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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 13:54

En 2016, sous le titre "La bombe P n'est pas désamorcée", la revue  Éléments  publiait cet entretien entre Fabien Niezgoda, professeur agrégé d'histoire et Didier Barthès porte-parole de Démographie Responsable. Il est toujours d'actualité, les raisons qui motivent l'association restent les mêmes et le monde a "gagné"  650 millions d'habitants depuis l'entretien et 1,2 milliard depuis la naissance du mouvement.

 

Fabien Niezgoda: Démographie responsable a été créée en 2008. Comment est née et s’est développée cette association ?

Didier Barthès : La motivation initiale fut tout simplement une sensibilité à la nature, la tristesse de voir partout les espaces sauvages grignotés par la civilisation, et la conscience que, pour une part, ce grignotage était lié à nos effectifs toujours croissants. Quelques personnes s’en sont ouvertes les unes aux autres et ont décidé de fonder l’association. Peu à peu, devenus plus nombreux, nous avons pu développer nos activités, affichages, tracts, participations à des forums, interviews, manifestations, conférences… Comme pour d’autres mouvements, internet a été déterminant pour fédérer des gens au départ plutôt isolés. Aujourd’hui encore, beaucoup de ceux qui nous rejoignent font la même remarque : « j’ai réalisé que d’autres pensaient comme moi, je pensais croyais être seul et n’osais pas en parler ». Un tabou pèse sur la question.

Q. : Pour beaucoup, l’idée d’un contrôle démographique évoque la politique de l’enfant unique mise en place en Chine en 1979 (et dont la fin vient d’être décidée). Cette politique autoritaire était-elle justifiée ? Peut-on la considérer comme un modèle ?

DB : Rétrospectivement, cela a sans doute été une bonne chose. Cette politique a été mise en place quand la Chine a vu sa démographie s’emballer malgré l’amorce d’une baisse de la fécondité. Sans elle, le pays aurait aujourd’hui de 4 à 500 millions d’habitants de plus. Cette charge aurait lourdement obéré le développement et intensifié l’occupation de tous les territoires au détriment de la nature. On ne peut toutefois nier le caractère liberticide de cette politique, accompagnée de surcroît de nombreux abus. Mais il faut en tirer la leçon: plus nous tardons à engager, de façon douce et incitative, une baisse de la fécondité, plus nous risquons d’être confrontés demain à des mesures plus dures et bien peu démocratiques.

Q. : Malgré les équations de Ehrlich-Holdren et de Kaya, qui intègrent la population comme facteur essentiel de notre impact global sur l’environnement, les partisans de la décroissance ont souvent tendance à négliger la démographie, préférant insister sur la question de la consommation.

DB : Il n’y a nulle raison d’opposer une action sur les modes de consommation et la lutte contre la surpopulation, les deux se conjuguent. À 99 %, les mouvements écologistes ne parlent que du premier volet : il était nécessaire que quelques personnes s’emparent du second. Les équations évoquées rappellent une évidence : l’effet de tout phénomène résulte du produit de son intensité par son ampleur. Il est curieux que même les milieux de la décroissance, pourtant au fait des questions quantitatives, renâclent à élargir et appliquer leur réflexion à la population. Craignent-ils de donner une mauvaise image d’eux-mêmes ? La seule prise en compte du mode de vie révèle une fois de plus le tabou de la démographie. On le retrouve dans le caractère négatif attaché à l’adjectif malthusien, ou quand, régulièrement, l’ensemble de la presse et du monde politique se réjouit sans aucun recul des « bons » chiffres de la fécondité française. Il est ancré dans nos mentalités que le plus est le mieux.

Q. : Aristote, après Platon, traite d’une façon exemplaire de la question de l’optimum démographique d’une cité. Comment a-t-on abandonné cet attachement des Grecs classiques à la juste mesure, et cessé de comprendre cette évidence rappelée dans la Politique : « une grande cité et une cité populeuse, ce n’est pas la même chose » ?

DB : Je crois que la technologie nous a trompés. En augmentant les rendements, en favorisant les transports, elle nous a donné l’illusion de l’omnipotence. Nous nous sommes crus libérés de toute limite. Sans doute la pensée grecque était-elle, ou paraissait-elle, peu adaptée au monde industriel. Or la technologie ne crée pas de nouvelles ressources. Elle nous a plutôt permis d’exploiter plus vite et plus complètement celles de la planète, de « consommer le capital ». Aujourd’hui avec la déplétion de ces ressources, les questions quantitatives redeviennent cruciales. Le sens des limites nous serait bien utile. On le retrouve dans la philosophie de la décroissance, et il était d’ailleurs présent dans les premiers slogans de l’écologie : small is beautiful… Olivier Rey en a développé brillamment certains aspects dans son récent livre Une question de taille. Yves Cochet travaille aussi dans ce sens avec l’Institut Momentum.

Q. : Lecteur de Gibbon (qui pourtant ne s’exagérait pas l’ampleur de la submersion qu’auraient représentée les masses barbares), Malthus voyait dans la prolifération des Germains un facteur-clé de la chute de l’Empire romain ; de leur côté, les Romains étaient de longue date devenus malthusiens. Les plus sages, en un sens, ont donc perdu. Ne touchons-nous pas là à la faille essentielle du malthusianisme ? De même qu’un désarmement unilatéral n’a jamais signifié la paix mais seulement la capitulation, le « malthusianisme dans un seul pays » n’expose-t-il pas celui-ci à une invasion à plus ou moins brève échéance en provenance de zones à plus forte pression démographique ?

DB : La population française représente 0,9 % de la population mondiale, une politique nataliste qui la ferait remonter à 1 ou 1,1 % (car telles sont les marges de manœuvre) ne changerait rien à l’affaire, ce n’est plus par cette course contre le reste du monde que nous pouvons nous préserver des migrations. L’Afrique aura 4 milliards d’habitants à la fin du siècle (20 fois plus qu’en 1950 !). Il s’agit d’affirmer notre culture, plus que de lutter vainement par les berceaux. Il faut aussi d’aider les pays en développement à maîtriser leur fécondité, pour permettre aux populations locales de ne pas être les premières victimes de leur explosion démographique.

Q. : L’action de Démographie responsable ne se conçoit donc pas sans contacts internationaux. Dans les pays du Sud, premiers concernés par la question de la surpopulation, les discours malthusiens en provenance du Nord ne sont-ils pas perçus comme condescendants, paternalistes, ou parfois même carrément racistes, comme le laissent parfois entendre certains anti-malthusiens occidentaux, tel Hervé Le Bras ?

DB : Il existe dans plusieurs pays d’Europe des groupes comparables, fédérés au sein de l’European Population Alliance (1). L’association anglaise Population Matters compte à elle seule plusieurs milliers de membres. Aux États-Unis, plusieurs mouvements similaires, souvent liés à des organisations environnementales et/ou en faveur du développement, connaissent un réel succès.Hélas, en effet, les messages prônant une certaine « modestie démographique » sont parfois perçus avec méfiance. Bien entendu, les natalistes ne se privent pas d’encourager ces réactions, en chargeant la barque. Un discours ferme et des actes cohérents permettent d’échapper à la caricature. Ainsi, nous avons pu organiser l’envoi et la distribution de préservatifs en Afrique, en collaboration avec des écologistes locaux. Cela montre bien qu’il existe là-bas aussi une vraie conscience du problème. Tous les Africains ne considèrent pas que les Européens qui les mettent en garde contre l’explosion démographique de leur continent seraient racistes, au contraire.

Q. : Le défi démographique est-il correctement abordé par l’ONU et ses agences ?

DB : Il existe dans les grandes institutions internationales une réelle conscience du problème. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a d’ailleurs lui-même souligné la gravité de l’enjeu. Au sein du Fonds des Nations unies pour la population, comme à l’Agence Française de Développement, le sujet est bien présent. Il faut bien constater pourtant que cette conscience n’a pas conduit à endiguer suffisamment la croissance démographique mondiale. L’Asie par ses effectifs gigantesques, l’Europe par sa densité moyenne très forte, l’Afrique dont le potentiel de croissance menace tant le développement que les équilibres écologiques en sont les témoins. Chacun attendait un développement harmonieux du monde, une transition démographique rapide, la généralisation, sur le mode occidental, d’une fécondité autour de deux enfants par femme, pour assurer le renouvellement des générations tout en évitant l’explosion. Force est de constater aujourd’hui que ce schéma optimiste ne se réalise pas ou en tout cas pas assez vite.

Source : Revue Éléments (numéro de janvier-février 2016 sous le titre, La bombe P n’est toujours pas désamorcée).

(1) Depuis cet entretien, l'European Population Alliance n'existe plus, il s'est par contre créé l'Eurasp, une fédération d'associations européennes dont les idées sont proches de celles défendues par Démographie Responsable, laquelle en fait d'ailleurs partie.

Source : Revue Éléments, numéro de janvier-février 2016, sous le titre : "La bombe P n'est pas désamorcée".

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23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 19:04

Un article de Gilles Lacan, ancien magistrat

Sous les effets conjugués du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité, autonomes l'un par rapport à l'autre mais tous deux causés par l'activité humaine, le monde risque d'être confronté dans une génération, peut-être avant, à un effondrement économique général.

Celui-ci pourrait être la conséquence de pénuries énergétiques, affectant plusieurs pays ou continents, couplées à des épisodes de stress hydrique ou de famines, en concomitance avec des pandémies potentiellement plus sévères que celle du covid. Cela dans l'hypothèse optimiste d'une absence de conflit militaire majeur.

Pour faire cesser le réchauffement climatique, acté dès le sommet de Rio en 1992, et se prémunir contre ses conséquences dévastatrices (pour l’homme), les dirigeants de la planète font habituellement valoir qu’il faudrait recourir à des technologies décarbonées - nucléaire, énergies renouvelables, voitures électriques – et promouvoir l’économie circulaire. Ainsi pourrait-on concilier le maintien de la croissance et la défense de l’environnement.

Mais, dans la réalité, malgré la mise en œuvre de politiques s’inspirant de ces principes, la situation n’a fait que se détériorer depuis trente ans. En particulier, la température moyenne mondiale n’a pas cessé d’augmenter et paraît aujourd’hui échapper à tout contrôle. Quant à la chute de la biodiversité, elle a dépassé, et de loin, les pires niveaux jamais atteints depuis la naissance de l’humanité, au point de menacer à court terme nos ressources alimentaires.

Le temps est compté, nous n’avons plus trente ans à perdre. Pour retarder l’effondrement ou, au moins, en atténuer les effets, il faut dès maintenant organiser la résilience et, pour cela, faire des choix beaucoup plus radicaux. Compte tenu de la vulnérabilité de notre système économique globalisé et en l’absence d’une structure politique internationale capable d’imposer une stratégie d’ensemble, ces choix doivent être prioritairement orientés vers la démondialisation.

L’idée sous-jacente est qu’en temps de crise, l’interdépendance des économies est un facteur de fragilité et d’irresponsabilité, et que la résilience globale sera d’autant plus efficace qu’elle sera portée par chaque peuple, replié sur son propre territoire.

En ce qui concerne la France, il s’agira d’abord de restaurer notre souveraineté alimentaire, sur la base de petites et moyennes exploitations polyvalentes et d’une agriculture sans pétrole, sans engrais chimiques et sans pesticides. Celle-ci pourra-t-elle nourrir 70 millions d’habitants dans ces conditions ? Ce n’est pas certain, même si l’on mobilise des millions d’emplois dans ce secteur.

Il faudra aussi relocaliser les industries, revenir aux basses technologies et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Cela ne sera pas possible sans un recours sévère au protectionnisme.

Il faudra encore raccourcir les circuits de distribution, réduire les déplacements de personnes, adapter la population aux capacités de portage de chaque territoire, décentraliser les principaux services publics et réduire le format de l’administration.

Et sans doute enfin faudra-t-il travailler plus pour gagner moins parce que, faute d’énergies fossiles, la productivité va s’effondrer et que, fabriqués en France, les produits manufacturés coûteront nécessairement plus cher.

Mais il n’y a pas d’alternative. Nous fonçons droit dans le mur : freiner est sans doute la pire des solutions… après toutes les autres.

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 11:04

Devant les propos alarmistes lus dans nombre d'éditoriaux sur la baisse de la croissance démographique en France et la baisse de la population chinoise, l'association Démographie Responsable a publié ce 17 janvier le communiqué suivant :

L’INSEE vient de diffuser les dernières statistiques démographiques confirmant que si la France (Métropolitaine + Outre-Mer) avait pour la première fois atteint les 68 millions d’habitants, certains ,indicateurs montraient un sensible ralentissement de la croissance.

Le nombre de naissances (723 000 en 2022) est le plus faible depuis 1946, le solde naturel (+ 56 000) est très bas et désormais loin du solde migratoire (+ 161 000) qui est, comme le signale le Monde, le principal moteur de la progression de la population. La fécondité (1,8 enfant par femme) est en légère baisse et la mortalité en hausse, indépendamment même de l’effet naturel lié au vieillissement. 

Dans le même temps, la Chine reconnait pour la première fois depuis 1960 une baisse de sa population, certes modeste (- 850 000 personnes soit - 0,06%) mais significative au moment où sans doute l’Inde la remplacera comme pays le plus peuplé de la planète.  Son indice de fécondité serait désormais inférieur à 1,2 enfant par femme quand le remplacement des générations suppose qu’il dépasse légèrement 2. 

Bien que relevant pour une part de causes différentes, ces deux phénomènes ont engendré ces dernières heures de nombreux commentaires catastrophistes annonçant un déclin de l’humanité, un pessimisme général, une atteinte à la croissance économique.

Et si, au contraire, il s’agissait là de bonnes nouvelles pour la planète mais aussi pour chacun des pays concernés ?

Pourra-t-on assurer éternellement l’équilibre de nos sociétés si celui-ci s’appuie toujours sur une augmentation de nos effectifs ? A l’évidence ce serait là entrer dans une spirale sans fin.

Les ressources sont  toujours plus rares, la biodiversité s’écroule, les gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère. Sur tous ces phénomènes, le nombre des hommes constitue un facteur déterminant. Nous pouvons certes réduire l’impact des populations les plus riches, mais une grande partie du monde aspire au contraire à un meilleur niveau de vie qui augmentera mécaniquement son impact.

La seule façon de concilier une amélioration du sort des plus pauvres et un maintien de conditions acceptables pour la biosphère est donc d’agir en faveur de la maîtrise de la fécondité, dans les pays en voie de développement du fait de leur dynamique démographique, comme dans les pays les plus favorisés du fait de l’impact de chacun de leurs habitants.

Bien entendu cela nécessitera dans un premier temps des adaptations difficiles, notamment sur les retraites et sur le coût de la santé. Mais compter sur une augmentation permanente de notre nombre ne fera que repousser le problème. Les jeunes d’aujourd’hui seront inévitablement les vieux de demain. Une perspective de long terme permet au contraire de montrer que, tant sur l’équilibre social et économique que sur celui de la nature, une baisse de la fécondité et donc plus tard de nos effectifs serait une perspective favorable. Nous n’avons jamais été autant sur la planète, nous sommes 5 fois plus nombreux qu’au début du XXe siècle ! Sans doute est-il temps de voir autrement notre avenir et de s’engager vers une diminution progressive de nos effectifs. « Voici venu le temps du monde fini » disait Albert Jacquard, à l’humanité de s’y adapter, et par sa démographie d’abord.

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 17:04

 

Les Écologistes et le nucléaire

Pourquoi j'accepte aujourd'hui le nucléaire

par Antoine Waechter

12 avril 1971, Fessenheim

La première manifestation contre le projet de centrale nucléaire à Fessenheim réunit 1 500 personnes à l’appel du Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin (CSFR : Jean-Jacques Rettig, président), de la fédération haut-rhinoise des associations de protection de la nature (AFRPN 68 : Antoine Waechter, président, Solange Fernex, secrétaire) ainsi que de Bürger Initiative allemands. C’est la première manifestation contre le nucléaire civil en France. 5 000 personnes manifestent une nouvelle fois en 1972. Au-delà des slogans, trois motivations mobilisent les manifestants : la peur d’une pollution radioactive, le refus d’une destruction des milieux rhénans par une industrialisation nucléarisée (Fessenheim était la première annoncée d’un ensemble de quatre centrales envisagées sur le fleuve), et la dénonciation d’un État centralisé et autocratique. En 1972, nous diffusons aux manifestants, sous le sigle de l’AFRPN, un texte affirmant qu’il serait absurde de refuser la production électronucléaire si nous ne remettons pas en cause la croissance de la consommation d’électricité de 10 % par an prévue par EDF. Nous plaçons d’entrée de jeu la modération de la consommation d’énergie au cœur du combat.

La création de la synonymie : antinucléaire = écologistes

Dans les années qui suivent, l’antinucléaire prend de l’ampleur, jusqu’à la confrontation tragique de Malville, en 1977. La mobilisation, reprise par une certaine Gauche, s’assimile à une contestation de l’État. Dans le même temps, la simplification médiatique associe les termes d’écologistes et d’antinucléaires : les antinucléaires sont nécessairement des écologistes, et ces derniers sont nécessairement opposés au nucléaire. Cette confusion d’identité va peser lourd dans la suite.

La formation d’une pensée dogmatique

J’ai combattu le nucléaire pendant trente ans, d’abord au nom d’Écologie et Survie (1973-1984), puis des Verts (1984-1994) et enfin des Écologistes-MEI (1995-2004). Je me suis rendu compte que les motivations fortes des premières années ont progressivement laissé la place à une posture idéologique. Les arguments avancés autour de moi avaient des racines de plus en plus faibles. Le refus du nucléaire est devenu une revendication d’identité politique. L’analyse rationnelle a disparu. Le fait de s’affirmer contre le nucléaire s’auto-justifie par un demi-siècle d’opposition. La position antinucléaire est aujourd’hui le dogme d’une identité d’écologiste.

Avions-nous raison de nous opposer au nucléaire ?

Oui, sans hésitation : raison de nous opposer à Fessenheim : l’Histoire nous a donné raison, et nous avons sauvé les milliers d’hectares de forêts rhénane promises au défrichement et à l’industrialisation ; raison de contester une énergie dangereuse : sous notre pression, la France a mis en place le système garantissant la sécurité de la filière le plus performant du Monde. Nous avons rempli notre rôle.

Mais, les temps ont changé

La menace climatique s’est aujourd’hui imposée comme le premier danger pour l’Humanité, exigeant de réduire de manière substantielle notre recours aux énergies fossiles. En 2004, Jean Brière, un antinucléaire lyonnais de la première heure, nous interpelle : vous devez choisir entre une menace avérée, le réchauffement climatique, et un risque potentiel, le nucléaire. La France a aujourd’hui l’un des mix énergétiques les plus vertueux au monde au regard des émissions de carbone : voulez-vous le remettre en cause ? Nous avons alors adopté une position répondant à ceux qu’effraie le climat et à ceux qui refusent le nucléaire : nous fermerons un réacteur à chaque fois que nous aurons obtenu une baisse équivalente de la consommation d’électricité. Dix-huit ans plus tard, nous sommes obligés de constater que l’électrification de la mobilité individuelle et la communication numérique font grimper la consommation et qu’à ce rythme nous ne pourrons fermer aucun réacteur. Notre société se comporte aujourd’hui comme un drogué en manque : elle est prête à tout sacrifier pour avoir son contingent de kWh : prête à sacrifier la beauté de la France, en dispersant des milliers de zones industrielles dédiées au vent dans l’espace rural ; à sacrifier les écosystèmes, en plantant des éoliennes et des parcs photovoltaïques dans les forêts ; à massacrer des espèces vulnérables (chauves-souris, grands rapaces…) ; à colorer les toitures en blanc au détriment de la cohérence esthétique de nos villages ; en enlever aux citoyens tout pouvoir de contrôle sur l’évolution de leur cadre de vie. Avec la complicité active des antinucléaires dogmatiques !

Les critiques adressées au nucléaire ne justifient pas une opposition, mais des exigences

- L’approvisionnement en combustible

Oui, l’extraction de l’uranium à ciel ouvert en Afrique a un impact environnemental et social incontestable. Remarquons que l’extraction du néodyme, indispensable aux éoliennes, à un impact encore plus douloureux en Mongolie. Et l’extraction du lithium nécessaire aux batteries de nos voitures électriques, sera une plaie béante de plus, bientôt en France.

- La gestion des déchets

Les déchets chimiques stockés dans une mine (Stocamine) du bassin potassique du Haut-Rhin, dont l’extraction est demandée par des militants et de nombreux élus, nous rappellent que le nucléaire n’a pas le monopole du problème. J’ai affirmé, voici trente ans déjà, que la formule des Scandinaves me paraît être la meilleure : enfouir définitivement les déchets les plus radioactifs dans une fosse d’un kilomètre de profondeur creusée dans le granit, une roche naturellement radioactive. Bure reste un site expérimental, qui n’héberge actuellement aucun déchet.

- L’accident possible

Deux accidents majeurs en un demi-siècle, soit une fréquence inférieure aux accidents de la chimie et aucune comparaison avec le nombre de morts des unités industrielles non nucléaires. Le nucléaire, c’est le pari de Pascal inversé : une probabilité d’occurrence infime, mais des effets considérables lorsque l’événement se produit. A Tchernobyl, l’accident met en cause le système hiérarchisé autocratique du régime communiste et une conception technique défaillante qui n’est reprise par aucun des réacteurs actuellement en service dans le monde. De cet événement, nous retenons que le nucléaire civil ne peut raisonnablement être développé que dans des pays capables de garantir la sécurité des installations, affectés d’un faible taux de corruption, et soumis au contrôle démocratique des citoyens. En d’autres termes, le nucléaire ne peut pas remplacer le charbon dans une grande partie de la planète. A Fukushima, l’accident met en cause les planificateurs, qui ont sous-estimé la puissance possible des tsunamis. À la Faute sur Mer, qui doit-on accuser : l’incapacité des maisons à résister à l’océan, ou l’irresponsabilité d’une municipalité qui a ouvert le bord de mer à l’urbanisation ? Et comme l’exprime Jean-Marc Jancovici : à Fukushima, l’attention s’est focalisée sur la centrale, qui n’a tué personne, alors que le tsunami a fait des milliers de victimes. À Fessenheim, la centrale a été fermée par précaution et surtout pour éviter une dépense exorbitante sur une centrale vieillissante. La commission en charge de la sécurité nucléaire veille, avec une rigueur sans commune mesure avec la surveillance de nos sites industriels.

La faiblesse des énergies renouvelables

Le renouvelable n’est pas une valeur morale, il n’est même pas écologiquement vertueux. Toutes les productions d’énergies ont un impact, à l’exception de celle que l’on ne consomme pas, mais certaines sont plus favorables que d’autres. Les éoliennes industrielles terrestres cumulent le plus d’inconvénients (voir « Le scandale éolien »). Le développement du photovoltaïque au détriment de la forêt est un contre-sens, et le détournement des terres agricoles au profit de la production d’énergie est un « crime » contre le bon sens. Mais, la faiblesse de la majorité des renouvelables est qu’elles sont diffuses. La centrale du Bugey (4 réacteurs de 900 MW), par exemple, est déployée dans un espace clos de 85 hectares. Un parc éolien d’une puissance installée équivalente exigerait de couvrir un territoire de 7 200 hectares par 1 800 mâts de 2 MW ! Pour une production annuelle trois fois moindre (taux de charge : 22 % pour l’éolien, 80 % pour le nucléaire). Voilà pourquoi, la contribution de l’éolien à la production française oscille, selon les jours, entre 0 (pas de vent) et 18 % (en pointe), avec une moyenne de 6,9 %.

Pragmatisme

Les centrales sont installées. Elles nous valent le mix énergétique le plus décarboné du monde. L’introduction des éoliennes dans ce mix dégrade cette performance, en sus des dégâts multiformes qu’elles occasionnent. Toute personne consciente de la menace climatique acceptera, par pragmatisme, le parc électronucléaire installé. Mais, il faut avoir conscience que seule une remise en cause de nos excès consuméristes pour atteindre la sobriété énergétique, évitera l’impasse, comme nous l’écrivions il y a déjà un demi-siècle et comme le modélisait le MIT (1972).

9 décembre 2022

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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 07:04

 

Estimation de la population mondiale au 1er janvier 2023

Selon différents compteurs, en millions d'habitants et en début d'année

Sources                                          2022              2023            Progression

                                                                                                                    en nombre           en %

 

Countrymeters                                7 948             8 047          +   99  soit  + 1,3 %

Earth Clock                                     7 934           8 024          +   90  soit  + 1,1 %  

INED                                               7 916           8 009          +   93  soit  + 1,2 %

Overpopulation awareness             7 830           7 903          +   74  soit  + 0,9 %      

PopulationCity.world                         7 890           7 973          +   83  soit  + 1,1 %  

Population.io                                   7 876           8 010          + 133  soit  + 1,7 %      

Population mondiale.com               7 863           8 011           + 148  soit  + 1,9 %

Terriens.com                                   7 842           7 916          +   74  soit  + 1,0 %

US Census Bureau                         7 869           7 943          +   74  soit  + 1,0 %

Worldometers                                 7 917           8 009          +   92  soit  + 1,2 %

 

 

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Moyenne :                                      7 888           7 984        +  96   soit  +  1,2 % 

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Depuis le 15 novembre 2022 la Terre accueille « officiellement » 8 milliards d’êtres humains. Cette date choisie par l’ONU est quelque peu surprenante. En effet, la plupart des statistiques - celles de l’INED et même de l’ONU - laissaient penser, il y a peu encore, que nous atteindrions cet effectif seulement au cours du  premier trimestre 2023. L’estimation moyenne des 10 compteurs que nous présentons ici reste d’ailleurs, en ce 1er janvier, légèrement inférieure à 8 milliards (1).

Qu’importe, avec une précision de l’ordre de + ou - 1 %, considérons que nous sommes entre 7,9 et 8,1 milliards ou, autrement dit, que nous avons été ou serons 8 milliards entre la fin 2021 et le tout début 2024.

Le franchissement de ce seuil symbolique marque la poursuite de l’explosion démographique. Si beaucoup d’articles tendent aujourd’hui à nous rassurer en nous promettant une prochaine stabilisation, jamais pourtant un milliard n’aura été gagné aussi vite : nous étions 7 milliards fin 2011, il aura suffi de 11 ans.

L’événement aura, au moins quelques jours durant, mis la question démographique à l’affiche. En France, plusieurs débats télévisés ont été proposés : ici sur Arte le 15 novembre, ici sur Public Sénat le 17 novembre et ici sur FR3 le 4 janvier. Signalons aussi la mise en accès libre et en version française du film Mother de Christophe Fauchère consacré à la surpopulation qui nous donne encore une fois l’occasion de mesurer l’extraordinaire préscience de Paul Ehrlich (auteur de « La bombe P » en 1968).

L’avenir ?

Si les prévisions à courte et moyenne échéances font à peu près l’unanimité - nous devrions être autour de 9,7 milliards en 2050 – celles pour 2100 sont naturellement plus discutées. Voici le rappel de l’évolution des projections de l’INED et de l’ONU  ces dernières années (3).

Evolution des projections mondiales pour 2050

                       INED 2009 : 9,4 milliards,  ONU : 9,1 milliards

                       INED 2011 : 9,6 milliards,  ONU : 9,3 milliards 

                       INED 2013 : 9,7 milliards,  ONU : 9,6 milliards

                       INED 2015 : 9,8 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2017 : 9,8 milliards,  ONU : 9,8 milliards

                               INED 2019 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7 milliards

                       INED 2022 : 9,7 milliards,  ONU : 9,7 milliards

 

Evolution des projections mondiales  pour 2100 (ONU)

                 en 2011 :  10,1 milliards,    en 2013 :  10,9 milliards

                 en 2015 :  11,2 milliards,    en 2017 :  11,2 milliards

                 en 2019 :  10,9 milliards,    en 2022 :  10,4 milliards

II faut rester prudent sur les prospectives de long terme. Nul ne connaît la fécondité des années 2060 ou 2080. En témoigne l'évolution chaotique de ces estimations à 2100.

Certes, plusieurs organismes ont abaissé leurs projections pour 2100. L’ONU a ainsi réduit son estimation de 500 millions, passant de 10,9 milliards, prévus lors de l’étude de 2019,  à 10,4 milliards aujourd’hui. En 2020,  l’IHME (un institut américain d’études sur la santé) a envisagé une population de 8,8 milliards pour 2100 (avec un pic proche de ce niveau en 2064) et, récemment, une étude de la banque HSBC évoquait même l’hypothèse d’un monde de 4 milliards d’habitants à la fin du siècle.  Il s’agit là d’un scénario extrême peu partagé par les démographes car il supposerait une rupture très brutale ou même un effondrement de nos sociétés.

Gardons à l’esprit que ces baisses s’appuient sur l’hypothèse d’une continuation jusqu’en 2100 de la diminution de la fécondité aujourd’hui observée au niveau mondial : 2,7 enfants par femme en 2004 et 2006, 2,6 en 2008, 2,5 entre 2010 et 2017, 2,4 en 2018 et 2,3 en 2021 (2). Bien qu’elle-même ralentie, cette baisse pourrait amener le monde à une fécondité de 2 enfants par femme ou même un peu moins à l’orée du 22ème siècle. Or, rien ne garantit la poursuite du processus, d’autant que cette baisse est souvent corrélée au développement économique et que dans le monde troublé d’aujourd’hui et devant l’épuisement des ressources, ce développement est toujours plus incertain.

En France métropolitaine et ultramarine (hors Mayotte) nous serions environ 68 millions d’habitants en ce début 2023 (67,8 au 1er janvier 2022 selon les chiffres provisoires de l’INSEE avec une croissance d’environ 200 000 habitants par an). La croissance annuelle tendrait à ralentir s’établissant aujourd’hui à + 0,3 % contre + 0,4 % sur la période 2014 - 2019. Cette baisse résulte principalement de celle du solde naturel.

Il est intéressant aussi de noter que si en France la plupart des structures organisées (partis, associations, structures étatiques, églises...) sont natalistes, la population est au contraire particulièrement sensible à la question et que 72 % des français pensent que la planète est surpeuplée. Tel est en effet le principal enseignement d'un sondage réalisé fin 2022 par l'IFOP, sondage consultable ici.

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Note : Cette année ont été publiées (avec un an de retard) les dernières statistiques démographiques mondiales de l’ONU et de l’INED, celles de l’INED (série « Tous les pays du monde ») sont téléchargeables ici.

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(1) 7,984 milliards précisément, notons que la progression moyenne affichée pour ces compteurs sur un an : + 96 millions, soit + 1,2 % est sans doute exagérée. Elle est en tout cas en décalage avec l’évolution généralement admise. Cela semble notamment lié au rattrapage qu’ont effectué plusieurs compteurs pour se mettre au diapason de la décision de l’Onu de fixer le passage des 8 milliards à fin 2022. C’est manifestement le cas de Populaiton.io et de Population mondiale.com dont les données sur la croissance annuelle (respectivement + 133 et + 148 millions) sont manifestement excessives. Le compteur de l'INED lui-même (+ 93 millions) est en désaccord avec les chiffres proposés dans les publications de l'institut.

(2) Statistique INED, Tous les Pays du Monde.

(3) Les années indiquées sont les années de publication, les statistiques portent sur l'année précédente.

Tous les articles intitulés : La population mondiale au 1er janvier :

2009 (6,759 milliards), 2010 (6,838 milliards), 2011 (6,914 milliards),

2012 (7,003 milliards), 2013 (7,082 milliards), 2014 (7,162 milliards),

2015 (7,260 milliards), 2016 (7,358 milliards), 2017 (7,440 milliards),

2018 (7,534 milliards), 2019 (7,637 milliards), 2020 (7,703 milliards)

2021 (7,800 milliards), 2022 (7,888 milliards), 2023 (7,984 milliards).

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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 13:04

Economie Durable vous souhaite de très heureuses fêtes

et vous présente tous ses vœux pour 2023

 

Le Manaslu, l'un des sommets de plus de 8000 mètres

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29 novembre 2022 2 29 /11 /novembre /2022 11:44

 

La guerre en Ukraine nous rappelle cruellement les souffrances supportées par les populations civiles dans les conflits. Les gens sont tués, les habitations détruites et la vie rendue toujours plus difficile par l’attaque systématique des infrastructures et des réseaux, et tout d'abord du réseau électrique dont dépendent tous les autres. Concrètement, il n’y a plus d’eau, plus de chauffage, plus d’énergie, plus de système de communication…  

Cyniquement et consciente de la dépendance croissante des populations à ces réseaux, la Russie les vise en premier lieu, tentant ainsi d’accentuer le désespoir des Ukrainiens.

Au-delà de l’Ukraine ces frappes mettent en évidence la fragilité de nos sociétés : fragilité aux conflits, mais plus largement, fragilité face à toute menace d’effondrement (voire même, cause d’effondrement).

Mais la densité de peuplement tient aussi son rôle. Une population dispersée, dans des habitats individuels, est beaucoup plus résiliente. La probabilité qu’une maison donnée soit touchée par un missile est faible et si les réseaux sont endommagés, la vie quoique difficile, reste possible. On chauffe une pièce seulement, on peut sortir à pied se ravitailler. A l’inverse, que faire dans un immeuble de 15 ou 20 étages sans lumière,  sans eau, sans toilettes, sans ascenseur… (pensons aux personnes âgées) ? Les mêmes causes ont dans les zones de peuplement denses et collectifs, des conséquences infiniment plus graves et douloureuses.

Il se trouve que nos sociétés sont menacées d’effondrement et que certains préconisent la densification de l’habitat pour limiter notre empreinte écologique. C’est là ouvrir la porte à une terrible fragilité et à la survenue du chaos à la première difficulté sérieuse.

Il est triste de voir beaucoup d’écologistes séduits par ce type de société où nous vivrions tous entassés et, par cela, tous plus coupés de la nature et tous plus fragiles. 

Encore une fois, la seule façon de concilier une faible empreinte, une qualité de vie et une meilleure résilience est de maîtriser notre démographie, de la maîtriser partout, dans les pays riches comme dans les pays plus pauvres qui sont en pleine explosion démographique et où les mégapoles toujours plus vastes et nombreuses sont des promesses de drames futurs.

Nous devons à toute force éviter cette densification, fruit obligé de l’accroissement de notre nombre.

Quand les responsables politiques et économiques, quand les écologistes ouvriront-ils les yeux ?

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18 novembre 2022 5 18 /11 /novembre /2022 21:44

ARTE 6

Le passage de l'humanité au seuil des 8 milliards de représentants a donné lieu dans les médias à de nombreux articles et reportages, à quelques débats aussi.

Dans le cadre de son émission "28 minutes" Arte a ainsi proposé un échange entre Didier Barthès (porte-parole de Démographie Responsable et coprésident du Mouvement Écologiste Indépendant), Emmanuel Pont (ingénieur et essayiste) et Virginie Raisson-Victor (prospectiviste, présidente du Giec Pays de la Loire) sur ce thème

Vous pouvez écouter ici ce débat où sont évoqués les principaux arguments visant à donner - ou pas  -  à notre nombre un rôle prépondérant dans les problèmes écologiques actuels. 

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18 octobre 2022 2 18 /10 /octobre /2022 12:44

En ces périodes de crises écologiques et énergétiques, les énergies dites renouvelables ont le vent en poupe et ont généralement bonne presse au sein des milieux écologistes. Le gouvernement lui-même souhaite en accélérer la mise en oeuvre à travers un récent projet de loi. Les choses ne sont pourtant pas si simples et le Mouvement Écologiste Indépendant propose une critique de ce projet de loi qui  menace les paysages et les espaces naturels

Vous trouverez ci-dessous un résumé d'une étude menée par Bruno Ladsous, Christophe Normier et Antoine Waechter. Bruno Ladsous et Christophe Normier travaillent notamment pour le  Cérémé  (Cercle d' Etudes des Réalités Economiques et du Mix Énergétique).

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Le projet de loi dit d’accélération des énergies renouvelables déposé au Sénat est révélateur de la fébrilité de notre gouvernement face au risque de ralentissement économique que provoqueraient une pénurie d’énergie et le renchérissement du prix de l’électricité.

On y trouve pêle-mêle pour créer un sentiment d’urgence : le changement climatique, la guerre en Ukraine, les lourdeurs administratives et contentieuses. On y évoque une planète vivable en oubliant de préciser qu’elle doit être vivable pour toutes et tous. Pourtant, l’état de la planète devrait plutôt inviter le gouvernement à prendre des mesures de ralentissement de la prédation anthropique, des mesures de sobriété énergétique et de renforcement de l’efficacité énergétique.

En réalité, ce projet de loi ignore la Charte de l’Environnement et la décision du Conseil Constitutionnel du 12 août 2022 rappelant la primauté de l’environnement et de la santé.

 

I- Cinq oublis essentiels :

1. La France est responsable de 0,95% des émissions Monde de GES, mais de 2% en incluant les produits consommés en France mais fabriqués à l’étranger.

2. Aucune évaluation des besoins en électricité entre 2022 et 2050, aucune courbe prévisionnelle.

3. Aucune référence à l'existence d'alternatives sérieuses, qui ont vocation à être portées au débat public.

4. Aucune mention des solutions en circuit court ne faisant pas appel à d’immenses réseaux de raccordement, ni aux solutions de captage du carbone.

5. Aucune évaluation environnementale, pourtant exigée par les directives européennes. Le document de 193 pages intitulé Etude d'impact n’a rien à voir avec la protection de l’environnement.

 

II- Quatre affirmations non fondées :

1. Les productions d’origine renouvelable seraient les moins coûteuses. Mais c’est complètement faux comme le prouvent des études non contestées qui ont en outre le mérite de tenir compte des Coûts système et des coûts environnementaux (voir ce lien).

2. Les EnR seraient un choix écologique. Mais les électricités renouvelables intermittentes ne contribuent pas à décarboner l’électricité (déjà décarbonée à 92%). Et elles ont un impact environnemental qui n'est plus accepté (paysages et patrimoine, biodiversité, cadre de vie).

3. La France serait en retard. Mais la France respecte, du moins pour son électricité, ses engagements climatiques. Sont par contre en retard les pays qui ont investi massivement dans les EnR, dont l’intermittence est palliée par une production d'origine fossile : gaz, voire charbon comme en Allemagne.

4. Les procédures applicables seraient trop lourdes. Mais la qualité d’une procédure se mesure au niveau de protection des intérêts prioritaires que sont l'environnement et la santé publique, ainsi qu’à la participation des citoyens dans la prise de décision selon la convention d’Aarhus, que la France a ratifiée.

 

III- Quels sont les problèmes que posent les articles du projet déposé :

Le gouvernement a fait machine arrière sur de nombreuses dispositions qui visiblement étaient la « commande » de la filière des EnR (relèvement des seuils de soumission à l'évaluation environnementale, et diverses dérogations de procédure contraires à la convention d’Aarhus), mais il demeure dans le texte proposé de nombreuses dispositions inacceptables pour une protection durable de l’environnement, citons-en quatre :

a, Simplification des procédures pour le développement du photovoltaïque sur les terres agricoles, pastorales ou forestières.

Mais le gouvernement oublie que l’ADEME a recensé en 2019 un potentiel solaire de 49 GW sur des sols déjà artificialisés et malheureusement non renaturables (friches industrielles, délaissés routiers et ferroviaires, anciennes carrières).

b, Reconnaissance aux EnR d'un intérêt public majeur permettant de déroger à l’obligation de respect des espèces protégées.

Mais on peine à comprendre pourquoi des énergies qui ne décarbonent pas, qui ne sont pas compétitives, qui ne contribuent pas à la sécurité d’approvisionnement de nos concitoyens et de leurs entreprises, et qui enfin ne respectent pas, ou si peu, l’environnement, pourquoi et comment elles pourraient être d’intérêt public majeur. C’est tout simplement absurde.

c, Simplification des procédures applicables à l'éolien en mer.

Mais le texte ne montre aucun souci de prévention des impacts sur les milieux marins et sur la ressource halieutique, et il ne fait aucune référence à la résolution protectrice votée par le Parlement européen le 7 juillet 2021.

d, Réduction des factures des ménages résidents proches d’éoliennes, afin de faciliter leur acceptation.

L’Etat peut-il acheter la complaisance des « ménages résidents proches » au détriment de la beauté du monde, au détriment de la biodiversité, ou des riverains ? Où est l’éthique ?

Les Écologistes tiennent à rappeler la décision du Conseil Constitutionnel du 12 août 2022 " la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation " et " les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins

La société se comporterait-elle comme un drogué prêt à faire n’importe quoi pour avoir sa dose ?  Notre société serait-elle à ce point dépendante de l’électricité qu’elle serait prête à sacrifier ce qu’elle s’est évertuée à préserver depuis un demi-siècle, depuis la première Loi de protection de la nature de juillet 1976 ?

  • Nous demandons de placer l’urgence et les moyens financiers de notre pays dans la recherche de la sobriété et des moyens de diminuer le recours aux énergies fossiles et de réduire notre consommation d’électricité.

    Bruno Ladsous - Christophe Normier - Antoine Waechter

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 10:04

Antoine Waechter et Didier Barths

A l'occasion de la publication du livre Le Défi du  Nombre, les deux auteurs, Antoine Waechter et Didier Barthès, ont été  les invités de l'émission Politique et Economie diffusée le 10 octobre 2022.

Pierre Bergerault et Olivier Pichon ont évoqué avec eux la question : Bombe démographique : Régulation volontaire ou subie ? Un débat toujours aussi nécessaire alors qu'une large partie des mouvements écologistes refuse toujours de mettre ce sujet à l'honneur.

Sur ce sujet voir également l'entretien précédent accordé en mars 2021, ainsi qu'une critique de l'ouvrage présenté (sur le site de Champs Communs)

 

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  • : ECONOMIE DURABLE
  • : Site consacré à l'écologie et à la construction d'une société durable, respectueuse de l'environnement Auteurs : Didier Barthès et Jean-Christophe Vignal. Contact : economiedurable@laposte.net
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