Il y a de cela quelques jours, dans la région lyonnaise, mon regard fut attiré ou, devrais-je dire, ma vue fut arrêtée par un grand immeuble de verre et de béton comme il en pousse dans toutes les villes et les banlieues du monde. Peu de temps auparavant se trouvait là un terrain vague hébergeant quelques arbres et des herbes abandonnées aux bons soins de la nature.
A la base du bâtiment courait une palissade couverte de pictogrammes tellement schématiques qu’à les voir montait immanquablement au cerveau l’odeur de plastique des trains corails ou des TGV, là où, on le sait, la communication prend la forme de dessins pour enfants de maternelle. On apercevait donc à intervalles réguliers les croquis d’un arbre bien vert avec son tronc marron, d’une fleur à cinq pétales tous identiques, d’un soleil à huit rayons et deux ou trois autres symboles à l’avenant. Une affiche venait clore cette bucolique série pour nous informer que cet immeuble relevait d’une Haute Qualité Environnementale et respectait toutes les normes d’économie d’énergie !
Je veux bien le croire. La construction étant inachevée, elle vomissait par ses panneaux manquants des multitudes de tubes en plastique et de larges vagues de mousses isolantes qui, si elles ne risquaient pas de laisser s’enfuir la moindre calorie ne respiraient pas la verdure pour autant. Celle-ci a avait été entièrement éradiquée des alentours : à la place du bâtiment bien sûr, mais aussi sur les trottoirs dûment bitumés, sur la chaussée nouvelle et sur tout ce qui approchait le moderne building. Plus un arbre, plus une herbe : juste ce certificat de conformité environnementale sur un support brut et aseptisé.
Sur cette façade jamais ne grimpera le lierre ou la vigne vierge, jamais la moindre graine perdue par le vent n’aura l’heur de germer. L’usure du temps qui habille si joliment la pierre enlaidit le verre et le béton, nous forçant encore et toujours à les nettoyer à grand renfort de solvants, de travail et d’énergie. Pas de risque non plus que la toiture ne soit agrémentée de quelques nids, ce sera une dalle plate d’une effroyable pauvreté. Dois-je dire que bien sûr, jamais les occupants de ce grand et drôle de cube dont un angle est partiellement biseauté (l’architecte à son honneur) ne verront la couleur des choses ? Comme il se doit, les vitres en sont teintées et le ciel n’y sera jamais bleu.
Ce monde là, ce monde concentré, qui sent à l’avance et à toute force, le tag, la banlieue, le béton, l’urbain, le bitume et la climatisation peut bien se targuer de toutes les normes environnementales qu’il voudra. Il peut se peindre en vert et se donner les formes les plus tarabiscotées pour se prétendre moderne ; il restera toujours à mes yeux un monde laid, à mille lieux de la nature et du respect qu’on lui doit. Si l’écologie prend ce visage ; celui d’une norme qui se moque de la beauté, qui se moque de rester à l’échelle humaine, qui se moque de s’inscrire dans le temps (donnez-vous la peine d’imaginer de ce qui restera de cela dans un ou deux siècles), alors je ne suis plus écolo.
Je veux des jardins, des petites maisons, des courettes avec un arbre à l’intérieur qui laisseront aux enfants des souvenirs de toute une vie, des pierres chaudes au soleil où dormiront les chats. Je veux des herbes folles qu’aucun service ne viendra éradiquer au nom même de l’environnement.
Ce monde là nécessite d’être moins nombreux, plus modestes. Il est à l’opposé d’une vision marketing d’un développement durable qui n’est qu’un oxymore, un habit nouveau et hypocrite pour une soif de croissance et de bonne conscience qui ne nous mènera à rien. Haute qualité environnementale : Vraiment ?