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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 21:24

Ces derniers jours, les prix relativement élevés du baril de pétrole conjugués à la faiblesse de l’euro par rapport au dollar ont conduit à une hausse du coût des carburants.

Comme de coutume en pareil cas, radios et télévisions nous ont abreuvés des récriminations des automobilistes nous assurant que "l’essence n’a jamais été aussi chère", que "bientôt nous ne pourrons plus rouler", que "l’Etat nous prend pour des vaches à lait", que… Enfin bref, en un mot que « c’est plus possible ».

La sensibilité sur cette question est une chose connue, mais elle est d’autant plus intéressante que ces propos sont tout simplement erronés et relèvent d'une erreur de perception.

Non, l’essence n’est pas chère. Non, l’essence n’est pas plus chère qu’avant. Non, les français ne se ruinent pas plus aujourd’hui pour faire le plein que dans les temps anciens.

Si plutôt que d’exprimer le prix des carburants en euros courants ou même en euros constants, c’est-à-dire en prix défalqués de l’inflation, on se donne le mal d’exprimer ce prix en heures de travail, ce qui en traduit mieux la valeur effective, on constate que sur les 30 dernières années, l’essence est au contraire devenue meilleure marché. Il faut travailler de moins en moins longtemps pour obtenir un litre de carburant.

 

            Evolution comparée du Smic, du prix de l'essence et de leur ratio :

 

Années   Smic horaire   Prix d'un litre d'essence  Nb de litres pour une heure de travail
         
1980     2,0  €   0,48  € 4,2
1990     4,9  €   0,80  € 6,1
2000     6,4  €   1,10  € 5,8
2010     8,9  €   1,25  € 7,9
2012     9,2  €   1,50  € 6,1

 

Le smic horaire a été traduit en euros avant 2002 et arrondi au décime le plus proche, les prix de l'essence sont ceux du sans plomb arrondis au centime (valeur moyenne au cours de l'année, sauf bien sûr en 2012, où il s'agit des prix courant janvier).

On voit donc que si en ce début 2012, il y a bien eu légère augmentation des prix réels des carburants, tendanciellement sur 32 ans, les prix ont largement baissés, puisque pour une même durée de travail on obtient 45 % d'essence en plus (6,1 litres en 2012  contre 4,2 litres en 1980  pour une heure de travail).   On trouverait même, si l'on exceptait la période toute récente de janvier 2012, une augmentation de plus de 88 % de notre pouvoir d'achat en carburant en faisant le ratio des prix sur 30 ans de 1980 à 2010 (7,9 litres en 2010 contre 4,2 litres en 1980, toujours pour une heure). Comme par ailleurs, la consommation des voitures tend à baisser, le temps travaillé pour financer un nombre donné de kilomètres subit une décroissance plus sensible encore.

Un tel écart entre la perception et la réalité révèle certainement le poids de l'automobile dans nos sociétés; son poids symbolique et émotionnel, mais aussi son poids réel croissant dans le sens où nous en sommes de plus en plus dépendants dans notre vie privée aussi bien que professionnelle.

Cette dépendance croissante pourrait partiellement relativiser nos remaques précédentes, puisque, même si le prix au kilomètre diminue on peut imaginer que le budget essence d'une famille reste stable. Cela dépend évidemment du nombre de kilomètres parcourus. Depuis quelques années il semble que ce dernier diminue par véhicule, phénomène toutefois compensé par l'augmentation du nombre de véhicules par ménage, les deux mécanismes, d'ampleur voisine, se compensant sans doute approximativement.

Ces réflexions sur le prix de l'énergie ne relèvent pas simplement du plaisir de souligner une contradiction dans nos comportements ou une méconnaissance de l'évolution réelle des valeurs. C'est aussi l'occasion de rappeler que l'énergie n'est pas chère, au  point qu'aujourd'hui  encore, il est souvent plus économique pour deux personnes de faire un aller-retour Paris-Lyon en voiture qu'en TGV (alors que l'énergie dépensée par passager est sensiblement plus forte en automobile qu'en TGV). Ce caractère bon marché de l'énergie constitue un lourd handicap pour toutes les politiques d'économie, au point que celles-ci doivent presque systématiquement faire appel à des mesures autoritaires ou à des mécanismes de subvention par exemple pour l'isolation, la rénovation etc.

C'est aussi l'occasion de prendre un peu de recul et de rappeler que jamais dans l'Histoire  nous n'avons disposé d'énergie aussi facilement, en telles quantités et à si faible coût. La prise de conscience de cette réalité reste encore trop superficielle.

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Voir aussi sur ce thème l'article : Prix de l'essence : Des promesses indignes

Avec un peu d'humour, voir aussi clip sur le pic pétrolier.  

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commentaires

J
en 1980 on travaillait (en général"et en principe tres pres de là ou on habité donc nettement moins de kilometres a faire par mois.de plus les commerces etaient de proximité donc là encore pas besoin d essence et on pourrait continuer comme cela, donc meme si on paye moins chere l essence on greve notre budget avec cela d autant plus que le plus cher dans l essence ce sont les taxes que prend létat ,meme si l essence baise on paye plus cher ,comme l electricité le gaz et autre
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J
Votre démarche est essentielle, je pense, de mesurer la valeur des choses par le temps de travail nécessaire pour les obtenir. Quant au choix du SMIC ou du salaire médian, il pose la question de<br /> savoir de QUI et pas seulement de QUOI on parle : est-ce un ouvrier, une caissière smicards ou un employé ou cadre moyen ?
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D
tout a fait d'accord avec factosy, on ne pas prendre qu'en compte le SMIc dans ce calcul. mais c'est sûr qu'il y a surement exagération dans les propos des gens, mais bon on amplifie souvent les<br /> choses quand on passe à la télé....
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F
Bonjour,<br /> <br /> C'est bien joli tout ça mais en prenant les critères qui nous arrangent, on arrive aux conclusions qui vont bien.<br /> Or considérer le SMIC horaire présente deux biais : le premier c'est que le SMIC est revalorisé automatiquement, contrairement aux autres salaires ; le second c'est que la durée du travail a<br /> évolué sur la période, ce qui ne permet donc pas de comparer directement.<br /> <br /> En s'intéressant au salaire net médian annuel, on arrive (bizarrement) à une autre conclusion.<br /> Le nombre de litres d'essence qu'on peut acheter avec un salaire médian a culminé en 1992 à près de 27 000 litres. C'est resté plus ou moins stable (sur une légère pente descendante) jusqu'en<br /> 2002 et ça a décroché depuis, pour passer de 22000 litres en 2002 à 15500 litres en 2008 (dernière année pour laquelle j'ai les stats sur le salaire médian).<br /> 2008 est le minimum depuis 1985, première année pour laquelle j'ai des stats sur le prix de l'essence.
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D
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Votre Remarque est tout à fait pertinente, le choix des statistiques retenues influe sur les conclusions. Ce n’est toutefois pas parce qu’il m’arrangeait que j’ai<br /> retenu le SMIC mais parce que c’était la référence la plus connue. Retenir le salaire médian, ou aussi le salaire moyen est également très significatif. Si l’on pense toutefois que l’essentiel<br /> n’est pas le prix du litre mais le prix du kilomètre on doit aussi tenir compte de la baisse de la consommation des automobiles, baisse accentuée par une forte (je la déplore par ailleurs)<br /> « diéselisation » du parc.  Celle-ci, sans doute conduit-elle à un prix au kilomètre en baisse même en retenant d’autres séries pour les<br /> revenus. Votre remarque pourrait aussi s’appliquer au choix des dates, je l’ai d’ailleurs souligné en montrant comment pour la date finale retenir 2010 ou 2012 conduisait à des appréciations<br /> différentes. La date initiale est également très importante (si l’on retient une date de pétrole cher au départ, on n’obtient pas le même résultat comparatif plus tard). C’est pourquoi d’ailleurs<br /> il ne faut pas s’attacher à un résultat trop précis (d’autant qu’il y a, comme vous le soulignez, des biais liés au temps de travail non seulement vis-à-vis de la durée légale mais vis-à-vis du<br /> chômage, quand vous ne travaillez pas, la perception des coûts est encore autre. Bref c’est compliqué !<br /> <br /> <br /> Merci donc d’avoir souligné l’une de ces complexités, il n’en reste pas moins vrai qu’il existe je crois dans l’opinion une vraie surestimation de ce problème par<br /> rapport à sa réalité, fut-elle compliquée.<br /> <br /> <br /> <br />