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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 11:40

 

 

    C’est à un peu de patience et de persévérance que je vous convie en vous recommandant chaudement la lecture du livre de Jared Diamond : Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie; un imposant ouvrage de 630 pages dans sa version française ! (1)

    A travers l’étude d’une dizaine de cas passés et présents (2), Jared Diamond nous conduit inévitablement aux questions fondamentales de notre siècle : Notre civilisation va-t-elle s’effondrer ? Peut-on faire quelque chose pour l’éviter ? Comment les sociétés se sont elles comportées jusqu’à présent ? Quelles leçons tirer de leurs échecs et de leurs réussites ?

  
     Pour chaque situation, l’auteur pose précisément les conditions physiques, sociales et démographiques avant d'analyser  les mécanismes par lesquels la société a pu s’en sortir ou au contraire a sombré dans le chaos.  
    Pourquoi a-t-on pris, ici les bonnes décisions, là les mauvaises ? Comment s'établit le choix entre cercle vertueux et cercle vicieux ?

    Le cas le plus célèbre est évidemment  l’île de Pâques. La surpopulation et l’imprévoyance ont conduit à l’effondrement de tout l’écosystème et finalement de toute la société.
   Nous savons qu’aujourd’hui le risque est que notre planète entière ne devienne une gigantesque île de Pâques.
Désormais, cette île  constitue avec le Titanic la métaphore la plus utilisée quand il s’agit de décrire les cataclysmes vers lesquels nous nous dirigeons aveuglement faute de comprendre et d'agir sans retard.

    Moins médiatisée, au moins sous cette approche, l’histoire du Rwanda se révèle tout aussi exemplaire. Jared Diamond présente clairement l’explosion démographique comme principale cause des massacres qui ont ensanglanté la région dans la décennie 1990.
    Analyse originale, car beaucoup d’ouvrages ont été publiés sur le sujet, détaillant à foison l’histoire complexe et sans cesse retournée des relations entre Hutus, Tutsis et colonisateurs sans jamais évoquer la question du nombre et de la raréfaction concomitante des ressources.
    Le Rwanda est une leçon mal comprise.

    Les comparaisons  sont instructives ! Remarquable est l'histoire de  l’île d’Hispaniola partagée entre Haïti et la République dominicaine. L’une connaît un effondrement  presque total tandis que l’autre maintien (à peu près) ses équilibres et préserve (partiellement) son couvert végétal. Pourquoi ? 
    Les réussites aussi sont  riches d'enseignement.  Sans doute pourrions nous nous en inspirer ? Jared Diamond explique comment, par exemple, la petite île de Tikopia est parvenue à s'en sortir et en particulier à maintenir une certaine stabilité démographique sur longue période.

    La maîtrise démographique constitue d’ailleurs le point commun, la clef incontournable du succès. Rappelons que même une croissance apparemment très faible de la population conduit systématiquement à une impasse sur le long terme (voir sur ce site l’article sur les pièges de l’exponentielle).

    Ajoutons à ces réussites, même si cela ne constitue pas un chapitre de ce livre, ce que réalise aujourd'hui l’Islande  pour reboiser ses territoires (après il est vrai, avoir détruit l'ensemble de son couvert forestier) !

    Bien entendu toutes les situations évoquées par l’auteur restent locales ou au moins régionales. Le caractère global du problème  en modifie désormais la nature et en augmente considérablement la gravité.
   Si nous échouons d’autres sociétés ne pourront pas réussir ailleurs (sauf évidemment à se reporter dans le très long terme pour lequel toute prospective est délicate).

   Ce n’est pas une société qui est menacée c’est l’ensemble de la civilisation, toute la nature et les animaux  qui nous accompagnent. Si nous les détruisons,  les espèces mettront plusieurs millions d'années à se reconstituer.

   Seule très légère réserve sur ce ouvrage, quelques phrases paraissent difficilement compréhensibles. Compte tenu de la qualité globale du texte, peut-être s’agit-il d’un problème de traduction.

   Jared Diamond, Jean-Marc Jancovici, Serge Latouche, André Lebeau, James Lovelock et tant d’autres ! Une certitude s'impose, nous ne pourrons prétexter l'ignorance.

 

(1) Effondrement   : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie : Jared Diamond, éditions Gallimard, 2008. Titre original :Collapse  : How societies chose to fail or succed. Traduction française d’Agnès Botz et de Jean-Luc Fidel.
(2) Parmi les cas étudiés : Le Montana, l’île de Pâques, les indiens Anasazis, les Mayas, la Chine actuelle, les îles de Pitcairn et d’Henderson, Les Vikings et leurs aventures groenlandaises, l’Australie, l’île d’Hispaniola (Haïti et la République dominicaine), le Rwanda et le Burundi.

 

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10 octobre 2009 6 10 /10 /octobre /2009 15:42

 

 

   Vendredi 9 octobre, cloturant l'un des journaux du matin sur France-Inter, le présentateur fait part des températures relativement clémentes dont bénéficie l’hexagone depuis quelques jours.

    Le lien avec les rumeurs de réchauffement climatique vient vite à l’esprit, aussi, pour nous éclairer et mieux appuyer ses dires il interroge un spécialiste de Météo France.


   Ce dernier confirme et ajoute qu’en effet, nous n’avons jamais connu un début d’automne aussi chaud depuis… 2006.

 


   La belle affaire ! Mais enfin,  des records de températures qui datent de trois ans on en bat tous les jours ! 

  Est-ce avec ce genre d’argumentation que l'on abordera sereinement la question climatique ? 

   Est-il étonnant que face à ce manque de rigueur un Claude Allègre puisse s’engouffrer dans la brèche et remettre en cause ce que dit la grande majorité des climatologues ?


   Il faut parfois renoncer au spectaculaire pour le sérieux, à l’effet d’annonce pour la réflexion. De la rigueur avant toute chose !

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8 octobre 2009 4 08 /10 /octobre /2009 16:05

 

      L’environnement, et ce serait heureux si ce n’était une conséquence de la gravité du problème, est à ce point devenu un thème dominant qu'une revue de presse ne peut prétendre à la moindre exhaustivité.

       Aussi voilà quelques articles,  publiés au cours des trois derniers mois et qui, pris parmi beaucoup d'autres, nous ont semblés particulièrement instructifs.

 

 Tout d’abord l’excellent dossier que consacre la revue Terra Eco à la question démographique et où, pour une fois , les anti-natalistes ne sont pas systématiquement diabolisés. On y trouvera notamment un passionnant débat entre Yves Cochet (le député vert qui avait remis en cause la progressivité des allocations familiales avec le nombre d’enfants) et le démographe Henri Léridon récemment nommé au Collège de France. Les points de vues ne sont pas toujours aussi opposés que les commentaires de la revue ne le laissent penser. Tous deux savent que la poursuite de la croissance de la population aura et devra bientôt avoir un terme. Utile rappel aussi des positions  de James Lovelock le père de la fameuse hypothèse Gaïa. (Terra Eco, numéro d’octobre 2009, page 42).

 

 La Recherche propose un passionnant numéro de ses " Dossiers de la Recherche " sur  la Mer (numéro trimestriel 36 d’août 2009). Outre le renouvellement du constat accablant : nous sommes en train de vider les océans, la revue pointe l’inefficacité des mesures actuelles de protection. Rejeter les poissons à la mer en dessous d’une certaine taille ne sert quasiment à rien ils sont morts la plupart du temps, et quand ça marche un peu, on sélectionne les plus petites espèces. De plus, un poisson déjà grand à souvent une meilleure espérance de reproduction qu’un petit qui à toutes les chances de se faire manger à brève échéance. Bref la seule méthode est l’interdiction totale de la pêche dans de vastes zones : nous en sommes loin. Un pour cent seulement de l’océan est classé en " Aire Marine Protégée ".

 


 Sciences et Avenir consacre pour sa part quelques articles à une alimentation qui serait tout à la fois plus saine pour le consommateur et moins déstabilisante pour la planète. Pas de miracle, la viande et la viande rouge en particulier tiennent le mauvais rôle, il faudra en réduire la consommation si nous voulons sauver notre bonne vieille Terre (ou plutôt ses équilibres).  Vous y trouverez des conseils pratiques pour être un consommateur plus responsable. Bon si vous aimer la viande ...
   Concernant la pêche vous lirez  évidemment la confirmation de ce qu'affirmait La Recherche dans l'article précédent.

    Dans ce même numéro dont l'éditorial de Dominique Leglu s'intitule avec justesse "Frugalité " vous trouverez un article édifiant sur les achats de terres arables à l'étranger. Les principaux acheteurs sont l'Afrique du Sud et la Chine. 
  Encore une conséquence de la  confrontation entre notre croissance  démographique et et les limites physiques de la planète. Que se passera-t-il quand il n'y aura plus de terres à vendre ?

 Enfin il est juste  de citer  ceux qui vous contredisent.
Si nous avons parfois mis en cause les nouvelles lampes dites basse consommation qui vont bientôt, loi oblige,  supplanter les lampes à incandescence, vous trouverez dans Science et Vie (numéro 1104 septembre 2009 p 74) une défense de ces ampoules.

     Le magazine souligne que le mercure tant redouté y est présent en toute petites quantités (moins que dans les tubes néons déjà largement diffusés depuis des décennies). Le rejet dans la nature de tout le mercure qu'elles contiennent  (pour une consommation de 30 millions d'ampoules par an) n’augmenterait que de 1 pour cent les rejets de ce métal. Enfin les lampes en comportent de moins en moins, leur teneur en mercure a été divisé par dix en trente ans !
   Quant aux champs électromagnétiques générés par ces appareils, ils  ne semblent pas trop inquiéter non plus (il est vrai que, là aussi c’est désormais, c'est  tout notre environnement qui en regorge par une multitude de sources, et ces ampoules  n'en constituent  qu’une de plus). Nous abordons là une de ces fameuses batailles d'experts.
  Science et Vie n’évoque pas le fait qu’une partie de la chaleur des lampes à incandescence n’est toutefois pas perdue, comme on le dit, mais participe au moins l’hiver, au chauffage des habitations au même titre et avec le même rendement que n’importe quelle résistance électrique.


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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 19:05

 

     
   La rocambolesque et lamentable tricherie dont semble s’être rendue coupable l’écurie Renault (1) pourrait être l’occasion d’une volte face bienvenue.

    Dans un monde qui se veut et de toute façon se devra être (beaucoup) plus frugal, (beaucoup) plus léger et (beaucoup) plus doux avec la nature ; quel est le sens de la compétition automobile ?


    Dans ce monde là, vitesse, puissance, dépenses sans limites : tous ses symboles, toutes ses valeurs que la formule 1 véhicule jusqu’au paroxysme n’auront guère de place.

    Ce serait là un signe fort encourageant de voir la grande marque automobile profiter de ce petit scandale pour annoncer publiquement qu’elle renonce à la formule 1 et à tout ce qu’elle représente.


    Montrer qu’elle ne compte plus sur la vitesse et la victoire pour façonner son image de marque mais que par exemple, elle engage toutes ses ressources jusqu’alors consacrées à la course automobile (on parle de 300 millions d’euros à l’année) pour la mise au point de véhicules électriques: voilà qui serait de bonne augure.

   Aux dernières nouvelles les choses semblent mal parties et Renault s’engage dans la poursuite de la compétition. 

    Tant que le monde de l’automobile comptera sur ce type de message pour faire sa promotion il y a peu d’espoir de lui voir jouer un rôle positif dans la défense de l’environnement.

 

 

 

     (1) Lors d’un grand prix l’an dernier, l’équipe aurait ordonné ou suggéré à un de ses pilotes de provoquer volontairement un accident afin de permettre à son leader (Fernando Alonso) de refaire son retard en profitant de l’intervention prévisible de la voiture de sécurité. La stratégie avait (provisoirement donc) payé.

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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 18:26

 

 

    On vient de le voir, déterminer le prix de la tonne de CO2 n'est pas si simple : 100 € pour les Suédois, 30 € pour la commission Rocard, 15 € pour François Fillon, et puis in fine ça sera 17 euros. Le prix semble bas, mais après tout nous sommes en crise économique et deux français sur trois n'apprécient pas la mesure ; dans ces conditions il faut reconnaître un certain courage politique à Nicolas Sarkozy.
     Et puis, il n'est pas interdit d'imaginer, comme souvent en matière fiscale, que les Français sur-réagiront à la taxe carbone et économiseront un peu l'énergie fossile. Et ce d'autant plus que le principe d'un coût croissant a été retenu, suivant en cela les préconisations de l'expert Jean-Marc Jancovici.

  
     Toutefois, quel serait le bon niveau de cette taxe ?

  
     Le bon niveau, c'est quand l'intégration de la taxe carbone rendra la laine de verre ou de roche, si utilisée pour l'isolation de nos bâtiments, plus coûteuse que la laine de bois dont le prix est actuellement au moins deux fois plus élevé ; c'est quand il reviendra moins cher de re-utiliser nos bouteilles en verre plutôt que de les recycler (voir l'article " l'affaire des contenants " dans ce même blog) ; c'est quand les linos à base de pétrole seront plus chers que ceux réalisés en matière naturelle.
    Il y a des centaines de marqueurs possibles, mais prenons ces trois-là, faisons les calculs et gageons, qu’elle garde son nom ou qu’on l’appelle contribution climat-énergie, que la taxe carbone n'a pas fini d'augmenter.

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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 08:15

 

 

    Les débats sur la taxe carbone alimentent aujourd’hui la presse. Son montant, son champ et ses modalités d’application, son évolution, son éventuelle redistribution et même sa véritable nature (constitue-t-elle un nouvel impôt ?) font débat.

 

    Le premier réflexe est de se féliciter que journalistes et ministres se donnent le mal d’analyser un problème complexe et tentent d’en concevoir aux mieux les conséquences.

     Les habitants de la campagne qui par force se déplacent un peu plus en voiture ne seront-ils pas lésés ? Et en ce cas, comment corriger ?  Les riches et les pauvres (en capital ou en revenus ?) seront-ils traités sur les mêmes bases ou bien doit-on imaginer un mécanisme compensateur ? Comment prendre en compte la consommation électrique sachant que le nucléaire et l’hydraulique fournissent, sans presque d’émission de gaz carbonique, l’essentiel de la production, mais que dans les heures de pointes on fait quand même appel aux énergies fossiles ? Faut-il alors taxer les seules heures de pointes ? Oui, mais c’est plus compliqué, et tout le monde ne dispose pas d’un compteur à double tarification.


    La difficulté s’accroît encore lorsque l’on essaye d’établir précisément les coûts : La bataille des chiffres est lancée. Combien en plus pour le sacro-saint litre de super ? Et pour un ménage, quel sera le montant de l’addition sur une année : 100, 150, 300 euros ?


    Alors la politique reprend ses droits, chacun accusant l’autre de favoriser ou défavoriser telle ou telle catégorie.


    Parions pourtant qu’à l’avenir les subtilités de ce débat nous paraîtrons bien mesquines car c’est une véritable guerre que l’humanité s’apprête à mener dans le siècle qui vient tant sur le plan de l’approvisionnement énergétique que sur celui plus général de l’environnement.


    Nous nous dirigeons à l’horizon de trois ou quatre décennies vers un monde sans pétrole et à un terme plus bref encore, quinze ou vingt ans peut être, vers un monde où le pétrole coûtera cinq, six ou même dix fois ce qu’il vaut aujourd’hui.

    Autant dire que se demander si la taxe carbone amputera notre budget personnel de 180 plutôt que de 160 euros en 2010 ou savoir si telle ou telle catégorie de citoyens paiera quelques pour cent de plus que telle autre ressemble à la querelle des petits et des gros-boûtistes (1).
    Dans quelques années, du fait de la déplétion pétrolière, c’est non par centimes mais par milliers d’euros que se chiffrera le surcoût de la facture énergétique si nous voulons garder notre de  mode de vie.

 

    Il ne faut pas se tromper de combat, et laisser l’emporter les querelles démagogiques de court terme. Concentrer le débat sur ces détails, c’est ne pas comprendre la nature du problème. La taxe carbone et plus globalement une augmentation du prix réel de l’énergie, sont inéluctables.

    Nous avons par notre nombre, comme par notre façon de vivre, consommé le capital de la planète. Nous devrons bien payer un jour. Ajoutons que nous paierons fortement et prochainement.
     Ne nous battons pas pour des centimes aujourd’hui quand c’est toute notre civilisation que nous devrons revoir demain.


    Que les associations de consommateurs poussent des hauts cris ne fait que souligner leur  inconscience du problème !
    Il est d’ailleurs amusant de voir comme le prix de l’énergie (et de l’essence en particulier) est sensible car, dans le même temps, les impôts locaux, auxquels il est pourtant encore plus difficile d’échapper, augmentent régulièrement  sans que cela ne provoque de telles réactions ni n’engage de tels débats.


(1) Dans les voyages de Gulliver, les peuples se disputaient pour savoir si l'on devait manger les oeufs par le gros ou le petit boût.

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27 juin 2009 6 27 /06 /juin /2009 08:10


   Pour ceux qui voudraient approfondir la "leçon sur le Thon rouge",  le mensuel Pour la Science propose dans son édition de juillet 2009 (numéro 381 p. 32) une étude intitulée : Thon rouge : Comment le sauver ?

   Vous y apprendrez presque tout sur ce poisson géant (quelques spécimens peuvent atteindre 750 kg), sur son mode de vie, ses migrations et sur les graves menaces qui assombrissent  son devenir.

   L'article met en lumière, ce qui est rare,  le problème des mesures visant à protéger les juvéniles en fixant
une taile mimima aux prises. On concentre ainsi l'effort de pêche sur les individus reproducteurs et on obère l'avenir.

   Chez les poissons, ceux qui ont déja dépassé une certaine taille ont plus de chance de se reproduire que les plus petits encore fragiles et menacés.
  Ce serait peut-être tout une politique à revoir, car cette pratique s'étend à beaucoup d'espèces. D'ailleurs, une fois un poisson  pris, le rejeter à la mer parce qu'il est trop petit ne le sauve généralement pas. 

  Une politique d'espaces complètement interdits à la pèche serait sans doute plus appropriée pour préserver les différentes espèces.


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13 juin 2009 6 13 /06 /juin /2009 07:37

 

 

Darwin et le poisson rouge, ou l’histoire d’un monde pas durable.

 

 

   Vous aimez les sushis ? Vous êtes allés récemment à Monaco ? Alors vous connaissez la leçon du thon rouge…

 

   Là-bas ce poisson est interdit à la vente et plus aucun restaurant de la Principauté ne pourra vous en servir, ordre du Prince. Ici, en France, en Italie ou au Japon, ou dans le reste du monde, vous pouvez en manger, il suffit de payer, mais c’est de plus en plus cher et il va vous falloir devenir riche très vite pour continuer à le déguster.

 

   Comment en est-on arrivé là ? C’est notre histoire depuis un demi-siècle qu’il faut résumer.


   Au tout début, seuls les riches japonais en consommaient vraiment ; puis le Japon s’est enrichi avec le boom économique d’après la seconde guerre mondiale et c’est toute la société japonaise qui s’est mise à aimer mettre du thon rouge au bout de ses baguettes, et les économistes ont appelé ce phénomène la démocratisation : enfin les classes moyennes pouvaient manger comme les riches et les puissants d’avant ; et puis cette pratique s’est étendue au reste de l’Asie : d’abord les classes sociales aisées, puis les autres. Et puis vint ce que les économistes ont appelé la mondialisation, et les classes aisées et moyennes d’Europe, d’Amérique et d’ailleurs ont mis les sushis au thon rouge à leur menu.

 

   Et tout s’est bien passé : les moins aisés ont pu manger, avec juste quelques années de retard, comme les plus aisés ; et nous nous sommes mieux compris en partageant des habitudes alimentaires de l’autre bout du monde, ainsi avons-nous pu, comme on dit si bien, nous enrichir de nos différences. Bref, que du bonheur. Et les pêcheurs pêchaient, tous les ans un peu plus, tous les ans encore un peu plus, et les pêcheurs pêchaient … et le thon rouge mourrait. Tous les ans un peu plus.

 

   Alors les écologistes ont bougé. Alors les gestionnaires ont bougé. Alors il y a eu des quotas. Alors il y a eu des tricheurs. Et le thon rouge mourrait.

 

   Alors les prix ont vraiment commencé à monter, et Monaco a interdit le thon rouge dans les assiettes.

 

   Alors entendons les leçons du thon rouge.

 

  La première leçon du thon rouge, c’est que pour sortir de la crise écologique dans laquelle nous nous sommes fourrés, nous avons deux et seulement deux méthodes efficaces de régulation de la consommation à notre disposition : la réglementation par la loi, qui concerne tous les citoyens et va jusqu’à l’interdiction, et la régulation par le marché, c'est-à-dire par le prix, et seuls ceux qui peuvent et veulent payer ont accès à ladite consommation. A priori, la réglementation paraît plus efficace, car plus claire, plus juste socialement et plus radicale ; mais n'oublions pas que la vie est toujours plus complexe que la loi l'imagine généralement et à ce moment une régulation par le prix permet aux acteurs économiques d'arbitrer au plus fin de leurs besoins et de leurs contraintes.

   Prenons l'exemple du débat qui existe aujourd'hui en France quant à la meilleure méthode pour obtenir en 2050 un parc immobilier bien isolé et peu consommateur d'énergie : soit une obligation de mise aux normes qui s'appliquerait au moment de la vente d'un bien, les statistiques de fréquence de vente montrant que l'objectif serait alors tenu, soit une augmentation des prix de l'énergie taxe carbone comprise qui motiverait les acteurs économiques. Dans le premier cas, le risque est grand de gêner les acteurs économiques à un moment inopportun, le vendeur pouvant réaliser son bien pour raisons financières et l'acheteur étant au moment de l'achat le plus démuni pour faire un second investissement de long terme ; de plus quel serait l'intérêt d'obliger à isoler une maison de vacances utilisée seulement à la belle saison ? Bref la lourdeur et l'inefficacité bureaucratique...

   Les deux méthodes ont donc leurs vertus et leurs inconvénients, elles ne s’excluent pas obligatoirement l’une l’autre*, et on peut imaginer que le génie et la tradition des peuples fera la part des choses en y recourant, mais nous n’échapperons vraisemblablement ni à l’une ni à l’autre. Ni au contrôle social que cela implique.

 

 

   L’autre leçon du thon rouge, c’est que la généralisation à l’échelle mondiale d’une consommation historiquement réduite et adaptée à la rareté de la ressource ne peut se faire qu’en détruisant la ressource. Dans un premier temps tout va bien, l’homme tape dans le stock de la ressource ; celui-ci décroît mais la mécanisation permet de passer outre, sans augmentation insupportable des coûts de prélèvement … jusqu’au moment où la faiblesse du stock fragilise la ressource et la met en danger de disparaître définitivement**.

 

  Mais poursuivons la leçon. Nous sommes devenus des sociétés démocratiques, suite à de grands combats politiques et sociaux, suite à des convulsions terribles que nos parents ont vécues dans leurs âmes et dans leurs chairs, et nous en sommes fiers. Alors le mal peut-il venir de la démocratisation ? La question même dérange, la poser nous heurte, elle laisse soupçonner sur celui qui l’ose comme un regret de l’ordre ancien, comme un rejet de l’esprit des lumières et d’un minimum d’égalité entre les hommes. Comme si poser la question n’était qu’une instrumentalisation du thon rouge, un prétexte pour défendre un apartheid social.

 

   Et si nous prenions le problème autrement ? En nous rappelant que nous les hommes sommes une espèce parmi d’autres sur Terre, que les autres formes du vivant sont elles aussi le produit d’une évolution aussi ancienne que la notre, que toutes ont leur place sur notre planète et qu’il faut donc partager notre biotope, apprendre à vivre ensemble avec le reste du vivant. 
  Abandonner une vision de l’humanité centrée sur elle-même, qui fonderait un droit absolu à la domination et à l’exploitation du vivant. Digérer Darwin enfin, après Copernic.

 

  Alors il faut laisser vivre le thon rouge, alors il ne faut prélever les ressources qu’avec intelligence et mesure. Alors il faut des sociétés humaines construites sur le principe de sobriété, des sociétés humaines qui s’auto-limitent, des sociétés humaines qui ne vont pas chercher dans la destruction des autres les ressources nécessaires au maintien de leur propre équilibre social. Le secret de notre mal est là, dans nos sociétés qui ont sans cesse besoin d'agrandir la taille du gâteau que les hommes se partagent, afin qu'elles gardent un minimum de paix sociale. Et les pauvres d'Occident ont pu accéder à la consommation, et puis le tiers monde, et ce n'est que justice ... sauf que le thon rouge en disparaissant nous alerte : ce monde-là n'est pas possible.

   Alors il nous reste à faire évoluer nos sociétés pour qu'elles trouvent un point d'équilibre social et politique sans avoir à faire grossir toujours plus le gâteau de la consommation. Alors il nous faut vivre demain dans des sociétés qui sachent gérer l'envie et le mimétisme hors le matérialisme, des sociétés beaucoup plus égalitaires dans la vie de tous les jours, des sociétés capables d'affronter leurs propres déficits de cohérence sociale sans pratiquer la fuite en avant, sans jouer sur les ressources des autres sociétés humaines ou des générations futures, sans casser, sans détruire leur biotope.

 

   Il faut, il faut, cela pourrait ressembler à la célèbre formule il n’y a qu’à, ce n’est pas cela, pas du tout cela, c’est juste quelque chose qui s’impose à nous, un principe supérieur, une logique de nécessité pensée dans la durée, quelque chose qui nous oblige à faire avec. A nous d’imaginer, de rêver, de penser, d’établir un monde humain ouvert compatible avec la vie, avec l’évolution des autres espèces. Et vite, très vite.

 

 

   Allons plus loin encore. Dans l’ensemble nous les hommes nous consommons trop, nous nous agitons trop, nous allons trop souvent au bout de la ressource que nous avons sous la main, sans prudence, sans réflexion, et cela ne date pas d’aujourd’hui. ‘Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent’ n’est pas chose nouvelle, ‘Collapse’*** est rempli d’histoires de sociétés humaines n’ayant pas su gérer leur biotope. Peut-être n’est ce pas un hasard si l’espèce qui met en risque le biotope Terre est issue de l’ordre des mammifères, ordre grandement dissipateur d’énergie. Beaucoup d’agitation, peu de pauses, une chaleur, un rythme interne à maintenir constamment, notre économie ressemble à notre espèce. Peut-être est-il temps de se méfier de nous-mêmes, de prendre du recul ? 

  Pourquoi ne pas se benchmarker avec d'autres formes de vie sur la façon de se fondre dans un biotope ? Peut-être est-il temps de s’inspirer d’autres formes du vivant, du lézard par exemple qui à masse égale consomme 10 fois moins d’énergie**** ?

  Car aujourd’hui avec la mécanisation du monde, avec son corollaire la mondialisation, nous n’avons plus qu’un seul biotope, la Terre. Nous n’avons pas droit à l’erreur et pourtant la catastrophe a déjà commencé.
  Demandez donc au thon rouge !

 

 

 

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* la réglementation sur la consommation de tabac conjugue en France à la fois l’interdiction totale dans certains lieux et des taxes élevées fixées pour dissuader de fumer. L’exemple du tabac montre qu’il y a aussi une troisième méthode de régulation employée, c’est l’information. Mais de l’avis de la majorité des experts, l’effet ‘Fumer tue’ est largement insuffisant. En fait l'information est employée pour légitimer les mesures contraignantes.

 

** Au-delà des espèces vivantes, le raisonnement fonctionne même pour le pétrole ou les autres ressources fossiles avec quelques ajustements, la renouvelabilité de celles-ci n’étant pas mesurable à l’échelle humaine…

 

*** Le livre est paru en France sous le titre :

     Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie de Jared Diamond, traduction d'Agnès Botz et Jean-Luc Fidel : mai 2006, éditions Gallimard NRF Essais.

**** Tout lien avec l’expression ‘lézarder’ qui pourrait par ailleurs évoquer un quelconque ‘droit à la paresse’ écrit par Paul Lafargue à la fin du XIXème siècle n’est pas complètement fortuit.


source du graphique : Wikipedia

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7 juin 2009 7 07 /06 /juin /2009 07:56

 

 

A propos du film de Yann Arthus-Bertrand

 

 

   J’ai eu la chance de voir ce long film dans la salle de cinéma du Grand-Bornand, ce village de Haute-Savoie connu pour ses champs de neige et ses champions de ski, pour son habitude désormais de recevoir le Tour de France, ce village où les vaches sont plus nombreuses que les habitants et où les potagers continuent à occuper les jardins, j’ai eu la chance de voir ce film d’un coin de France où la nature a été préservée et où on a encore l’habitude de vivre avec elle.
   Et la salle de cinéma était pleine. Pleine de personnes qui avaient voulu voir ce film esthétisant sur un grand écran, pleine de personnes qui avaient souhaité voir ce film ensemble pour donner à cette projection toutes les caractéristiques d’un rendez-vous citoyen. Avec le sentiment de participer un tout petit peu à un évènement mondial, à la cristallisation d’une opinion enfin sensibilisée à la question écologique.

 


   Le film de Yann Arthus-Bertrand est beau, inquiétant, pédagogique, peut-être fait-il encore trop preuve d’optimisme, peut-être ne nous prévient-il pas assez des épreuves qui attendent l’humanité. Il est en tous cas un bel exemple de la capacité de nos sociétés, grâce à leurs techniques, à leurs grandes entreprises*, aux réseaux mis en place, à diffuser de l’information avec un impact mondial.

 


   Ce sont pourtant aussi ces techniques, ces grandes entreprises, ces réseaux et un peu cette passion qui nous caractérise pour les images animées, qui nous ont éloignés de la nature, jusqu’à préférer vivre majoritairement dans ces environnements hors sol que sont nos métropoles urbaines, jusqu’à compenser nos manques et nos frustrations d’être sortis de notre cadre de vie multiséculaire par une boulimie de consommation matérielle, jusqu’à oublier la beauté de notre planète et la fragilité de ses équilibres.

 


   Nous ne ferons pas de rétropédalage pour retrouver un équilibre écologique semblable à celui que nous connaissions avant la révolution industrielle. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est que les moyens d’exploitation de la nature que nous avons mis en place et le mode de vie qui va avec, et qui ont tant dégradé notre planète, qui ont si vite, à l’échelle humaine de l’histoire, cassé les équilibres écologiques, eh bien ! c’est que ces moyens, ce mode de vie, contribueront aussi, par leur capacité et leur rapidité, à nous permettre de réagir à temps.

 


   C’est là toute l’ambivalence et toute la puissance aussi du moment que nous venons de vivre avec ce film diffusé simultanément sur beaucoup d’écrans de notre planète.

 

 

 

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* le groupe PPR, dirigé par Didier Pineau-Valenciennes, dans une logique de mécénat écologique, a assuré le financement de cette opération.


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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 10:05

 

  Un très beau film !

  
   C'était un film attendu que celui de Yann Arthus-Bertrand, et avouons-le, nous n’avons pas été déçus.

   Avec son esthétisme habituel le photographe-cinéaste a su nous faire partager son émerveillement pour les beautés de la planète et son inquiétude pour l’avenir.
  Les débuts mettent en perspective l’âge de la Terre avec celui de l’humanité, rappel bienvenu à un peu de modestie.

   C
ette œuvre constitue un diaporama légèrement animé, une déclinaison des multiples ouvrages déjà réalisés par l’auteur.
Mais si, parfois, dans ses livres les commentaires pouvaient être agaçants tant on semblait lire ce qu’il fallait penser, ici, les propos sonnent juste. Il y a peu d’inexactitude et en effet, nous serions bien avisés de prendre en compte ses avertissements.

   Quelques remarques vont plus loin que la vulgarisation habituelle, en particulier cette démonstration du formidable pouvoir du pétrole (et donc de notre dépendance) par comparaison entre l’énergie humaine et l’énergie fossile. On reconnaît là, la patte de notre ami, Jean-Marc Jancovici.

   De belles phrases aussi comme celle-ci :

   " La déforestation détruit l’essentiel pour produire le superflu"

    Pour la première fois, à notre connaissance, Yann Arthus-Bertrand évoque la surpopulation, hélas, sans développer le sujet.
Rappelons que toutes les solutions suggérées : une agriculture moins intensive et plus respectueuse de l’environnement, une utilisation massive d’énergies renouvelables, le respect des forêts primaires… supposent d’abord et sine qua non que nous soyons moins nombreux sur la Terre c'est à dire que nous nous reproduisions moins.
  Faute de quoi, ces méthodes seront insuffisantes pour nous alimenter et nous assurer un confort minimum.

   Afin de nous inciter à agir, la conclusion du film est optimiste et nous dit que tout n’est pas perdu. Souhaitons que notre talentueux cinéaste soit dans le vrai.

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