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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 06:04

Il y a de cela quelques jours, dans la région lyonnaise, mon regard fut attiré ou, devrais-je dire, ma vue fut arrêtée par un grand immeuble de verre et de béton comme il en pousse dans toutes les villes et les banlieues du monde. Peu de temps auparavant se trouvait là un terrain vague hébergeant quelques arbres et des herbes abandonnées aux bons soins de la nature.

A la base du bâtiment courait une palissade couverte de pictogrammes tellement schématiques qu’à les voir montait immanquablement au cerveau l’odeur de plastique des trains corails ou des TGV, là où, on le sait, la communication prend la forme de dessins pour enfants de maternelle. On apercevait donc à intervalles réguliers les croquis d’un arbre bien vert avec son tronc marron, d’une fleur à cinq pétales tous identiques, d’un soleil à huit rayons et deux ou trois autres symboles à l’avenant. Une affiche venait clore cette bucolique série pour nous informer que cet immeuble relevait d’une Haute Qualité Environnementale et respectait toutes les normes d’économie d’énergie !

Je veux bien le croire. La construction étant inachevée, elle vomissait par ses panneaux manquants des multitudes de tubes en plastique et de larges vagues de mousses isolantes qui, si elles ne risquaient pas de laisser s’enfuir la moindre calorie ne respiraient pas la verdure pour autant. Celle-ci a avait été entièrement éradiquée des alentours : à la place du bâtiment bien sûr, mais aussi sur les trottoirs dûment bitumés, sur la chaussée nouvelle et sur tout ce qui approchait le moderne building. Plus un arbre, plus une herbe : juste ce certificat de conformité environnementale sur un support brut et aseptisé.

Sur cette façade jamais ne grimpera le lierre ou la vigne vierge, jamais la moindre graine perdue par le vent n’aura l’heur de germer. L’usure du temps qui habille si joliment la pierre enlaidit le verre et le béton, nous forçant encore et toujours à les nettoyer à grand renfort de solvants, de travail et d’énergie. Pas de risque non plus que la toiture ne soit agrémentée de quelques nids, ce sera une dalle plate d’une effroyable pauvreté. Dois-je dire que bien sûr, jamais les occupants de ce grand et drôle de cube dont un angle est partiellement biseauté (l’architecte à son honneur) ne verront  la couleur des choses ? Comme il se doit, les vitres en sont teintées et le ciel n’y sera jamais bleu.

Ce monde là, ce monde concentré, qui sent à l’avance et à toute force, le tag, la banlieue, le béton, l’urbain, le bitume et la climatisation peut bien se targuer de toutes les normes environnementales qu’il voudra. Il peut se peindre en vert et se donner les formes les plus tarabiscotées pour se prétendre moderne ; il restera toujours à mes yeux un monde laid, à mille lieux de la nature et du respect qu’on lui doit. Si l’écologie prend ce visage ; celui d’une norme qui se moque de la beauté, qui se moque de rester à l’échelle humaine, qui se moque de s’inscrire dans le temps (donnez-vous la peine d’imaginer de ce qui restera de cela dans un ou deux siècles), alors je ne suis plus écolo.

Je veux des jardins, des petites maisons, des courettes avec un arbre à l’intérieur qui laisseront aux enfants des souvenirs de toute une vie, des pierres chaudes au soleil où dormiront les chats. Je veux des herbes folles qu’aucun service ne viendra éradiquer au nom même de l’environnement.

Ce monde là nécessite d’être moins nombreux, plus modestes. Il est à l’opposé d’une vision marketing d’un développement durable qui n’est qu’un oxymore, un habit nouveau et hypocrite pour une soif de croissance et de bonne conscience qui ne nous mènera à rien. Haute qualité environnementale : Vraiment ?

 

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 10:24

Les récents projets d’interdiction des villes ou au moins de leurs centres aux véhicules les plus anciens illustre l’une des dérives les plus désolantes à laquelle la protection de l’environnement puisse donner lieu. Ce n’est pas la première fois que la conscience écologique fait fausse route, favorise le gaspillage et sert de prétexte à une défense des industries et des comportements les plus polluants mais nous atteignons là un summum. Cette dérive était déjà le fait des publicitaires (1), on pouvait le comprendre, mais là c’est au nom de la protection de l’environnement qu’on la promeut !

Combien faudra-t-il de temps ou de kilomètres pour que le faible différentiel de consommation entre anciens et nouveaux véhicules déja fortement amoindri par l’augmentation de la puissance et du poids des automobiles viennent rendre écologiquement favorable la construction d’une nouvelle voiture et la destruction accélérée de la précédente ?

Du fait de l’utilisation de ses produits et de l’empreinte gigantesque qu’elle suppose sur le biotope, l’industrie automobile est l’une des plus destructrice de la nature. Eh bien cette industrie trouve dans les lois de défense de l’environnement un de ses plus fervents soutiens. On rêve, on cauchemarde, Ubu prend le pouvoir.

A la base d’un comportement écologique devrait se trouver la promotion de la durabilité des objets. C’est exactement le contraire que l'on nous propose. Changez votre auto (pour une plus puissante dans 95 % des cas, avec climatisation systématique et qui bientôt devra rouler phares allumés même en plein soleil), changer votre chaudière, changer votre ampoule (tant pis si la nouvelle contient du mercure) changez changez  changez… Et si vous ne changez pas, vous aurez une taxe, une interdiction… La vie douce, la vie modeste qui entretient et soigne les objets, ce comportement qui devrait constituer notre modèle devient ainsi la cible de ceux qui se font les héros de la lutte pour l’environnement.

Ce besoin de changement touche tous les domaines et se généralise à la vie privée comme aux biens collectifs. Combien de fois entend-on : Cet avion, cette usine, cette centrale a plus de 20 ans ? Comme si l’outil industriel lui aussi devait se plier aux caprices de la vie accélérée. Or il est normal que cet outil dure, c’est la garantie même de sa rentabilité. Construire pour durer, et faire durer quand les choses existent devrait être notre vade mecum. Si une centrale électrique ne doit durer que 10 ans, alors, non seulement l’électricité coûtera plus cher mais sa production générera in fine beaucoup plus de troubles à l’environnement et beaucoup plus de déchets du fait même d’un recyclage nécessairement plus fréquent.

L’action frénétique est une cause essentielle de la dégradation du monde. Un peu de « non agir », un peu de temps sont les ingrédients essentiels d’une vie durable et d’une humanité supportable pour le monde.

 

(1) Ce sujet avait déjà été abordé dans l’article "les dérives de la publicité"

 

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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 16:04

Il est courant que les caprices de l’atmosphère soient accusés de nuire à la qualité de l’air. Ainsi chaque fois qu’une inversion de température ou qu’une absence de vent empêche l’évacuation des fumées parisiennes, c’est la météo qui est déclarée responsable de la pollution ! A cet étrange raisonnement nous étions habitués, mais ce matin une nouvelle étape a été franchie.

Ce 5 janvier, sur une grande radio, RTL,  mais l'information a été ensuite été relayée par d'autres médias, nous apprenions que la pluie menaçait la Grande Barrière de Corail, au large des côtes australiennes. A peine le temps de se demander par quel mécanisme les gouttes d’eau allaient éroder les précieux coraux que l’explication limpide fut donnée par la journaliste : Les pluies allaient entraîner vers l’océan les pesticides et autres produits délicats que les hommes avaient épandus sur les terres !

La nature ne fait vraiment aucun effort ! Comment pourrons-nous sauver l’environnement si elle n’y met pas un peu du sien et s’acharne ainsi à s’autodétruire ? Les écologistes sont les avocats d’un client bien difficile !

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 12:48

Les conséquences de l’épisode neigeux que connaît la Région Parisienne sont fort révélatrices de la fragilité  de nos sociétés face à de (petits) bouleversements extérieurs : 10 cm de blanc et nous voilà bloqués. Que se passerait-il en cas de véritable tempête de neige ou de débordement de la Seine ?  

Mais les récriminations que suscitent ces difficultés ne sont pas moins significatives. Elles illustrent au mieux notre rapport particulier à la nature. Bien entendu, qu’un automobiliste « englué » dans sa voiture depuis trois heures soit énervé, cela est compréhensible. Que celui qui attend ses trop courtes vacances depuis plusieurs mois soit exaspéré de les voir sérieusement amputées voir menacées par les difficultés de circulation des trains, des autos ou des avions, cela se conçoit.

Cependant, il existe un autre volet au problème qui va au-delà de la réaction immédiate.

Tout d’abord, les exigences envers les pouvoirs publiques sont pour une fois excessives. Bien sûr, on pourrait imaginer les services de la voirie plus efficaces ou mieux équipés. Toutefois, qui, dans le même temps, est prêt à signer son augmentation d’impôts pour que la ville et la région entretiennent en permanence les outils, les personnels et les compétences nécessaires à un déneigement qui se révélera utile en moyenne cinq ou six jours par décennie ? 

On pourrait également suggérer que chacun, plutôt que de se retourner par réflexe vers la puissance publique, prenne en charge une partie du problème (utilisation de pneus neige ou mieux encore, non-circulation ces jours là, car dans une région sur-urbanisée comme l’Ile de France toutes les autres solutions connaissent rapidement leurs limites).

Il est enfin concevable que, quelques jours par an, nos sociétés tournent un peu différemment. Que les enfants n’aient pas classe, deux ou trois fois dans l’année n’est pas inimaginable (cela en plus, leur fera de jolis souvenirs). Que quelques bureaux remettent à demain les dossiers ce n’est pas dramatique, Quant aux commerces, globalement la consommation n'étant pas interrompue, ils vendront, les jours suivants ce qu’ils n’ont pu écouler durant les intempéries.  

Mais il y a plus profond et plus inquiétant dans ce que révèlent ces reproches. C’est la non-acceptation des contraintes de la nature. Nous souhaitons que chaque jour se déroule comme le précédent, que rien jamais  ne viennent troubler l’ordre de nos sociétés. Alors que nous nous proclamons (presque) tous écologistes, nous voulons faire comme si la nature n’existait pas et ne devait jamais rien nous imposer. Dit plus crûment, nous vantons la nature tout en réclamant, en exigeant même, un monde artificiel !  

L’affaire est importante car elle ne touche pas seulement l’enneigement des grandes villes ou quelques difficultés du même ordre.

Il s'agit bien de la même négation, du même aveuglement qui nous font refuser la prise en compte des problèmes liés à la surpopulation, à l’épuisement des réserves fossiles ou à la disparition des espèces. Nous faisons comme si le monde physique n’existait pas. Nous nions ses limites et en refusons les contraintes  afférentes. 

En conduisant le raisonnement à son terme, c'est notre statut d’êtres vivants que nous refusons pour revendiquer celui d’êtres artificiels dans un monde artificiel. Inutile d’aller plus loin, c’est une voie sans issue.

Il est une philosophie modeste qui consiste, face à une difficulté à ne pas chercher à toute force, et surtout à tout prix, à la résoudre mais au contraire à l’accepter (et il se trouve  que dans le cas présent, elle est particulièrement acceptable).

C’est probablement de ce type d’attitude dont l’humanité a besoin pour affronter les questions d’environnement. Acceptons nos limites et celles de notre monde et ne faisons pas le pari de la toute puissance. C'est un pari aussi peu sympathique que perdu d’avance.

 

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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 15:48

Nombreux sont ceux qui considèrent la conférence de Nagoya comme un succès notamment par ce qu’elle nous engagerait dans la voie d’un élargissement des zones protégées.

Certes, mais on peut faire deux remarques qui ne laissent pas d’inquiéter et en réalité remettent tout en cause.

Tout d’abord la question démographique a été complètement mise de coté, comme d’ailleurs dans la quasi-totalité des conférences sur le sujet. Comment réussira-t-on à protéger des surfaces plus importantes si, dans le même temps, plus d’hommes viennent occuper les terres ? Faudra-t-il tous les entasser ? Les nourrir d’une agriculture hors sol ?

En second lieu voici un commentaire très représentatif qui illustre combien fondamentalement notre état d’esprit n’a pas changé.

« Les objectifs chiffrés reconnaissent la valeur des bénéfices irremplaçables que la nature fournit à l’homme sous forme de nourriture, de combustible, de fibre ou d’eau potable dont chacun dépend » a conclu Andrew Deutz, responsable de l’organisation américaine Nature Conservancy.

La nature n'a donc aucune valeur par elle-même. Il faut la protéger pour pouvoir continuer à l'exploiter, c’est un simple outil au service de l'homme et son économie.

Je persiste et signe, cette conception utilitariste est une double erreur. Une erreur morale et une erreur pratique qui nous conduisent à l’impasse.

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 14:30

   Les shadocks, vous vous souvenez ? C'étaient ceux qui prenaient l'eau derrière leur bateau et la mettaient devant pour continuer d'avancer ... et ils pompaient, ces fabuleux shadocks, ils pompaient !! avec l'inoubliable voix de Claude Piéplu pour nous conter tout ça.
   Claude Piéplu est mort, les Shadocks sont désormais entrés dans l'histoire du XXème siècle, mais nous avons gardé intact notre capacité à défier la physique et le bon sens.

   Un exemple ? Paris dans le cadre de l'opération 'Nature Capitale' couvre complètement pour ce week-end de Pentecôte 2010 les Champs Elysées de champs de blé, d'haies et d'arbres.

   Il a fallu pour ce faire préparer des centaines de caisses remplies de morceaux de nature découpée, qui là un peu de blé, qui ici un cognassier, qui encore un beau charme, pour ensuite les transporter et les mettre en place à l'aide de dizaine de transpalettes. Des centaines de personnes y travaillent. Et on attend 2 millions de personnes. Et le responsable de l'opération Gad Veil, interrogé (1), parle fièrement de ce projet en évoquant 'une nature en situation'.

   Mais quoi de plus artificiel que tout cela ? Quoi de plus inutile ? Quoi de plus insensé ?

   Ceci n'est qu'une gabegie qui traumatise inutilement des végétaux, qui a un impact carbone désastreux, qui se situe dans le déni des coûts de transport, qui occupe des centaines de personnes, et ce pour rien de tangible et de durable. La même logique que celle de Paris-Plage, mais pour un temps qui se mesure ici en jour et non en semaine. Ceci ne fait que s'inscrire dans cette logique de flux qui caractérise notre société aux dépens d'un développement soutenable.

   Il faut aussi avoir perdu gravement le sens des mots pour évoquer, au sujet de centaines d'arbres et d'arbustes déplacés hors de leur milieu sur du bitume aussi prestigieux soit-il pour seulement 3 jours et à grand frais, une nature en situation. Cette fraude lexicale n'est pas sans risque, comme en avertissaient en leur temps Platon ou Camus (2).

   Mais il faut peut-être prendre cette qualification au sérieux et s'interroger. Que cela veut-il nous dire ? De quoi cette nature-là est-elle le nom ? Une nature qui vient à nous, dans le centre de nos territoires urbains, enfin bordée, encadrée, propre, serait-ce cela sa place la plus désirable, la plus admirable, sa meilleure place en somme ?

   Alors il faut sans doute comprendre que c'est ce rapport-là à la nature que nous prépare ces étonnants écologistes au pouvoir à Paris et en Ile-de-France, ces écologistes qui ont accepté Paris-Plage et ladite opération de Nature-Capitale, ces écologistes citadinisés qui préfèrent prôner l'entassement urbain plutôt que la maîtrise démographique, ou la socialisation du vélo (3) au mépris de tous les coûts plutôt que la trop simple responsabilité de chacun de son deux-roues, ces écologistes idéologisés qui en période de déficits publics graves défendent le principe très classique à gauche d'une imposition des revenus du capital plutôt que la création de taxes sur les activités polluantes (4), ces écologistes enfin qui ne voient dans la nature qu'un environnement à la disposition de l'homme (5) qu'il faut juste gérer un peu plus intelligemment, plutôt que d'essayer de penser l'homme comme une vie parmi la vie dans ce merveilleux biotope qu'est la Terre.

 

   Avec ces éco-Shadocks, nous n'avons pas fini de défier la physique et le bon sens ; si nous les écoutons, nous n'avons pas fini de pomper ....

 

(1) au JT de 13h00 sur TF1 le vendredi 21 mai 2010.  

(2) "La perversion de la cité commence par la fraude des mots" avait dit Platon, idée reprise par Camus : "Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde".

(3) Cela s'appelle Vélib et coûte cher à la fois au niveau de la gestion spatiale du parc de vélos et au niveau de l'entretien des machines. Sans compter les milliers de vélos détruits ou trouvés au fond du Canal de l'Ourcq. A l'inverse les propriétaires de vélo font attention à leur engin et les font durer plusieurs années, d'où une économie de ressources naturelles (un vélo, c'est aussi quelques kilos d'acier et d'alu) et humaines: les centaines de personnes préposées à la maintenance doivent à la longue s'interroger sur le sens d'un travail qui consiste à réparer des dégradations pour la plupart volontaires.

(4) Ce qui revient par exemple mais trés concrètement à taxer la personne âgée qui loue son logement pour financer sa maison de retraite médicalisée plutôt que la personne qui se paie des week-end en avion à l'autre bout de l'Europe ; sur ce thème, voir entre autres les diverses déclarations de Cécile Duflot, leader du parti des Verts.

(5) Difficile de ne voir autre chose que 'notre bon plaisir' dans ce déplacement de végétaux effectué ce week-end de Pentecôte pour Nature Capitale ; comment mieux prouver que la nature est à notre disposition ?

 

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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 07:15

 

  Pourquoi la France ? Parce qu’elle est notre pays et que nous en sommes responsables … même s’il faut reconnaître que le chemin suivi, hormis peut-être le choix massif et persistant du nucléaire civil, n’a guère été différent de ceux des pays comparables.

 

  Pourquoi parler des quarante dernières années ? Simplement parce qu’un désir de retour à la nature et la révolte contre la société de consommation ont éclaté à la fin des années 60, avec dans la foulée la publication d’une somme de réflexions et de rapports portée par un mouvement écologique naissant. Parce que depuis le début des années 70, il n’est pas possible pour un responsable politique ou un citoyen informé de n’être pas au courant de la rupture grandissante des équilibres de notre biotope. Bref, nous connaissions l’urgence écologique ; or qu’avons-nous donc fait depuis ?

 

  En apparence nous avons fait beaucoup de progrès.

 

  Sur le plan politique, un mouvement minuscule – rappelons-nous le 1% de René Dumont à la présidentielle de 1974 – est devenu la troisième force politique du pays, le ministère de l’écologie est devenu le ministère majeur, et le principe de précaution est même devenu un principe constitutionnel.

 

  Sur le plan économique, le concept de développement durable et son corollaire la croissance sélective sont partagés par l’ensemble ou presque des acteurs. La consommation des produits écolos ou bio poursuit une croissance ininterrompue depuis 30 ans. Et les produits énergivores sont dorénavant encadrés par des normes strictes, avec une fiscalité accompagnatrice comme sur les voitures.

 

  Quant aux media, pas un jour sans nous diffuser des émissions sur la nature, sans nous inciter à modérer notre consommation ou à modifier nos comportements.

 

  En un mot, le vert est partout, semblant dicter notre vie quotidienne.

 

  Mais qu’en est-il en réalité ?

 

  En quarante ans, nous avons :

 

  • liquidé l’immense majorité de nos agriculteurs, dépeuplé les campagnes et accentué le phénomène d’urbanisation-rurbanisation du territoire, au prix d’une agriculture fonctionnant au pétrole et aux intrants chimiques et d’une population banlieurdisée perdant ses repères à force de vivre hors sol,
  •  habitué nos concitoyens à payer de moins en moins cher leur nourriture tout en consommant de plus en plus de plats préparés industriellement et grand consommateurs d’emballage et de transport en tout genre, ceci aux fins de libérer à la fois du temps domestique et du pouvoir d’achat, 
  • ouvert la France sur le monde entier en matière de produits consommés, avec l’immense avantage de disposer immédiatement de produits manufacturés produits dans les pays pauvres donc moins chers pour nous Français, même si dans un second temps cela signifie la disparition ou la délocalisation d’une partie de notre appareil productif … une logique à courte vue mais belle et bien choisie par une majorité d’entre nous, comme un exemple parfait d’externalité négative ! Tout ceci au prix d’une part d’un développement considérable des échanges internationaux générateur de pollution et de déséquilibres, et d’autre part d’un chômage de masse qui nous rend d’autant plus addict à la croissance, pris que nous sommes dans un cercle vicieux …
  • massifié l’usage de l’automobile au point d’inscrire durablement son usage dans l’organisation de l’espace, en quadrillant le pays de voies rapides, de rocades et d’autoroutes, et en colonisant l’espace urbain, 
  • multiplié les départs en vacances et généralisé les voyages aériens, tout ceci étant bien agréable mais entre-autre grand pourvoyeur de CO2 pour la planète,
  • augmenté sensiblement la taille de nos maisons ou de nos appartements, oubliant de prendre en compte l’impact en matière d’emprise, de construction et de chauffage, 
  • encouragé tous les acteurs à disposer de plus de confort personnel sans souci des conséquences écologiques, que ce soit par l’usage de plus en plus d’objets, le chauffage des terrasses extérieures des cafés, ou le recours aux médicaments ou traitements comme la pilule contraceptive  responsable de la féminisation des poissons des rivières et de la disparition de certains d'entre eux ...
  • et fait croitre la population sur notre territoire de plus de 25%, ce qui suppose toujours plus d’espace à consommer pour l’habitation, la nourriture, les loisirs, au détriment des autres occupants du territoire, arbres, fleurs, animaux.

  

  Or, tout ceci a un impact direct sur notre empreinte écologique.

 

  Il faut le dire, la France d’il y a quarante ans, celle du début des années 70, même si l’écologie était une question marginale pour beaucoup, était bien plus écologique ! Autrement dit, nous n’avons pas seulement perdu quarante ans pour adapter notre pays au respect de notre biotope, nous avons aggravé de façon lourde notre impact sur le territoire que nous occupons tout en parlant de plus en plus ‘vert’. Et les Français d’aujourd’hui, au-delà de la maîtrise des mots de l’écologie et du développement durable, sont sans doute sur un plan pratique moins préparés que ceux d’il y a quarante ans à vivre en réduisant leur empreinte écologique.

 

  Concrètement nous nous pensons écolos en nous contentant d’une douche par jour, en recyclant nos bouteilles en verre, en achetant du lait bio et en prenant le TGV pour partir en week-end alors que l’empreinte que nous faisons peser sur notre biotope n’a jamais été aussi forte.

 

  Mais sommes-nous prêts à préparer nos repas à partir d’aliments non-transformés en y passant le temps nécessaire comme le faisait nos grands-parents ? A payer plus cher notre nourriture et notre logement afin que ceux-ci soient conformes à des normes bio ? A acheter moins de vêtements, moins de gadgets, moins de meubles ? A nous contenter de produits majoritairement locaux ? A garder nos télévisions, nos ordinateurs et nos téléphones au moins 10 ans ? A ne partir en vacances avec nos voitures qu’une ou deux fois par an à quelques centaines de km de nos domiciles ? A ne plus prendre l’avion pour visiter des pays lointains ou même un peu éloignés ? A ne pas avoir plus de 2 enfants par couple ? A changer de travail si nous travaillons dans un secteur qui doit décroître ?

 

  Sommes-nous prêts à vivre plus sobrement et à partager cette aventure ensemble ? Comment faire, comment passer d’une France de plus en plus anti-écologique dans la réalité de ses comportements à une France responsable ? C’est bien le défi des prochaines années et un axe de réflexion à la fois inconfortable et stimulant pour ceux qui veulent une terre vivante.

 

 

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30 mars 2010 2 30 /03 /mars /2010 05:43

 

   En décembre, échec à Copenhague.

 

   En mars, abandon de la taxe carbone française.

 

   Même à la mode, l’écologie est un combat difficile ; nous assistons à une double impuissance.

 

    Impuissance des Etats assemblés, incapables d’adopter une politique claire et contraignante de sauvegarde des écosystèmes, minés qu’ils sont par leurs impératifs immédiats et par les rancœurs d’un monde marqué par le développement inégal et le colonialisme.

   Impuissance d’un Etat de taille moyenne, pourtant héritier d’une histoire mondiale, à mettre en place un début de fiscalité écologique, via une taxe carbone, dans un monde ouvert à la concurrence.

 

   Si la coordination des états ne fonctionne pas et si les états sont incapables pour eux-mêmes d’amorcer des politiques écologiques, prisonniers qu’ils sont des règles d’une économie libre-échangiste et du jeu incontrôlable des externalités négatives, alors comment traiter la question écologique? Comment croire que la société civile puisse avoir suffisamment d’énergie pour cela alors que des pans entiers de population vivent hors sol, coupés de notre biotope, drogués à la consommation ?

 

  Comment enrayer cette résistible ascension du pessimisme qui nous étreint ?

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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 13:10

 

    Sans avoir de goût particulier pour hurler avec les loups, comment ne pas se joindre aujourd’hui au concert de protestations qui accompagnent l’abandon de la taxe carbone par le gouvernement ?

 

  Nous annoncions, il y a peu, deux mauvaises nouvelles pour l’environnement, il aurait donc fallu dire trois. A la première difficulté l’écologie passe à la trappe, il arrive précisément ce que nous redoutions (voir aussi : Panique à bord, écologie par-dessus bord). Comment imaginer que ces propos seraient aussi vite et aussi exactement illustrés ?

 

    Il y six mois à peine, la taxe carbone était présentée comme une réforme essentielle pour la protection de l’environnement. Même modeste, et elle l’était encore beaucoup trop, elle marquait un début de volonté.

 

   Sans doute, son impact sur les émissions planétaire de CO2 eut été infime, mais elle pouvait donner à la France un rôle exemplaire, susceptible d’entraîner les autres pays européens dans la bonne direction. Un peu de courage, un peu d’exemplarité, telles étaient ses vertus, on voit ce qu’elles sont devenues. S’il fallait illustrer le reniement…

 

 

   Cet abandon va au-delà de celui de taxe carbone. Par essence la protection de la nature est une œuvre de long terme. Il faut accepter de sacrifier des résultats ou des conforts d’aujourd’hui pour préserver demain et après demain.

   Malgré sa modestie, cette taxe relevait de cette démarche. Son abandon c’est aussi le retour à une logique de court terme, celle qui conduit inexorablement à l’échec.

 

  Bien des " excuses ", bien des " raisons ", viendront justifier une aussi funeste décision : La peur d’une contrainte économique mal venue, la peur d’une sanction électorale. Bien sûr, un  habillage présentable de la décision sera trouvé, cela commence déjà et l'on entend dire : On la refera plus tard... Sous une autre forme... En liaison avec nos partenaires européens…
   Ne soyons pas dupes !

 

  Par cette absence de vision, par ces petites lâchetés successives l’humanité va détruire sa planète.
   On attendait mieux d’un homme d’Etat, on attend mieux, en réalité, de tous les hommes.

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D’autres réflexions sur cette reculade : Les sites Notre Planète Info et Manicore (de M. Jean-Marc Jancovici).


http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2320_taxe_carbone_abandon.php

http://www.manicore.com/documentation/articles/Taxe_C_Echos.html

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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 17:20

"On ne fait rien si l'on ne s'attaque à l'essentiel."


   Cette dernière quinzaine a vu tomber deux mauvaises nouvelles pour l’environnement. Apparemment sans rapport immédiat, elles participent de la même logique et justifient un réel pessimisme.


   La première est le constat d’échec de la protection du tigre (*). Le tigre est emblématique car c’est un grand prédateur dont la présence est difficilement compatible avec une humanité nombreuse et conquérante. Ses effectifs actuels seraient réduits à 3 200 animaux en liberté. Autant dire rien !
   Ils étaient 100 000 au début du siècle ! La baisse atteint donc 97 % ! Plus récemment encore, on a constaté l’accélération du phénomène. Selon le WWF, le nombre de tigres en Inde (pays où ils sont le plus nombreux) serait passé de 3 600 à 1 400 entre 2002 et 2008 soit un écroulement de plus de 60 % en 6 ans !
   A ce rythme, la fin est proche, dans 10 ans le tigre aura peut-être disparu !


   L’autre mauvaise nouvelle relève des propos de M. Nicolas Sarkozy à l’occasion du dernier salon de l’agriculture. Le Président de la République y a déclaré : " Les questions d’environnement : ça commence à bien faire. " On peut imaginer qu’il ne s’agissait là que de flatter un électorat supposé peu favorable aux thèses écologistes, on peut aussi y voir une confirmation de ce que nous évoquions dans l’article : " Panique à bord, écologie par-dessus bord. "


   A la première difficulté, l’écologie passe à la trappe, elle n’est pas l’objet de l’action politique, elle reste considérée comme une variable d’ajustement.

  Ces deux nouvelles sont des constats d’impuissance. D’une certaine façon la déclaration du Président de la République constitue une explication de l’échec dans la protection des tigres.


  Nous n’avons pas mis tous les moyens et donc nous avons échoué.


  Le tigre est, par sa beauté, peut-être le plus triste des exemples, il n’est hélas pas le seul. L’actualité récente du thon rouge illustre à merveille notre incapacité à prendre la mesure du problème et à engager des réformes, en l’occurrence pour le thon rouge, l’arrêt immédiat et absolu de toute capture.


  La question environnementale est la question principale qui se pose aujourd’hui à l’humanité. Nous ne gagnerons rien, qu'ici ou là, un report de quelques années, à ne prendre que des demi-mesures.  
   Il faut cesser de voir dans la protection de la nature une contrainte pour l’économie, un simple élément annexe que nous devrions prendre en compte. II faut faire de cette protection l’objectif même de l’activité des hommes, nous n’avons plus le choix. L’économie doit être un outil, non un but en soi.


   En d’autre termes, nous sommes, ou plutôt nous devrions, nous placer dans la situation d’une économie de guerre. Dans ce type d’économie tout est rapporté à un seul but. Les activités ne sont pas destinées à répondre aux intérêts de telles ou telles catégories, elles sont toutes soumises à l’impératif principal.


   Il arrive que les problèmes atteignent un tel stade de gravité que l’économie de guerre constitue la seule solution.
 Nous y sommes. Ou l’environnement devient la priorité absolue, ou le combat est perdu.


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(*) " Nous avons lamentablement échoué à protéger le tigre, pourtant listé comme espèce en danger depuis plus de trente cinq ans "

    " On arrive à un stade où [les tigres] ne pourront tout simplement plus se reproduire "


   Déclarations de M. John Sellar, Responsable de la lutte contre la fraude, lors de la récente réunion de la CITES, la Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées.

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