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11 avril 2019 4 11 /04 /avril /2019 12:04

Il y a quelque chose de terrible dans les catastrophes, au-delà des dégâts et des morts … c’est qu’on les oublie. Bien qu’on ait inventé l’écriture, ce moyen de stocker la parole et l’expérience, de transmettre les faits marquants de génération en génération, notre culture est ainsi faite que les faits désagréables sont assez vite recouverts par la poussière de l’histoire. Ainsi la catastrophe de Vaison-la-Romaine en septembre 1992 fait écho à une crue similaire datée de 1616 inscrite dans les archives municipales de la ville où se trouve une délibération datée d’août 1616 indiquant que « le conseil de ville devait faire réparer le parapet du pont romain détruit par une inondation qui avait aussi emporté plusieurs maisons ». Or tout cela était bien oublié et les zones à risques avaient été bétonnées et occupées comme si de rien n’était.

De même nous enfouissons dans les plis profonds de notre mémoire commune l’éruption du Tambora qui s'est produite en 1815 sur l'île de Sumbawa, en Indonésie. Si les scientifiques ont commémoré les 200 ans de l’éruption la plus puissante, la plus meurtrière, la plus lourde en conséquences climatiques et économiques du dernier demi-millénaire (1), il faut bien reconnaître que celle-ci est peu prise en compte pour penser le monde d’aujourd’hui et de demain. Au-delà des impacts régionaux impressionnants qu’on peut chiffrer à environ 70 000 morts, l’impact climatique de l’éruption est important : en Europe, la température moyenne chute de 3 degrés et l’année 1816 sera surnommée l’«année sans été» avec de la pluie ou de la neige parfois qui ruinent les cultures. Ses effets ?  «Le prix des céréales a doublé entre 1815 et 1817 des deux côtés de l’Atlantique», souligne Clive Oppenheimer, géographe à l’Université de Cambridge, et concrètement la famine fait 100 000 victimes en Europe : la natalité chute, la mortalité augmente de 4 % en France, de 6 % en Prusse, de 20 % en Suisse et en Toscane. Et un peu partout, des émeutes de la faim éclatent. « On estime (2) que ce dérèglement climatique fut à l'origine d'une famine qui fit plus de 200 000 victimes sur la Terre. »

Et que dire alors de l'éruption du Samalas en 1257 ? Plus forte encore que celle du Tambora, avec un panache volcanique atteignant 43 kilomètres d'altitude, ses conséquences ont été mondiales avec entre autres 20 à 30 % de la population londonienne morte de famine en 1258-1259 (3). Cette éruption, bien qu’enregistrée dans la ‘chronique de Lombok’ (le Babad Lombok) conservée dans un musée à Jakarta, a été perdue de vue et il a fallu une recherche digne d’un roman policier pour que les scientifiques en retrouvent la trace et l’identifie.

Le Tambora, le Samalas, en fait ces deux volcans répondent à la définition du cygne noir selon Nicholas Taleb, à savoir « un certain événement imprévisible qui a une faible probabilité de se dérouler (appelé « événement rare » en théorie des probabilités) et qui, s'il se réalise, a des conséquences d'une portée considérable et exceptionnelle ».

Or que fait-on aujourd’hui ? Avec presque 8 milliards d’humains sur Terre, et bientôt dix dans 30 ans, nous calculons nos possibilités alimentaires comme si tout allait continuer sans surprises ni événements imprévisibles. Sans cygnes noirs, alors que l’histoire récente – 2 catastrophes volcaniques mondiales dans le dernier millénaire – nous indique le contraire. Mais si un cygne noir est par nature imprévisible, il n’est pas interdit d’essayer de prévoir et d’anticiper les crises (4), et au moins de ne pas oublier les catastrophes passées dont nos sociétés ont gardé traces et de s’en servir  pour déterminer nos limites. Ne pas tangenter un maxima de besoins et donc de ressources dont l’histoire nous enseigne la précarité, c’est le premier pas vers une société résiliente qui protège les hommes. On aimerait que les démographes qui ont un discours rassurant sur l’évolution de notre nombre et les écologistes qui nous indiquent que l’agroécologie pourrait nourrir jusqu’à 12 milliards d’humains soient un peu plus prudents et n’oublient pas que jamais tout se passe comme prévu.

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1 : Voir notamment la revue Nature Géoscience.

2 : Voir ce lien.

3 : Voir « l’éruption du Samalas » (Wikipédia).  

4 : Il y aurait lieu de s’interroger sur notre capacité collective à mettre sous le tapis les informations dérangeantes, cette inquiétante volonté de ne pas voir. Est-ce un optimisme forcené qui irrigue nos choix ? Une paresse qui confine à la bêtise ? La peur de regarder les choses en face ? Ne faudrait-il pas aussi y voir la manifestation de ce sentiment de toute-puissance qui nous laisse croire que nous serons toujours plus forts que l’adversité ?

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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 20:24

Il y a quelque chose de sympathique dans cette pétition. Dans le titre d’abord, qui met la question écologique à sa juste place, la première. Et puis, cette façon de prendre l’État français au piège de ses propres discours et engagements internationaux pour le contraindre à agir enfin sérieusement en faveur de l’écologie a un côté arroseur/arrosé qui ne peut que plaire au pays de Guignol ; et qui rappelle, comme un écho formidable, la façon dont des dissidents comme Léonide Pliouchtch, Andreï Sakharov, ou Václav Havel, Jan Patocka et les signataires de la charte 77 (1) se sont battus avec le totalitarisme soviétique, en s’arque-boutant sur le droit et les engagements pris par leurs pays pour faire aboutir leur combat pour le respect des droits de l’homme : ce fut sans doute l’affaire - gagnée - de la seconde partie du XXème siècle.

Après le départ de Nicolas Hulot du gouvernement, le besoin de prendre à bras le corps la problématique écologique semble se cristalliser et prendre enfin l’ampleur attendue : quelque chose se passe, allant bien au-delà de la complaisance sympathique qui a accompagné le mouvement écologique depuis la candidature de René Dumont en 1974. Quelque chose se passe donc, et les 2 millions de signatures recueillis en quelques jours seulement au bas de la pétition « L’Affaire du Siècle » y participent et en témoignent à la fois.

D’où vient alors comme une réticence à la lecture de cette pétition ? Une gêne d’abord face à l’affirmation péremptoire que « le prix de nos factures énergétiques explose », alors que nous payons nos carburants fossiles grosso modo au même prix qu’en 1960 (2). Et que le prix de l’électricité facturée aux ménages reste dans les clous de l’indice des prix à la consommation depuis  1960 (3). Bien sûr, les temps ont changé depuis les années 60 : nos voitures d'aujourd’hui consomment moins et nos maisons sont mieux isolées thermiquement, ce qui jouerait plutôt à la baisse ; mais a contrario la distance domicile-travail s’est allongée, nous avons pris l’habitude pour nombre d’entre nous de vacances plus fréquentes et plus lointaines, et nos logements sont plus grands. En somme s’il est difficile de dire que nous dépensons des montants à l’identique pour nos factures énergétiques, il est complètement erroné d’évoquer une quelconque explosion de ces mêmes factures. Alors pourquoi cette fake new ? Faut-il y voir une incompétence des pétitionnaires, bien incompréhensible de la part d’écologistes pour qui la question énergétique est essentielle et placés à la tête d’associations puissantes (4) qui pèsent sur les débats publics depuis plusieurs années ? Faut-il y voir alors une tentation de céder à l’esprit du temps et à ses facilités démagogiques et racoleuses ? En tous cas, rien de rassurant au sujet d’une démarche présentée comme capitale pour la survie de nos sociétés et argumentée si légèrement.

Et le trouble s’accroît à la lecture des obligations d’agir énoncées.

Ainsi l’État devrait « nous fournir des alternatives en matière de transport ». Si l’on peut imaginer que la puissance publique améliore les transports en commun dans les zones d’habitat dense, que peut-il sérieusement faire pour proposer des alternatives non polluantes pour tous les habitants des zones rurales et périphériques ? Que proposer à un retraité âgé d’une petite ville devant se rendre à un centre hospitalier distant de 60 km à 11h 00 du matin ? Du covoiturage avec plusieurs véhicules ? Prendre 2 ou 3 lignes de cars et de bus ? Là où ce retraité peut effectuer en voiture particulière le déplacement confortablement et en 1h 20 environ, il lui faudra prévoir entre 2 et 3 heures, avec en plus le stress de rater une correspondance au moindre dysfonctionnement et de perdre alors le rendez-vous médical qu’il attend depuis plusieurs mois. N’en déplaise à certains, la France n’est pas la Suisse avec son espace structuré en vallées permettant  à un réseau ferré d’être efficient. Et le raisonnement peut être tenu pour beaucoup de travailleurs et d’habitants hors des grandes villes, dont les contraintes supposeraient un réseau d’une telle densité et d’une telle fréquence qu’il en devient matériellement impossible. La voiture électrique à pas cher alors ? Mais c’est oublier que celle-ci pollue aussi dans son cycle de vie comme avec ses pneus, et en supposant de plus résolue la question de l’énergie.  A moins d’inventer rapidement le tapis volant, il est illusoire aujourd’hui de défendre l’idée d’une mobilité propre similaire à celle que nous connaissons. Ce qui est demandé dans la pétition à l’État est une mission impossible.

Autre demande : l’État « doit investir dans la rénovation des logements ». Mais est-il réaliste et politiquement acceptable de demander à l’État de s’impliquer en investissant dans la rénovation thermique des logements, hormis le logement social ? En France, et cela fait partie de notre pacte social et politique, ce sont les particuliers qui se logent, en construisant, en achetant ou en louant leur habitation sur le marché. Ce serait donc normalement aux particuliers qu’il incomberait d’investir dans la rénovation des logements, et non à l’État. La difficulté aujourd’hui est que cet investissement n’est pas rentable, le prix de l’énergie économisée (note de la claviste : bien qu’il ait explosé selon les pétitionnaires, mais alors pas du tout assez !) ne permettant pas d’amortir l’investissement à consentir dans des délais raisonnables. D’où cet appel à l’État, considéré comme une bonne fée permettant de disposer des logements thermiquement rénovés sans en payer le coût, c.-à-d. sans faire grossir la part du budget des français dans le logement. Et comment l’État pourrait-il faire ces investissements ? « Les investissements nécessaires pour remédier à la catastrophe devraient être financés majoritairement par les plus aisés » nous propose cette pétition (5). Le problème est que la fiscalité est déjà lourde dans notre pays pour les classes aisés et que le surcroît de recettes fiscales qu’on pourrait en attendre ne permettrait certainement pas de financer le dixième des investissements nécessaires. Faut-il y voir alors une nouvelle tentation de cette pétition de céder à l’esprit du temps et à ses facilités démagogiques ?

Il est aussi proposé que l’État « doit instaurer l’accès de tous à une alimentation suffisante, saine et de qualité ». Difficile ici de ne pas être d’accord et on peut comprendre qu’il s’agit de généraliser une alimentation bio, donc une agriculture biologique qui permettrait aussi de revitaliser nos campagnes par les meilleurs revenus qu’elle génère et les emplois supplémentaires qu’elle nécessite par rapport à l’agriculture industrielle et chimique aujourd’hui massivement majoritaire. Mais il faut préciser, et la pétition s’en garde bien, que cette alimentation bio a un coût, et que les français, sauf les plus pauvres qu’il faudrait aider, devraient, si elle était adoptée, accepter de consacrer une part de leur budget nettement supérieur aux 12 % actuels, sans doute autour de 18-20 %, sans compter un temps plus important à prévoir pour préparer leur repas.

Résumons-nous. Cette pétition en s’en remettant à l’État pour traiter ‘l’Affaire du Siècle’  laisse croire à la majorité d’entre nous – soit « les classes moyennes et les plus démunis » pour citer la pétition (6) - qu’il serait possible, sans trop changer ni nos budgets ni nos habitudes, de continuer à vivre une mobilité forte, de disposer de logements économes en énergie et de manger sainement, tout en étant à l’abri de l’impact des changements climatiques devenus inéluctables (7) ; et il suffirait pour cela que l’État, acculé juridiquement à respecter des engagements pris « sans aucunement l'intention de tenir parole » pour reprendre l’expression d’Alexandre Calinescu évoquant les dirigeants communistes des années 70, ou sans en mesurer tout l’impact, fasse tout simplement son travail. Disons-le tout net, ce n’est pas comme ça que ‘l’Affaire du Siècle’ pourra se réaliser.

Si on devait écrire l’écologie pour les nuls, trois points sont à mettre en avant pour opérer une réelle transition écologique. D’abord, un budget des ménages français majoritairement consacré à la nourriture et au logement. Ensuite et corollairement, bien moins d’achats en matière d’habillement, de communication et d’amusement. Enfin, une mobilité limitée supposant de travailler le plus près possible de chez soi et de consommer le plus possible de produits locaux, ce qui signifie aussi se passer de produits incorporant une main d’œuvre payée à bas coût à l’autre bout du monde pour augmenter notre pouvoir d’achat ; sans compter l’abandon des vacances pas chères à 2 ou 3 heures d’avion. Voilà pour les moins et beaucoup d’écologistes n’osent pas les dire. Mais surtout il y a des plus. Vivre dans un logement sain, aménagé avec des matériaux biosourcés est un vrai confort. Manger bio, avec plus de légumes et bien moins de viande, et retrouver la saveur oubliée des aliments après avoir pris le temps de les cuisiner a du sens. Consommer local en gardant un lien avec les producteurs de nos objets quotidiens contribue à développer une qualité de vie que nous avons peu à peu oubliée. Sans compter qu’un mode de vie plus sain dans un environnement bien moins pollué aurait des répercussions positives sur l’état de santé de chacun. Et qu’un mode de production intégrant des contraintes écologiques fortes devrait amener à intégrer plus de travail humain dans la réalisation de nos objets et services, supposant une baisse de productivité selon nos critères économiques actuels mais laissant entrevoir la diminution du chômage tant recherchée depuis 40 ans. Certains qualifient cette démarche globale de ‘sobriété heureuse’, même si ici nous préférons parler de "vita povera", pour insister sur les efforts à accomplir par nous tous qui se sont accoutumés à des degrés divers à la facilité d’un monde construit sur le pillage de la planète.

L’État n’a pas de baguette magique et il est illusoire et dangereux de croire et de faire croire que les changements à opérer pourraient se faire sans la remise en question décrite en quelques mots plus haut, juste en attendant que l’État résolve, au moyen d’une puissance qu’il n’a jamais eue, les difficultés de la transition écologique. Par contre la politique et l’État ont un rôle majeur à jouer dans le pilotage de ce changement civilisationnel. C’est à l’État et à ses politiques qu’il revient après débats, études, discussions, votes, de proclamer que le changement est inéluctable et nécessaire et qu’il convient que chacun d’entre nous, en fonction de ses moyens, s’attende à y prendre sa part en acceptant un véritable bouleversement des habitudes prises depuis un demi-siècle. C’est à l’État qu’il revient d’interdire les produits nocifs pour l’homme et la biodiversité dans des délais très courts en imposant le recours à l’agriculture biologique ; et ceci n’est pas une utopie, l'Etat du Sikkim (Himalaya) est devenu la première région où l'agriculture est exclusivement biologique (8). C’est à l’État qu’il revient d’énoncer des normes pour un habitat économe en énergie à partir de matériaux biosourcés et de faciliter (par un taux de tva hyper-réduit par exemple) les travaux à engager, qui seront financés in fine par un coût du logement accru. L’État ne peut pas tout, et il revient aux classes supérieures et moyennes de modifier radicalement leurs structures de dépenses pour y faire face ; mais l’État-Providence est là et doit le rester pour accompagner les moins aisés d’entre nous, comme il le fait aujourd’hui avec le logement social, et comme il devra le faire pour permettre à ceux qui n’en ont pas les possibilités d’accepter l’impact des nouvelles normes écologiques. C’est à l’État aussi qu’il revient d’abandonner la politique de grands travaux souvent qualifiés d’inutiles ou de démesurés : combien d’économies à réaliser en arrêtant les nouveaux aéroports, les grands stades, les liaisons ferroviaires ou autoroutières encore prévues ? C’est encore à l’État qu’il revient, par une politique douanière à imaginer en lien avec les institutions européennes (éventuellement basée sur une taxation de la distance parcourue par les productions lointaines), de décourager l’importation d’objets réalisables sur nos territoires régionaux, français ou européens. C’est enfin à l’État de mettre un terme à sa politique nataliste afin qu’une correspondance durable s’établisse entre notre nombre et les ressources de notre territoire. La liste est longue et déborde le sujet du présent article. Bref l’État doit définir un cadre et accompagner ses citoyens avec une vraie empathie pour conduire ce changement, qui est un vrai saut dans l’inconnu, mais bien moins dangereux que la continuation de ce que nous faisons actuellement et qui nous mène dans un mur.

Voilà ce que nous pourrions demander à l’État pour que l’Affaire du Siècle soit l’Affaire de Tous.

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1 : Comme le dit Alexandre Calinescu in Le figaro du 24/01/2017, « les signataires de la Charte 77 demandaient une chose, en apparence, très simple: le respect des principes de la Conférence d'Helsinki. Mais, évidemment, les leaders communistes n'avaient aucunement l'intention de tenir parole, tout comme ils se moquaient des droits inscrits dans la constitution de leurs propres pays. La Charte demandait donc (dans l'esprit d'Helsinki) la liberté d'expression, la liberté de circulation des idées, la possibilité pour chaque citoyen de formuler des opinions politiques indépendantes et de prendre des positions critiques à l'égard des problèmes sociaux, la liberté des cultes, la liberté d'association et de manifestation. »

2 : Le prix du litre d’essence en euros constants était de 1,46 euros en 1960, il est à quelques centimes près au même prix aujourd’hui (Source : Annuaire Statistique de la France). Voir aussi l’article très documenté de Jean-Baptiste Noé « Evolution du prix de l’essence (1960-2008) » publié le 24/01/2011 in Contrepoints.

3 : Avec pour être précis un décrochage du prix de l’électricité par rapport à l’évolution de l’indice des prix à la consommation à partir de 1985, et un rattrapage depuis 2010. Sur ce point, voir l’observatoire de l’électricité (note de conjoncture, les prix de l’électricité en France).

4 : Il s’agit précisément de 4 associations : Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France. Les 3 dernières sont des associations anciennes et reconnues comme interlocuteurs par les pouvoirs publics.

5 : On retrouve cette idée dans la proposition de Dominique Bourg de recréer un ISF dédié aux investissements écologiques. Dominique Bourg : « Ce que je propose c'est un ISF vert » in l'invité du grand entretien de Nicolas Demorand à 8h20 le 23/11/2018.

6 : « Alors que les investissements nécessaires pour remédier à la catastrophe devraient être financés majoritairement par les plus aisés, les classes moyennes et les plus démunis y contribuent aujourd’hui de manière indifférenciée » in L’affaire du Siècle § 3.

7 : Il est écrit dans la pétition que l’État « doit aussi mettre en place les dispositifs indispensables à l'adaptation de nos territoires et à la protection de nos côtes ». Faut-il en déduire que les pétitionnaires demande que face à la montée inévitable du niveau de la mer qui va remettre en question une partie de nos villes et de nos infrastructures littorales, l’État doive construire sans cesse des remblais et des enrochements pour que nous ne soyons pas impactés par les conséquences du dérèglement climatique de l’anthropocène ? Alors que bien des écologistes militent pour laisser la mer agir en soulignant que ce combat est perdu d’avance, que le remède est souvent pire que le mal et que la seule chose à faire est d’organiser un repli progressif. Encore une fois se dessine, derrière cet appel à l’État, un rapport fantasmé à une toute-puissance qui n’existe pas.

8 : A noter que la transition pour une agriculture 100 % bio a été décidée au Sikkim en 2003 et a été effective en 2018. Et de nombreux autres Etats (Mizoram, Arunachal Pradesh et le Kerala) se sont engagés à devenir entièrement bio à leur tour dans les prochaines années. Pour en savoir plus, notamment sur les difficultés rencontrées et en grande partie surmontées voir cet article, « La région du Sikkim achève sa conversion au tout biologique ».

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6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 19:44

Par Gilles Lacan, magistrat honoraire

 

Le référendum d’initiative partagée, introduit dans notre Constitution par la révision du 23 juillet 2008, prévoit qu’une proposition de loi cosignée par le cinquième des membres du Parlement, soit 185 députés ou sénateurs, peut être soumise au référendum si elle recueille le soutien d’un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales, soit un peu plus de 4,5 millions d’électeurs.

Cette proposition de loi doit porter sur l’organisation des pouvoirs publics, des réformes en matière économique, sociale ou environnementale, ou encore la ratification d’un traité. Un tel dispositif ne permet donc ni une révision de la Constitution, ni la révocation d’un élu.  Enfin, dans le cas où la proposition de loi a recueilli les soutiens citoyens nécessaires, elle est dans un premier temps transmise au Parlement et c’est seulement si elle n’a pas été examinée dans un délai de six mois par les deux assemblées qu’elle est soumise au référendum.

Entrées en vigueur le 1er janvier 2015, ces dispositions constitutionnelles n’ont jamais été appliquées.

Aujourd’hui, le mouvement des Gilets Jaunes, par la voix de ses porte-paroles, réclame un référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui sur plusieurs points importants différerait du référendum d’initiative partagée : le nombre des soutiens citoyens requis pour le provoquer serait ramené à 700 00 électeurs, il pourrait porter sur la révision de la Constitution ou la révocation des élus, enfin le Parlement n’interviendrait à aucun stade de son processus.

Ce dernier aspect du projet est contraire à l’esprit de nos institutions. Loin d’opposer représentation par les élus et expression référendaire, la Constitution veille à les associer, qu’il s’agisse des dispositions relatives à la souveraineté nationale (article 3) ou de celles relatives à l’organisation des référendums (articles 11 et 89). L’intervention directe du peuple dans le processus législatif ne signifie pas, du moins chez les fondateurs de la Ve République, l’exclusion des élus.

Certes, l’exigence de la signature initiale par un cinquième des parlementaires de la proposition de loi référendaire limite l’espace politique de ses auteurs potentiels. Mais ce nombre est normalement atteint par le principal parti d’opposition : il l’était par le PS de 2002 à 2012, il l’est par l’UMP/LR depuis 2012. Ainsi, la capacité de l’opposition à déterminer le contenu d’une pré-campagne référendaire, c’est-à-dire à se battre sur le terrain politique de son choix et à l’imposer au gouvernement, est rendue possible par la révision du 23 juillet 2008. Ce n’est pas là son moindre mérite. La cosignature de la proposition de loi par 185 parlementaires est aussi une garantie de la qualité du texte.

De la même manière, la possibilité de révoquer des élus est une mauvaise idée. L’irrévocabilité des élus, conforme à la tradition républicaine, est la contrepartie logique tant de la durée limitée de leur mandat, que du caractère non impératif de celui-ci. Au demeurant, cette revendication dans les circonstances présentes vise clairement le président Macron : est-il légitime que 700 000 électeurs remettent en cause l’élection d’un homme ayant rassemblé sur son nom près de 21 millions de suffrages ? Avant lui les présidents Sarkozy et Hollande avaient été élus avec près de 19 millions et plus de 18 millions de voix. La démocratie, c’est d’abord le respect de la majorité.

La Constitution, parce qu’elle est la loi fondamentale de la République, ne peut être modifiée que d’une main tremblante, pour reprendre l’expression de Montesquieu. L’article 89 exige que tout projet de révision, avant d’être soumis au référendum ou au vote à la majorité qualifiée du Congrès, ait été adopté en termes identiques par chacune des deux assemblées. Il s’agit là d’une disposition essentielle qui garantit le caractère bicamériste de notre système parlementaire et qui, en même temps, interdit à une majorité de passage de modifier à son profit les règles du jeu.

Les projets de RIC qui circulent actuellement substitueraient à cette double majorité de l’Assemblée nationale et du Sénat une simple initiative citoyenne de quelques centaines de milliers d’électeurs. Quand bien même cette initiative devrait en réunir plusieurs millions, le compte n’y serait pas. L’accord préalable des deux chambres du Parlement garantit la stabilité et la pérennité de nos institutions, sans empêcher leur adaptation aux changements ni leur évolution lorsque cela s’avère nécessaire. La Constitution a déjà été modifiée vingt-quatre fois, c’est déjà beaucoup en soixante ans. Il n’y a pas lieu d’élargir les conditions de la procédure de révision.

En revanche, les initiateurs du RIC critiquent à juste titre le nombre des soutiens requis pour déclencher le référendum d’initiative partagée. Obtenir l’adhésion formelle de quelque 4,5 millions d’électeurs, même en l’espace de neuf mois, délai prévu par la loi organique, semble hors de portée d’un parti politique, en tout cas suffisamment aléatoire pour dissuader celui-ci de tenter l’entreprise.

Il faudrait ramener ce seuil de un dixième à un vingtième du corps électoral, soit environ 2 250 000 électeurs, chiffre déjà très élevé mais qui avait été presque atteint, quoique de manière informelle, par la CGT et plusieurs autres syndicats et associations, lors d’une votation citoyenne sur la privatisation de la poste, organisée du 28 septembre au 3 octobre 2009. Sans logistique administrative autre que celle de municipalités de gauche, ils avaient alors rassemblé plus de 2 120 000 votants en un peu moins d’une semaine.

Enfin, sur un dernier point, le référendum d’initiative partagée mériterait d’être réformé, concernant la phase conclusive du processus. L’article 11 de la Constitution dispose en effet qu’après validation par le Conseil constitutionnel du soutien du dixième au moins des électeurs inscrits, « si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique [six mois], le président de la République la soumet au référendum ».

Cette disposition permet à une majorité parlementaire opposée à la proposition de loi d’éviter qu’elle soit soumise au référendum en se bornant à l’examiner dans le délai fixé, quitte à en modifier le contenu par voie d’amendements, voire à l’enterrer par un vote de rejet. Elle prive d’une grande partie de sa portée l’instauration du référendum d’initiative partagée.

Pour donner toute son effectivité à la réforme de 2008, il suffirait de remplacer le terme « examinée » par le terme « adoptée » dans le corps de l’article 11. Le Parlement aurait alors le choix, soit d’adopter purement et simplement la proposition de loi portée par une large partie de l’électorat, et d’éviter de la sorte la tenue d’un référendum, soit de s’y refuser, ce qui obligerait le président de la République à organiser ce référendum. Le peuple aurait ainsi le dernier mot.

Plusieurs responsables politiques s’effraient à l’idée du RIC ou de l’assouplissement des conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative partagée, craignant de voir consulter le peuple sur des sujets comme les traités européens, l’immigration, le rétablissement de l’ISF ou la suppression du Sénat. Mais, d’une part, le peuple est la source ultime de légitimité dans la démocratie : ses représentants n’ont de pouvoir que par délégation, le mandataire ne peut avoir plus de pouvoir que le mandant. D’autre part, le RIC ou le référendum d’initiative partagée ne doivent pas porter sur la Constitution : ainsi, la question de la suppression du Sénat ne pourrait pas être soumise à cette procédure, pas plus du reste que celle du rétablissement de la peine de mort, son abolition étant désormais inscrite dans la Constitution.    

Entre technocratie et populisme, la République doit affirmer son autorité. D’autant qu’entre ces deux maux, le plus grand péril aujourd’hui n’est pas forcément celui qu’on croit.

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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 07:44

Estimation de la population mondiale au 1er janvier 2019 

selon différents compteurs, données en millions d'habitants et en début d'année

Sources                                          2018              2019               Progression

                                                                                                                    en nombre          en %

Compteur.net                                       -                7 637          

Countrymeters                                7 577             7 669          +   92   soit  + 1,2 %

INED                                               7 558             7 674          +  116   soit  + 1,5 %

Poodwaddle                                    7 558             7 641          +   83   soit  + 1,1 %

PopulationCity.world                              -                7 640         

Population mondiale.com               7 524             7 608          +   84   soit  + 1,1 %

Ria Novosti - Sputnik                      7 656             7 762          + 106   soit  + 1,4 %

Terriens.com                                   7 437             7 620          + 183  soit   + 2,5 %

US Census Bureau                         7 444             7 543          +   99   soit  + 1,3 %

Worldometers                                  7 592             7 674          +  82   soit  + 1,1 %

World Population Balance               7 460             7 534          +  74   soit  + 1,0 %

 

________________________________________________________________________________

Total :                                             7 534             7 637        +  103 (a) soit  + 1,4 % 

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La Terre héberge en ce 1er janvier 2019 entre 7,6 et 7,7 milliards de personnes : 7,637 milliards précisément si l'on établit une moyenne des 11 compteurs de population répertoriés ci-dessus.

La croissance de nos effectifs a été d'environ 92 millions en 2018, soit une augmentation annuelle de  1,2 %, sensiblement la même que l’an dernier. Cela correspond à l'arrivée de 250 000 personnes supplémentaires chaque jour sur la Terre en données nettes, c'est à dire naissances moins décès (le tableau indique ici une augmentation de 103 millions et de + 1,4%  voir note a pour l’explication).

Si cette année l’ONU et l’INED n’ont pas publié de nouvelles projections pour la moitié et la fin de notre siècle (b), la question démographique semble cependant avoir été plus souvent présente dans les esprits. Certes, la récente  COP 24 (Conférence des Parties sur le climat) qui s’est tenue à Katowice a, comme toutes les précédentes, superbement ignoré le sujet, mais en France au moins, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en cause le facteur démographique dans la dégradation des écosystèmes.

Témoin cet article du Figaro (le 9 octobre sous le titre : Faire moins d’enfants, itinéraire d’une thèse vivace) reprenant les conclusions d’une étude publiée en 2017 par l’Environmental Research Letters mettant en évidence le fait qu’avoir un enfant en moins a un impact sans commune mesure avec toutes les autres actions habituellement suggérées pour réduire son empreinte carbone. La reprise de cette infographie cet automne par l’AFP a toutefois fait polémique, ce qui souligne encore une fois le caractère toujours délicat de ces questions.

Ci-dessous graphique comparatif de l’efficacité des différentes actions individuelles possibles pour réduire l’empreinte carbone.

Témoin également cet appel publié par le journal le Monde (le 9 octobre) et signé par une vingtaine de scientifiques affirmant que freiner la croissance de la population est une nécessité absolue. Plusieurs autres médias ont également réalisé des dossiers sur la question comme Libération (le 29 novembre sous les titres : Moins d’enfants pour sauver la planète - Couche culotte ou couche d’ozone faut-il choisir ?), ou Le Drenche (le 23 octobre, article intitulé : Doit-on limiter les naissances pour lutter contre le réchauffement climatique ?) Si les avis sont loin d’être unanimes, le tabou au moins se fissure.

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(a) Comme tous les ans, l’échantillon de compteurs ainsi que les bases de calcul retenus par chacun d’entre eux diffèrent de l’année précédente. Au 1er janvier 2019 nous enregistrons deux compteurs supplémentaires (Compteur.net et PopulationCity.World). Ces deux nouveaux compteurs ne modifient ni l’évaluation du niveau de la population ni celle de sa croissance car l’un et l’autre se situent dans la moyenne.

Par contre, le compteur Terriens.com, s'il était bien présent dans nos estimations précédentes a très sensiblement rehaussé sa base de calcul (passant de 7,437 milliards en 2018 à 7,620 milliards en 2019) conduisant à une croissance de 183 millions (+ 2,5 %) ce qui évidemment n'est pas réaliste et influe quelque peu sur le résultat global de croissance. C’est ce qui explique principalement le niveau de l’évaluation globale (+ 103 millions et + 1,4 %)  proposée dans le tableau. En soustrayant ce compteur du calcul, ce qui semble plus raisonnable, la croissance peut être estimée comme indiqué dans le commentaire à 92 millions d'habitants, soit + 1,2 %. Notons que malgré cette réévaluation l'estimation de Terriens.com reste inférieure à la moyenne des autres compteurs. Le compteur de l'INSEE a vu aussi sa base modifiée courant 2018 ce qui explique qu'il propose également,  mais dans une moindre mesure, une croissance plus forte que la moyenne. Cette réévaluation était sans doute nécessaire pour être plus conforme à la réalité et d'une certaine façon, ce rehaussement des bases de calcul vient valider le fait que le ralentissement de la croissance démographique, si souvent évoqué, est désormais largement amoindri comme en atteste d'ailleurs la réévaluation régulière des projections de l'ONU et de l'INED  constatées ces dernières années.

(b) Les dernières projections globales de l'ONU et de l'INED datent de l'an dernier (2017) vous pouvez y accéder via les liens suivants : Projections 2017 de l'ONU et  Statistiques  mondiales et projections pour 2050 de  l'INED (extraits de la revue Population & Sociétés sous la direction de Gilles Pison ).

Vous pouvez également retrouver la série d'articles de ce site consacrés à nos effectifs en début d'année :  La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards),

2012 (7,003 milliards), 2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards),

2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 2017 (7,440 milliards),

2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards),

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards).

 

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29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 19:44

Economie Durable vous présente ses meilleurs vœux

Heureuse année 2019 à toutes et à tous

 

Annapurna

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4 décembre 2018 2 04 /12 /décembre /2018 11:49

Alors que s’ouvre la COP 24 à Katowice et que la question du réchauffement climatique s’impose au premier rang de nos inquiétudes en matière d’environnement, il peut être bon d’aller au-delà des inévitables simplifications médiatiques et de mieux comprendre l’extraordinaire richesse de l’évolution climatique de notre planète

C’est ce que nous propose Gilles Ramstein avec ce Voyage à travers les climats de la Terre.

Sans faire un ouvrage technique pour seuls scientifiques Gilles Ramstein nous offre là une étude très dense et ne nous cache rien de la complexité du problème et des multiples interactions astronomiques, géologiques, chimiques et biologiques qui concourent parfois de concert, parfois en opposition, à faire évoluer le climat de notre planète. Il revient notamment sur les trois grands facteurs astronomiques à l’origine des cycles de Milankovitch (précession des équinoxes, variation de l’obliquité et variation de l’excentricité de l’orbite) qui sont maintenant reconnus comme des éléments moteurs de certaines évolutions climatiques et qui expliquent bien, notamment depuis le quaternaire, l’alternance des épisodes glaciaires et interglaciaires avec une périodicité qui tourne désormais autour de 100 000 ans. Gilles Ramstein nous explique  ensuite comment les autres éléments (érosion, salinité et courants océaniques, taux de gaz à effet de serre, végétation, volcanisme… viennent amplifier, ou au contraire atténuer, les effets induits par ces variations astronomiques). Le moteur principal du climat, le rayonnement solaire, n’est pas oublié même si ses variations sont minimes, pour autant, à terme, c’est lui qui aura le dernier mot, notre étoile étant amenée à voir son rayonnement inéluctablement augmenter jusqu’à, probablement dans un milliard d’années, provoquer  l’évaporation des océans et l’assèchement de notre planète (nous avons un répit, on pensait auparavant que cette catastrophe nous attendait dans 500 millions d’années seulement !)

Et c’est là l’autre grand mérite du livre, outre les explications, Gilles Ramstein nous dresse une véritable histoire du climat, depuis les débuts, Par exemple à l’Archéen, quand le soleil était pourtant 30 % moins « puissant » qu’aujourd’hui, la composition atmosphérique permettait néanmoins des climats plus chauds. D’ailleurs bien que l’on parle aujourd’hui de réchauffement climatique et bien que nous soyons en ce moment dans une période relativement douce (interglaciaire) par rapport à celles qui nous entourent à moyen terme, le climat terrestre est aujourd’hui plus froid qu’il ne le fut durant la majorité de l’histoire de la planète.

Passionnant rappel aussi des grands épisodes de l’histoire de la Terre, l’évolution des gaz à effets de serre, l’apparition de l’oxygène (en deux étapes) et le rôle de la vie dans ces évolutions (le livre de Gilles Ramstein est en cela à rapprocher des travaux de James Lovelock qui avec l’hypothèse Gaïa évoque aussi les multiples interactions entre la planète et le vivant qui ont permis à la vie de maintenir  sur Terre les conditions de sa propre existence). Passionnant chapitre également sur les fameux épisodes de la Terre « Boule de Glace » où la surface de la planète était presque entièrement gelée, avec à chaque fois des explications complètes sur les raisons de cet englacement et les mécanismes par lesquels nous en sommes sortis (pas facile, car quand la terre est couverte de glace l’albédo très important renvoie fortement  la lumière du soleil ce qui ne fait que favoriser le froid par un mécanisme ainsi auto-entretenu). Gilles Ramstein nous rappelle aussi que malgré toutes ces évolutions le climat de la Terre et la pression atmosphérique, sont toujours restés au cours des 4 derniers milliards d’années dans une fourchette relativement étroite permettant donc à la vie de s’épanouir et de se maintenir. La Lune n’y est pas pour rien et cette stabilité est sans doute l’une des caractéristiques les plus extraordinaires de notre planète.

Un excellent cadeau pour Noël pour tous ceux qui sont avides de culture et souhaitent comprendre les grands enjeux de notre temps car bien sûr, l’actuel débat sur le réchauffement climatique n’est pas oublié. Bref, de quoi être plus savant.

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Voyage à travers les climats de la Terre, Gilles Ramstein, préface de Michel Brunet, Editions Odile Jacob, collection Sciences, Paris 2015,  351 p. 24,90 €, ISBN 978-2-7381-2853-9

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23 octobre 2018 2 23 /10 /octobre /2018 16:04

                                                          Il pleut, il pleut bergère      

Rentre tes blancs moutons

Fabre d'Eglantine, 1780

 

Deux courants majeurs traversent l’écologie politique : les réalistes, qui tentent de corriger à la marge, parfois avec succès, le système économique dominant, et les fondamentalistes, qui veulent des changements plus radicaux mais qui, éloignés des lieux de décision, privilégient le débat idéologique.

Les uns comme les autres ont toutefois en commun de ne pas intégrer la contrainte du temps. Les premiers veulent accumuler les réformes pour aboutir par gradualisme à la transformation du système, les seconds préparent le moment politique où ils seront en situation d’appliquer leurs idées. Tous anticipent des lendemains nécessairement meilleurs.

Ce faisant, ils se situent dans la continuité des luttes politiques et sociales des deux siècles derniers, période historique baignée d’idéologie progressiste, où le seul enjeu était de changer les relations des hommes entre eux pour un meilleur partage du pouvoir et des richesses. Ce qui n’avait pas été obtenu aujourd’hui pouvait l’être demain, le futur était synonyme d’effacement des échecs et d’aboutissement des promesses.

Mais sur ce point, les choses ont changé.

Les dommages que l’homme a d’ores et déjà causés à la planète, depuis la fin du XIXe siècle, sont irréparables à l’échelle de l’histoire humaine. Nous ne sommes plus dans un cadre donné, à l’intérieur duquel il serait seulement question de changer les règles du jeu. C’est ce cadre lui-même que nous avons changé et qui risque désormais de nous engloutir. Il n’est plus possible, même au prix d’une conduite soudain vertueuse, dont au demeurant nous ne prenons pas le chemin, d’empêcher les transformations que nous avons provoquées de continuer à produire durant des siècles leurs effets destructeurs.

Nous sommes entrés dans une période inédite de notre histoire, parfois qualifiée d’anthropocène, où le temps est compté et où il joue contre nous. Plutôt que de tenter d’empêcher l’effondrement inéluctable d’un certain nombre d’écosystèmes, notre tâche est désormais de nous y adapter pour assurer du mieux possible notre propre sauvegarde avec ce que nous pourrons sauver du vivant.

L’autre exigence de la période, qui procède des mêmes causes, est d’inscrire le projet écologiste dans un espace territorial déterminé.

Certes, le réchauffement climatique est par nature planétaire, les gaz à effet de serre émis en Chine participent à la disparition de la banquise arctique, le nuage radioactif de Tchernobyl ne s’est pas arrêté aux frontières de l’Hexagone et nous sommes tous directement affectés par la disparition de la forêt amazonienne comme par l’acidification des océans.

Mais le caractère planétaire de la dégradation des écosystèmes qui, passé un seuil critique, peut prendre la forme d’un basculement brutal échappant à tout contrôle, ne signifie pas que, par une sorte de parallélisme des formes, les mesures de sauvegarde ne puissent être prises qu’à un niveau mondial. Deux raisons militent pour une action à une échelle plus modeste.

La première est qu’il n’existe pas au plan international, qu’il s’agisse de l’ONU ou des différentes conférences qui en sont l’émanation, d’autorité capable d’imposer ses décisions aux Etats et aux acteurs économiques, et que les chances d’en voir émerger une dans les années à venir sont à peu près nulles.

La seconde raison est que l’échelle pertinente d’intervention n’est plus la même selon que l’on se fixe comme objectif d’empêcher la survenance du changement climatique ou, plus simplement, celui de s’y adapter. Au traitement préventif des causes, qui s’est révélé jusqu’à présent plus incantatoire qu’effectif, se substitue alors le traitement symptomatique des effets, concrètement la protection des populations et de leur environnement naturel, comme la préservation de leurs cultures.

Ces exigences, qui semblent élémentaires aujourd’hui, doivent être réévaluées à l’aune des évolutions prédictibles des prochaines décennies sur fond de dérèglement climatique : rétractation des échanges internationaux, pénurie des ressources naturelles, en particulier de l’eau, disparition d’une partie des activités tertiaires et des services publics, exode urbain.

Un tel scénario n’est pas catastrophiste. Le ravitaillement de la population, son hébergement, sa santé, sa sécurité, tant collective qu’individuelle, pourraient bien devenir les principales missions de la puissance publique. C’est aujourd’hui dans un cadre national, siège de ce qui reste de souveraineté démocratique, de solidarité institutionnelle et de désir commun de vivre ensemble, qu’il est le plus utile et le plus sage de s’y préparer… tout en sachant que nous ne sortirons de cette période qu’appauvris et moins nombreux.

                                                                                     Gilles Lacan

écologiste décroissant

                                                                                    

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19 octobre 2018 5 19 /10 /octobre /2018 16:04

Un entretien avec Fabien Niezgoda, préalablement publié sur le blog Eléments

Régulièrement, l’évocation dans la presse d’un lien entre démographie et environnement suscite polémiques et controverses. Retour sur la question avec notre collaborateur Fabien Niezgoda, qui a publié avec Antoine Waechter Le sens de l’écologie politique (Sang de la Terre, 2017). Nos lecteurs pourront se reporter également à l’article « Démographie : la bombe P n’est toujours pas désamorcée », paru dans le n°158 d’Éléments (janvier-février 2016).

Une infographie publiée par l’AFP lundi 8 octobre a fait parler d’elle, en plaçant parmi les gestes permettant de réduire son empreinte carbone le fait d’« avoir un enfant de moins », loin devant le renoncement à la voiture ou le changement des ampoules.

L’AFP n’a fait que reprendre l’évaluation effectuée l’an dernier par la revue scientifique Environmental Research Letters. Du reste, les calculs associant l’impact environnemental d’une société à la consommation individuelle multipliée par l’effectif des consommateurs (en tenant compte du type de technologie utilisée) sont présents de longue date dans la réflexion écologiste la plus sérieuse. Citons l’équation de Ehrlich-Holdren (« I = PAT »), au début des années 1970, ou encore l’équation de Kaya , utilisée par le GIEC. L’évidence mathématique provoque pourtant des cris d’orfraie, car la question démographique a cette particularité d’associer deux dimensions que l’on préférerait sans doute dissocier : d’une part la vaste échelle géographique où se mesure l’impact du nombre, et d’autre part l’échelle familiale et individuelle où toute perspective d’ingérence suscite méfiance ou scandale, comme une atteinte aux droits fondamentaux. Pourtant, ainsi que le souligne Didier Barthès, porte-parole de l’association Démographie Responsable, « il n’y a nulle raison d’opposer une action sur les modes de consommation et la lutte contre la surpopulation, les deux se conjuguent »[1].

Yannick Jadot, cité par le Figaro [2], affirme pourtant que « ces thèses ne pèsent plus rien dans l'écologie politique »…

On pourrait répliquer en demandant ce que pèse Jadot – quoiqu’il ne faille jamais sous-estimer le poids des boulets. Plus tristement, on pourrait s’interroger sur le poids de l’écologie politique elle-même. En réalité, ce qui nous ramène au sujet, les représentants les plus visibles de celle-ci se sont pour la plupart discrédités en évacuant progressivement de leur discours et de leur réflexion les données scientifiques les moins compatibles avec un programme politique qui se veut consensuel et progressiste. Jadot rejette ainsi « les grandes théories de l'effondrement global qui ne tiennent pas la route », alors que, ne lui en déplaise, de plus en plus d’écologistes convaincus, conjuguant expertise scientifique et engagement militant, se tournent vers ce que Pablo Servigne et Raphaël Stevens (Comment tout peut s’effondrer, Le Seuil, 2015) ont nommé la « collapsologie », cette démarche d’anticipation des crises à venir, présente en particulier au sein de l’Institut Momentum que préside Yves Cochet. Il en résulte certes des conclusions rarement optimistes, qui ne permettent guère de vendre du rêve – ce qui ne veut pas dire que les collapsologues négligeraient de dessiner des pistes d’action, bien au contraire. Mais le fait de ne pas chercher à séduire les foules ni à les caresser dans le sens du poil a un avantage : on peut dès lors ne pas tenir compte des tabous, en l’occurrence sur la question démographique, et donner à ce paramètre toute sa place dans la prospective, comme l’ont toujours fait les modélisateurs, à commencer par l’équipe réunie autour de Dennis Meadows, à l’origine du fameux rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance. Tout récemment, les scientifiques signataires d’une tribune dans Le Monde[3] l’ont répété eux-mêmes clairement : « Freiner la croissance de la population est une nécessité absolue pour sauver l’habitabilité de notre planète d’un désastre annoncé. »

Interrogé par L’Express [4], Yves Cochet enfonce le clou du néo-malthusianisme, prônant par exemple une refonte radicale du système d’allocations familiales.

Il a raison ; ce système n’est rien d’autre qu’un outil politique, qu’il est donc légitime d’utiliser en fonction des objectifs que l’on se fixe. Yves Cochet avait d’ailleurs déjà évoqué une « grève du troisième ventre » en 2009, suscitant la gêne de ses collègues Verts. Notons qu’en tant que mathématicien, il n’est pas de ceux qui ignorent les équations citées plus haut, ou qui en négligent la portée ; il n’est pas pour rien devenu une figure de proue de la collapsologie. Cochet a raison également quand il souligne qu’agir sur ce paramètre n’est pas plus illusoire que prôner le sacrifice du confort matériel : renoncer à la voiture, au smartphone, à l’entrecôte… Toutefois, il me semble faire fausse route, ou du moins garder un angle mort dans son raisonnement, quand il dit que cette « limitation des naissances » devrait être menée « encore plus en Europe et aux États-Unis qu'ailleurs », du fait de l’empreinte écologique individuelle plus forte des habitants des pays les plus développés. « Contrairement à l'idée répandue que c'est en Afrique qu'ils font beaucoup d'enfants et que cela est un problème », affirme-t-il, « c'est évidemment chez nous qu'il faut avoir une politique de planification familiale anti-nataliste. »

Le problème, c’est que le « malthusianisme dans un seul pays », dans le cadre d’une « planète migratoire » (pour reprendre l’expression du géographe Gildas Simon), c’est un peu l’équivalent d’un désarmement unilatéral dans un contexte belliqueux : une capitulation, déguisée en démarche pacifiste. Se contenter d’inciter les Européens à réduire leur fécondité sans remettre en cause les flux migratoires en provenance des zones à forte pression démographique ne contribue guère à résoudre le problème global, bien au contraire. Au niveau individuel, et en laissant de côté les enjeux socio-culturels évidemment liés à la question, un Malien qui s’installe en France multiplie en quelques années son empreinte carbone par cent : ce déracinement n’est-il pas une aberration écologique ?

D’autre part, ce jeu de vases communicants a un double effet néfaste sur les pays ainsi connectés. Pour les pays récepteurs, l’apport migratoire réduit à néant les amorces de stabilisation voire de décrue démographique – et si l’on n’est pas convaincu de la surpopulation d’un pays comme la France, que l’on compare des cartes IGN récentes à celles antérieures aux « Trente Glorieuses » et à l’« aménagement du territoire », pour y constater d’un coup d’œil l’explosion de l’emprise foncière des zones urbaines au détriment des zones agricoles et naturelles. Quant aux pays émetteurs, la perspective migratoire leur offre comme un bassin déversoir qui a pour effet de retarder les mesures de régulation interne, alors même que des prises de conscience existent, comme le montre le Partenariat de Ouagadougou sur la planification familiale. Le bilan global en terme de pression démographique et écologique n’est donc en rien amélioré par l’ouverture migratoire. Pourtant celle-ci reste prônée contre vents et marées par ceux qui se veulent porteurs de solutions écologistes. Ainsi, selon le secrétaire national d’EELV David Cormand, l’annonce récente de la candidature européenne du maire de Grande-Synthe Damien Carême, actif dans l’accueil des migrants, « illustre en quoi la question écologique est intrinsèquement liée à la question migratoire et européenne ». Diagnostic exact, du moins pour ce qui concerne les réfugiés climatiques, mais prescription charlatanesque.


Un écologiste immigrationniste ne serait donc pas seulement coupable de « hors-sujet », comme on en accuse parfois les écologistes délaissant leur domaine pour des préoccupations sociétales, mais il commettrait même un contresens ?

Il en va ainsi sur d’autres sujets dits « sociétaux » : souvenons-nous de José Bové rappelant à ses collègues favorables à la généralisation de la PMA les critiques fondamentales de son maître Jacques Ellul sur la question de la technique… Mais en effet, sur le sujet démographique et migratoire qui nous intéresse ici, on peut également constater un contresens, qui a d’ailleurs déjà été relevé par d’autres : « Les écologistes devraient dire que l’immigration maintient ou accroît la pression humaine sur le milieu naturel dans des pays où, de par le recul de la natalité, cette pression pourrait s’y stabiliser sinon régresser. Ainsi il n’y aura pas de répit. L’homme va continuer à saturer l’espace planétaire à la fois par la croissance démographique et par les transferts de population. »[5]

Réaffirmons-le : la prise en compte de la démographie est une absolue nécessité écologique. S’aveugler à ce sujet revient à nier que deux fois trois fassent six. Mais les paramètres de la population et des ressources n’ont guère de sens si on les examine « hors-sol », en dehors des milieux (n’oublions pas le sens étymologique du mot « écologie », la science de l’habitat). La dimension géographique, territoriale, géopolitique ne doit pas être évacuée de l’analyse. « Alors que les humains ont atteint les limites de toutes les frontières, y compris celles de la planète, ils devraient dorénavant se contenter du territoire où peuvent s’exprimer leurs solidarités de proximité. Les problèmes économiques, sociaux et éthiques qu’entraînent les migrations devraient être une motivation supplémentaire pour agir au niveau de la maîtrise de la fécondité, pour élaborer collectivement une démographie responsable. »[6]

L’humanité prise dans sa globalité a déjà dépassé la capacité de charge de la planète, entraînant un déséquilibre accru de la biosphère (le climat et la biodiversité en étant les aspects les plus préoccupants, mais il y en a d’autres : changement d’affectation des sols, acidification des océans, cycles du phosphore et de l’azote, pollution chimique...). Mais si le système thermo-industriel peut et doit être observé et compris dans sa dimension mondiale, force est de constater que « l’humanité » en elle-même n’est pas un acteur politique, contrairement aux sociétés territorialisées ; elles seules peuvent être ces acteurs, à condition précisément de rester des communautés politiques ayant par définition la maîtrise de leur territoire, et donc de leurs frontières. Dans une planète saturée, il est indispensable d’envisager le compartimentage de l’écoumène.

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[1] « Pour une démographie responsable », entretien paru dans Éléments n°158.

[2] Le Figaro, "Faire moins d'enfants pour sauver la planète : itinéraire d'une thèse vivace" par Edouard de Mareschal

[3] Le Monde, "Climat : « Freiner la croissance de la population est une nécessité absolue »" Collectif

[4] L'Express, "Pour le climat, on n'est pas prêts à faire moins d'enfants" par Anna Benjamin

[5] René Monet, Environnement, l’hypothèque démographique, cité par Michel Sourrouille, « La problématique des migrations dans une planète close et saturée », in Moins nombreux, plus heureux. L’urgence écologique de repenser la démographie, Sang de la Terre, 2014.

[6] Michel Sourrouille, « La problématique des migrations dans une planète close et saturée », in Moins nombreux, plus heureux, op. cit.

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Fabien Niezgoda animera un dîner-débat sur le thème « Écologie et démographie : le défi de la décroissance » le jeudi 8 novembre au Port-Marly (Yvelines). Renseignements et réservations : cf. le n°174 d’Éléments (p. 4), actuellement disponible en kiosque.

 

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18 septembre 2018 2 18 /09 /septembre /2018 12:16

Second volet de l'article de Denis Garnier, président de Démographie Responsable

 

SITUATIONS D’ÉQUILIBRE & DIFFÉRENTS TYPES D’ÉVOLUTION DE POPULATION

 

A l’occasion de la dernière Conférence climat (COP23), 15.000 scientifiques originaires de plus de 180 pays ont lancé un cri d’alarme sur l’état de la planète. Dans leur appel figuraient treize mesures dont la suivante : « déterminer sur le long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable ». Ce qui suit se veut un début de réponse.

1) On pourrait tout d’abord parvenir à une situation d’équilibre global si chaque pays, quelle que soit sa biocapacité, amenait son empreinte au niveau de la biocapacité moyenne de la planète (1,7 ha). Graphiquement, il s’agit d’un déplacement vertical de tous les pays, non pas vers la courbe verte d’autosuffisance comme on l’a vu pour la France, l’Italie et le Bangladesh, mais vers la ligne horizontale en pointillés représentant l’empreinte de 1,7 hectare. Cela permettrait de répartir de façon totalement égalitaire les ressources de la planète.

Le problème est que, comme on le sait, ces ressources sont très inégalement réparties et cela obligerait donc, entre autres, à des transferts continus de ressources agricoles sur des distances plus ou moins longues, ce qui est énergivore et donc anti-écologique. Ces déplacements auraient même probablement pour conséquence de fausser les calculs en créant de nouvelles sources d’émissions de CO2

 

Visuellement, cela conduirait à laisser déficitaires tous les pays « à droite » de la Terre, soit en ne les faisant pas assez descendre, soit carrément en les « remontant », ce déficit écologique cumulé étant comblé par les pays situés « à gauche » de la Terre. Finalement, la planète serait effectivement en équilibre, mais aucun des pays ne le serait avec lui-même.

Évidemment, cette option n’aurait pas d’impact direct sur l’effectif de population. Cependant, avec la croissance démographique prévue par l’ONU, le seuil de 1,7 hectare diminuerait inexorablement et il faudrait à terme se contenter d’une biocapacité de 1,1 hectare par personne comme on l’a vu. Bien que cette solution soit celle privilégiée par un certain nombre d’organisations écologistes pour lesquelles la « répartition stricte » est un credo, et qui ne veulent surtout pas entendre parler de démographie, il est clair qu’elle est excessive et non écologique.

 

2) a) Le cas suivant étudié considère que les pays débiteurs peuvent conserver leur empreinte individuelle, mais doivent (à terme) avoir moins d’habitants jusqu’à revenir à l’équilibre, et ce alors que les pays créditeurs peuvent avoir plus d’habitants jusqu’à utiliser toute leur biocapacité.

 

Graphiquement, il s’agit d’une simple translation horizontale vers la gauche pour les premiers et vers la droite pour les seconds. L’évaluation de la population soutenable de chaque pays se fait alors en divisant sa biocapacité globale par son empreinte individuelle. La population soutenable de la planète étant alors la somme des populations de chaque pays.

Le calcul donne une « Population SOUTENABLE 2a » de 4,8 milliards d’habitants au lieu des 7,2 de 2013, date des dernières statistiques du Global Footprint Network (il faut plusieurs années pour collecter les données, les analyser et les rendre publiques).

 

b) On peut évidemment objecter que puisque la majorité des pays doit baisser sa population, il n’est peut-être pas judicieux d’en laisser d’autres croître sous prétexte qu’ils ont de fortes ressources renouvelables.

Cela nous amène à un deuxième calcul où les pays débiteurs décroissent démographiquement mais où les pays créditeurs restent au même niveau de population (et donc à la même place sur le graphique). Cette option permet de n’utiliser que 76% de la biocapacité de la planète et donc de constituer une sorte de réserve. Elle pourrait donc être nommée « Population OPTIMALE 2b » (8) et s’élèverait à 3,6 milliards d’habitants.

 

 

3) a) L’inconvénient du calcul précédent est qu’on aboutit à des possibilités de modes de vie très différentes, très inégalitaires. Par exemple, la France se retrouverait avec une biocapacité individuelle potentielle de 2,9 ha et le Bangladesh de 0,4 ha comme vu plus haut. L’idée serait alors la suivante : permettre à tous les pays d’avoir la même empreinte et biocapacité individuelle. Il y a évidemment énormément de possibilités. On a choisi ici de « se caler » sur l’empreinte de 2,9 hectares, c’est-à-dire celle qui correspond au niveau de vie moyen actuel d’un terrien (et par ailleurs à la biocapacité individuelle de notre pays).

 

 

 

Graphiquement, il s’agit d’un regroupement de tous les pays (et donc aussi de la Terre) en un même point. En agissant donc à la fois sur l’empreinte individuelle et la démographie, la population soutenable de chaque pays serait alors égale au rapport entre sa biocapacité globale et ce nombre de 2,9. Notons au passage que cette option induit une baisse de la consommation (ou du niveau de vie) assez drastique de la part des pays occidentaux qui pour beaucoup ont une empreinte nettement supérieure à 2,9. Finalement, la population soutenable de la planète serait encore égale à la somme des populations de tous les pays. Le calcul donne ainsi une « Population SOUTENABLE 3a » de 4,4 milliards d’habitants.

 

b) Cependant, comme précédemment, il peut sembler préférable que les pays ayant une biocapacité supérieure à 2,9 restent au même niveau de population. Graphiquement, pour ce qui les concerne, cela conduirait à un déplacement strictement vertical. Dans ce dernier cas, la « Population OPTIMALE 3b », avec une utilisation de seulement 79% de la biocapacité de la planète, se monterait à 3 milliards d’habitants. Cette évaluation qui est la plus basse des quatre s’explique par le fait que l’on a choisi un niveau de vie « assez élevé ». Notons comme précédemment que le gain annuel de biocapacité permettrait, à terme, de récupérer les déficits accumulés lors des décennies précédentes. Signalons aussi que c’est cette dernière option qui aurait la préférence de l’association Démographie Responsable.

 

 

A partir des données du Global Footprint Network, l’écologie-statistique peut permettre de modéliser de multiples autres solutions. L’idée est simplement ici de montrer des exemples de calcul basés essentiellement sur le fait que chaque pays doit se mettre en adéquation avec sa biocapacité, c’est-à-dire avec ses ressources renouvelables propres par l’intermédiaire de la baisse de son empreinte et de la baisse éventuelle de sa population.

 

Pour résumer les résultats obtenus : si l’on veut être en équilibre, et en partant d’une population de 7,2 milliards d’habitants, il faudrait se retrouver (à un horizon plus ou moins lointain) entre 3 et 4,8 milliards d’humains, c’est-à-dire (en arrondissant) entre 40% et 70% de la population de 2013.

 

On remarquera aussi que les efforts demandés le seraient pour tous les pays, qu’ils soient situés au nord comme au sud. Dans les scénarios 2, les efforts ne porteraient que sur les effectifs de population alors que dans les scénarios 3, ils demanderaient une baisse importante du niveau de vie des pays du nord et une baisse significative des effectifs de certains pays du sud déjà surpeuplés, comme on le voit sur les exemples choisis du tableau ci-dessous.

 

c) Le choix de ces 2,9 ha permet de travailler sur un cas concret, mais il est évidemment arbitraire. Plus généralement l'évolution conjointe des populations soutenables et optimales du scénario 3 (c'est-à-dire avec une empreinte choisie/imposée et commune à tous les pays) peut être représentée sur un même graphique comme ci-dessous, ou sous forme de tableau (9). Il est alors intéressant de regarder cette évolution dans un intervalle compris entre la biocapacité individuelle moyenne de la planète (1,7 hectare) et l'empreinte individuelle moyenne de la planète (2,9 hectares). En effet, comme on l'a vu, sous la barre des 1,7 ha le niveau de vie est trop bas et au-dessus de 2,9 ha l'effort demandé devient très important.

 

Pour une empreinte de 1,7 hectares, on retombe sur les 7,4 milliards de la population soutenable 1, par contre le cas associé d'une population optimale de 4,1 milliards n'a pas été étudié, car clairement disproportionné pour les pays fortement créditeurs. Pour une empreinte de 2,9 hectares, on retrouve bien les 4,4 milliards de la population soutenable 3a et les 3,0 milliards de la population optimale 3b.

 

On remarquera que la différence entre l'effectif de population soutenable et optimale a tendance à se réduire quand l'empreinte choisie augmente. Cela provient du fait que lorsqu'on augmente l'empreinte disponible, les pays qui sont au-dessus de celle-ci peuvent avoir de moins en moins de population et l'optimisation est donc moins marquée. D'ailleurs au-delà d'une certaine valeur, les deux courbes finiraient par se superposer.

Enfin, pour être en équilibre écologique avec la planète, il faudrait être situé à l'intérieur de la zone hachurée.

 

 

CONCLUSION

 

A partir des données du Global Footprint Network, l’écologie-statistique peut donc permettre de modéliser un très grand nombre de scénarios. L'idée a été simplement ici de montrer des exemples de calcul basés essentiellement sur le fait que chaque pays doit se mettre en adéquation avec sa biocapacité, c’est-à-dire avec ses ressources renouvelables propres par l'intermédiaire de la baisse de son empreinte et/ou de la baisse de sa population.

Il est évident que si le choix de la stabilisation, puis ensuite de la réduction, de la population mondiale était décidé par la communauté internationale et les pays respectifs, et ce dans le cadre de COP dédiées à ce sujet, sa mise en œuvre mettrait un certain temps à se concrétiser.

Et ce à la fois parce que les effets des mesures démographiques courent sur plusieurs générations, mais aussi parce qu'il ne faudrait pas brûler les étapes et commettre l’erreur inverse de celle qui a été faite dans le passé : à une explosion démographique catastrophique, il ne faudrait pas substituer une baisse démographique trop brutale, aux conséquences économiques et sociales difficilement gérables.

Les couples doivent absolument pouvoir continuer à avoir un ou deux enfants mais il serait bon qu'ils n’aillent pas au-delà, car l’aventure humaine, malgré toutes ses erreurs accumulées, doit pouvoir se poursuivre le plus longtemps possible.

Denis Garnier 

Président de l’association Démographie Responsable

denis.garnier@neuf.fr

_________________________________________________________

 (1) Précisons que l’empreinte écologique et la biocapacité sont des indicateurs partiels de notre influence sur la planète. Ils laissent en effet de côté non seulement les ressources fossiles disponibles (puisque non-renouvelables à notre échelle de temps), de nombreux éléments du domaine du renouvelable (solaire, éolien,…) mais aussi la richesse de la faune et de la flore (biodiversité). Pour évaluer l’état de cette dernière, il existe d’ailleurs un autre indicateur : l’Indice Planète Vivante.

 (2) En fait on utilise l’hectare global (hag). En effet, la productivité des surfaces peut être fort différente (par exemple celle de la forêt amazonienne est bien supérieure à celle d’un désert). Les productivités de ces surfaces sont donc comparées à une productivité moyenne mondiale. Un système de pondération permet alors d’évaluer chaque surface en hectare global.

 (3) Le GFN et le WWF ont décidé de considérer que « Le Jour du dépassement de la France pour 2018 » tombait le 5 mai dernier. Il s’agit, de notre point de vue, d’une erreur d’interprétation. Lire à ce sujet l’article intitulé Retour sur le « Jour du dépassement » de la France.  

 (4) Les statistiques du GFN sont disponibles ici  et sur demande.

 (5) Où l’on voit d’ailleurs que c’est notre empreinte carbone qui nous « plombe ».

 (6) Habituellement, la densité de population d’un pays est calculée en nombres d’habitants par km² (hab/km²). Dans la présentation choisie ici, le calcul se fait en nombre d’habitants par hectares de surface bioproductive (hab/ha). En fait, ce sont « les inverses » des biocapacités (qui s’expriment en ha/hab) qui apparaissent sur l’axe des abscisses. Il revient à Cyril Meynierr  d’avoir eu l’idée de cette présentation.

 (7) On peut d’ailleurs considérer qu’avec une biocapacité individuelle inférieure à 1 hectare, il est fort difficile de vivre correctement. Or un tiers des pays du monde est dans ce cas. C’est la raison pour laquelle la généralisation de la solution de l’équilibre des pays à partir de leur seule biocapacité et sans réduction de la population ne sera pas valorisée.

(8) Ce qualificatif d’optimal peut évidemment interroger, puisqu'il ne s’agit évidemment pas de « la meilleure solution possible ». Disons que l’idée est ici de trouver une dénomination qui sous-entend qu’il s’agit d’une solution meilleure que la solution soutenable. Cela étant, le niveau de population que notre planète pourrait durablement supporter en laissant de la place aux autres espèces se situe probablement encore en-deçà des évaluations ici proposées.

(9) En effet, il peut être utile de disposer des valeurs exactes suivant l'empreinte choisie :

 

Liens vers le téléchargement des fichiers Excel où figurent les calculs

Population Soutenable & Optimale 2

Population Soutenable & Optimale 3

 

Lien vers la première partie de cet article

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18 septembre 2018 2 18 /09 /septembre /2018 12:04

Un article de Denis Garnier, président de Démographie Responsable

(premier volet de l'article)

A l’occasion du Jour du dépassement qui intervient tous les ans un peu plus tôt et qui est prévu en cette année 2018 pour le 1er août, il peut paraître intéressant d’en rappeler l’origine, mais surtout d’étudier différentes manières d’en stopper l’inexorable avancée.

 

L’EMPREINTE ECOLOGIQUE

Il existe aujourd'hui un indicateur qui a l'avantage de faire une sorte de synthèse d’un grand nombre des impacts écologiques dus aux activités humaines : il s’agit de l’empreinte écologique, initiée par le Global Footprint Network (GFN) et popularisé en France par le WWF (1).

L’empreinte écologique individuelle est la surface nécessaire pour produire les ressources qu'un individu consomme et pour absorber les déchets qu'il génère.

Actuellement, au niveau mondial, nous utilisons en moyenne 2,9 hectares par personne (2). Le problème est que nous ne disposons que de 1,7 hectare, qui correspond à ce que la planète produit de façon renouvelable chaque année, ce qu'on appelle la biocapacité moyenne individuelle.

La question qui vient immédiatement à l'esprit est évidemment la suivante : comment est-il possible de consommer plus que ce qui est produit ?

Eh bien nous puisons tout simplement dans le capital de la Terre : par exemple nous émettons plus de CO2 que les océans et les forêts ne peuvent en absorber (l’empreinte carbone compte d’ailleurs pour plus de la moitié de l’empreinte globale) et sa concentration dans l’atmosphère participe au réchauffement, ou encore nous vidons les océans de leurs poissons, où même nous stérilisons des terres arables en les bétonnant...

Précisons une chose importante : l'empreinte globale d'un pays correspond à tout ce qui est consommé à l’intérieur du pays. On tient donc aussi compte de l’empreinte des produits importés et on enlève celle de ceux qui sont exportés.

Notons aussi que la biocapacité d’un pays peut évoluer à la hausse via des mises en culture voire l’utilisation de fertilisants, mais aussi à la baisse via l’épuisement ou l’artificialisation des sols. Au final, il faut savoir que la biocapacité des pays (et donc de la planète) n’augmente que fort peu avec le temps. 

On peut tout d’abord comparer l’empreinte moyenne individuelle (et son alter ego la biocapacité) de notre pays et celle de la planète, ou plus précisément celle d’un français et celle d’un terrien.

 

On remarque tout de suite que la France est « au-dessus » pour les deux indicateurs : par tête, nous consommons plus que la moyenne, mais notre pays produit plus de ressources renouvelables par individu que la moyenne de la planète, et ce en partie grâce à notre situation géographique privilégiée. Notons aussi que le fait que la biocapacité de la France et l’empreinte de la planète soient toutes deux égales à 2,9 est un pur hasard.

 

LES RATIOS

Il se trouve que l’on peut tirer un grand parti de ces quatre nombres en les comparant entre eux de différentes manières et comprendre ainsi l’origine de toute une série d’informations qui sont souvent relayées par les médias.

Pour la France :

- La France a besoin de 1,8 fois sa superficie pour faire vivre ses habitants en effet  : E(F) / E(B)  = 1,8

- Si tout le monde vivait comme les français, il faudrait 3 planètes En effet : E(F) / B(P) = 3

- Le 27 juillet (208ème jour de l’année) sera le « Jour du dépassement » de la France (3) en 2018 en effet : ( B(F) / E(F) ) x 365 = 208

Pour la planète :

- L’humanité « utilise » 1,7 planète : en effet B(P) / E(P) = 1,7 

- Le 1er août (213ème jour de l’année) sera le Jour du dépassement de la planète en 2018 :

  ( B(P) / E(P) ) x 365 = 213

Plus généralement, grâce au Global Footprint Network, nous disposons (4) dans le détail des statistiques d’empreinte et de biocapacité pour tous les pays du monde et en particulier pour la France (5). Comme on va le voir, toutes ces données permettent de produire des analyses assez poussées.

 

QUELS SONT LES PAYS « LES PLUS POLLUEURS » ?

Il y a deux principales façons de s’intéresser à cette question, soit au niveau global, soit au niveau individuel.

Au niveau global, on peut regarder ce que chaque pays prélève dans le capital de la planète au-delà de ce qu’il génère lui-même de façon renouvelable.

Il se trouve que la différence entre les 4 pays les plus déficitaires et les autres est telle que, pour des raisons d’échelle, on est obligé de recourir à deux diagrammes.

 

Même si c’est pour des raisons différentes, on notera néanmoins que les trois pays les plus peuplés de la planète, Chine (1,4 milliard d’habitants), Inde (1,35 milliard) et USA (325 millions) sont en tête. Précisons que pour la Chine, il s’agit bien de son empreinte propre, déduction faite de l’impact écologique dû à la fabrication des nombreux produits qu’elle exporte.

 

Ensuite, on voit qu’avec sa douzième place, la France est assez mal placée, mais on remarquera que plusieurs pays européens la précèdent (Allemagne, Royaume-Uni et Italie) et on notera aussi que nous sommes encadrés d’assez près, en amont par 3 pays (Iran, Mexique et Arabie Saoudite) et en aval par deux autres (Turquie et Egypte) dont la responsabilité écologique est rarement évoquée...

Au niveau individuel, en divisant donc l’empreinte résiduelle globale des pays par le nombre de leurs habitants, on trouve en tête quelques micro-états économiquement très florissants (Luxembourg, Qatar, Koweït, Singapour et Bahreïn), suivis par notre voisine la Belgique avec sa forte densité de population (365 hab/km²). La France, quant à elle, se retrouve en 33ème position du fait de sa densité de population modérée (118 hab/km²) et donc de sa biocapacité par tête élevée, comme indiqué plus haut. En effet, comme nous le verrons plus loin, biocapacité individuelle et densité de population fonctionnement « en sens inverse ».

La différence entre cette 33ème place au niveau individuel et la 12ème place au niveau global provient du fait que la France est le vingtième pays le plus peuplé du monde : un déficit individuel « moyen » de 2,2 hectares finit par compter lorsqu’il est multiplié par un grand nombre d’individus (64 millions en 2013).

 

COMPARAISON ENTRE PAYS

Il est évidemment possible de comparer séparément chacun des pays avec la planète, mais il est encore plus intéressant de les comparer tous entre eux en les faisant apparaitre sur un même graphique. Sur celui qui suit, on a choisi de représenter sur l’axe vertical les empreintes individuelles et, sur l’axe horizontal, les densités de population par surface bioproductives (6). Sont tracées aussi la courbe correspondant à l’autosuffisance (ou équilibre écologique) et celles de l’utilisation de ressource équivalentes à plusieurs fois le pays (2, 3, 4 et plus).

 

Avec des empreintes supérieures à la moyenne mondiale (2,9 ha), on trouve par exemple la France (avec son ratio de 1,8 fois sa superficie) près de la courbe de l’utilisation de « deux pays », ainsi que l’Allemagne qui utilise deux fois et demi sa superficie, puis le Royaume-Uni et l’Italie qui utilisent quatre fois leur territoire.

Avec des empreintes inférieures à la moyenne mondiale, on remarque que le Nigeria a déjà presque besoin de deux fois sa superficie, que le Bangladesh, le Burundi et Haïti sont à deux, que l’Inde est un peu au-dessus, quant à l’Algérie et l’Egypte c’est carrément quatre fois leur superficie dont elles ont besoin.

A gauche et « sous » la courbe verte d’autosuffisance on remarque la présence du Canada, de la Russie et du Brésil qui ont donc une biocapacité supérieure à leur empreinte, ce qui est évidemment positif. Par contre, pour les deux premiers pays cités, l’empreinte est très largement supérieure à l’empreinte moyenne de la planète et ils doivent impérativement faire un gros effort pour la réduire.

Les seuls pays totalement « vertueux » sur le plan écologique, à la fois pour eux-mêmes et pour la planète, se situent dans la partie verte (on peut citer par exemple le Congo et Madagascar).

On remarque enfin la place assez « à droite » de l’Inde et du Bangladesh, avec des densités de population par surface bioproductive autour de 2,5 hab/ha, qui n’est qu’une conséquence de leurs très fortes densités de population réelles (respectivement 400 et 1.100 hab/km²). Idem pour le Burundi et Haïti.

 

LE RETOUR A L’ÉQUILIBRE

L’intérêt de ce graphique est qu’il permet aussi de voir comment chacun des pays pourrait revenir à l’équilibre, c’est-à-dire rejoindre la courbe verte.

1) Prenons l’exemple de la France.

 

Il y a trois grands types de solutions : à l’intérieur de la surface verte et dans la direction des flèches obliques rouges, vers le haut ou vers le bas.

a) On peut expliciter les deux solutions extrêmes de la surface :

Sans agir sur la population, la flèche verticale vers le bas fait passer l’empreinte individuelle de 5,1 à 2,9 hectares, ce qui semble possible à moyen terme en réduisant drastiquement l’empreinte carbone (5), mais correspondra inévitablement à une économie décroissante et donc à une baisse significative de notre niveau de vie,

Sans agir sur l’empreinte, la flèche horizontale vers la gauche fait baisser la densité de population et donc la population elle-même de 64 à 36 millions, ce qui serait aussi possible, mais sur un terme encore plus long.

Evidemment, toute solution intermédiaire comprise dans la surface verte, et incluant à la fois la baisse de l’empreinte et la baisse de la population est envisageable et sans doute préférable.

b) La flèche extérieure rouge inclinée vers le haut correspond à une baisse encore plus importante de la population pour permettre une biocapacité individuelle et un niveau de vie encore supérieur.

c) La flèche extérieure rouge inclinée vers le bas correspond à une densité de population encore plus forte et donc à une biocapacité par habitant encore plus faible. Notons qu’actuellement, c’est malheureusement ce dernier scénario qui est en cours…

2) On peut ensuite prendre l’exemple de deux autres pays, un en Europe (l’Italie) et l’autre en Asie (le Bangladesh).

 

Dans le cas de l’Italie, la seule baisse de l’empreinte serait très importante (de 4,5 à 1,1 ha) et d’un autre côté, du fait de sa position sur la quatrième trajectoire, la solution concernant la seule baisse de la population amènerait à une division par quatre de celle-ci (de 60 à 15 millions).

Pour le Bangladesh, verticalement on aboutirait à une empreinte de 0,37 ha c’est-à-dire à un « niveau de vie » potentiellement huit fois plus faible que celui d’une France en équilibre écologique (7). Horizontalement, la baisse de la population ferait passer le Bangladesh de 160 à 90 millions et même ainsi avec un « niveau de vie » finalement quatre fois plus faible que le nôtre (0,75 vs 2,9 ha). Ces résultats peu encourageants proviennent du fait que le Bangladesh a laissé filer sa démographie et atteint un tel niveau de surpopulation que toute solution sera très difficile à trouver. Ceci étant, au vu du caractère extrême de la situation de ce type de pays, il serait souhaitable de sortir de l’aire colorée avec une solution du type flèche vers le haut (comme on le verra plus loin).

 

LES PROJECTIONS DE L’ONU

Tous les deux ans, l’ONU publie ses projections de population pour le milieu et la fin du siècle. L’été dernier celles-ci indiquaient 9,8 milliards d’humains pour 2050 et 11,2 milliards pour 2100.

En tenant compte du fait que la biocapacité totale de la planète était de 12,2 milliards d’hectares en 2013 et qu’à cette date nous étions 7,2 milliards, la biocapacité moyenne disponible se situait donc (comme on l’a vu) aux alentours de 1,7 hectare par personne, ce qui correspond à l’empreinte individuelle du Viêt Nam. Pour être en équilibre à cette date et en imaginant une affectation égalitaire des ressources pour tous les individus de la planète, il aurait donc fallu que nous ayons un niveau de vie comparable à celui du Viêtnam.

Pour 2050, et en faisant l’hypothèse que la biocapacité de la planète n’évolue pas, avec les 9,8 milliards d’humains annoncés, il ne nous resterait qu’une biocapacité de 1,25 hectare par personne, soit la possibilité du niveau de vie de la Tanzanie actuelle.

Enfin pour 2100, le calcul donne une biocapacité disponible de 1,1 hectare correspondant au niveau de vie du Sénégal d’aujourd’hui.

Au vu de ces quelques éléments, on voit bien que la poursuite de la croissance démographique mondiale conduirait à une baisse continue et surtout drastique du niveau de vie des pays du nord et empêcherait aussi toute hausse du niveau de vie de nombreux pays du sud.

Lien vers la suite de l'article (volet 2)

 

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