'estimation généralement retenue d'une augmentation de la population mondiale légèrement supérieure à 80 millions chaque année. Gilles Pison met d'ailleurs en garde contre les incertitudes et les problèmes liés à des révisions de données plutôt qu'à des changements réels.
Liens vers les articles relatifs aux projections précédentes publiées en 2015 et en 2017
Notons également que pour l'une des premières fois, un certains nombre d'universitaires de tous pays viennent de publier une tribune à l'ONU incitant à stabiliser la population.