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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 18:04

science-et-vie-nucleaire-le-choc.jpg

  Science et Vie  propose sous le titre : Nucléaire, Le choc un numéro hors série spécial consacré à la catastrophe de Fukushima. C'est l'occasion de faire un point sur le parc nucléaire français et sur les leçons de Tchernobyl. On y trouve aussi un aticle sur les différentes filières nucléaires en activité dans le monde.

   Un bon dossier pour qui, sans être spécialiste, veut aller un peu au delà des informations télévisées.

 

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 14:44

La relation de l’homme avec la nature ne saurait se réduire à quelques mots. Pourtant, certains ont l’heur de frapper juste.

Nature – Economie – Energie – Démographie - Animaux - Société  

 

Nature

 

« Va prendre tes leçons dans la Nature. »

Léonard de Vinci

« Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent. »

Chateaubriand

« Parler de l’homme dans la nature revient presque aujourd’hui à parler de l’homme contre la nature. »

Théodore Monod

« Aujourd’hui la seule condition de survie réside dans l’établissement d’un rapport plus humble avec la planète. »

Alain Gras (Science et Vie, 2008)

« L’homme n’a aucun droit d’utiliser la biosphère selon sa fantaisie au gré de son profit et de son divertissement ; le faisant il abuse d’un droit qu’il s’est attribué à lui-même et qui s’apparente au droit du plus fort c’est à dire au plus abominable des droits. »

Jean-Claude Nouët

« Les primevères et les paysages ont un défaut grave : ils sont gratuits. L'amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine. »

Aldous Huxley

«Nous n´habitons plus la même planète que nos aïeux : la leur était immense, la nôtre est petite.»

Bertrand de Jouvenel

« La réduction à l’homme seul, pour autant qu’il est distinct de tout le reste de la nature peut seulement signifier un rétrécissement et même une déshumanisation de l’homme lui-même […] Dan une optique véritablement humaine, la nature conserve sa dignité propre qui s’oppose à l’arbitraire de notre pouvoir. »

Hans Jonas " Le principe responsabilité "

 

Economie

 

« Celui qui croit qu’une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste. »

Kenneth Boulding

« L’un des pires démons de la civilisation de technologique est la soif de croissance. »

René Dubos, Les dieux de l’écologie

«Des rapports avec la Terre basés exclusivement sur l’utilisation de celle-ci en vue de la croissance économique ne peuvent que mener à la dégradation en même temps qu’à la dépréciation de la vie humaine.»

René Dubos, Les dieux de l’écologie

« Le système se nourrit de la dégradation de l’environnement et non de ses seuls intérêts. »

Jean-Marc Jancovici (en conférence)

« A l'Ouest comme à l’Est, c'est la même marche, le même système visant à l'augmentation des "moyens de faire" où l'on voit se réaliser la vocation de l'homme. Ce phénomène a l'ampleur d'une loi de la nature. L'amplification des moyens de faire est la passion dominante de notre société à laquelle toute sensibilité ainsi que l'environnement sont sacrifiés. Notre société est comme une immense machine dont le tableau de bord est trop pauvre en indicateurs et dont l'épiderme bétonné est insensible aux réactions individuelles. Une machine si occupée à construire, à produire, qu'elle est aveugle à ce qu'elle détruit et myope à l'égard du monde qu'elle risque de faire. »

Bertrand de Jouvenel , 1972 , membre du Club de Rome

 

«Nous ne devons pas renoncer à la technologie mais la manier avec sagesse comme le ferait le docteur Jekyll en conservant à l’esprit la santé de la Terre et non celle des hommes. C’est la raison pour la quelle il est beaucoup trop tard pour le « développement durable » ; nous devons opter au contraire pour un repli durable. »

James Lovelock , " La revanche de Gaïa "

 

« Partout l’impératif du mieux s’impose ; à l’Occident, c’est le mieux mais moins, ailleurs c’est le plus mais mieux. »

Edgar Morin, « Au-delà du développement et de la globalisation »

« Nous nous sommes enrichis de l’utilisation prodigue de nos ressources naturelles et nous avons de justes raisons d’être fier de notre progrès. Mais le temps est venu d’envisager ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus, quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés, quand les sols aurons été appauvris et lessivés vers les fleuves, polluant leurs eaux, dénudant les champs et faisant obstacle à la navigation. »

Théodore Roosevelt

 

Energie

 

« Si on augmente pas le prix de l’énergie, on se dirige droit vers une dictature. »

Marcel Boiteux (ancien PDG d’EDF)

« L’énergie ne vaut rien ! Elle ne vaut absolument rien ! »

Jean-Marc Jancovici (en conférence)

 

« Aujourd'hui, les niveaux de population dépendent des carburants fossiles et de l'agriculture industrielle. Otez les du tableau et il y aurait une réduction de la population mondiale qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser.»

Joseph Tainter

Démographie

 

« Je ne peux pas avoir beaucoup d’espoir pour un monde trop plein. »

Claude Lévi-Strauss (entretien télévisé)

 

« Le besoin d’une nombreuse génération ne se fait pas sentir de nos jours comme dans les temps anciens […] la différence des temps influe sur l’opportunité qu’il y a à faire ou à ne pas faire telle ou telle chose […] Dans les temps où nous vivons, il est mieux, il est plus saint de ne pas rechercher le mariage en vue de la génération charnelle. »

Saint Augustin

 

« L’impératif de pérennité implique que l’on définisse une limite de population mondiale, limite dont tout indique qu’elle est déjà dépassée.»

André Lebeau, " L’enfermement planétaire "

 

« C'est ce qui n'est pas Homme autour de lui qui rend l'Homme humain.... Plus sur Terre il y a d'hommes, plus il y a d'exaspération »

Henry Michaux

 

« Les grandes épidémies meurtrières ont disparu. Elles ont toutes été remplacées par une seule : la prolifération des êtres humains eux-mêmes. La surpopulation constitue une sorte d’épidémie lente et irrésistible, inverse de la peste et du choléra. On peut seulement espérer qu’elle s’arrêtera d’elle-même, une fois repue de vivants, comme le faisait la peste, une fois repue de cadavres. Le même réflexe de régulation jouera-t-il contre l’excès de vie qu’il a joué jadis contre l’excès de mort ? Car l’excès de vie est plus mortel encore. »

Jean Baudrillard

 

« Il y a peu de travail et beaucoup trop de population sur la terre. »

Bernard Kouchner

 

« Le commandement "Croissez et multipliez" a été promulgué, avec l'accord des autorités, au temps où la population était composée seulement de deux personnes »

William Inge

 

« Les plus grandes épreuves auxquelles le Monde aura à faire face dans les années à venir seront la surpopulation, le manque de ressources (eau, matières premières, pétrole...), des pandémies de toutes sortes de maladies connues et nouvelles, des pollutions de toutes sortes (chimiques, air, eau, alimentation...) »

Albert Einstein

 

« Ce serait l’un des plus grands triomphes de l’humanité si l’on parvenait à élever l’acte responsable de la procréation au rang d’action volontaire et intentionnelle. »

Sigmund Freud

 

 

« L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. »

Arne Naess

 

« Ne me parlez pas de pénurie. Mon monde est vaste et a plus qu’assez - pour un nombre limité. Il n’y a pénurie de rien, à part de volonté et sagesse ; mais il y a un surplus de gens. »

Garrett Hardin

 

« Nous périrons sous les berceaux. Nous sommes le Cancer de la Terre ; la pullulation de l'espèce humaine est responsable d'une pollution ingérable par la nature. Cela est tellement évident qu'on se demande de quel aveuglement sont frappés nos dirigeants. La Nature, dans sa grande sagesse, essaie de nous aider ; les cas de stérilité sans cause apparente s'accroissent - comme d'ailleurs s'accroissent les orphelins et enfants abandonnés et maltraités ! »

Jacques-Yves Cousteau

 

« La plus grave menace pour l’avenir de l’humanité reste l’explosion démographique, la prolifération du plus redoutable prédateur, l’homme, sur une petite planète. (…) Notre petite planète n’est pas capable de supporter longtemps les conséquences d’une surpopulation délirante et de l’activité industrielle incontrôlée de notre société de consommation, qui épuise les ressources rares non renouvelables de cette Terre, et qui pollue, défigure et finalement détruit une large part d’un écosystème dont nous faisons partie. »

René Dumont

« Aujourd'hui, les niveaux de population dépendent des carburants fossiles et de l'agriculture industrielle. Otez les du tableau et il y aurait une réduction de la population mondiale qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser.»

Joseph Tainter

 

« Vivre moins nombreux pour que tout le monde puisse tout simplement vivre »

Michel Tarrier

 

« Tout pacte écologique devrait sous tendre un pacte antinataliste. »

Michel Tarrier

« Il faut réduire doucement la masse humaine pour que chaque être retrouve sa propre dignité. [...] Aucune solution n'est viable tant qu'on a pas d'abord réglé la question de la démographie.»

Marguerite Yourcenar

 

 

Relations avec les animaux.

 

« La cruauté envers les bêtes est la violation d’un devoir de l’homme envers lui-même. ».

Emmanuel Kant

 

« Une société n’est vraiment juste, sociale et civilisée que si elle respecte l’animal. »

Alfred Kessler

 

« On n’a pas deux cœurs, l’un pour les hommes l’autre pour les animaux, on a du cœur ou on n’en a pas »

Lamartine

 

« Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces vivantes… Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie… ».

Claude Lévi-Strauss

 

« Entre la pitié envers les bête et la bonté d’âme, il y a un lien étroit. »

Schopenhauer

 

« Il a pour moi une pierre commune des morales, des religions, des moeurs, l'attitudes prise devant la souffrance des animaux »

Théodore Monod

« Pour les animaux c’est tous les jours Treblinka. »

Isaak Singer

 

« L'homme a peu de chance de cesser d'être un tortionnaire pour l'homme tant qu'il continuera à apprendre sur la bête son métier de bourreau»

Marguerite Yourcenar

 

« Pourquoi la souffrance d'une bête me bouleverse-t-elle ainsi ? Pourquoi ne puis-je supporter l'idée qu'une bête souffre, au point de me relever la nuit, l'hiver, pour m'assurer que mon chat a bien sa tasse d'eau ? [..] Pour moi, je crois bien que ma charité pour les bêtes est faite de ce qu'elles ne peuvent parler, expliquer leurs besoins, indiquer leurs maux. Une créature qui souffre et qui n'a aucune moyen de nous faire entendre comment et pourquoi elle souffre, n'est-ce pas affreux, n'est-ce pas angoissant ? »

Emile Zola, (Le Figaro 1896)

Relation avec les animaux : la chasse

 

« Ce gai chasseur, armant son fusil ou son piège,

Confine à l'assassin et touche au sacrilège,

Penser, voilà ton but ; vivre, voilà ton droit,

Tuer pour jouir, non. Crois-tu donc que ce soit

Pour donner meilleur goût à la caille rôtie

Que le soleil ajoute une aigrette à l'ortie,

Peint la mûre ou rougit la graine du sorbier ?[…]

Dieu qui fait les oiseaux ne fait pas le gibier… »

Victor Hugo

« La chasse, c’est le défoulement national, c’est le petit Vietnam des frustrés. C’est la guéguerre permise aux hommes en temps de paix. »

Henry Tachan "La chasse" (chanson)

« La chasse est le moyen le plus sûr pour supprimer les sentiments des hommes envers les créatures qui les entourent. »

Voltaire

Société

 

« Vous êtes prisonnier d’un système de civilisation qui vous pousse plus ou moins à détruire le monde pour survivre. »

Daniel Quinn

 

« Notre civilisation se trouve dans la situation de celui que la drogue tuera, qu'il continue ou qu'il cesse brusquement d'en consommer. »

James Lovelock, " La revanche de Gaïa "

 

«Vous vous êtes évadés du monde biologique, de ses limites et de la lenteur de son histoire, vous avez fait un monde où les structures par vous organisés supplantent les organismes, prennent des dimensions non biologiques et sont sujettes à une évolution prodigieusement accélérée.»

Bertrand de Jouvenel, " la civilisation de puissance "

 

Citations diverses

« Nous sommes déjà entrés dans l’ère des survivances.»

François Cavanna, (dans une réponse à Démographie Responsable)

« Tant de mains pour transformer le monde et si peu de regards pour le contempler. »

Julien Gracq, " Lettrines "

« L'écologie n'est pas une option. »

Nicolas Hulot

« Voici venu le temps du monde fini. »

Albert Jacquard (titre d’un livre)

« La prophétie de malheur est faite pour éviter qu'elle se réalise ; et se gausser ultérieurement d'éventuels sonneurs d'alarme, en leur rappelant que le pire ne s'est pas réalisé, serait le comble de l'injustice : il se peut que leur impair soit leur mérite. »

Hans Jonas

 

« Le désir de maintenir "le cours naturel des choses" jusqu'à ce qu'il soit trop tard est la plus grande menace que l'humanité fasse peser sur elle-même.»

André Lebeau

 

« L'idée que les hommes sont assez intelligents pour régir la planète témoigne d'un orgueil démesuré.»

James Lovelock " La revanche de Gaïa"

« Il ne sert à rien à l’homme de gagner la Lune s’il vient à perdre la Terre.»

François Mauriac

 

« Et si l’aventure humaine devait échouer. »

Théodore Monod (titre d’un livre)

« C’est la dose qui fait le poison. »

Paracelse

 

 

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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 15:24

Comme cela était attendu, Nicolas Hulot a annoncé ce matin 13 avril  sa candidature à l'élection présidentielle de 2012. Au-delà des appels conventionnels au rassemblement et au dépassement des clivages traditionnels, Nicolas Hulot a tenu des propos généraux sur notre attitude qui me semblent devoir être retenus, les voici :

 

" J'en appelle... à celles et à ceux qui ont conscience que les lois humaines ne peuvent plus s'affranchir des lois de la nature.... à celles et ceux qui savent que l'homme ne peut plus s'exonérer de toutes  limites et notamment des limites physiques de la planète."

 

J'ignore comment de telles directives se traduiront  dans les faits, mais le cadre est juste. C'est le non respect de ces règles qui est la cause des menaces que supportent  aujourd'hui l'humanité comme le reste du vivant, c'est dans leur respect que résident les solutions. Autre question bien sûr, l'explosion démographique sera-t-elle considérée comme une atteinte à ces fameuses limites de la planète ?

 

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 10:24

Les récents projets d’interdiction des villes ou au moins de leurs centres aux véhicules les plus anciens illustre l’une des dérives les plus désolantes à laquelle la protection de l’environnement puisse donner lieu. Ce n’est pas la première fois que la conscience écologique fait fausse route, favorise le gaspillage et sert de prétexte à une défense des industries et des comportements les plus polluants mais nous atteignons là un summum. Cette dérive était déjà le fait des publicitaires (1), on pouvait le comprendre, mais là c’est au nom de la protection de l’environnement qu’on la promeut !

Combien faudra-t-il de temps ou de kilomètres pour que le faible différentiel de consommation entre anciens et nouveaux véhicules déja fortement amoindri par l’augmentation de la puissance et du poids des automobiles viennent rendre écologiquement favorable la construction d’une nouvelle voiture et la destruction accélérée de la précédente ?

Du fait de l’utilisation de ses produits et de l’empreinte gigantesque qu’elle suppose sur le biotope, l’industrie automobile est l’une des plus destructrice de la nature. Eh bien cette industrie trouve dans les lois de défense de l’environnement un de ses plus fervents soutiens. On rêve, on cauchemarde, Ubu prend le pouvoir.

A la base d’un comportement écologique devrait se trouver la promotion de la durabilité des objets. C’est exactement le contraire que l'on nous propose. Changez votre auto (pour une plus puissante dans 95 % des cas, avec climatisation systématique et qui bientôt devra rouler phares allumés même en plein soleil), changer votre chaudière, changer votre ampoule (tant pis si la nouvelle contient du mercure) changez changez  changez… Et si vous ne changez pas, vous aurez une taxe, une interdiction… La vie douce, la vie modeste qui entretient et soigne les objets, ce comportement qui devrait constituer notre modèle devient ainsi la cible de ceux qui se font les héros de la lutte pour l’environnement.

Ce besoin de changement touche tous les domaines et se généralise à la vie privée comme aux biens collectifs. Combien de fois entend-on : Cet avion, cette usine, cette centrale a plus de 20 ans ? Comme si l’outil industriel lui aussi devait se plier aux caprices de la vie accélérée. Or il est normal que cet outil dure, c’est la garantie même de sa rentabilité. Construire pour durer, et faire durer quand les choses existent devrait être notre vade mecum. Si une centrale électrique ne doit durer que 10 ans, alors, non seulement l’électricité coûtera plus cher mais sa production générera in fine beaucoup plus de troubles à l’environnement et beaucoup plus de déchets du fait même d’un recyclage nécessairement plus fréquent.

L’action frénétique est une cause essentielle de la dégradation du monde. Un peu de « non agir », un peu de temps sont les ingrédients essentiels d’une vie durable et d’une humanité supportable pour le monde.

 

(1) Ce sujet avait déjà été abordé dans l’article "les dérives de la publicité"

 

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 12:24

Paris – Projet de tour – Développement vertical – Eco-conception – Densité urbaine exacerbée - Etalement urbain – Mobilité énergivore – Techno-sciences de l’habitat - Dépossession citoyenne – Nœud de dépendances – Irrésilience – Société écologique avancée – Dilemme désastreux

 

C’est un joli tour que nous jouent là le développement durable et tous les thuriféraires de la société écologique avancée. Ou plutôt une tour, une vraie (1), avec ses 180 mètres de haut et 88 000 mètres carrés de bureaux, éco-conçue si l’on écoute son architecte Jacques Herzog avec "sa forme en triangle afin de limiter l’ombre portée sur les voisins, et qui utilisera des capteurs solaires".

Trônant au beau milieu du Parc des Expositions, cette pyramide change l’échelle avec laquelle on voit nos rues nos immeubles nos monuments ; elle les rend petits et dérisoires, comme des miettes pas clean d’un temps qui a fait son temps ; et sans doute est-elle aussi un cheval de Troie qui annonce d’autres immeubles de grande hauteur (2), un arbre qui annonce une forêt de tours ? Car il y aura bien des raisons, pour la justice sociale, pour l’économie, pour la modernité de la France, de faire d’autres tours. En attendant, même toute seule en tête à tête avec la Tour Montparnasse et Jussieu au loin, cette tour choque les amoureux un peu nostalgiques de Paris, et les élus "verts" s’y opposent.

 

Tour-Triangle.png

Une vision de la future "Tour Triangle" de l'architecte Jacques Herzog

Mais il faut être sérieux et assumer les conséquences de ses choix. Avec un pays qui préfère jouer la carte des techno-sciences avec Airbus ou les voitures électriques plutôt que de s’appuyer sur une agriculture biologique et un scénario de production localisé centré sur la satisfaction des besoins essentiels ; avec un pays qui refuse de mettre sur la table sauf à la marge le mode de vie consumériste de la plupart de ses habitants et qui croit que les défis écologiques du siècle se résoudront en triant ses déchets, en prenant des douches plutôt que des bains et le TGV plutôt que sa voiture ; avec un pays qui se dirige doucement vers 70 millions d’habitants et refuse d’envisager de diminuer sa population, qui a fait le choix d’un mode de vie urbanisé au sein de grandes agglomérations et d’une métropole hypertrophiée plutôt que d’encourager la vie rurale et les petites ou moyennes villes ; avec un tel pays qui refuse de remettre en cause le développement tentaculaire de l’Ile de France, il ne faut pas s’étonner qu’une agglomération de plus de 12 millions d’habitants exerce une pression telle que son centre soit l’objet d’une immense convoitise se traduisant par une volonté d’occupation à tout prix : le développement vertical devient la solution et les tours finissent par être nécessaires.

Le discours des politiciens écologistes et des partisans du développement durable devient alors pleinement opérant, et bien des architectes et urbanistes l’ont compris et intégré dans leur démarche. Ces tours seront écologiquement conçues, bardées de capteurs solaires, et surtout elles contribueront à limiter l’étalement urbain en accroissant la densité urbaine (3). S’y opposer, c’est s’opposer aux économies d’énergies permises dans le secteur de la mobilité et du transport par la concentration humaine.

Mais qui veut encore voir que ces immenses bâtiments supposent pour les construire des entreprises importantes, cotées en bourse (4), loin de la logique de petites et moyennes entreprises bien plus aisées à contrôler socialement ? Qui veut voir qu’habiter ou travailler dans ces tours, c’est être logé dans une case d’un grand cube, sans aucune maîtrise de son local ou de son appartement ? On est loin de la capacité du petit propriétaire à gérer lui-même l’entretien de son habitat quand même le nettoyage des vitres doit être assuré par des spécialistes plus ou moins alpinistes? Impossible aussi d’agrandir son logement pour y loger un parent malade, zéro maîtrise de son espace et dépendance complète vis-à-vis du syndic et autre structure anonyme: vivre dans une tour ou un IGH, ce n’est pas seulement vivre dans une grande construction, c’est vivre dépendant de structures entrepreneuriales ou syndicales à taille pas humaine, c’est ne pas pouvoir faire les choses soi-même ou avec l’aide de ses voisins, c’est être dépossédé de toute maîtrise, c’est être absolument intégré dans une économie où tout est marchandisé (5). De plus, si une grande tour n’est pas une centrale nucléaire - elle n’en a pas la dangerosité intrinsèque -,  elle en partage bien des caractéristiques. La grande tour suppose non seulement des grandes entreprises avec des savoirs spécifiques tant pour sa mise en œuvre que pour sa maintenance, mais elle suppose surtout, comme la centrale nucléaire, une techno-science basée sur des systèmes complexes que ce soit pour réguler les contraintes naturelles, gérer la mobilité interne des utilisateurs ou piloter avec intelligence l’ensemble des flux qui l’affecte et l’irrigue à la fois.

La tour suppose un afflux permanent et régulé d’énergie de matières et de services, et si elle impose une réelle dépendance à ses usagers, elle est elle-même un objet éminemment dépendant ; bref elle est un nœud de dépendances qui suppose un fonctionnement quasi parfait de la société autour d’elle, elle est ici à l’opposé d’un modèle résilient capable d’encaisser des chocs le concernant lui ou son environnement proche ; en un mot la tour aggrave la fragilité de nos sociétés et sa sensibilité au risque et aux crises.

Dans ce cadre, les oppositions et autres larmes de crocodile versées sur ce projet viennent en écho des manifestations anti-nucléaires ou contre l’exploitation des gaz de schistes : souvent juste des positions pour se mettre à distance d’un monde qui conchie et la nature et les équilibres patiemment tissés par nos arrières grands-parents. Mais il faut savoir aller plus loin, dépasser les sentiments esthétisants et remettre en question ce qui nous amène à trouver rationnel et écologiquement défendable un tel projet. C’est dire que la cohérence, si l’objet est bien d’éviter la construction de méga-tours dans nos paysages urbains, amène à remettre en cause non seulement la continuation de la société industrielle telle qu’elle se présente aujourd’hui mais aussi le projet d’une société écologique avancée qui se dessine au travers des propositions des partisans de la croissance verte.

Car vouloir développer une société française plus efficiente énergiquement et moins dommageable à l’environnement sans annoncer la décroissance des grandes métropoles et un rééquilibrage de l’occupation du territoire au profit des petites et moyennes villes ou des campagnes, sans prévoir une réduction progressive et maîtrisée du nombre d’habitants sur notre territoire, sans penser une rupture avec la culture urbaine dominante et complètement coupée de la nature qui est notre lot actuel, sans promouvoir une vita povera opposée à notre si prégnant modèle de consommation, c’est s’enfermer dans le dilemme entre un étalement urbain ingérable sans une mobilité énergivore et une densification urbaine exacerbée, appuyée sur les techno-sciences de l’habitat et oublieuse de l’échelle de l’homme (6). Adapter notre société aux tensions environnementalistes et à la crise prochaine de l’énergie et des matières premières sans rompre avec les tendances profondes qui nous animent depuis le milieu du siècle dernier, c’est in fine se condamner à un développement vertical de nos cités, avec une logique intrinsèque de dépossession citoyenne que nulle démocratie participative ne pourra contrarier.

Bien sûr, il y a une flamboyance des tours et il faut le reconnaître : s’occuper d’une tour, l’éco-concevoir, la construire, la faire vivre sont une aventure et un défi. On comprend la passion et l’engouement. Et c’est là que les choses deviennent difficiles. Car il nous faut abandonner cette aventure, se replier, j’emploie le mot à dessein, vers des solutions plus simples moins audacieuses moins grandioses moins visibles, et nous n’aimons pas cela. Mais quand comprendrons-nous que le seul défi qui vaille aujourd’hui consiste à nous sortir du piège dans lequel nous nous sommes mis, enivrés que nous étions par une énergie fossile facile et formidable ? Quand comprendrons-nous que la seule aventure passionnante qui nous reste, c’est de convaincre toute une société de sortir de la civilisation de croissance, d’oublier les illusions de la green economy et d’abandonner aussi vite que possible nos facilités consuméristes ? Voilà ce que nous dit cette tour, portée aujourd’hui par des politiques qui voulaient hier (7) dans un élan rimbaldien "changer la vie".

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(1) Le Conseil de la capitale a voté fin mars 2011 pour la construction d'un immeuble d'affaires, au cœur du Parc des expositions dans le XVe, mais cela fait trois ans que Bertrand Delanoë, a annoncé ce projet d'acier et de verre, signé des architectes bâlois Jacques Herzog et Pierre de Meuron, Prix Pritzker 2001 (un équivalent du Nobel en architecture). Ainsi la ville prend de la hauteur, très nettement au-delà du plafond de 37 mètres fixé par le PLU de 1977. Ce projet est la première concrétisation d’un mouvement urbanistique sensibilisé aux enjeux du développement durable et prenant clairement position en faveur d’une réhabilitation des immeubles de grande hauteur. Même s’il s’agit ici d’une tour de bureaux, les urbanistes adeptes du développement vertical préconisent souvent des tours multifonctionnelles abritant à la fois des services publics comme des crèches ou des écoles, de l’habitat résidentiel, et des commerces et des bureaux.

(2) En jargon urbanistique, des I.G.H.

(3) Le discours environnementaliste ou écologisant insiste beaucoup sur les méfaits de l’étalement urbain et est utilisé sinon instrumentalisé par les promoteurs des IGH. Cela n’est pas contradictoire avec le refus d’élus verts de s’opposer concrètement à des projets de tours dans certains quartiers, notamment dans les zones historiques des grandes villes. Il est toujours possible de mettre à l’abri des nécessités de la société moderne des pans entiers du territoire : pas de centrale nucléaire à Plogoff, pas d’extraction de gaz de schiste au Larzac ou en Ardèche, et pas de tours dans Paris. Mais on reste dans l’exception au profit de populations favorisées assez fortes économiquement ou politiquement pour imposer la logique dite du not in my garden, et le seul problème est alors celui de la cohérence et de la justice si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes ayant justifiées ces bouleversements, et que l’on se contente de repousser les risques et dégradations écologiques vers d’autres populations.

(4) Pour ladite tour, le Conseil de la capitale vient de voter un protocole d'accord avec Viparis, filiale d'Unibail-Rodamco et de la chambre de commerce de Paris ; le coût selon Unibail se situerait aux alentours de 500 millions d'euros hors taxes.

(5) Tout cela se traduit par des charges locatives et de maintenance importantes, qui peuvent peser fortement sur le budget des ménages et ne peuvent être réglées que par des flux financiers. Difficile d’organiser des sortes de travaux d’intérêt général pour les habitants prêts à consacrer du temps et moins d’argent à leur immeuble. A l’inverse l’habitant d’une construction individuelle peut décider de faire des travaux lui-même ou avec des voisins, ou choisir de différer des investissements en fonction de sa situation personnelle. Plus de souplesse, moins de complexité, une forte capacité d’adaptation, un lien fort entre ce que l’on fait et le résultat obtenu, ne cherchons pas, la résilience est bien plus du côté du petit habitat … le slogan Small is beautiful ! frapperait-il encore ?

(6) L’enfermement dans des dilemmes désastreux est en train de devenir courant dans notre société de croissance qui se trouve en porte-à-faux avec un environnement dont elle considère qu’il lui fait défaut. Devoir arbitrer entre une énergie provenant des centrales nucléaires, dont on a vu à Fukushima les risques intrinsèques dans un pays pourtant reconnu pour sa rigueur, et une énergie carbonée dont les effets sur le climat via les gaz à effet de serre sont désastreux, n’est pas judicieux. Tant que la société de croissance ne sera pas abandonnée jusqu’à ses fondements, de tels choix entre la peste et le choléra nous seront de plus en plus fréquemment proposés et ne font qu’illustrer l’impasse dans laquelle nous continuons à nous diriger. Ce n’est pas notre environnement qui nous fait défaut, c’est à nous de nous adapter à l’écologie de notre planète.

(7) C’était il y a 30 ans le slogan à consonance rimbaldienne du Parti Socialiste d’où est issu Bertrand Delanoë, Maire de Paris, et aujourd’hui acteur pugnace du développement des tours dans la capitale. C’était aussi il y a presque 30 ans, en 1973, que Schumacher popularise (a) le thème du small is beautiful construit par Leopold Kohr et qui a tant marqué la culture écologique. Que certains puissent aujourd’hui défendre au nom de l’environnement et de l’efficience énergétique, et au travers des tours, la logique du big is beautiful ne peut que nous interpeller.

(a) Via son livre Small Is Beautiful: A Study Of Economics As If People Mattered publié en français sous le titre Small Is Beautiful - une société à la mesure de l'homme, Le Seuil, 1973.

 

 

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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 12:44

 

Poids-du-nombre-Minois-Livre.jpg

Il est agréable de dire tout le bien qu’on pense d’un livre et c’est sans retenue que je conseille cet ouvrage de Georges Minois :

 

Georges Minois : Le poids du nombre : l’obsession du surpeuplement dans l’histoire, Editions Perrin, Collection « Pour l’Histoire », février 2011, 677 pages, 26 Euros, ISBN : 978-2-262-03224-1

 

 

 

 

Vous y découvrirez le regard que tout au long des siècles, les hommes ont porté sur leurs propres effectifs. Vous verrez que la peur du sous peuplement, mais plus souvent encore, celle du surnombre a accompagné presque toutes les civilisations et que le contrôle des naissances est une vieille affaire (cruelle parfois). De tout temps les hommes se sont mis en devoir d’adapter leur nombre aux ressources disponibles et curieusement c’est aujourd’hui, alors que la Terre n’a jamais été aussi peuplée que la conscience du problème est la plus ténue et que le tabou règne sur le sujet.

Ainsi dés l’antiquité, avec pourtant moins de 200 millions d’habitants, soit le quarantième de la population actuelle (!), Aristote écrivait :

« Il est manifeste que si le nombre de gens croit et que la Terre reste partagée comme elle l’est, il y aura nécessairement des gens qui deviendront pauvres » (p 48) ou plus loin : « …le laisser faire en ce domaine…. sera nécessairement cause de pauvreté pour les citoyens et la pauvreté engendre sédition et délinquance » (p 49). On voit comme nos débats d'aujourd’hui présentent de lointaines racines.

Avec érudition et talent Georges Minois nous entraîne dans les variantes et les subtilités du problème. Ainsi croyez-vous que l’église fut un modèle unanime de natalisme ? Lisez Saint Augustin : (p 105)

« Le besoin d’une nombreuse génération ne se fait pas sentir de nos jours comme dans les temps anciens…. » ou plus loin « Dans les temps où nous vivons, il est mieux, il est plus saint de ne pas rechercher le mariage en vue de la génération charnelle. »

Fin de l’empire Romain, moyen âge, temps « des lumières », Georges Minois propose une revue complète des débats suscités par la démographie.

Malthus avec son fameux Essai sur le principe de population devenu le symbole même de l’inquiétude démographique fait bien entendu l’objet d’un traitement particulièrement détaillé. Nous découvrons une fois encore toute la complexité de l’Histoire. Ainsi l’église majoritairement nataliste (malgré Saint Augustin donc) s’oppose-t-elle à ce pasteur évidemment tout à fait croyant comme elle s’était opposée au chanoine Copernic. Souvent, les idées neuves naissent au sein des structures dominantes qui, dans un premier temps, les combattent.

Avec raison Georges Minois s’attarde sur la question des "poor laws", des lois destinées à aider les plus pauvres en Angleterre et que Malthus avait combattues. Cette position déconsidérera et déconsidère toujours Malthus aux yeux de beaucoup. De manière assez injuste sa position sur ce plan portera dans l’Histoire ombrage à sa réflexion générale sur les dangers de la surpopulation. Là aussi on découvrira que le problème est compliqué et que Malthus n’était sans doute pas ce « monstre anti-pauvres » que certains se plaisent à caricaturer. Il considérait surtout que ces lois n’étaient pas les plus à même de porter remède à la question de la pauvreté. Sur le plan de l’éducation Malthus se montrait progressiste, il était convaincu de son bienfait, mais de cette position moderniste peu de gens lui font aujourd’hui crédit. Curieusement, le grand économiste John Stuart Mill (Principes d’économie politiques) qui partageait sur la démographie les vues de Malthus n’a pas souffert de la même image de marque et seul l’adjectif malthusien est aujourd’hui considéré comme un gros mot.

Georges Minois analyse avec objectivité toutes les facettes du problème de cette relation intime de l’humanité avec ses effectifs. Si, très vite, l’on devine chez lui une certaine sympathie pour ceux qui s’inquiètent de la surpopulation, cette inclinaison devient plus évidente encore dans sa conclusion. L’auteur nous propose (p 634) un petit discours de réception à tous les nouveaux nés de l’année écoulée :

« Bienvenus aux 135 millions de petits qui sont venus cette année rejoindre leur 6,8 milliards de semblables. 50 millions d’entre vous n’ont pas été désirés  et sont là par erreur ou par hasard. 7 millions vont d’ailleurs mourir d’ici un an. Pour le reste 110 millions iront grossir des familles nombreuses et pauvres, dont 20 millions seront exploités très jeunes et souffriront de sous-alimentation chronique ; parmi eux, 30 millions iront s’entasser dans quelques bidonvilles et mourront précocement du sida, de la tuberculose, du choléra, de la dysenterie ou autre. 20 millions auront une vie supportable et finiront par mourir vers 75 ans, de maladies cardiovasculaires, respiratoires, de cancer ou de quelques accident. Bonne chance à tous ! »

Quelques lignes plus loin et dans la même veine, le livre se termine par ces mots :

« Faut-il envoyer un courrier de bienvenue ou une lettre d’excuse ? »

Seul (petit) regret, la période actuelle (depuis 1970) n’est pas la plus développée (ou peut-être, la connaissant mieux, nous apprenons moins) Pourtant, jamais les enjeux n’ont été aussi importants et les hommes aussi nombreux (la Terre a « gagné » presque autant d’habitants de 1970 à aujourd’hui que du début de l’humanité à 1970). Notons toutefois que les débats  " post-malthusiens " du début du siècle et des années 1950 ne sont pas négligés.

D’autre part, il manque en fin d’ouvrage un récapitulatif statistique qui permettrait au lecteur pour chaque période ou chaque région étudiée de mettre en perspective les propos tenus et les effectifs ou les densités de peuplement correspondants. De même, une courbe globale d’évolution de la population humaine depuis quelques siècles serait bienvenue. Il est vrai que, sans doute, la plupart des acheteurs de ce livre en connaissent déjà la pente infernale.

 

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 15:44

Sous les pavés il n'y a plus la plage

 Il y a l'enfer et la Sécurité  

                                                                                                  Léo Ferré, «Il n’y a plus rien»

 

Vie sécurisée – Société industrielle – Principe de précaution – Cas théorique le pire – Elimination de l’improbable –Valeurs de sécurité – Risque technologique majeur – Théorie des catastrophes – Pollution chimique –Accident nucléaire – Fukushima – Société de croissance – Société du risque démesuré – La contre-vie

 

Longtemps on a pu croire que notre société nous protégeait du risque. Mieux chauffé, mieux soigné, mieux nourri, l’homo industrialis a bénéficié de progrès constants. Avec la sécurité qui a envahi d’abord avec succès la logique réglementaire, et a gagné ensuite l’esprit même de nos choix quotidiens. Jusqu’à intégrer le principe de précaution dans notre ordre juridique au plus haut niveau. Jusqu’à accepter en contrepartie un accroissement notable de la contrainte sociale, un mode très encadré de nos comportements, un enfermement de nos vies pour ne pas reprendre la formule de Ferré.

Longtemps on a pu croire qu’on avait échangé la plage, l’aventure, la liberté, contre la sécurité. On s’est trompé. Nous nous sommes trompés.

La société de croissance, cette société qui met en mouvement la civilisation industrielle, fonctionne à coup de paris fous.

Comment qualifier autrement la logique qui a présidée à la dissémination dans la nature de 100.000 substances chimiques dans les soixante dernières années alors qu’il est impossible de mesurer leurs interactions et leurs effets (1) ?

Comment qualifier le choix qui a été fait d’utiliser à grande ampleur le PCB (ou polychlorobiphényle), au point de ne plus trouver une rivière un tant soit peu importante vierge de cette pollution, alors qu’on ne mesurait pas l’impact négatif et sans appel de ce produit ?

Comment encore qualifier la décision prise par le Japon d’installer sur un territoire connu pour sa sismicité violente des centrales nucléaires (2) sinon de pari fou ?

Il y a enfin un méta-pari fou, qui est bien plus qu’un rêve prométhéen : celui qui a consisté à penser le monde comme illimité. Et maintenant que notre société mondialisée touche aux limites de notre Terre qui n’en peut mais, un nouveau pari sur l’intelligence de la recherche&développement nous est proposé (3). Grâce à la technique et à un développement devenu durable, nous pourrions demain continuer à nous déplacer toujours plus loin toujours plus vite, à vivre toujours plus intensément et à manger toujours plus nombreux.

Demain nous serons entre neuf et dix milliards d’hommes sur la Terre à vouloir vivre selon des standards proches de l’occidental moyen actuel. Et plutôt que de changer drastiquement nos habitudes, on nous propose de faire ce pari bricolé (4) du développement durable. Qui est prêt à prendre ce risque ? Ne serait-il pas plus sûr de s’orienter sans délai vers une société modeste et sobre où une vita povera nous libérerait d’un matérialisme étouffant et sans saveur ?

Qu’avons-nous de plus cher au monde ? Si nous voulons donner la priorité à la vie et sortir de la société du risque fou, alors il nous faut sortir de la société de croissance.

_________________________________________________________________________

1 : L’effet cocktail complique grandement les choses ; trois substances chimiques peuvent chacune ne pas générer de problème à l’homme mais leur combinaison peut se révéler désastreuse. Le principe dose-effet posé par Paracelse est lui aussi battu en brèche, notamment au sujet des hormones ; c’est plutôt un effet faible dose que l’on peut constater, une sorte d’effet papillon en quelque sorte. Les perturbateurs endocriniens ne sont pas un fantasme, et les valeurs de sécurité utilisées pour déterminer les DJA (dose journalière admissible) et les LMR (limite maximale de résidus de pesticides) sont à tout le moins discutables. Tout ceci pour dire que le recours massif et sans précaution véritable à la chimie dans nos process peut atteindre assez vite un seuil de contre-productivité, concept cher à Illich, pour se transformer ensuite en élément destructeur. Nous sommes ici dans l’au-delà de la contre-productivité, nous sommes dans la contre-vie. Sur ce sujet, cf. Notre poison quotidien, Marie-Monique Robin, coll. Cahiers Libres, Arte Edition, mars 2011 ou Le livre noir de l’agriculture, Isabelle Saporta, coll. Documents, Ed. Fayard, février 2011.

 

2 : L’accident nucléaire majeur de Fukushima est le résultat exemplaire d’un raisonnement immodeste et irresponsable (a). On part d’un besoin en énergie d’un archipel pauvre en énergies fossiles, on calcule le risque de sismicité en regardant dans un passé de quelques siècles seulement alors que les spécialistes savent pertinemment que le temps de la géologie se calcule sur des milliers d’années, bref on élimine l’improbable pour raisonner sur le cas théorique le pire et lancer une opération industrielle qui ne supporte pas d’aléas majeurs et dont les effets négatifs peuvent se révéler immenses. Quand l’accident se produit, le ratio bénéfice-risque paraît alors hors de proportion et le risque technologique majeur pris apparaît inacceptable ; c’est alors seulement que la question du besoin en énergie du Japon est à nouveau posée, ou plus fondamentalement la façon dont les hommes occupent ce territoire. Sur ce thème, voir P. Lagadec, Le risque technologique majeur. Politique, risque et processus de développement. Paris-Oxford, Pergamon Press, 1981.

a ) Que dire de la position d’Ankara de maintenir sa décision de construire une centrale nucléaire sur le site d’Akkuyu à 25 km d’une faille sismique, après Fukushima ? Décidément le nucléaire est aussi le paradis des externalités négatives, le bénéfice immédiat étant pour la Turquie et le risque de contre-vie pesant sur l’ensemble des pays de la zone.

 

3 : L’idée de sortir de l’impasse environnementale dans laquelle la société mondialisée semble s’être engagée, par un ensemble de sauts techno-scientifiques et une exacerbation des logiques d’efficacité, s’inscrit dans la culture des Lumières, et par là se trouve à la fois rassurante et séduisante. Ainsi dix milliards d’humains pourraient vivre selon un mode de vie construit sur nos standards actuels écologiquement optimisés. Nulle rupture ici, les thuriféraires du développement durable et du cradle to cradle (a) sont bien les petits-enfants des zélateurs du Progrès et les enfants des managers de l’efficiency décrits notamment par Pierre Legendre (in Leçons II. L'Empire de la vérité. Introduction aux espaces dogmatiques industriels, Ed. Fayard, 1983).

Mais derrière les mots, il s’agit simplement de repousser les limites d’un monde perçu comme un environnement qui nous fait défaut, aux fins de poursuivre dans une orgueilleuse solitude (b) nos vies de consommateurs, sans remettre en cause l’expansion démographique de notre espèce.

a) Cradle to cradle : Littéralement « du berceau au berceau » l’expression faisant référence à la conception de produits autorisant un recyclage permanent. Cradle to cradle , Créer et recycler à l'infini. William McDonough (Auteur), Michael Braungart (Auteur), Alexandra Maillard (Traduction)  Etude (broché). Paru en 03/2011. Coll. Manifestô, Alternatives (Editions).

b) Sur ce thème, cf. Une folle solitude, le fantasme de l’homme auto-construit, Olivier Rey, Le seuil, 2006.

  

4 : Bricolé, le développement durable ? Bien sûr il est nécessaire d’améliorer nos installations et nos processus, et ces changements peuvent faire l’objet d’un consensus avec les tenants de la croissance verte, mais il y a aussi des limites physiques sur lesquelles on bute inévitablement (a). Comment nourrir, de façon saine et sans épuiser les sols, dix milliards d’hommes tout en exploitant la biomasse et en laissant suffisamment d’espace à la vie sauvage? Comment penser que l’éco-conception et le recyclage généralisé permettront, de façon durable et pérenne, à l’ensemble des populations du monde de vivre un peu comme nous avec quelques règles environnementalistes en plus ? Comment imaginer de pouvoir vivre en partageant une mobilité importante avec l’ensemble des hommes, tout en faisant l’impasse à la fois sur les technologies dangereuses comme le nucléaire et sur les énergies carbonées ? On ne saurait jouer le futur de notre monde sur l’invention prochaine du tapis volant… aujourd’hui le pari du développement durable ressemble plus à une ruse pour échapper à la nécessaire remise en question de nos grandes options sociétales qu’à une solution sérieuse. Or le temps nous est compté au vu de la rapide dégradation de l’état de notre planète. Les illusions de la techno-science, bases de la croyance dans le développement durable et la croissance verte, sont les ingrédients d’un pari fou dont nous sommes l’enjeu et ne font que retarder la mise en place des solutions radicales nécessaires.

a) Voir sur ce sujet l’équation dite de Kaya in Manicore - Qu'est-ce que l'équation de Kaya ? Jean-Marc Jancovici, décembre 2007. A la fin de son raisonnement Jancovici conclut : « avec les indicateurs que nous utilisons, la décroissance sera très difficile à éviter, non par idéologie, mais parce que, hélas pour nous, le monde est fini ».

 

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 13:24

Dans le cadre de sa série, le Champ des possibles, animée par M. Joseph Confavreux, France Culture a diffusé vendredi 18 Mars une émission consacrée à la Démographie sous le titre :

 

Faut-il restreindre notre fécondité pour sauver la planète ?

 

Etaient invités pour débattre :

 

-  Paul Ariès : Directeur du "Sarkophage"

-  Francis Ronsin  : Historien

- Didier Barthès : Co-rédacteur d'Economie Durable et porte-parole de l'association Démographie Responsable.

 

                 Ecouter  l'émission  

                 Lire la transcription de l'émission.

 

 

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 15:24

La démographie reste un sujet sensible. Elle est à l’origine de débats vifs et de réactions si épidermiques et si brutales que parfois, tout dialogue devient impossible. Pour certains, le tabou est absolu ; la question des effectifs de l’humanité est au mieux vide de sens, au pire interdite. Protéger la nature : certes ! Mais pas au point de mettre en cause notre nombre.

Lors d’une conférence téléphonique le 15 décembre dernier, j’ai pu évoquer cette question avec Nicolas Hulot et ai rappelé combien il s’agissait là d’un sujet déterminant.

La réponse de Nicolas Hulot est intéressante parce qu’elle est mesurée, parce qu’elle ouvre la porte au dialogue et aussi parce qu’on la trouve en filigrane chez d’autres auteurs et chez certains écologistes. Il est donc d’autant plus nécessaire de présenter ici ce que l’on peut opposer à un point de vue assez représentatif et que sa modération même rend séduisant.

 

Nicolas Hulot admet l’existence du problème et ne met pas d’interdit sur la discussion. Toutefois, il ne place pas une action sur la démographie au tout premier rang des urgences écologiques et préfère insister d’abord sur les nécessaires modifications de notre mode de vie et sur la régulation de notre consommation (nécessité qu’il n’est évidemment pas question de nier).

 

Nicolas Hulot avance plusieurs arguments pour justifier cette position :

- Le droit fondamental de chacun à se reproduire.

- La stabilisation annoncée des effectifs de l’humanité au cours de ce siècle.

- La priorité à donner au développement économique qui constitue à la fois un élément d’efficacité (à cause de la corrélation constatée entre développement et baisse de la natalité) et de justice sociale.

Puisque le dialogue s’est instauré, voici donc ce que l’on peut répondre à Nicolas Hulot

 

Le droit à se reproduire.

Ce droit à se reproduire est en effet fondamental et il faut rappeler encore une fois qu’en aucun cas il ne s’agit ici de se faire le chantre de mesures autoritaires en la matière.

Avoir des enfants est un droit. Cependant, que tous les hommes aient une descendance nombreuse est devenu une impossibilité physique dans le monde d’aujourd’hui, impossibilité vis à vis du respect de la nature, impossibilité vis à vis de notre propre avenir. Ce droit à une descendance sans limite est en réalité lourd de menaces pour les libertés mêmes qui sont invoquées pour le défendre.

Plus une population est dense, plus elle nécessite et plus elle génère de règles et d’interdictions. C’est bien dans un monde surpeuplé que les libertés seront le plus menacées. Et parmi ces libertés menacées, celle de se reproduire sera in fine particulièrement touchée.

L’histoire a déjà montré cet enchaînement funeste qui se retourne contre la liberté de procréer. L’exemple le plus emblématique est bien entendu le cas chinois. La Chine, qui avec plus de 1,3 milliard d’habitants reste le pays le plus peuplé du monde (1), a presque réussi à stabiliser la croissance de sa population qui menaçait son équilibre et son avenir. Comment y est-elle parvenue ? Par des pénalités de tous ordres, notamment de fortes contraintes financières en cas de dépassement du nombre d’enfants autorisés. Si certains se réjouissent du succès, d’autres (ou parfois les mêmes) se désolent de l’atteinte à la liberté que représentent ces réglementations.

Dans les deux cas il faut comprendre que ces mesures sont elles-mêmes le fruit d’un laxisme antérieur. Dans les temps précédant la Révolution Chinoise (1949) et ensuite pendant les 20 premières années du maoïsme le natalisme a été de rigueur. Le prix à payer plus tard n’en a été que plus lourd.

Ainsi, si demain, par absence de précautions, nous laissons l’humanité atteindre 9, 12 ou 15 milliards d’habitants nous préparons des après-demain aussi douloureux que liberticides. Nous ouvrons la voie à des mesures beaucoup plus contraignantes que celles qui pourraient être prises aujourd’hui (campagnes en faveur de la contraception accompagnées d’une libre mise à disposition des moyens contraceptifs et d’une abrogation des mesures natalistes financières ou fiscales notamment).

L’humanité doit prendre un peu de recul. La naissance de nombreux enfants était une loi naturelle dans un monde où la plupart de ceux-ci perdaient la vie bien avant d’être en âge de se reproduire à leur tour.

La persistance de ce comportement alors que la quasi-totalité des enfants survivent n’est plus possible vis-à-vis de notre planète et sa remise en cause ne relève donc plus d’un choix idéologique. Le changement des comportements doit accompagner l’évolution des conditions de vie.

C’est une chose merveilleuse que d’éviter la mort à tant d’enfants mais elle a un prix qu’il est sage et nécessaire d’accepter : nous ne pouvons plus avoir un nombre illimité d’enfants.

L’alternative est la suivante : Ou nous le décidons et organisons nous-mêmes cette décroissance de la natalité, ou les contraintes naturelles, qui n’auront aucune raison d’être douces (et elles ne le seront pas) nous l’imposeront.

Ceux qui évoquent la liberté totale pour la reproduction doivent donc être conscients du poids qu’ils feront peser sur les libertés de demain.

La liberté est un équilibre, elle n’est en rien une porte ouverte sur un monde sans contraintes. Il se trouve que Nicolas Hulot a lui-même insisté dans ses ouvrages sur ce fait que la liberté ne se définissait pas comme une absence de contraintes.

 

La fin annoncée de la croissance démographique.

Il est exact qu’une majorité de démographes estiment aujourd’hui que la croissance de nos effectifs devrait prendre fin au cours de ce siècle. On évoque le plus souvent une stabilisation de la population planétaire autour de 9 à 10 milliards d’habitants dans le courant de la décennie 2050 - 2060.

Cependant, cette perspective ne peut être considérée comme un argument définitif qui viendrait clore le débat car elle soulève beaucoup de problèmes. Problèmes qui sont liés au niveau de cette stabilisation, aux incertitudes sur sa venue et bien entendu aux causes qui la déterminent.

 

Tout d’abord : le niveau de cette stabilisation.

Avec 7 milliards de représentants, l’humanité a détruit la majorité des espaces naturels, elle a vidé les océans, exterminé l’essentiel de la mégafaune et la quasi-totalité des grands prédateurs (- 97 % de tigres en un siècle) !

Cette explosion démographique au détriment du reste du vivant ne s’est même pas réalisée pour le plus grand bénéfice de notre propre espèce : un milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition alors même que l’agriculture qui a fortement bénéficié des énergies fossiles pour accroître sa productivité au siècle dernier va devoir faire face très bientôt à un monde sans pétrole.

Dans ces conditions, peut-on raisonnablement croire que nous ferons mieux avec 9 ou 10 milliards d’hommes qu’avec 7 ? C’est improbable, d’autant qu’une telle croissance s’accompagnera (c’est déjà le cas) d’une urbanisation dévorante et d’un développement des mégalopoles. L’Homme est-il fait pour ce monde-là ? Des ensembles de 10, 20 ou 30 millions d’habitants sans plus aucun contact réel avec la nature, est-ce là le visage d’une société harmonieuse et respectueuse ? Est-ce là une promesse d’équilibre et de stabilité ? Non ! Se satisfaire d’un monde à 9 milliards d’habitants c'est déjà accepter un mode de vie destructeur et non durable.

 

En second lieu la plausibilité de cette stabilisation.

Cette prochaine stabilisation n’est qu’une hypothèse dont la réalisation n’est en rien garantie. Elle se trouve liée à la poursuite du mouvement de baisse des taux de fécondité, notamment dans les pays émergents et plus encore dans les pays aujourd’hui les moins développés.

Le 15 février dernier, M. Grégoire Allix a publié dans « Le Monde » un article validant les doutes que l’on pouvait entretenir quant à la stabilisation de la population mondiale. Un rapport de l’ONU est également récemment revenu sur cette question du risque de surpopulation.

Malgré l’inertie des mécanismes démographiques qui rend presque certaines les prévisions à 10 ans et très plausibles celles à 20 ans, l’avenir un peu plus lointain n’est pas écrit. Il dépendra notamment de l’évolution des taux de fécondité, évolution que nous ignorons.

La poursuite de la baisse constatée est une hypothèse qui ne peut être tenue pour certaine. Nous ignorons à quels « taux » se reproduiront les hommes dans 30 ou 40 ans. Or ces taux seront déterminants pour le niveau démographique des années 2050-2060 et, bien sûr, pour la fin du siècle. Ajoutons que les incertitudes sont d’autant plus grandes que des difficultés économiques se profilent à l’horizon. Les problèmes alimentaires et énergétiques que l’on voit poindre constitueront d’ailleurs à la fois les causes et les premiers effets de ces troubles économiques.

Bien entendu, il serait possible d’imaginer que les incertitudes jouent en sens contraire et que nous bénéficiions d’une heureuse surprise : une baisse permanente et même généralisée des taux de fécondité.

Nous ne pouvons toutefois pas compter sur cette possibilité pour éviter d’agir. Outre l’incertitude, il y a en effet asymétrie des conséquences. Si l’humanité est un peu moins nombreuse que prévue, alors sa survie n’en sera que mieux assurée alors que si ses effectifs continuent d’exploser, c’est son existence même et celle du reste du vivant qui se trouveront menacées.

 

Le développement économique comme facteur déterminant de la stabilisation démographique.

Il s’agit là de l’argument le plus souvent opposé pour ne pas faire de la lutte contre la surnatalité une priorité.

Même pour ceux qui admettent que la surpopulation constitue une menace, le développement économique apparaît comme l’outil le plus efficace pour la combattre.

L’argument est fort et contient d’ailleurs une part de vérité. Il s’appuie sur la constatation d’une forte corrélation statistique entre le niveau de développement économique et la faiblesse des taux de natalité (ou à l’inverse, entre le sous-développement et la surnatalité).

Bien que corrélation statistique ne soit pas synonyme de causalité, il semble bien que l’accès à une certaine aisance économique favorise le choix par les couples d’une descendance moins nombreuse. Il favorise naturellement la baisse des taux de mortalité infantile (les soins et les conditions de vie dans les pays développés y sont propices). Ainsi, la survie des enfants ne nécessite plus leur naissance en grand nombre pour assurer la descendance des familles.

Ce mécanisme prend toutefois un certain temps, que l’on appelle période de transition démographique, durant laquelle les gens continuent à avoir un grand nombre d’enfants qui, désormais, survivent, ce qui se traduit par une forte croissance démographique et par l’apparition de pyramides des âges démesurément élargies vers le bas, symptôme d’une population jeune. Réduire la durée de cette transition pour que très vite les couples réduisent leur nombre d’enfants est donc un objectif essentiel pour limiter l’explosion démographique et la meilleure façon d’y arriver est selon une majorité de démographes comme d’économistes d’accélérer ce développement.

Si l’on peut émettre quelques réserves sur cette méthode et préconiser en parallèle la mise en place de vigoureuses campagnes pour la promotion de la contraception (et la mise à disposition des moyens au plus faible coût possible) ce n’est pas pour nier l’évidence de l’efficacité du développement mais pour insister sur son insuffisance.

Cette insuffisance est notable.

D’une part, alors que, malgré la crise, le monde connaît globalement une forte croissance économique (supérieure à 4 % par an) cela n’empêchera en rien l’humanité d’atteindre les 9 milliards. Cette inertie est en partie due à la structure de la pyramide des âges mondiale. La population est jeune et donc va vivre encore longtemps. De plus, cette jeunesse implique que des effectifs nombreux vont arriver à l’âge de la reproduction. Il faut essayer d’agir pour limiter les conséquences de ce dernier phénomène.

D’autre part, le développement économique se trouve menacé par les problèmes écologiques mêmes qu’il génère. En particulier par la dégradation et la raréfaction des sols cultivables ainsi que par la très prochaine déplétion pétrolière et la raréfaction générale des énergies fossiles.

Comment compter sur le développement pour abaisser la natalité si celui-ci se trouve menacé ? Si le développement est la cause, ou au moins la condition nécessaire, de la baisse de la natalité, alors, tout arrêt dans la croissance économique pourrait signer l’arrêt de cette baisse ! Dans un monde en crise générale on peut craindre une (sur)explosion démographique.

Enfin, il faut noter ce qui semble une contradiction dans la position de Nicolas Hulot. Ce dernier compte sur le développement économique pour abaisser la natalité alors même que l’ensemble de son combat et de ses ouvrages mettent en avant les catastrophes écologiques dont ce même développement menace la planète. Son livre le « Syndrome du Titanic »,un titre on ne peut plus explicite devant notre aveuglement, explique clairement les choses.

Est-il raisonnable, pour régler un problème, de compter sur un mécanisme dont, par ailleurs, on dénonce les effets ?

Il faut alors, et c’est la position de M. Hulot comme de nombreux écologistes, imaginer un développement de nature différente qui aurait la bonté d’avoir les mêmes heureuses conséquences (baisser la natalité et enrichir les plus pauvres) mais sans avoir les mêmes malheureux effets (la dégradation dramatique de l’environnement).

C’est en partie le pari du fameux développement durable (qui, dans sa définition la plus partagée, ne fait malheureusement pas référence à la natalité).

Développement durable : Ces deux mots renvoient-ils à une réalité possible ou ne forment-ils qu’un oxymore ?

Il nous faut bien retenir la première hypothèse si nous voulons avoir une chance d’agir et de sortir une fraction de l’humanité de la misère.

Cependant, ne soyons pas naïfs. Même en faisant attention, le développement des pays les plus pauvres entraînera mécaniquement une hausse de la pollution, des quantités d’énergies fossiles et d’espaces consommés, même si une partie (sauf pour l’espace) de ces surconsommations pourrait se trouver compensée par une réduction des gâchis et des gaspillages dont font preuve les pays les plus riches (en admettant qu’ils le veuillent bien, on entend tous les jours les cris et les protestations que provoque la moindre hausse du prix des carburants).

Il est donc essentiel d’accompagner toute politique de développement d’une politique antinataliste pour limiter ses effets néfastes sur l’environnement.

Je ne prétends pas que cela fonctionnera partout et autant que souhaité, ni même que cela ne constituera pas qu’une cause secondaire (par rapport au développement général) de la baisse de la fécondité. Mais il faut le faire en même temps pour réduire autant que faire se peut la durée de la transition démographique durant laquelle les populations explosent.

 

L’énergie.

Un autre élément à long terme devrait rapprocher les écologistes en général et la Fondation pour la Nature et l’Homme de telles prévenances démographiques. C’est la question de l’énergie. Les seules énergies durables sont les énergies renouvelables, or ces modes de production ont une « intensité » moindre que la consommation de pétrole ou la production d’électricité nucléaire (qui pose certains problèmes et n’est certainement pas généralisable à l’ensemble de la planète).

Avec les énergies renouvelables, et même en économisant, il est difficile de faire vivre les immenses concentrations urbaines de notre monde et de répondre aux exigences de transports et de déplacements des sociétés modernes (exigences qu’il faudra de toute façon revoir à la baisse).

Autrement dit, le non-renouvelable n’est pas durable et le durable n’est pas adapté aux fortes densités.

Militer pour l’utilisation d’énergies renouvelables sous-entend d’accepter de plus faibles densités de population. C’est d’ailleurs ainsi, en comptant sur des énergies renouvelables et avec des effectifs bien moindres que l’humanité a vécu l’essentiel de son histoire. L’énergie éolienne a transporté les hommes sur toutes les mers du monde et moulu le grain bien avant d’être considérée comme le fin du fin de la modernité (même si aujourd’hui les éoliennes font débat).

 

De l’espace pour les animaux, de l’espace pour les forêts.

Les animaux, mais aussi la flore, ont besoin d’espace. D’ailleurs, Nicolas Hulot l’a reconnu au cours de notre entretien : « vous avez raison » a-t-il répondu à ma remarque sur ce sujet.

Il n’existe pas d’alternative. On ne fera jamais vivre la grande faune, et en particulier les prédateurs, au milieu de la population. Notre présence en nombre interdit de facto celle des grands animaux

Même tous frugaux, même tous respectueux de l’environnement, nous ne saurons concilier nos effectifs actuels et plus encore ceux que l’on envisage pour demain, avec l’existence d’une véritable faune sauvage.

Rappelons que les Etats-Unis et le Canada qui sont pourtant parmi les pays les plus montrés du doigt par les écologistes sont les seules nations occidentales développées à héberger une « mégafaune » encore digne de ce nom. Pourquoi aux Etats-Unis et au Canada plutôt qu’en Europe de l’Ouest au style de vie comparable ?

Pour une raison incontournable : la densité démographique. Les Etats- Unis ont 33 habitants au kilomètre carré, le Canada 3,4 tandis que la plupart des pays européens en abritent entre 100 et 350 (400 même pour les Pays Bas !). Dans les deux nations Nord-Américaines se trouve encore de la place pour des espaces vierges et donc pour la faune et la flore. Ce n’est plus le cas en Europe et bientôt, cela ne le sera plus dans nombre de pays en voie de développement.

Ce raisonnement remet en cause l’universalité de certains calculs basés sur une « empreinte écologique » qui ne prendrait en compte que les émissions de CO2 ou d’autres « polluants » et selon laquelle un américain « vaut » (c’est à dire pollue ou impacte sur la planète) comme 20, 30 ou 50 habitants de telle ou telle nation moins favorisée.

Les choses ne sont pas si simples et il est bien hasardeux de résumer l’impact d’un être humain à un seul chiffre.

Ajoutons d’ailleurs que les modifications climatiques qui accaparent aujourd’hui l’essentiel des débats (et par là des éléments des calculs d’impact individuel) pourraient avoir des effets limités à quelques siècles alors que la disparition des espèces liée à nos effectifs aura des conséquences sur des millions d’années. Combien faudra-il de temps à la nature pour « réinventer » un tigre ou son équivalent ?

Ce débat sur les animaux correspond à une réalité bien matérielle mais il a aussi un sens moral. Une humanité qui se moquerait du sort qu’elle réserve aux autres espèces ne serait tout simplement pas digne des efforts consentis pour la préserver et pour lui assurer un avenir supportable. C’est là aussi le sens profond d’un combat pour une démographie plus modeste et plus responsable.

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(1) Cette situation devrait perdurer jusque vers 2025. Au-delà, selon toute vraisemblance, c’est l’Inde qui passera en tête de ce classement démographique. Difficile d’imaginer ce que donnera ce pays immense qui en 2050 aura une densité supérieure à 550 habitants au kilomètre carré (4,8 fois la densité française d’aujourd’hui) et qui devra faire vivre plus d’un milliard et demi d’habitants dont plusieurs centaines de millions de personnes âgées. Qui osera alors prôner une augmentation de la natalité pour lutter contre le vieillissement de la population ? Et pourtant, nombreux sont encore les économistes qui prédisent à l’Inde un avenir plus brillant qu’à la Chine grâce à son dynamisme démographique !

nb: L'ensemble des arguments présentés ici ont été préalablement publiés sur le site de l'association Démographie Responsable 

 

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 15:16

L'Earth System Research Laboratory (ESRL) vient de publier les statistiques 2010 de concentration de CO2 dans l'atmosphère à partir des études menées sur le volcan Mauna Loa.

Si, avec + 2,4 ppm, l'année ne marque pas la plus forte croissance jamais enregistrée (1),  la décennie désormais achevée : 2000 - 2010 a  battu tous les records d'augmentation  avec + 20,4 ppm en dix ans ce qui correspond à + 5,5 % (soit + 0,54 % par an).  

La décennie précédente, de 1990 à l'an  2000 avait pour sa part connu une augmentation de 15,2 ppm ce qui correspond à  + 4,3 % (soit + 0,42 % par an).

Non seulement la croissance du taux CO2 ne recule pas, mais elle accèlère en termes absolus et même en termes relatifs. Nous modifions sensiblement la composition de notre atmosphère et cela de plus en plus rapidement.

L'avenir promis au charbon et la récente explosion de l'exploitation des gaz de schistes ne sont pas pour inverser cette inquiétante tendance.

Quant à l'évolution du taux de CO2 sur longue période, le graphique ci-dessous vaut tous les discours.  Elle est forte, continue, durable et sans le moindre signe d'affaiblissement depuis 1960.

Nous voilà en moyenne sur l'année 2010  avec 389,78 ppm de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, autant dire 390 (contre 280 à l'ère pré-industrielle). Nous nous dirigeons tout droit vers les 400 que nous atteindrons vers 2015. Nul doute que nous nous attaquerons alors au pic des 500 avec le même allant.

 

Graphique co2 CO2 annuel janvier 2011-copie-1

courbe rouge: données brutes, courbe noire: données désaisonnalisées

 

Pour plus d'informations, consultez les  statistiques de l'ESRL 

Voir également les pages chiffres clefs du CO2 sur ce site.

 

(1) L'année 2003 avait connu une augmentation de + 2,6 ppm. Sans battre le record donc, 2010 constitue cependant l'une des années de plus forte croissance de ce taux de CO2. Vous pourrez remarquer une divergence entre ces données et d'autres que l'on trouve sur le lien indiqué de l'ESRL.  C'est parce qu'ici les croissances annuelles sont calculées sur les valeurs moyennes de l'année alors que le tableau fourni sur le site de l'ESRL les donne sur les valeurs au 1er janvier (et là c'est en 2002 que le record de croissance avait été atteint).

Rappel : ppm = parties par million (dans le total des molécules athmosphérique ne sont pas comprises les molécules d'eau (vapeur) dont la proportion est variable en temps comme en lieu). 

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